Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.461/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_461/2012

Arrêt du 30 janvier 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger et Eusebio.
Greffière: Mme Sidi-Ali.

Participants à la procédure
A.________, représentée par Me Robert Wuest, avocat,
recourante,

contre

Commune de Bagnes, Administration communale, Secrétariat, route de Clouchèvre
30, 1934 Le Châble,
Conseil d'Etat du canton du Valais, place de la Planta, case postale 478, 1951
Sion.

Objet
remise en état des lieux,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit
public, du 17 août 2012.

Faits:

A.
En octobre 2007, B.________ a requis l'autorisation de démolir le bâtiment
existant sur la parcelle n° 1538 de la commune de Bagnes, au lieu-dit "Vella
d'en Haut", à Verbier, et d'y ériger deux chalets. Le formulaire de requête
spécifiait que les façades seraient de couleur "mélèze/vieux-bois". Le 11
février 2008, le Conseil communal a délivré le permis requis en exigeant
notamment que la partie boisée des façades reste "naturelle ou vernie de
couleur foncée" comme le prescrivait l'art. 70 let. e dernière phrase du
règlement communal des constructions (RCC).

B.
Constatant après réalisation des travaux que les façades avaient été vernies
d'une teinte "crème", le Conseil communal a ordonné par décision du 23 février
2010, la remise en état des façades conformes au droit en leur conférant
l'aspect prescrit par l'autorisation de construire et par l'art. 70 RCC.
A.________, devenue dans l'intervalle copropriétaire par moitié de la parcelle
n° 1538, a formé un recours contre cette décision auprès du Conseil d'Etat. Ce
recours a été rejeté le 7 mars 2012. Saisie à son tour, la Cour de droit public
du Tribunal cantonal a débouté A.________ par arrêt du 17 août 2012. Elle a en
substance considéré que la construction n'avait pas été réalisée en conformité
avec l'autorisation délivrée et que, au vu des photographies au dossier,
l'apparence crème du chalet litigieux était sans rapport avec les bâtiments
voisins présentant un aspect foncé, ce en violation de la clause d'esthétique
figurant dans le règlement communal des constructions. Le refus d'autoriser
après coup cette finition n'était dès lors pas critiquable.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ recourt
contre l'arrêt cantonal auprès du Tribunal fédéral. Elle conclut à la nullité,
subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause pour
mise en ?uvre d'une inspection des lieux. Le Tribunal cantonal et le Conseil
d'Etat renoncent à se déterminer. La commune de Bagnes conclut au rejet du
recours.
Par ordonnance du 22 octobre 2012, le Président de la Ire Cour de droit public
a octroyé l'effet suspensif au recours.

Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance
cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des
constructions (art. 82 let. a LTF), le recours de droit public est en principe
recevable, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La
recourante a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal.
En tant que copropriétaire du chalet litigieux et destinataire de l'ordre de
remise en état, elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué et peut
ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à son annulation. Elle a
donc qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de
recevabilité du recours en matière de droit public sont réunies, si bien qu'il
y a lieu d'entrer en matière sur le fond.

2.
La recourante se plaint de ne pas avoir été informée par la commune de la
possibilité de solliciter un permis de régularisation, comme le prévoit l'art.
51 al. 4 de la loi cantonale du 8 février 1996 sur les constructions (LC; RS/VS
705.1). Or, la recourante était déjà représentée par un mandataire
professionnel lorsque la procédure était pendante devant les autorités
communales. Quoi qu'il en soit, elle perd de vue que, dans le cadre de la
contestation de l'ordre de remise en état, les autorités ont toutes examiné la
conformité des façades à l'ordre juridique, ce qui revient à examiner la
possibilité de délivrer une autorisation a posteriori. Partant, le moyen est
sans pertinence.

3.
Dans deux griefs qui sont étroitement liés et doivent être examinés ensemble,
la recourante se plaint d'une part d'une violation de son droit d'être entendue
- en particulier de son droit à une administration complète des preuves - en
raison du refus du Tribunal cantonal de procéder à une inspection locale, et
d'autre part d'une constatation inexacte des faits, établis sur la seule base
de photographies, selon elle "sans connaissance de l'environnement construit"
du chalet litigieux.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu
comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant
qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves
quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir
accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en
prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 I 279 consid.
2.3 p. 282; 132 V 368 consid. 3.1 p. 370 et les références). Cette garantie
constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction
lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que,
procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves
qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient
l'amener à modifier son opinion (ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 429; 119 Ib 492
consid. 5b/bb pp. 505 s.; cf. également ATF 137 III 208 consid. 2.2 p. 210).
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à
l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 LTF, il ne peut s'en écarter que si les
constatations de ladite autorité ont été établies en violation du droit au sens
de l'art. 95 LTF ou de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire
(art. 105 al. 2 LTF) et pour autant que la correction du vice soit susceptible
d'influer sur le sort de la cause (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 II 304
consid. 2.4 p. 314).

