Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.638/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
1C_638/2012

Arrêt du 14 janvier 2014

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger et Eusebio.
Greffière: Mme Sidi-Ali.

Participants à la procédure
A.________, représentée par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat,
recourante,

contre

Département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement de la
République et canton de Genève, 2, rue de l'Hôtel de Ville, 1204 Genève.

Objet
Amende administrative,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre administrative, du 30 octobre 2012.

Faits:

A. 
Le 26 septembre 2008, le service cantonal genevois de géologie, sols et déchets
(GESDEC) a autorisé la société A.________ à exploiter une installation de
recyclage de déchets minéraux à des conditions détaillées, portant notamment
sur les catégories et volumes de matériaux visés, et en particulier sur leur
traitement séparé lors des entreposage, concassage et stockage.
Par décision du 30 septembre 2010, le GESDEC a ordonné une remise en état des
lieux et infligé à la société une amende administrative de 50'000 fr. en
application de l'art. 43 de la loi genevoise du 20 mai 1999 sur la gestion des
déchets (LGD/GE; RS GE L 1 20), pour non-respect de l'autorisation du 26
septembre 2008. La société avait stocké des déchets hors du périmètre autorisé,
en quantités excessives et sans distinction des catégories de matériaux.
L'autorité constatait ainsi une violation de l'art. 10 LGD/GE et de différents
points de l'autorisation.

B. 
Par jugement du 7 décembre 2011, le Tribunal administratif de première instance
(TAPI) a confirmé la validité de l'ordre de remise en état et annulé l'amende
administrative. Saisie de deux recours contre cet arrêt, la Chambre
administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève a
rejeté celui de A.________ et admis celui du département cantonal concerné.
Elle a ainsi annulé partiellement le jugement du TAPI et confirmé l'amende
infligée à la société. Elle a en effet considéré que l'amende en question était
une amende administrative et non pénale, de sorte que la partie générale du
code pénal suisse (CP) ne s'appliquait que pour le comblement de lacunes, et
par simple analogie. Dans cette mesure, la punissabilité des personnes morales
n'était pas régie par les règles générales du CP, mais était propre au droit
administratif. Les personnes morales étant en droit administratif des sujets de
droit au même titre que les personnes physiques, les sanctions à forme d'amende
administrative pouvaient leur être infligées.

C. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande
au Tribunal fédéral d'une part d'annuler le jugement de la Chambre
administrative de la Cour de justice, ainsi que la décision rendue le 30
septembre 2010 par le GESDEC ordonnant une évacuation des déchets des parcelles
et une mise en conformité des volumes entreposés, et d'autre part de confirmer
le jugement du TAPI dans la mesure où il annule l'amende administrative.
Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour
nouvelle décision dans le sens des considérants. La Cour de justice renonce à
se déterminer et se réfère aux considérants et dispositif de son arrêt. Le
Département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement de la
République et canton de Genève se détermine et conclut au rejet du recours. La
recourante a répliqué et présenté de nouveaux griefs. Le département cantonal
s'est à nouveau exprimé.
Par ordonnance du 21 janvier 2013, le Président de la Ire Cour de droit public
a octroyé l'effet suspensif au recours.

Considérant en droit:

1. 
La décision attaquée a été rendue dans une cause de droit public (art. 82 let.
a LTF) et aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée. La
recourante a pris part à la procédure devant l'autorité précédente. Elle est
particulièrement atteinte par la décision attaquée qui confirme un ordre de
remise en état et une amende de 50'000 fr. à son intention. La recourante a un
intérêt digne de protection à l'annulation ou la modification de cette décision
(art. 89 al. 1 LTF). Le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF)
contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale
(art. 86 al. 1 let. d LTF). Le recours est dès lors recevable.

2. 
Le Tribunal fédéral applique le droit fédéral d'office (art. 106 al. 1 LTF). En
revanche, il ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal et
communal que sous l'angle de l'arbitraire. Il ne s'écarte de la solution
retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Si l'application de
la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou
manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la
législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre
solution - même préférable - paraît possible (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136
III 552 consid. 4.2 p. 560).

