Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.377/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_377/2012

Arrêt du 6 décembre 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli et Karlen.
Greffière: Mme Sidi-Ali.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Xavier-Marcel Copt, avocat,
recourant,

contre

Y.________ Sàrl, représentée par Maîtres Jacques-Alain Bron et Marc
Mathey-Doret, avocats,
intimée,

Département de l'urbanisme de la République et canton de Genève, place de la
Taconnerie 7, 1204 Genève,
agissant par le Département de l'urbanisme du canton de Genève, Office de
l'urbanisme, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8,
Département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement de la
République et canton de Genève, rue de l'Hôtel de Ville 2, 1204 Genève.

Objet
Permis de construire,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre administrative, du 15 mai 2012.

Faits:

A.
Propriétés de Y.________ Sàrl, les parcelles nos 2'033 et 2'673 du cadastre de
la commune de Choulex sont toutes deux affectées en partie en zone 4B protégée
de village et en partie en zone agricole. Par décision du 19 février 2010, le
Département des constructions et des technologies de l'information
(actuellement le Département de l'urbanisme, DU) a délivré une autorisation de
construire sur ces parcelles un immeuble de deux niveaux comportant plusieurs
logements, conformément au sixième projet présenté par la propriétaire. Par
décision du même jour, le Département du territoire (actuellement le
Département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement, DIME) a
autorisé l'abattage d'un arbre situé sur la parcelle n° 2'033.

Plusieurs opposants à ce projet, dont X.________, ont recouru sans succès
contre ces décisions auprès de la commission cantonale de recours en matière
administrative.

Saisie à son tour, la Chambre administrative de la Cour de justice a, par arrêt
du 15 mai 2012, confirmé l'octroi des autorisations de construire et d'abattage
d'un arbre. Elle a constaté que le bâtiment projeté serait édifié entièrement
dans la zone à bâtir.

B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre administrative du 15 mai
2012, l'intimée étant déboutée de toute autre conclusion. Subsidiairement, il
conclut à l'annulation de la décision entreprise et au renvoi de la cause pour
nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert en outre l'effet
suspensif. La Cour de justice n'a aucune observation à formuler. Le DU, le DIME
et l'intimée concluent au rejet du recours. Le recourant a renoncé à déposer
des observations complémentaires.

Par ordonnance du 6 septembre 2012, le Président de la Ire Cour de droit public
a rejeté la demande d'effet suspensif.

Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance
cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des
constructions (art. 82 let. a LTF), le recours de droit public est en principe
recevable, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le
recourant a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. Il
est particulièrement touché par l'arrêt attaqué qui confirme l'octroi d'une
autorisation de construire sur des parcelles qui se trouvent à proximité
immédiate des siennes. Il peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de
protection à ce que cette décision soit annulée. Il a donc qualité pour agir au
sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours
en matière de droit public sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en
matière sur le fond.

2.
Le recourant se plaint tout d'abord d'une violation de son droit d'être
entendu. Il fait grief à la cour cantonale de ne pas lui avoir donné de délai
pour se déterminer sur les dernières observations présentées par les autres
parties à la procédure.

2.1 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au
sens des art. 29 Cst. et 6 CEDH, le droit d'être entendu garantit notamment le
droit pour une partie à un procès de prendre connaissance de toute
argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que
celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle
soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Il
appartient en effet aux parties, et non au juge, de décider si une prise de
position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments
déterminants qui appellent des observations de leur part. Ce droit à la
réplique vaut pour toutes les procédures judiciaires. Toute prise de position
ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties
pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur
faculté de se déterminer (ATF 137 I 195 consid. 2 p. 197 s.; 133 I 100 consid.
4.5 p. 103; 133 I 98 consid. 2.2 p. 99; 132 I 42 consid. 3.3 p. 45 ss; cf. en
outre les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme dans les causes
Schaller-Bossert contre Suisse du 28 octobre 2010 § 39 s. et Nideröst-Huber
contre Suisse du 18 février 1997, Recueil CourEDH 1997-I p. 101 § 24).

La Cour européenne des droits de l'homme s'est récemment penchée sur la
pratique consistant, au terme de l'instruction, à envoyer aux parties copie
d'écritures "pour information" sans qu'un délai soit expressément imparti pour
d'éventuelles déterminations et sans indication de l'échéance à laquelle le
tribunal entend rendre sa décision. Elle a admis qu'au départ, le justiciable
risquait d'interpréter cette formule en ce sens qu'aucun commentaire
complémentaire sur l'affaire ne pouvait être apporté, mais a toutefois
considéré que la jurisprudence explicite du Tribunal fédéral dès l'ATF 132 I 42
permettait désormais à la partie de comprendre qu'elle a la faculté soit de
requérir le droit de soumettre ses déterminations, soit de les présenter
directement. Dans le cas en question, la Cour européenne a souligné le fait que
le recourant, bien que non représenté, était lui-même avocat et était ainsi
réputé connaître la pratique dictée par la jurisprudence fédérale précitée.
Ainsi, son droit d'être entendu n'avait pas été violé alors que des
déterminations de deux pages lui avaient été transmises "pour information" et
que la cause avait été jugée plus de trois semaines plus tard (arrêt Joos
contre Suisse du 15 novembre 2012).

