Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.456/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_456/2012

Arrêt du 15 février 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli et Eusebio.
Greffière: Mme Sidi-Ali.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Robert Equey, avocat,
recourant,

contre

Office cantonal des automobiles et de la navigation de la République et canton
de Genève, route de Veyrier 86, 1227 Carouge.

Objet
retrait du permis de conduire,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre administrative, du 30 juillet 2012.

Faits:

A.
A.________ est titulaire d'un permis de conduire suisse de catégorie B délivré
le 6 mars 2003. Selon le dossier de l'Office cantonal genevois des automobiles
et de la navigation (OCAN), en raison de divers excès de vitesse, il avait fait
l'objet d'un avertissement le 8 mars 2004, s'était vu retirer son permis de
conduire le 5 janvier 2006 pour une durée de cinq mois et signifier un nouvel
avertissement le 22 octobre 2010. Le 5 août 2011 à 16h15, alors qu'il circulait
au volant d'une voiture aux Houches, en France, peu après la sortie de
l'autoroute, sur un tronçon limité à 90 km/h, A.________ a fait l'objet d'un
contrôle de vitesse automatique. La vitesse enregistrée était de 141 km/h et
celle retenue, marge de sécurité déduite, de 133 km/h. Le jour même, les
autorités françaises ont saisi le permis de conduire suisse de A.________.
Celui-ci a dû s'acquitter sur place d'un montant de 135 euros à titre de
consignation. Une interdiction immédiate de conduire sur tout le territoire
français pour une durée de quinze jours a été ordonnée le 8 août 2011 par la
sous-préfecture de Bonneville.

B.
Par décision du 26 septembre 2011, l'OCAN a prononcé le retrait du permis de
conduire de A.________ pour une durée de trois mois et mis à sa charge un
émolument de 180 francs. A.________ a recouru contre cette décision auprès du
Tribunal administratif de première instance. En cours de procédure, il a
produit copie de l'ordonnance pénale rendue à son encontre par la juridiction
de proximité de Bonneville le 26 octobre 2011, lui infligeant une amende
contraventionnelle de 250 euros, sous déduction du montant de 135 euros dont il
s'était déjà acquitté, assortie de la peine complémentaire relative à
l'interdiction de conduire un véhicule à moteur pendant quinze jours sur le
territoire français. Par jugement du 1er février 2012, le Tribunal
administratif a rejeté le recours.
A.________ a saisi la Chambre administrative de la Cour de justice, qui, par
arrêt du 30 juillet 2012, a partiellement admis son recours. Elle a considéré
que l'excès de vitesse constituait une faute grave justifiant un retrait de
permis d'une durée minimale de trois mois. Cette durée, comme le permettait la
loi dans le cas d'espèce, pouvait être ramenée à deux mois pour tenir compte,
d'une part, de la période pendant laquelle le recourant avait été privé de son
permis et s'était abstenu de conduire en Suisse et, d'autre part, des besoins
qu'il avait allégués de rendre visite à sa famille en France.

C.
A.________ forme un recours en matière de droit public auprès du Tribunal
fédéral contre l'arrêt de la Cour de justice. Il conclut à son annulation. La
Cour de justice se réfère à son arrêt. L'Office fédéral des routes conclut au
rejet du recours.
Par ordonnance du 10 octobre 2012, le Président de la Ire Cour de droit public
a octroyé l'effet suspensif au recours.

Considérant en droit:

1.
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est
ouverte contre les décisions prises en dernière instance cantonale au sujet de
mesures administratives de retrait du permis de conduire. Aucun motif
d'exclusion au sens de l'art. 83 LTF n'entre en considération. Déposé en temps
utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF) par le
destinataire de l'arrêt attaqué qui a un intérêt digne de protection à
l'annulation ou à la modification de celui-ci (art. 89 al. 1 LTF), le présent
recours est recevable.

2.
Dans son mémoire, le recourant présente sur plusieurs pages son propre exposé
des faits.

2.1 Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à
l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 LTF, il ne peut s'en écarter que si les
constatations de ladite autorité ont été établies en violation du droit au sens
de l'art. 95 LTF ou de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire
(art. 105 al. 2 LTF) et pour autant que la correction du vice soit susceptible
d'influer sur le sort de la cause (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 II 304
consid. 2.4 p. 314). Si le recourant entend se prévaloir de constatations de
faits différentes de celles de l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF),
il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une
exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. A défaut, il
n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui retenu
dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière
sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur
l'appréciation des preuves (ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104 et les arrêts
cités).

2.2 En l'espèce, le recourant ne critique pas la manière dont les faits ont été
établis et ne se prévaut pas de leur inexactitude. Le Tribunal fédéral ne prend
dès lors pas en considération l'état de fait revisité par le recourant et doit
se référer uniquement à celui qui ressort de l'arrêt attaqué.