3. 
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours doivent être motivés.
Selon l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi
l'acte attaqué viole le droit. Pour satisfaire à cette exigence, il appartient
au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision
litigieuse (ATF 134 II 244 consid. 2.1 p. 245). En particulier, la motivation
doit se rapporter à l'objet du litige tel qu'il est circonscrit par la décision
attaquée (ATF 133 IV 119 consid. 6.4 p. 121). Les griefs de violation des
droits fondamentaux et des dispositions de droit cantonal sont en outre soumis
à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF). La partie
recourante doit alors mentionner les principes constitutionnels qui n'auraient
pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces
principes auraient été violés; de même, elle doit citer les dispositions du
droit cantonal dont elle se prévaut et démontrer en quoi ces dispositions
auraient été appliquées arbitrairement ou d'une autre manière contraire au
droit (ATF 136 II 489 consid. 2.8 p. 494).

4. 
Selon la recourante, la Chambre administrative aurait dû se déclarer
incompétente pour statuer sur le présent litige, conformément aux dispositions
du CPP, applicables par renvoi de l'art. 8 de la loi genevoise d'application du
code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale (LaCP; RS GE E 4
10). La recourante soulève ce grief pour la première fois devant le Tribunal
fédéral et ne démontre pas s'être plainte d'une éventuelle incompétence de la
Chambre administrative auparavant. Le moyen est donc nouveau, ce qui est
contraire aux exigences de l'art. 99 al. 1 LTF (cf. arrêts 2C_715/2009 du 16
juin 2010 consid. 3.1; 9C_697/2008 du 16 décembre 2009 consid. 5.3). Il est
irrecevable.

5. 
La recourante émet plusieurs critiques à l'égard de l'état de fait retenu par
la cour cantonale.

5.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à
l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 LTF, il ne peut s'en écarter que si les
constatations de ladite autorité ont été établies en violation du droit au sens
de l'art. 95 LTF ou de façon manifestement inexacte (art. 105 al. 2 LTF),
c'est-à-dire arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 III 226 consid.
4.2 p. 234; 136 II 304 consid. 2.4 p. 314) et pour autant que la correction du
vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Si le recourant entend
se prévaloir de constatations de faits différentes de celles de l'autorité
précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF), il doit expliquer de manière circonstanciée
en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient
réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait
divergent de celui retenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal
fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant
sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 137 II 353 consid.
5.1 p. 356; 136 II 101 consid. 3 p. 104 et les arrêts cités).

5.1.1. La recourante relève tout d'abord qu'aucune pièce n'a été produite au
sujet d'une amende de 2008 retenue à titre d'antécédent dans le cadre de la
fixation de l'amende litigieuse. Elle ne conteste toutefois pas l'existence de
cette amende, ni son montant, mais relève simplement que l'amende de 10'000 fr.
initialement infligée avait été réduite des trois quart sur recours. Or, cela
correspond aux constatations de la cour cantonale, qui a retenu qu'une amende
de 2'500 fr. avait été infligée. De même, la recourante conteste avoir admis,
comme le retient la cour cantonale, un dépassement des 15'000 m3 de volume de
stockage autorisés. Paradoxalement, elle affirme à l'appui de ce grief avoir
offert de prouver que le volume total de matériaux était de 19'320 m3, volume
effectivement supérieur à 15'000 m3. Elle ne démontre ainsi aucun arbitraire
dans l'état de fait de l'arrêt attaqué, mais relève au contraire une
description des faits conforme à ses propres explications.
La recourante conteste ensuite les volumes et catégories de déchets de
matériaux d'excavation entreposés illicitement que les instances précédentes
ont tenus pour établis. Elle conteste également des éléments de faits rapportés
dans le procès-verbal d'audience du TAPI. Ce faisant, elle se contente
d'opposer sa propre version des faits à celle des instances précédentes sans
expliquer en quoi la sienne devrait être retenue. Son grief est donc purement
appellatoire sur ces aspects et ne peut être suivi.
La recourante se plaint de ce que l'état de fait ne mentionne pas, parmi les
pièces jointes à son recours cantonal, le rapport au Grand conseil de la
Commission de l'environnement et de l'agriculture sur les projets de loi
modifiant les lois sur la gestion des déchets et sur les gravières et
exploitations assimilées. Un tel rapport, publié et accessible à tous, pouvant
être assimilé à un fait notoire, il n'avait pas à figurer expressément dans
l'état de fait. A utre est la question de savoir si la cour cantonale devait en
tenir compte dans l'examen juridique du litige. Elle ne relève pas de
l'établissement des faits.
La recourante formule enfin diverses remarques sur l'état de fait de l'arrêt
attaqué qu'elle complète de l'une ou l'autre indication. Elle n'expose
toutefois pas quelles conséquences elle entend tirer de ces compléments
d'information, de sorte qu'ils sont irrecevables.

