Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.468/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_468/2012

Arrêt du 14 février 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Merkli et Karlen.
Greffier: M. Rittener.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Mauro Poggia, avocat,
recourant,

contre

Grand Conseil du canton de Genève, case postale 3970, 1211 Genève 3,
Bureau du Grand Conseil du canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204
Genève.

Objet
sanctions disciplinaires,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
administrative, du 30 juillet 2012.

Faits:

A.
Lors de la séance du Grand Conseil du canton de Genève (ci-après: le Grand
Conseil) du 24 février 2012, le député A.________ a jeté le contenu d'un verre
d'eau au visage du député B.________, qui s'indignait des nombreuses prises de
paroles du prénommé et faisait référence à une condamnation de celui-ci par un
tribunal. A.________, qui conteste avoir fait l'objet de la condamnation en
question, s'est approché de façon menaçante de B.________, qui l'a encore
traité de voleur à plusieurs reprises. Il a ensuite été éloigné par d'autres
députés, avant que la séance ne soit suspendue.
Par décision du 28 février 2012, le Bureau du Grand Conseil a exclu A.________
des commissions dont il était membre pour une durée de cinq mois. Il a
considéré que le député en question avait tenu des propos et commis des actes
contraires aux devoirs d'un député tels que formulés dans le serment prévu à
l'art. 25 al. 2 de la loi portant règlement du Grand Conseil (LRGC; RSG B 1
01), qu'il avait prononcé des paroles portant atteinte à l'honneur ou à la
considération (art. 90 let. b LRGC), employé des expressions méprisantes ou
outrageantes (art. 90 let. c LRGC), troublé la délibération (art. 90 let. d
LRGC), incité au trouble et commis des voies de fait. Le député B.________ a
quant à lui fait l'objet d'un blâme du Bureau du Grand Conseil.

B.
Le 15 mars 2012, statuant sur opposition de A.________, le Grand Conseil a
confirmé la décision susmentionnée. A.________ a recouru contre cette décision
auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève
(ci-après: la Cour de justice), qui a rejeté le recours par arrêt du 30 juillet
2012. Cette autorité a considéré en substance que le fait de lancer le contenu
d'un verre d'eau au visage d'un député ne constituait pas une attitude digne
d'un parlementaire et que le recourant aurait dû réagir aux propos de
B.________ par la parole et non par les actes. Les faits reprochés à A.________
étaient graves, la sanction prononcée était conforme à l'art. 32B LRCG et les
antécédents de l'intéressé ne justifiaient pas une sanction plus légère. Le
recourant se plaignait en vain d'une inégalité de traitement et le principe de
la proportionnalité était respecté.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, subsidiairement de renvoyer la cause à
l'instance cantonale pour nouvelle décision. Il requiert en outre l'octroi de
l'effet suspensif. Le Grand Conseil a formulé des observations, concluant au
rejet du recours. A.________ a présenté des observations complémentaires.

D.
Par ordonnance du 19 octobre 2012, le Président de la Ire Cour de droit public
a admis la requête d'effet suspensif.

Considérant en droit:

1.
La voie du recours en matière de droit public est ouverte en l'espèce, la
décision attaquée ayant été rendue dans une cause de droit public (art. 82 let.
a LTF). Aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée. Le
recourant, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, est
particulièrement atteint par la décision attaquée et il a un intérêt digne de
protection à son annulation ou à sa modification. Il a donc la qualité pour
recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Pour le surplus, le recours étant
formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90
LTF ) rendue en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF), il y a
lieu d'entrer en matière.

2.
Dans un premier grief, le recourant se plaint d'une violation du principe de
l'égalité de traitement, au motif que le député B.________ avait été condamné à
un simple blâme alors que lui-même avait écopé d'une peine se situant parmi les
sanctions les plus lourdes.

2.1 Une décision viole le principe de l'égalité de traitement (art. 8 al. 1
Cst.) lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par
aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou
lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des
circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de
manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière
différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se
rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne
doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude
doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la
décision à prendre (ATF 136 II 120 consid. 3.3.2 p. 127; 134 I 23 consid. 9.1
p. 42 s.; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6 s.; 129 I 113 consid. 5.1 p. 125 et les
arrêts cités).

