Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.53/2012
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2012
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2012


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_53/2012

Arrêt du 17 avril 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président,
Aemisegger et Chaix.
Greffière: Mme Mabillard.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Laurent Métrailler, avocat,
recourant,

contre

Commune de Y.________,
Administration communale,
Conseil d'Etat du canton du Valais,
Chancellerie d'Etat.

Objet
Retrait du permis d'habiter un logement de surveillant dans la zone
industrielle I, commune de Y.________,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit
public, du 2 décembre 2011.

Faits:

A.
Le secteur xxx, sur la commune de Y.________, est affecté à la zone
industrielle I. D'après l'art. 191 du règlement communal sur les constructions
approuvé par le Conseil d'Etat le 7 juin 1995 (ci-après: aRCC), il est permis
d'y aménager un logement pour surveillant, intégré à la construction, dans le
cas où "l'activité principale du requérant est dépendant[e] de son
établissement". Cette disposition autorise néanmoins le conseil municipal à
retirer le permis d'habiter en cas de cessation d'activité ou de changement
d'affectation de l'établissement, si la présence d'un surveillant ne se
justifie plus ou si le logement est occupé par une personne étrangère à
l'établissement.
La parcelle n° 3358, située dans ce secteur, est constituée en propriété par
étage (PPE) de cinq unités. X.________ est propriétaire du lot 6115, qui
comprend un appartement de 4 pièces et demie, une tonnelle, un garage et un
dépôt sis au rez. Il est également propriétaire, avec deux autres personnes, du
lot 6118, qui porte sur des bureaux situés au premier étage. Ces bureaux sont
ceux de l'agence immobilière que l'intéressé exploite en raison individuelle à
l'enseigne "Z.________".
A l'occasion d'un contrôle effectué sur place en février 2009, la police
intercommunale du Haut-Lac (ci-après: la PIHL) a constaté que l'appartement
compris dans la PPE 6115 était occupé par huit personnes au bénéfice ou en
attente d'un permis L. Sur demande de l'administration communale de Y.________,
X.________ a expliqué, par courriel du 11 mars 2009, que la pénurie de
logements l'avait amené à héberger cinq Portugais, tous déclarés, qui
travaillaient temporairement sur le site chimique de A.________. Revenue sur
les lieux le 4 mai 2009, la PIHL y a relevé la présence de B.________,
ressortissante française domiciliée en France. Celle-ci s'est présentée comme
l'amie de C.________, fils de X.________, qui prévoyait de s'établir dans
l'appartement de son père. La PIHL en a eu la confirmation par le contrôle des
habitants, le 7 mai 2009, auprès duquel C.________ avait effectivement annoncé
son arrivée.

B.
Le 5 mai 2009, C.________ a demandé à la commune à pouvoir occuper le "logement
[de son père] comme concierge". Il était en effet important que les lieux
soient "occupés en permanence à des fins de sécurité". Le 13 mai 2009,
l'administration communale a informé X.________ que son fils était autorisé à
loger dans l'appartement en question, compte tenu des explications de son
courrier.
En novembre 2009, la PIHL a constaté que C.________ et B.________, son épouse,
étaient régulièrement inscrits auprès du contrôle des habitants et qu'ils
logeaient effectivement dans l'appartement de X.________. Entre les 5 et 10
novembre 2009, elle a effectué des passages quotidiens afin de surveiller
l'activité de l'agence immobilière; elle n'a rencontré ni son propriétaire, ni
toute autre personne travaillant pour le compte de l'entreprise. Interpellé à
ce sujet, X.________ lui a toutefois assuré, le 11 novembre 2009, que les
bureaux de son entreprise se trouvaient toujours dans ce bâtiment mais que, en
raison de problèmes d'accès dus aux travaux entrepris par les propriétaires
d'un autre lot de la PPE (échafaudages installés autour du bâtiment et accès
aux places de parking insuffisamment large), il ne s'y rendait "pas souvent".

C.
Par décision du 23 novembre 2009, le conseil municipal de Y.________ a imparti
à X.________, respectivement à son locataire, un délai au 31 mars 2010 pour
libérer les lieux, au motif que l'occupation du logement n'était pas conforme à
l'art. 191 aRCC. C.________ exerçait en effet la profession d'infirmier à titre
principal tandis que son épouse était sans emploi. En outre, l'agence
immobilière n'avait donné aucun signe d'activité lors des contrôles effectués
en novembre 2009 par la PIHL, l'intéressé ayant lui-même admis ne pas se rendre
souvent dans les locaux de son entreprise.
X.________ a porté sa cause devant le Conseil d'Etat qui, par décision du 2
mars 2011, a rejeté son recours; C.________ et son épouse n'ayant pas
d'activité principale dépendante d'un établissement industriel au sens des art.
190 et 191 aRCC, l'ordre de libérer les lieux se justifiait.
Le 2 décembre 2011, la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du
Valais (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours de X.________
contre la décision précitée, dans la mesure de sa recevabilité. Le Tribunal
cantonal a retenu en substance que la décision communale n'était pas arbitraire
et ne heurtait pas le principe de la proportionnalité. L'intéressé invoquait
par ailleurs en vain la protection de sa bonne foi.