6. 
La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue et de ses
droits de procédure en matière pénale, en particulier celui de faire
administrer les preuves à décharge. Elle fait valoir que la cour cantonale n'a
pas donné suite à ses demandes de mesures d'instruction par l'apport de pièces
et auditions de témoins. La cour cantonale n'aurait par ailleurs pas respecté
le droit procédural cantonal en n'établissant pas d'office les faits relatifs à
la situation d'une entreprise concurrente dont les pratiques illégales seraient
tolérées par l'Etat.

6.1. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu
comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant
qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves
quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir
accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en
prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 I 279 consid.
2.3 p. 282; 132 V 368 consid. 3.1 p. 370 et les réf.). Cette garantie
constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction
lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que,
procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves
qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient
l'amener à modifier son opinion (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 p. 376; 136 I
229 consid. 5.3 p. 236; 131 I 153 consid. 3 p. 157).
S'agissant du droit de participer à l'administration des preuves, l'art. 32
Cst. n'a pas de portée distincte de l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêt 6B_731/2009 du
9 novembre 2010 consid. 3.3, non publié in ATF 137 IV 33).

6.2. La recourante affirme tout d'abord avoir "expliqué et offert de prouver"
que le volume total de matériaux était inférieur à celui retenu par la cour
cantonale. Elle n'expose toutefois pas en quoi les auditions de témoins
requises auraient pu avoir une incidence sur l'appréciation des juges
cantonaux. Elle entend démontrer que le volume total tenu pour établi était
composé, entre autres, de matériaux non pollués (limités à 25'000 m3 et non à
15'000 m3). Toutefois, cet élément de fait n'est pas décisif. Tel ne serait le
cas que si les volumes de stockage pouvaient être déterminés pour chaque
catégorie de matériaux. Or, les autorités cantonales ont précisément constaté
le contraire: dès lors que, en violation des prescriptions légales, la
recourante avait réuni sans distinction les matériaux pollués et non pollués
dans le même tas, ceux-ci devaient être pris en considération comme un tout et
le maximum autorisé était donc celui des matériaux pollués (à savoir 15'000
m3). La recourante ne saurait tirer profit de l'irrégularité qui lui est
reprochée - la confusion des deux types de déchets - pour que soit retenu le
volume maximal le plus favorable. Du fait de la situation illégale que la
recourante a elle-même créée, il est particulièrement malaisé de déterminer la
part de matériaux non pollués dans le tas litigieux. Le volume de stockage du
tas contenant les matériaux pollués a été dépassé. Que celui-ci fût également
constitué de matériaux d'excavation non pollués n'y change rien. Ainsi, les
autorités cantonales pouvaient renoncer à approfondir l'instruction sur la
proportion respective de chacune des catégories et considérer le tas dans son
ensemble. L'audition des témoins n'était pas propre à modifier la solution
retenue par la cour cantonale, de sorte que le droit d'être entendue de la
recourante n'a pas été violé à cet égard.
En ce qui concerne la situation de l'entreprise concurrente, elle n'est
également en rien susceptible d'influer sur le sort de la cause. La recourante
admet elle-même qu'elle ne peut se prévaloir d'égalité dans l'illégalité. Pour
justifier son grief, elle part de la prémisse que l'Etat de Genève entend
maintenir l'illégalité de l'activité de recyclage non autorisée de cette
entreprise. Le rapport de la Commission de l'environnement et de l'agriculture
chargée d'étudier la pétition concernant l'implantation de la Sablière du
Cannelet expose au contraire que l'Etat cherche activement une solution aux
problèmes liés à l'exploitation de cette gravière. Le grief de la recourante
est ainsi infondé. Pour le surplus, l'illégalité dans laquelle se trouve cette
entreprise concurrente - l'exploitation d'une gravière en zone agricole - est
sans rapport avec l'infraction reprochée à la recourante, de sorte qu'une
instruction en ce sens aurait été vaine.