3.
Le recourant se plaint de la violation du principe ne bis in idem. Il considère
que deux autorités françaises, l'une pénale l'autre administrative, ont déjà
examiné ensemble l'intégralité des faits sous tous leurs aspects juridiques.
Les autorités administratives suisses et françaises disposaient selon le
recourant d'un arsenal de sanctions identiques et poursuivaient des buts
identiques, de sorte que les autorités suisses ne pouvaient plus se saisir de
l'affaire. Il dénonce une violation des art. 4 ch. 1 du Protocole additionnel
n° 7 à la CEDH, conclu à Strasbourg le 22 novembre 1984, et entré en vigueur
pour la Suisse le 1er novembre 1988 (RS 0.101.07), ainsi que 14 par. 7 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, conclu à New York le 16
décembre 1966 et entré en vigueur pour la Suisse le 18 septembre 1992 (Pacte
ONU II; RS 0.103.2) et de la Constitution fédérale (sans préciser quel
article).

3.1 L'art. 16cbis al. 1 LCR (RS 741.01) prévoit qu'après une infraction commise
à l'étranger, le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré
aux conditions suivantes: une interdiction de conduire a été prononcée à
l'étranger (let. a) et l'infraction commise est qualifiée de moyennement grave
ou de grave (let. b). L'al. 2 précise que les effets sur la personne concernée
de l'interdiction de conduire prononcée à l'étranger seront pris en compte dans
une juste mesure lors de la fixation de la durée de retrait de permis, la durée
minimale du retrait pouvant par ailleurs être réduite; pour les personnes qui
ne figurent pas dans le registre des mesures administratives (art. 104b LCR),
la durée de l'interdiction ne peut dépasser celle qui a été prononcée à
l'étranger.
Cette disposition a été adoptée après que le Tribunal fédéral eut constaté que
le retrait d'admonestation du permis de conduire suisse du détenteur domicilié
en Suisse pour une infraction commise à l'étranger nécessitait une base légale
(ATF 133 II 331). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral revenait sur sa
précédente jurisprudence, qui avait jusque-là admis que les infractions
commises à l'étranger pouvaient être sanctionnées en Suisse sur la base des
seules dispositions protégeant la sécurité du trafic en Suisse (ATF 133 II 331
consid. 6.4.1 p. 343), et considérait désormais qu'une base légale au sens
formel manquait pour sanctionner en Suisse des infractions commises à
l'étranger. Le législateur fédéral, partant du constat que les conducteurs se
soucient moins des règles de la circulation lorsqu'ils sont à l'étranger, faute
de sanction adéquate en cas de violation de ces règles, a alors estimé
nécessaire de combler cette lacune de façon à ce que les manquements commis
hors des frontières puissent être poursuivis en Suisse (Message relatif à la
modification de la loi fédérale sur la circulation routière; FF 2007 7169).
Cela rejoint le point de vue de la jurisprudence plus ancienne, et non remise
en cause par l'ATF 133 précité, selon laquelle l'efficacité de la sanction
étrangère est limitée, puisqu'elle ne déploie d'effets que sur le territoire du
lieu de commission (ATF 123 II 97; 109 Ib 304). Le titulaire du permis de
conduire suisse, domicilié en Suisse, dont on peut présumer qu'il circule
majoritairement sur le territoire suisse, ne sera effectivement pas touché de
la même manière par la seule interdiction de conduire sur le territoire
étranger que par un retrait de permis pur et simple.