3.2 Le Tribunal cantonal s'est référé à deux dispositions du chiffre 3.7. du
règlement communal des constructions intitulé "protection des sites et
esthétique": les art. 69 et 70 RCC. Selon l'art. 69 RCC, les constructions et
leurs abords doivent présenter des formes, des couleurs, et des aménagements
qui s'harmonisent aux constructions environnantes et au caractère du site (let.
a); le Conseil municipal a le droit de s'opposer à toute construction ou
démolition de nature à compromettre l'aspect ou le caractère d'un site, d'une
localité, d'un quartier, d'une rue ou à nuire à l'aspect d'un édifice de valeur
historique, artistique ou pittoresque, même si elle ne se heurte à aucune
disposition réglementaire spéciale (let. b).
L'art. 70 let. e RCC a la teneur suivante:
"Les matériaux autorisés sont la pierre naturelle, le béton convenablement
structuré et traité, la maçonnerie crépie, le bois naturel. Ils seront mis en ?
uvre d'une manière fonctionnelle en évitant le faux-semblant et gardés de
préférence dans leur teinte originale. Les couleurs choquantes ou voyantes sont
interdites. Les bois seront gardés naturels ou vernis de couleur foncée."
La clause d'esthétique de l'art. 69 RCC est concrétisée, entre autres, par
l'art. 70 RCC. Cette disposition contient certaines prescriptions claires et
précises dont le respect - respectivement la violation - peut être constaté en
toute objectivité. Ainsi l'art. 70 let. e RCC qui impose un bois laissé naturel
ou verni de couleur foncée. Or, le Tribunal cantonal a laissé indécise la
question de savoir si le bois du chalet litigieux était verni ou laissé
naturel. Il s'est fondé sur la clause générale d'esthétique et a considéré que
la teinte des façades boisées compromettait l'harmonie générale, était sans
rapport avec les bâtiments voisins à l'aspect foncé et tranchait avec
l'environnement. Cette motivation repose uniquement sur l'intégration du chalet
litigieux aux alentours, sur la seule base des photographies au dossier.

3.3 Le dossier communal en mains du Tribunal cantonal contenait des
photographies du chalet litigieux et d'autres chalets de Verbier (arrêt
attaqué, consid. 5b). La recourante s'y est référée dans l'écriture qu'elle a
déposée au Tribunal cantonal puisqu'elle a intégré ces photographies dans son
bordereau de pièces, tout en requérant en parallèle comme moyen de preuve une
inspection locale, requête qu'elle a réitérée par courrier du 5 juin 2012. La
cour cantonale a estimé que ces photographies lui permettaient de se faire une
idée suffisante de la construction litigieuse et des alentours. Elle a donc
renoncé à l'inspection locale requise. S'appuyant sur les photographies, elle a
constaté que les chalets voisins "présentent un aspect foncé sans référence
aucune avec l'apparence crème de celui litigieux".
Le dossier photographique présente la construction litigieuse sous deux angles
de vue. La seconde de ces photos, fortement surexposée, permet
d'entre-apercevoir deux chalets directement voisins du chalet de la recourante
et dont le bois est manifestement foncé. Ces images permettent de se faire une
idée générale de l'allure du chalet litigieux. Il n'est en revanche pas
possible, sur cette base, de visualiser son environnement. Seules deux
constructions voisines sont visibles sur la seconde photo et l'on ne sait pas
ce qu'il y a sur les autres parcelles directement contiguës à la celle de la
recourante. Les autres photographies au dossier représentent neuf autres
constructions de Verbier, de divers styles, dimensions, typologie et couleurs.
Ces images ne sont pas toutes accompagnées de légendes. Pour certaines, les
légendes indiquent qu'il s'agit de constructions en sapin, d'autres "en bois
divers", "en vieux bois et sapin teinté", en mélèze, ou encore "avec peinture
couvrante". Aucune information n'est donnée sur l'emplacement de ces immeubles.
Il est difficile de distinguer si un vernis y a été apposé ou non. En bref, on
ne sait rien de la situation de ces bâtiments par rapport au chalet litigieux
ni des critères pour lesquels ils ont été sélectionnés dans ce dossier. La cour
cantonale ne pouvait ainsi apprécier le degré d'intégration du chalet à son
environnement bâti sur la seule base de ce portfolio. Un dossier photographique
plus étayé ou une inspection locale était nécessaire pour ce faire.
Le Tribunal cantonal a donc violé le droit d'être entendue de la recourante en
ne donnant pas suite à sa requête d'inspection locale, alors qu'aucune autre
mesure d'instruction n'a été ordonnée en lieu et place.

4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis et la cause renvoyée à
la Cour de droit public pour nouvelle décision après complément d'instruction
sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs de la recourante. En
vertu de l'art. 68 al. 1 et 2 LTF, la recourante, qui obtient gain de cause, a
droit à des dépens à la charge du canton de Valais. Conformément à l'art. 66
al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais judiciaires.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la
Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais pour nouvelle
décision dans le sens des considérants.

2.
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée à l'avocat de la recourante, à
la charge du canton de Valais.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à la Commune de
Bagnes, au Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de
droit public.

Lausanne, le 30 janvier 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Sidi-Ali