7. 
Toujours sous l'angle de la garantie de son droit d'être entendue, la
recourante voit une irrégularité dans le fait qu'une partie de la motivation de
l'arrêt attaqué correspond mot pour mot à celle d'un autre arrêt cité en
référence. Les griefs qu'elle a présentés de manière détaillée n'auraient dès
lors pas été examinés par les juges cantonaux.

7.1. Le droit d'être entendu comprend encore le devoir, pour l'autorité, de
motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester
utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour
répondre à ces exigences, l'autorité doit mentionner, au moins brièvement, les
motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à
ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et
l'attaquer en connaissance de cause (ATF 138 IV 81 consid. 2.2 p. 84; 134 I 83
consid. 4.1 p. 88 et les références). La motivation peut être implicite et
résulter des différents considérants de la décision (arrêts 2C_23/2009 du 25
mai 2009 consid. 3.1, publié in RDAF 2009 II p. 434; 5A_878/2012 du 26 août
2013 consid. 3.1; 1C_246/2013 du 4 juin 2013 consid. 2.1). Une autorité se rend
coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle
omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou
de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la
décision à rendre (cf. ATF 138 V 125 consid. 2.1 p. 127; 133 III 235 consid.
5.2 p. 248; 126 I 97 consid. 2b p. 102).

7.2. Le fait de reprendre les développements juridiques d'autres arrêts ne
heurte pas le droit d'être entendu puisque ces développements sont nécessaires
à la résolution du litige. Tel est bien le cas en l'espèce, les éléments que la
recourante désigne comme du "copier-coller" faisant partie intégrante du
raisonnement suivi par la cour cantonale. Pour le reste, celle-ci n'a
effectivement pas expressément mentionné les arguments relatifs à l'existence
d'une base légale pour le prononcé d'une amende. La recourante affirmait que la
répartition des compétences en droit pénal entre la Confédération et les
cantons ne permettait pas au législateur genevois d'adopter l'art. 43 LGD/GE
et, subsidiairement, que cette disposition était insuffisamment précise pour
être appliquée telle quelle à son cas. Dès lors que la cour cantonale déniait à
l'amende tout caractère pénal pour lui reconnaître une nature administrative,
la question du partage de compétences en matière pénale devenait sans objet, ce
qui peut implicitement être compris des considérants de l'arrêt attaqué. Il n'y
a ainsi pas de violation du droit d'être entendu de ce point de vue.

8. 
Au fond, la recourante fait valoir qu'une base légale au prononcé de l'amende
litigieuse fait défaut; celle-ci lui aurait donc été infligée en violation du
principe de la légalité. Or, le prononcé d'une amende en vertu de l'art. 43 LGD
/GE ne heurte pas le principe de la légalité. Cette disposition constitue
précisément la base légale sur laquelle l'amende litigieuse est fondée. Il
s'agit au contraire de savoir si, comme le soutient la recourante, une
exception à l'application de cette base légale doit être retenue, question qui
est examinée ci-dessous.

