Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.477/2012
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2012
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_477/2012

Arrêt du 27 mars 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Aemisegger, Juge présidant, Eusebio et Chaix.
Greffière: Mme Tornay Schaller.

Participants à la procédure
A.________,
recourant,

contre

Conseil d'Etat du canton de Genève,
rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève.

Objet
Exercice du vote électronique; prescriptions de contrôle et de sécurité,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
administrative, du 21 août 2012.

Faits:

A.
Par arrêté du 27 juillet 2011 publié dans la Feuille d'avis officielle du
canton de Genève (ci-après: FAO) du 3 août 2011, le Conseil d'Etat du canton de
Genève (ci-après: le Conseil d'Etat) a fixé au 27 novembre 2011 la date d'une
votation cantonale pour laquelle le corps électoral genevois avait la
possibilité de voter électroniquement par Internet.

Le 1er novembre 2011, A.________, électeur dans le canton de Genève, a formé un
recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de
Genève (ci-après: la Cour de justice) concernant la procédure de vote
électronique mise en oeuvre pour la votation du 27 novembre 2011. Il a conclu
principalement à l'annulation de la votation du 27 novembre 2011 et
subsidiairement à la suspension de l'exercice du vote électronique pour la
votation du 27 novembre 2011 et pour tout futur scrutin tant que les
prescriptions prévues par l'art. 60 al. 6 de la loi sur l'exercice des droits
politiques du 15 octobre 1982 (LEDP; RSG A 5 05) n'auraient pas été édictées.
Il a développé une argumentation relative aux risques existant en matière de
sécurité informatique.

Par acte du 21 novembre 2011, A.________ a formé un second recours auprès de la
Cour de justice "concernant la procédure de vote électronique mise en oeuvre
pour la votation du 27 novembre 2011", concluant à la jonction de cette
nouvelle procédure à celle déjà pendante et reprenant les conclusions de
celle-ci. Son écriture était identique à celle produite le 1er novembre 2011, à
l'exception du fait qu'il indiquait désormais avoir reçu le matériel de vote
pour la votation du 27 novembre 2011, ce qui lui permettait de constater que la
procédure de vote électronique mise en oeuvre était essentiellement la même que
celle utilisée pour la votation du 15 mai 2011.

Le 19 décembre 2011, A.________ a retiré sa conclusion en annulation de la
votation du 27 novembre 2011, vu le résultat du scrutin, et indiqué maintenir
ses recours pour le surplus.

Par arrêt du 21 août 2012, la Cour de justice a déclaré irrecevables les
recours, en raison de l'absence de grief concret dirigé contre le système mis
en place.

B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande
au Tribunal fédéral de renvoyer la cause à la Cour de justice pour qu'elle
ordonne les mesures probatoires demandées, qu'elle statue sur le fond et
qu'elle constate que l'instance précédente a violé l'art. 29 al. 1 Cst.

La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours
et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Conseil
d'Etat conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement
à son rejet. Le recourant a répliqué par courrier du 15 novembre 2012.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
dont il est saisi.

1.1 Formé contre un arrêt final (art. 90 LTF) pris en dernière instance
cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) sur la base du droit public cantonal (art.
82 let. a LTF), le présent recours est en principe recevable comme recours en
matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF, aucune des exceptions
prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant est directement touché
par le prononcé d'irrecevabilité rendu par l'arrêt attaqué et a un intérêt
digne de protection à en obtenir l'annulation. Il a dès lors qualité pour
recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.

1.2 La Cour de justice ayant refusé d'entrer en matière sur le recours, seule
la question de la recevabilité du recours cantonal peut être portée devant le
Tribunal fédéral qui n'a, à ce stade, pas à examiner le fond de la
contestation. En cas d'admission du recours, la cause devrait être renvoyée à
la Cour de justice pour qu'elle entre en matière sur le recours et statue au
fond.

1.3 Le prononcé d'irrecevabilité est fondé sur le droit cantonal de procédure.
Or, sous réserve des cas visés à l'art. 95 let. c à e LTF, la violation du
droit cantonal ne constitue pas un motif de recours. Il est néanmoins possible
de faire valoir que l'application des dispositions cantonales consacre une
violation du droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a LTF, telle que
l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Le Tribunal fédéral n'examine
cependant un tel moyen que s'il est formulé conformément aux exigences de
motivation qualifiées prévues à l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 137 I 1 consid.
2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4 p. 560).

2.
Le recourant, qui agit sans mandataire professionnel, considère que la Cour de
justice a rendu à tort un prononcé d'irrecevabilité. Il se plaint d'une
application arbitraire de l'art. 180 LEDP.

2.1 L'art. 180 LEDP régit le recours en matière cantonale et communale. Il
prévoit que le recours à la Chambre administrative de la Cour de justice est
ouvert contre les violations de la procédure des opérations électorales
indépendamment de l'existence d'une décision.