D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 2 décembre 2011
et de lui octroyer l'autorisation d'occuper ou de "faire occuper" le logement
litigieux, subsidiairement de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour
nouveau jugement dans le sens des considérants. Il se plaint pour l'essentiel
d'une violation de la garantie de la propriété, en relation avec les art. 190
et 191 aRCC, et d'une violation du principe de la protection de la bonne foi.
Le Tribunal cantonal, le Conseil d'Etat ainsi que la commune de Y.________
renoncent à se déterminer sur le recours.

Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale dans le domaine
du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions, le recours
est en principe recevable comme recours en matière de droit public conformément
aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant
réalisée. Le recourant, qui a pris part à la procédure devant le Tribunal
cantonal, est particulièrement touché par l'arrêt attaqué qui confirme le
retrait par la commune de Y.________ du permis d'habiter un logement dont il
est propriétaire. Les autres conditions de recevabilité du recours sont
réunies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.

2.
A titre de moyen de preuve, le recourant requiert l'édition du dossier complet
par le Tribunal cantonal. Sa requête est satisfaite, la cour cantonale ayant
déposé le dossier cantonal complet dans le délai que le Tribunal fédéral lui
avait imparti à cette fin (cf. art. 102 al. 2 LTF).

3.
Le recourant fait valoir que le retrait du permis d'habiter violerait son droit
de propriété, garanti par l'art. 26 al. 1 Cst., reposerait sur une base légale
insuffisante et ne respecterait pas les principes de la proportionnalité et de
la bonne foi.
L'atteinte au droit de propriété est tenue pour particulièrement grave lorsque
la propriété foncière est enlevée de force ou lorsque des interdictions ou des
prescriptions positives rendent impossible ou beaucoup plus difficile une
utilisation conforme à la destination (ATF 135 III 633 consid. 4.3. p. 637; 131
I 333 consid. 4.2 p. 340). Tel n'est à l'évidence pas le cas de la décision
litigieuse, laquelle porte sur le retrait d'un permis d'habiter en zone
industrielle, les conditions légales n'étant apparemment pas remplies. Par
conséquent, le Tribunal fédéral n'examine que sous l'angle restreint de
l'arbitraire la question de la base légale ainsi que l'interprétation et
l'application du droit communal (ATF 131 I 333 consid. 4.2 p. 340; 130 I 360
consid. 1.2 p. 362). Il vérifie en revanche librement les questions de
l'intérêt public et de la proportionnalité, en s'imposant toutefois une
certaine réserve lorsqu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales ou
de trancher de pures questions d'appréciation (ATF 132 II 408 consid. 4.3 p.
416; 129 I 337 consid. 4.1 p. 344).

4.
Le recourant doute que l'art. 191 aRCC représente une base légale suffisante
pour restreindre son droit de propriété. Il ne conteste pas que cette
disposition constitue une loi au sens formel, mais considère qu'elle est
tellement mal rédigée qu'elle est difficilement compréhensible et crée une
incertitude juridique.

4.1 L'art. 191 aRCC, qui règle les modalités auxquelles un permis d'habiter
peut être octroyé ou retiré dans la zone industrielle I, a la teneur suivante:
Il est autorisé d'aménager un logement pour surveillant dans le cas où
l'activité principale du requérant est dépendante de son établissement. Ce
dernier devra être intégré à la construction. De même l'aménagement de chambres
pour le personnel temporaire, lié directement à l'exploitation, est autorisé à
condition qu'elles répondent aux normes d'hygiène en la matière.
Pour les habitations existantes, la création d'un nouvel appartement est
inter-dite.
Le Conseil municipal se réserve le droit de retirer le permis d'habiter dans
les cas suivants:
a) cessation d'activité ou changement d'affectation de l'établissement.
b) si la présence d'un surveillant ne se justifie plus.
d) si le logement est occupé par une personne étrangère à l'établissement.

4.2 Contrairement à ce que soutient le recourant, la disposition précitée
constitue une base légale suffisante pour retirer le permis d'habiter, le
législateur ayant clairement imposé le respect de certaines conditions pour
obtenir le droit d'habiter en zone industrielle. Autre est la question de
savoir si cette disposition a été correctement interprétée et appliquée en
l'espèce, ce que nie également le recourant.