9. 
La recourante conteste en effet la distinction que la cour cantonale a faite
entre les amendes pénales et administratives. Conformément à la jurisprudence
de la CEDH, les but, nature et importance de la sanction démontreraient la
nature pénale de l'amende litigieuse. La LPG/GE serait dès lors applicable et,
par renvoi exprès, les dispositions de la partie générale du CP, en particulier
l'art. 105 al. 1 CP, qui exclut qu'une entreprise puisse être punie d'une
contravention.

9.1. Le droit pénal genevois est régi par la loi pénale du 17 novembre 2006
(LPG/GE; RS GE E 4 05). Cette loi est constituée d'une partie générale (art. 1
et 2 LPG/GE) et d'une partie spéciale (art. 3 à 11B LPG/GE) qui définit
diverses infractions. L'art. 1 LPG/GE renvoie, sauf prescription contraire, à
titre de droit cantonal supplétif, aux art. 1 à 110 CP ainsi qu'à certaines
dispositions de la loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs. La
disposition ne précise toutefois pas si le renvoi est limité aux infractions de
la LPG/GE ou si son champ d'application est plus étendu.
Le chapitre VI de la LGD/GE traite des "mesures, sanctions, recouvrement des
frais et recours". Dans la deuxième section de ce chapitre, intitulée
"sanctions", qui fait suite à une section 1 "mesures administratives", l'art.
43 al. 1 LGD/GE prévoit qu'est passible d'une amende  administrative de 200 à
400'000 fr. tout contrevenant aux dispositions légales et d'exécution de la LGD
/GE. Depuis le 7 novembre 2012, l'art. 43 al. 2 LGD/GE précise que les amendes
peuvent être infligées tant à des personnes morales qu'à des personnes
physiques. Avant l'entrée en vigueur de cette disposition, rien n'était
expressément prévu à l'égard des personnes morales.

9.2. La nature des amendes prévues par les lois administratives n'est pas
clairement définie. Dans une jurisprudence ancienne, le Tribunal fédéral
faisait la distinction entre les contraventions à but de sanction et les
contraventions pour violations de simples prescriptions d'ordre. Il a considéré
que les secondes, quand bien même elles étaient prévues par le code pénal
lui-même, ne relevaient pas du droit pénal et que les dispositions générales du
CP ne leur étaient donc pas applicables (ATF 82 I 306 consid. 3 p. 308). Une
importante casuistique existe depuis en jurisprudence; elle laisse apparaître
que la qualification de la nature d'une amende se fait inévitablement de cas en
cas. Certaines sanctions prévues par le droit administratif appartiennent au
droit disciplinaire (c'est-à-dire applicable à une catégorie définie de
personnes soumises à une surveillance spéciale de l'Etat ou qui se trouvent
dans un rapport de droit particulier avec l'Etat). Le droit disciplinaire ne
relève pas du droit pénal (ATF 135 I 313 consid. 2.3 p. 319; 128 I 346 consid.
2.3 p. 349), mais du droit administratif (1C_500/2012 du 7 décembre 2012
consid. 3.3). Les principes généraux qui régissent le droit pénal ne sauraient
ainsi s'appliquer sans réserve en matière disciplinaire, à moins d'une base
légale expresse en ce sens (arrêts 1C_353/2008 du 12 février 2009 consid. 2.2;
1P.652/2003 du 8 février 2005 consid. 6.1; cf. également Moor/Politer, Droit
administratif, vol. II, 3e éd., 2011, p. 154; Tanquerel, Manuel de droit
administratif, 2011, p. 410 no 1239).