2.2 En l'espèce, la Cour de justice a estimé que les situations de B.________
et A.________ n'étaient pas identiques, dès lors que le premier n'a pas fait
opposition contre la sanction dont il a écopé et qu'il n'a par conséquent pas
été sanctionné par le Grand Conseil lui-même. Ce raisonnement n'est guère
compréhensible. Si les députés prénommés n'ont pas réagi de la même manière à
la sanction qui leur a été infligée, cela ne signifie pas encore que leur
situation est dissemblable au sens de la jurisprudence susmentionnée. En effet,
si l'un des protagonistes a contesté sa peine et que l'autre s'en est
accommodé, c'est précisément en raison de la différence entre les sanctions
prononcées. Or, ce n'est pas cette différence qui est décisive en l'espèce,
mais bien la différence entre les comportements et les situations des
intéressés, de nature à justifier ou non un traitement différencié.
L'argumentation de l'arrêt attaqué ne peut donc être suivie sur ce point.
Il n'en demeure pas moins que les situations des deux protagonistes étaient
effectivement différentes. En effet, même si le recourant prétend ne pas avoir
d'antécédents "au sens propre du terme", il s'est déjà signalé par le passé
pour des comportements jugés peu compatibles avec la fonction de député. Il a
ainsi été rappelé à l'ordre et exclu d'une séance en décembre 2008 pour des
propos qualifiés d'inacceptables et injurieux, et il a fait l'objet d'une
"mesure d'éloignement de la buvette" du Grand Conseil en raison d'une
altercation avec un autre député en février 2011. Rien n'indique que l'autre
protagoniste de la présente affaire ait de tels antécédents. Quoi qu'il en
soit, le seul fait de jeter le contenu d'un verre d'eau au visage d'un autre
député est clairement plus grave que de tenir des propos excessifs, voire
diffamatoires. Si des dérapages verbaux peuvent se concevoir dans l'enceinte
d'un parlement, et être sanctionnés le cas échéant, des réactions physiques
sont clairement contraires aux devoirs d'un député. Les membres du parlement
sont en effet tenus de se comporter avec un minimum de civilité, quels que
soient les usages locaux. En définitive, s'ils ont été sanctionnés à juste
titre, les propos du député B.________ n'ont manifestement pas la gravité du
geste du recourant et de son comportement menaçant. C'est donc à bon droit que
ces agissements ont été sanctionnés de manière différente, de sorte que le
grief d'inégalité de traitement doit être rejeté.

3.
Le recourant se plaint en outre d'arbitraire, au motif que la sanction qui lui
a été infligée est "à la limite de la sévérité maximale" alors que l'autre
député en cause, désigné comme le provocateur de l'incident, écope d'un simple
blâme.

3.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte
pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même
qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement
insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou
de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit
insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 137
I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s.; 134 I 263 consid. 3.1
p. 265 s.; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217
consid. 2.1 p. 219; 129 I 173 consid. 3.1 p. 178). En matière d'appréciation
des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité
n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, si
elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre
à modifier la décision ou lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des
éléments recueillis (ATF 136 III 552 consid. 4.2 p. 560; 134 V 53 consid. 4.3
p. 62; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p. 41).

3.2 Le recourant soutient en substance qu'on ne saurait lui reprocher sa
réaction, que celle-ci est assimilable à un acte de légitime défense accompli
"dans le feu de l'action" et que la Cour de justice n'a pas tenu compte de
l'ensemble des circonstances. La sanction qui lui a été infligée serait en
outre arbitraire dans son résultat, puisqu'elle le prive d'un travail en
commission durant cinq mois alors que l'auteur de "l'attaque injustifiée et
calomnieuse" qui l'a fait réagir n'écope que d'un simple blâme. Se confondant
pour partie avec le grief relatif à l'égalité de traitement, cette
argumentation ne suffit pas à démontrer en quoi la décision litigieuse serait
arbitraire au sens de la jurisprudence susmentionnée. Le recourant n'explique
pas quelle norme aurait été manifestement violée en l'espèce, ni quels faits
auraient été constatés arbitrairement. Au demeurant, la sanction prononcée
n'apparaît pas d'emblée exagérément sévère au regard des actes commis et des
antécédents du recourant. Quelles que soient les raisons qui ont poussé le
recourant à agir de la sorte, son comportement est en effet incompatible avec
celui que l'on peut attendre d'un député. En définitive, la décision querellée
ne heurte pas le sentiment de la justice ou de l'équité et elle n'est pas
arbitraire dans son résultat, qui n'apparaît pas disproportionné au regard des
circonstances du cas d'espèce. Ce grief doit donc lui aussi être rejeté.

4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, doit
supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas
lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Grand Conseil,
au Bureau du Grand Conseil et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
administrative.

Lausanne, le 14 février 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Rittener