L'objet du recours prévu à l'art. 180 LEDP est défini de façon très large, la
notion de "procédure des opérations électorales" englobant aussi bien les actes
préparatoires que le vote lui-même. La Cour de justice a rappelé que tout acte
destiné aux électeurs et de nature à influencer la libre formation de
l'expression du droit de vote constituait une opération électorale, selon sa
jurisprudence. Elle a jugé que l'envoi à tous les électeurs du matériel de vote
faisait partie de cette procédure, de sorte qu'elle était matériellement
compétente pour trancher le litige.
La Cour de justice a ensuite considéré que les critiques émises par le
recourant à l'encontre du système de vote électronique mis en place dans le
canton de Genève étaient personnelles et abstraites, ne mettaient pas en
évidence le moindre incident précis dans le processus antérieur, concomitant ou
postérieur à l'opération électorale du 27 novembre 2011. Elle a ajouté que le
recourant ne soutenait pas que les failles - réelles ou supposées - qu'il
dénonce dans le système aient été utilisées, de surcroît avec succès. Faute de
grief concret permettant de retenir que l'un ou l'autre aspect du système ne
serait pas conforme au droit ou que le résultat d'une votation est entaché d'un
irrégularité précise ayant concrètement influencé celui-ci, l'instance
précédente a déclaré le recours irrecevable.

2.2 La cour cantonale ne s'est cependant référée à aucune norme de procédure
administrative qui conduirait au prononcé d'irrecevabilité dans une telle
situation. En effet, selon l'art. 65 al. 1 et 2 la loi genevoise du 12
septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA; RSG E 5 10), l'acte de
recours doit contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la
décision attaquée et les conclusions du recourant, l'exposé des motifs ainsi
que l'indication des moyens de preuve. La Cour de justice n'a pas considéré
qu'un de ces éléments faisait défaut au recours litigieux. Elle n'a pas non
plus imparti un délai au recourant pour compléter la motivation de son acte
(cf. art. 65 al. 2 2ème phrase LPA; Thierry Tanquerel, Manuel de droit
administratif, 2011, n. 1357). En retenant que les griefs n'étaient pas
formulés de manière concrète, l'instance précédente a procédé à une
qualification des griefs, ce qui relève en réalité du fond et non de la forme.
C'est donc à tort qu'elle a déclaré le recours irrecevable pour ce motif. Si la
cour cantonale entendait traiter du fond, elle ne pouvait pas rendre, comme en
l'espèce, une décision de non-entrée en matière. Elle devait au contraire
discuter les griefs matériels énoncés par le recourant et, cas échéant,
prononcer un rejet du recours si l'argumentation de celui-ci ne parvenait pas à
démontrer la violation des normes cantonales en matière de droits politiques.

Quant à la référence à l'arrêt du Tribunal de céans 1C_329/2011 - opérée par le
Conseil d'Etat -, elle n'est pas pertinente, puisque dans cette affaire le
recours avait été déclaré irrecevable en raison du non-respect du délai légal
de recours (art. 62 al. 1 let. c LPA).

2.3 S'agissant des autres conditions de recevabilité, l'art. 60 al. 1 let. b
LPA reconnaît la qualité pour recourir à toute personne qui est touchée
directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce
qu'elle soit annulée ou modifiée. Il est fait exceptionnellement abstraction de
l'exigence d'un intérêt actuel, lorsque la contestation peut se reproduire en
tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne
permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en
raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment
important à la solution de la question litigieuse (ATF 137 I 23 consid. 1.3.1
p. 25 et la jurisprudence citée).

En l'espèce, le recourant n'a certes plus d'intérêt actuel au recours, dans la
mesure où l'objet de la contestation porte sur la procédure de vote
électronique utilisée lors de la votation du 27 novembre 2011. Il y a toutefois
lieu de renoncer ici à cette exigence, car le recours soulève une question qui
revêt une portée de principe et qui pourrait se poser à nouveau dans des termes
semblables sans que le Tribunal fédéral soit en mesure de se prononcer en temps
utile. Le recourant dispose donc de la qualité pour recourir.

2.4 En définitive, le jugement attaqué viole le droit fédéral en tant qu'il
déclare le recours irrecevable, au motif que les griefs avancés par le
recourant ne sont pas concrets. Il doit par conséquent être annulé. Il convient
de renvoyer la cause à la Cour de justice pour qu'elle statue sur les arguments
de fond.

3.
Il s'ensuit que le recours est admis, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les
autres griefs et conclusions formulés par le recourant. Il n'y a pas lieu de
percevoir des frais judiciaires, le Conseil d'Etat en étant dispensé (art. 66
al. 4 LTF). Il n'est pas alloué de dépens au recourant qui n'en demande pas et
qui a agi sans l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Il
appartiendra à la cour cantonale de statuer également sur le sort des frais et
des dépens cantonaux.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Cour
de justice du canton de Genève.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Conseil d'Etat et à la Cour de
justice du canton de Genève, Chambre administrative.

Lausanne, le 27 mars 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Juge présidant: Aemisegger

La Greffière: Tornay Schaller