9.3. En l'espèce, on peut se demander si, au vu du rapport de droit spécial
créé en vue de l'activité particulière que constitue le recyclage de déchets
minéraux, les sanctions applicables à la recourante ne sont pas en réalité du
droit disciplinaire. Dans ce cas, il ne fait pas de doute que la solution
retenue par la cour cantonale devrait être confirmée. Dès lors qu'elle touche
également tout administré soumis à la loi en tant que citoyen susceptible de
générer des déchets, la règle de l'art. 43 LGD/GE revêtirait alors une nature
mixte (disciplinaire et non disciplinaire). Cela étant, la question de la
qualification de la sanction peut demeurer indécise. En effet, à supposer qu'à
cette sanction soit reconnue une nature pénale, la seule conséquence qui
pourrait en être tirée serait que les garanties de procédure consacrées en la
matière devraient dès lors être assurées. La recourante se réfère aux critères
définis par la Cour européenne des droits de l'homme. Cette jurisprudence
s'attache à déterminer quand les garanties de procédure offertes par la CEDH
doivent être respectées. Quant à l'applicabilité de la partie générale du Code
pénal suisse, s'agissant de règles ne ressortissant pas des droits
fondamentaux, elle ne découle pas (nécessairement) de ces mêmes critères.
Excepté le renvoi de l'art. 1 LPG/GE, aucun principe juridique ni aucune autre
règle de droit n'imposerait de soustraire l'entreprise à l'amende pénale - pour
autant que telle soit sa nature. A cet égard, les cantons sont libres de
s'écarter du choix opéré par le législateur fédéral en droit pénal, dans les
limites de leurs compétences et dans le respect du droit supérieur impératif.
L'applicabilité de l'art. 105 al. 1 CP relève uniquement de l'interprétation du
droit cantonal, en particulier de l'art. 1 LPG/GE. Il importe ainsi peu de
déterminer si l'amende infligée à la recourante revêt une nature pénale ou
administrative, puisque cela ne permet pas encore d'en inférer l'exclusion de
la punissabilité d'une entreprise pour une contravention.
La cour cantonale a jugé que la LPG/GE ne s'appliquait aux amendes prévues dans
le droit administratif genevois que par analogie, en cas de lacune. La loi
pénale genevoise renvoie certes expressément aux art. 1 à 110 CP, mais elle ne
définit cependant pas son champ d'application. Elle ne précise pas si ce renvoi
est applicable, outre aux infractions de la partie spéciale de la LPG/GE, aux
sanctions prévues par d'autres actes légaux cantonaux. Aucun élément ne laisse
présumer que tel devrait impérativement être le cas.
Dans ces circonstances, la Chambre administrative n'a pas versé dans
l'arbitraire en n'appliquant pas le renvoi de l'art. 1 LPG/GE à l'infraction
prévue à l'art. 43 LGD/GE. Son interprétation du droit cantonal n'élude pas ni
ne viole les garanties générales de procédure dont peut se prévaloir un
justiciable encourant une amende. Certes, la modification de l'art. 43 al. 2
LGD/GE, qui précise désormais expressément que les entreprises sont
punissables, peut laisser penser qu'il subsistait auparavant une lacune. Cela
ne signifie pas pour autant que cette lacune devait être comblée dans le sens
voulu par la recourante, et celle-ci ne le démontre pas. Les travaux
préparatoires de la LGD/GE ne font référence à aucune exclusion de l'entreprise
du champ d'application de l'art. 43 LGD/GE. Et ceux relatifs à la révision de
l'al. 2 de cette disposition ne relèvent aucune intention de modification de
fond. Il semble bien plus que le législateur ait eu pour souci de clarifier une
situation qui pouvait jusqu'alors prêter à confusion. L'esprit de la règle
applicable va par ailleurs dans le sens d'une telle interprétation. L'art. 43
LGD entend en effet sanctionner "tout contrevenant" à la loi ou à ses
dispositions d'exécution. Il a pour but d'assurer la mise en oeuvre de règles
légales, qui, pour la plupart, ne concernent que des personnes morales
(notamment les chapitres III et IV); les exclure de son champ d'application
viderait en grande partie la disposition de son sens. La fourchette des
montants de l'amende montre également une intention de sanctionner tout type de
contraventions aux règles légales, y compris celles à forte incidence sur la
gestion cantonale des déchets; ces dernières, par la force des choses, seront
le plus souvent le fait d'entreprises que de personnes physiques seules, ce qui
parle aussi en faveur d'une punissabilité des personnes morales.
En définitive, c'est sans arbitraire que la cour cantonale a reconnu qu'une
amende pouvait être infligée à la recourante sous l'empire de l'art. 43 LGD/GE
dans sa teneur en vigueur en 2011.