4.3 Le Tribunal cantonal a relevé que le législateur avait posé des conditions
très strictes quant à l'octroi d'un permis d'habiter en zone industrielle;
cette zone n'était en effet par définition pas destinée prioritairement à
l'habitation, mais aux activités des établissements industriels, fabriques,
entrepôts et garages (art. 190 aRCC). Une limitation des possibilités d'y
aménager des logements visait ainsi à préserver la vocation propre de la zone
et à protéger l'homme des nuisances typiques qui en émanent. Par ailleurs,
l'art. 191 aRCC était clair en tant qu'il imposait un lien entre l'habitation
et la place de travail. Dans la perspective de garantir à la zone sa vocation
première, ce lien devait revêtir une certaine intensité, sous peine de vider de
sa substance la réglementation. Dans ces conditions, les juges cantonaux ont
considéré que le retrait du permis d'habiter était justifié, dès lors que le
fils du recourant exerçait à titre principal la profession d'infirmier auprès
de l'hôpital de A.________ et non, comme annoncé à l'exécutif communal, la
profession principale de concierge et de surveillant au sein de l'entreprise de
son père.
Le recourant n'expose pas en quoi cette motivation serait déraisonnable. Il se
contente de présenter sa propre interprétation du règlement communal et
d'opposer son opinion à celle des juges cantonaux. Il ne fait en particulier
pas valoir que les éléments sur lesquels se sont fondés ces derniers seraient
inexacts, ni que le résultat auquel ils ont abouti serait insoutenable. Quoi
qu'il en soit, l'interprétation et l'application de l'art. 191 aRCC par le
Tribunal cantonal échappent à l'arbitraire et peuvent être confirmées. Pour le
surplus, il importe peu que, comme l'allègue l'intéressé, le "requérant" visé
par l'art. 191 aRCC ne soit pas son fils mais lui-même; en effet, le logement
litigieux est de toute façon occupé par une personne "étrangère à
l'établissement" puisqu'il n'existe pas de lien entre l'occupant du logement, à
savoir son fils, et l'entreprise sise dans le même immeuble. C'est également en
vain que le recourant affirme que sa belle-fille collabore dans son agence
immobilière; ce fait, qui ne ressort pas de l'arrêt attaqué, ne peut être pris
en compte (cf. art. 105 al. 1 LTF).
Mal fondées, les critiques du recourant relatives à l'absence de base légale et
à une mauvaise application du règlement communal doivent être rejetées.

5.
Le recourant se plaint d'une violation du principe de la proportionnalité,
faisant valoir que l'arrêt querellé le prive de toute possibilité de
surveillance de ses locaux. Il soutient que la criminalité qui touche la zone
industrielle est essentiellement nocturne et qu'une présence dans les locaux
serait ainsi nécessaire la nuit. Ces arguments ne peuvent être suivis. Le refus
du permis d'habiter ne prive en effet pas le recourant de toute surveillance.
Comme l'a justement souligné le Tribunal cantonal, il appartient aux communes
d'assurer la police locale et, à ce titre, de prévenir au besoin les actes de
malveillance qui pourraient se produire sur leur territoire. Le fait que, selon
le recourant, la police ne serait pas à même d'assurer la sécurité voulue
relève de l'application du règlement communal de police et ne saurait, en toute
hypothèse, conférer au fils du recourant un droit à occuper le logement
litigieux.

6.
Le recourant invoque enfin sa bonne foi. Il affirme que l'autorité communale
lui a conféré un véritable droit de faire occuper par son fils un logement de
surveillance avant de le lui retirer six mois plus tard, sans aucun motif et
alors que l'état de fait n'avait pas été modifié.

6.1 Ancré à l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le
principe de la bonne foi confère à l'administré, à certaines conditions, le
droit d'exiger des autorités qu'elles se conforment aux promesses ou assurances
précises qu'elles lui ont faites lorsque, sur la foi de celles-ci, il a pris
des dispositions sur lesquelles il ne peut pas revenir sans subir de préjudice
(cf. ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636 s.; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170; 128 II
112 consid. 10b/aa p. 125). Toutefois, l'administré qui trompe les autorités et
leur cache des éléments déterminants ne peut se prévaloir d'assurances reçues
de l'autorité qui s'est prononcée en fonction de faits incomplets.

6.2 Comme l'a relevé le Tribunal cantonal, aucun élément ne permet de conclure
à l'existence d'assurances ou d'un comportement par lequel l'autorité communale
aurait garanti à C.________ un droit inconditionnel et de durée indéterminée
d'habiter l'appartement litigieux; il n'est pas non plus établi que dite
autorité lui aurait fait des promesses dans ce sens. Contrairement à ce que
semble croire le recourant, le permis d'habiter octroyé le 13 mai 2009 ne
constitue pas une telle promesse ni "un véritable droit" de faire occuper le
logement de surveillance par son fils. Pour ce motif déjà, il ne saurait y
avoir de violation du principe de la bonne foi. Le Tribunal cantonal rappelle
ensuite que l'art. 191 aRCC réserve expressément un contrôle ultérieur par
l'autorité et le retrait du permis d'habiter si les circonstances venaient à se
modifier. En l'espèce, pour octroyer le permis en question, l'autorité
compétente s'est fondée exclusivement sur les déclarations des intéressés,
selon lesquelles C.________ exercerait la fonction de "surveillant" et de
"concierge", vu qu'"il [était] important que les lieux soient occupés en
permanence". Ce n'est que plus tard que l'autorité a été informée de la
profession réelle exercée par C.________. Dans ces circonstances, elle pouvait
à bon droit retirer le permis d'habiter en application de l'art. 191 aRCC, sans
que l'on ne puisse parler de comportement contradictoire. Le présent grief doit
par conséquent également être écarté.

7.
Il résulte de ce qui précède que le recours, entièrement mal fondé, doit être
rejeté aux frais du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, fixés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
du Valais, Cour de droit public.

Lausanne, le 17 avril 2012

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Mabillard