3.2 Le principe ne bis in idem est un corollaire de l'autorité de chose jugée.
Il appartient avant tout au droit pénal fédéral matériel et interdit qu'une
personne soit poursuivie deux fois pour les mêmes faits (ATF 123 II 464 consid.
2b p. 466; 120 IV 10 consid. 2b p. 12; 116 IV 262 consid. 3a pp. 265 s.). Il
découle également des art. 4 ch. 1 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH, et
14 al. 7 Pacte ONU II, qui interdisent aux juridictions d'un même Etat de
poursuivre ou de punir pénalement quelqu'un en raison d'une infraction pour
laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif. Le
principe ne s'applique ainsi pas aux relations entre plusieurs Etats (ATF 123
II 464 consid. 2b p. 466). L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in
idem supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la personne
visée et des faits retenus (ATF 123 II 464 consid. 2b p. 466; 120 IV 10 consid.
2b pp. 12 s.; 118 IV 269 consid. 2 p. 271).
Le retrait d'admonestation du permis de conduire est ordonné parce que le
conducteur a commis une infraction déterminée et ainsi mis en danger la
sécurité du trafic. Il s'agit d'une mesure administrative prononcée dans
l'intérêt de la sécurité routière, qui vise à amender le conducteur fautif et
empêcher les récidives (ATF 134 II 39 consid. 3 p. 43; 133 II 331 consid. 6.4.2
p. 345 et les arrêts cités). En raison de sa nature quasi-pénale, la
jurisprudence se réfère aux principes du droit pénal lorsque les règles légales
en matière de retrait d'admonestation sont lacunaires (ATF 129 II 168 consid.
6.3 p. 173; 128 II 285 consid. 2.4 p. 290). Dans cette mesure, le Tribunal
fédéral s'est régulièrement penché sur d'éventuelles violations du principe ne
bis in idem dans le cadre des procédures administratives en matière de retrait
de permis. Selon sa jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de l'art.
16cbis LCR, le retrait de permis ordonné en Suisse après une interdiction de
conduire prononcée à l'étranger n'équivaut pas à une nouvelle condamnation et
ne viole pas le principe ne bis in idem, pour autant qu'il soit tenu compte de
la sanction étrangère (ATF 129 II 168 consid. 6.3 p. 174; 123 II 97 consid. 2c/
bb p. 101).

3.3 Le législateur a adopté l'art. 16cbis LCR en ayant à l'esprit la
problématique liée au principe ne bis in idem. Le Conseil fédéral précise en
effet dans son message que le retrait de permis qui fait suite à une infraction
commise à l'étranger ne doit pas conduire à une double peine. L'al. 2 oblige
donc les autorités cantonales concernées à tenir compte de l'effet de
l'interdiction de conduire à l'étranger sur l'intéressé lors de la fixation de
la durée du retrait de permis.
Le Tribunal fédéral a ainsi admis qu'une interdiction de conduire prononcée en
France avait produit des effets dont il fallait tenir compte en application de
l'art. 16cbis al. 2 LCR. L'intéressé, privé de son permis de conduire retiré
par les autorités étrangères avait cru de bonne foi ne pas du tout être
autorisé à conduire, y compris en Suisse (arrêt 1C_316/2010 du 7 décembre
2010). Cet arrêt se réfère à la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur
de l'art. 16cbis al. 2 LCR, qui demeure valable: la mesure étrangère déjà
exécutée doit être imputée de façon à ce que son cumul avec le retrait prononcé
en Suisse n'apparaisse pas plus lourd que le retrait qui aurait été ordonné si
l'infraction avait été commise en Suisse (ibidem consid. 2.1).

3.4 En l'espèce, la sanction administrative prononcée en France contre le
recourant ne revêt qu'un caractère partiel. Les autorités françaises ne
disposent ni des mêmes moyens d'action ni des mêmes informations (par exemple
s'agissant d'éventuels antécédents) que l'autorité suisse qui a délivré le
permis de conduire. On ne saurait dès lors considérer qu'il y a identité de la
procédure ni des faits retenus. A l'instar de ce que permet, en droit pénal,
l'art. 3 al. 2 CP (imputation de la peine subie à l'étranger dans la
condamnation par le tribunal suisse pour les mêmes faits), il se justifie,
comme l'a retenu en l'espèce la cour cantonale, de déduire du retrait de permis
ordonné en Suisse la durée de l'interdiction de conduire prononcée à
l'étranger, respectivement, compte tenu des circonstances particulières de la
cause, de la période durant laquelle le recourant n'a pas été en possession de
son permis de conduire. Cette mesure ne constitue ainsi pas une double
sanction, mais bien une sanction d'ensemble. Le recourant ne démontre au
demeurant pas - ni ne fait valoir - qu'il a de la sorte été plus lourdement
réprimandé que si l'infraction avait été commise en Suisse et que seules les
autorités suisses s'étaient saisies de l'affaire. Le prononcé de retrait de
permis par les autorités administratives suisses ne viole donc pas le principe
ne bis in idem.
La cour cantonale a pour le reste correctement appliqué le droit fédéral
puisqu'elle a constaté que l'infraction commise par le recourant devait être
qualifiée de grave et que la durée de retrait prescrite par l'art. 16c al. 1
let. b LCR pouvait être réduite de trois à deux mois en application de l'art.
16cbis al. 2 LCR, pour tenir compte des effets de l'interdiction de conduire
précédemment prononcée en France. La mesure de retrait de permis pour une durée
de deux mois doit ainsi être confirmée.

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté aux frais de son
auteur (art. 66 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office cantonal
des automobiles et de la navigation et à la Cour de justice de la République et
canton de Genève, Chambre administrative, ainsi qu'à l'Office fédéral des
routes.

Lausanne, le 15 février 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Sidi-Ali