10. 
La recourante conteste la conformité au droit fédéral de l'art. 43 LGD/GE, que
le législateur cantonal n'aurait pas eu compétence d'adopter en raison du
partage strict des compétences en matière pénale et de droit de
l'environnement; elle se réfère aux dispositions pénales de la loi fédérale sur
la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01), selon elle exhaustives, qui
ne récriminent pas le comportement litigieux. Le canton n'aurait aucune
compétence résiduelle pour prévoir d'autres infractions pénales en droit de
l'environnement.

10.1.

10.1.1. En matière pénale, la compétence exclusive de la Confédération (art.
123 Cst.) laisse subsister celle des cantons pour les infractions au droit
administratif et au droit de procédure cantonaux (art. 335 al. 2 CP).

10.1.2. En droit de l'environnement, auquel la gestion des déchets est
rattachée, la Confédération dispose d'une compétence législative générale dotée
d'un effet dérogatoire subséquent, les cantons ne pouvant légiférer que dans la
mesure où la Confédération ne l'a pas exhaustivement fait (art. 74 al. 1 Cst.;
cf. arrêt 1A.14/2006 du 18 août 2006 consid. 2.3 in DEP 2006 p. 815). Celle-ci
a fait usage de cette compétence en promulguant la LPE, de sorte que le droit
cantonal couvrant la même matière ou moins étendu a perdu toute signification
propre. Le droit cantonal conserve toutefois tout son sens lorsqu'il complète
les normes fédérales ou lorsque, dans la mesure où cela est autorisé, il les
renforce (ATF 118 Ib 590 consid. 3a p. 595 et les références; arrêt 6B_87/2008
du 31 juillet 2008 consid. 3.2). L'art. 74 al. 3 Cst. précise que l'exécution
des dispositions fédérales incombe aux cantons, sauf disposition contraire de
la loi. L'art. 36 LPE reprend cette clause et charge les cantons d'exécuter la
loi sur la protection de l'environnement, sous réserve des cas mentionnés à
l'art. 41 LPE (désaccord dans le cadre de la planification intercantonale de
gestion des déchets, art. 31a al. 2 LPE; désignation de zones d'apport des
déchets non urbains si celles-ci son peu nombreuses, art. 31c al. 3 LPE), non
pertinents en l'espèce. L'art. 31 LPE précise la compétence cantonale en
matière de planification de la gestion de déchets et l'art. 46 ODT (ordonnance
du 10 décembre 1990 sur le traitement des déchets; RS 814.01) charge les
cantons de l'exécution de l'ordonnance à moins qu'elle ne soit confiée
expressément à la Confédération. Les cantons doivent ainsi notamment définir
les emplacements des installations de traitement des déchets (art. 31 LPE et 17
ODT). En exécution des dispositions fédérales, la LGD/GE règle la gestion de
l'ensemble des déchets résultant d'activités déployées sur le territoire du
canton ou éliminés à Genève, à l'exclusion des déchets radioactifs (art. 1 LGD/
GE). L'art. 10 al. 1 LGD/GE proscrit l'élimination ou le dépôt des déchets hors
des installations publiques ou privées autorisées par le département ou des
emplacements aménagés à cet effet et désignés par voie de règlement. L'art. 43
LGD prévoit l'amende pour tout contrevenant à la LGD/GE (let. a), aux
règlements et arrêtés édictés en vertu de cette loi (let. b), aux ordres donnés
par l'autorité compétente dans les limites de ces lois, règlements et arrêtés
(let. c).

10.1.3. Les cantons sont donc en charge de l'exécution des dispositions
fédérales en matière de gestion des déchets. Une telle compétence s'accompagne
notamment de la possibilité d'adopter les moyens de faire respecter les
dispositions d'exécution. L'amende est à cet égard un outil adéquat pour
assurer le respect de la norme matérielle elle-même (cf. HÄFLIN/MÜLLER/UHLMANN,
Allgemeines Verwaltungsrecht, 6e éd. 2010, p. 269 n° 1171; MOOR/POLITER, op.
cit., p. 154; POZO, Droit pénal - partie générale, 2008, p. 17 n° 41). Les
cantons peuvent ainsi adopter leurs propres dispositions pénales en rapport
avec leur législation d'exécution de la LPE, en particulier en matière de
déchets ( ETTLER, Kommentar zum Umweltschutzgesetz - Vorbemerkungen zu Artikel
60-62, 2003, p. 27 n° 47).

10.2. L'amende prévue par le droit genevois sanctionne les comportements
violant les règles applicables, en particulier, en l'espèce, le non-respect des
prescriptions relatives aux emplacements de dépôt, à la séparation et aux
volumes des déchets concernés. Cette réglementation est adoptée en exécution du
droit fédéral relatif à la gestion et au traitement des déchets (art. 30 ss
LPE; art. 17 ODT). Les dispositions violées par la recourante n'outrepassent
pas les compétences cantonales en matière de gestion des déchets; la recourante
ne le prétend au demeurant pas. L'amende litigieuse sanctionnant leur violation
ne sort ainsi pas du cadre des compétences d'exécution conférées aux cantons
par la LPE et satisfait au principe de la légalité, qu'on lui attribue un but
réparateur ou punitif (cf. en ce sens HÄFLIN/MÜLLER/UHLMANN, op. cit., p. 263
n° 1144 et p. 270 n° 1178).

11. 
La recourante voit enco re une violation du principe de la légalité dans le
fait que l'art. 43 LGD/GE serait insuffisamment précis. Contrairement à ce
qu'elle prétend, le comportement incriminé est très bien défini, puisque la
disposition vise le non-respect de la LGD/GE ou d'actes adoptés en exécution de
cette loi. Ensuite, il importe que le montant de l'amende soit fixé selon des
critères objectifs par l'autorité qui applique la loi. Tel est le cas en
l'espèce, le jugement attaqué exposant de manière circonstanciée les motifs
pour lesquels la quotité de l'amende pouvait être confirmée.

12. 
La recourante expose que la sanction pénale ne devrait être qu'une  ultima
ratio. En assortissant de conséquences pénales "n'importe quel comportement"
contraire aux prescriptions légales, le législateur genevois aurait violé le
principe de proportionnalité. Elle n'expose toutefois pas en quoi, dans le cas
précis, le choix de l'amende comme sanction aux manquements à la réglementation
serait excessif. Elle n'allègue pas qu'une sanction d'une autre nature
permettrait d'atteindre le but poursuivi par le législateur. Insuffisamment
motivé, son grief est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF; cf. consid. 3 ci-dessus)
.

13. 
La recourante se plaint enfin d'arbitraire dans l'arrêt attaqué, au motif que
ses offres de preuve ont été écartées et qu'il en découlerait plusieurs
constatations fausses des faits. Ces éléments ont été examinés sous l'angle de
la contestation des faits (consid. 5 ci-dessus) et de la violation du droit
d'être entendu (consid. 6 ci-dessus). La recourante n'en tire rien de plus, de
sorte que le grief tombe à faux.

14. 
Dans sa réplique, la recourante revient pour la première fois devant le
Tribunal fédéral sur la quotité de l'amende qui lui a été infligée, sur
l'exigence d'une faute, ainsi que sur le bien-fondé de la décision de remise en
état. De jurisprudence constante, il est exclu que la recourante présente après
la fin du délai de recours des conclusions et des griefs qu'elle pouvait déjà
faire valoir dans son acte de recours (ATF 135 I 19 consid. 2.2; 134 IV 156
consid. 1.7; 132 I 42 consid. 3.3.4). Ces griefs sont donc irrecevables.

15. 
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté pour autant qu'il
est recevable. Les frais de justice sont mis à la charge de la recourante, qui
succombe (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 
Les frais judiciaires, fixés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département
de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement de la République et canton
de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre
administrative.

Lausanne, le 14 janvier 2014
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Sidi-Ali

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