2.2 En l'espèce, après une visite des lieux par le juge délégué en présence des
parties le 5 décembre 2011, la cour cantonale leur a adressé, par courrier du
même jour, un procès-verbal de cette séance pour signature. A cette occasion,
elle leur a imparti un délai au 20 janvier 2012 pour présenter des observations
finales, précisant que suite à cela "la cause sera gardée à juger". Par
correspondance du 20 janvier 2012, le recourant a adressé à la Cour de justice
ses déterminations, qu'il a lui-même qualifiées d' "ultimes observations". Les
écritures des autres parties lui sont parvenues en deux courriers des 25 et 26
janvier, par lesquels la cour cantonale informait une nouvelle fois les parties
que la cause était "gardée à juger". L'arrêt a été rendu le 15 mai 2012 et
notifié aux parties le 7 juin suivant.

Le recourant, lui-même avocat, ne saurait se prévaloir abusivement de la
formule utilisée par la Cour de justice. Au moment déjà où elle a imparti un
délai pour présenter des observations finales, la cour cantonale a exposé aux
parties que la cause serait ensuite gardée à juger. A ce stade, le recourant a
déposé ses observations sans requérir de pouvoir répondre encore aux écritures
des autorités concernées. Ces diverses écritures, sitôt déposées, ont été
transmises au recourant, certes sans l'inviter explicitement à se déterminer,
mais sans le lui interdire non plus. L'arrêt n'a été rendu que près de quatre
mois plus tard, de sorte que le recourant aurait largement eu le temps, s'il
l'avait souhaité, de présenter spontanément des observations complémentaires ou
à tout le moins de requérir qu'un délai lui soit accordé pour ce faire.

Les états de faits des arrêts auxquels le recourant se réfère pour faire valoir
la violation de son droit d'être entendu, divergent du cas d'espèce. Ainsi,
dans l'arrêt 5A_779/2010 du 1er avril 2011, l'autorité intimée n'avait pas même
communiqué à l'intéressé les déterminations et autres documents versés au
dossier. Dans l'arrêt 8C_104/2012 du 26 juin 2012, la partie n'était pas
représentée par un avocat. Enfin, l'arrêt 1B_257/2012, qui applique une
jurisprudence établie de longue date (cf. arrêt 1P.541/2002 du 8 novembre 2002
consid. 2.1.2), concerne un cas de détention provisoire. La particularité d'une
telle procédure qui doit être menée promptement ne permet pas de laisser le
dossier dans l'attente incertaine d'une éventuelle détermination de la partie
concernée. En résumé, contrairement aux affaires susmentionnées, on ne saurait
voir dans le cas d'espèce de violation du droit d'être entendu (cf. arrêts
1C_461/2010 du 31 janvier 2011; 8D_2/2010 du 24 janvier 2011; 8D_4/2009 du 3
mars 2010).

3.
Le recourant se plaint d'une application arbitraire du droit cantonal, en
particulier de l'art. 20 al. 1 de la loi genevoise du 4 juin 1987 d'application
de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LaLAT/GE; RS GE L 1 30)
relatif aux constructions et installations autorisées en zone agricole. Le
bâtiment litigieux serait si proche de la zone agricole que ses aménagements
extérieurs empiéteraient forcément sur celle-ci. Le recourant fait notamment
référence à la pose d'un dallage, aux clôtures qui délimiteront les jardins
ainsi qu'à d'autres installations telles que barbecues en pierre, cabanes de
jardin et autres aménagements d'agrément.

3.1 Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à
l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 LTF, il ne peut s'en écarter que si les
constatations de ladite autorité ont été établies en violation du droit au sens
de l'art. 95 LTF ou de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire
(art. 105 al. 2 LTF) et pour autant que la correction du vice soit susceptible
d'influer sur le sort de la cause (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 II 304
consid. 2.4 p. 314). Si le recourant entend se prévaloir de constatations de
faits différentes de celles de l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF),
il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une
exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. A défaut, il
n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui retenu
dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière
sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur
l'appréciation des preuves (ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104 et les arrêts
cités).

3.2 Le recourant expose en première partie de son recours qu'il ne critique pas
les faits tels que retenus dans l'arrêt attaqué. Faisant valoir le grief
d'arbitraire dans l'application du droit cantonal, il présente toutefois des
faits (ou des suppositions) qui ne ressortent pas de cet arrêt. Celui-ci
retient en effet que le projet de construction adopté est entièrement situé en
zone à bâtir, la façade principale nord du bâtiment étant construite à 1,20 m
de la zone agricole et que le permis de construire a été délivré à la condition
impérative qu'aucun aménagement n'empiète sur la zone agricole (arrêt attaqué
consid. 20 et 30). L'argumentation du recourant, dans la mesure où elle
s'écarte des faits établis dans l'arrêt attaqué, sans prétendre que ceux-ci
seraient manifestement inexacts ou arbitraires, apparaît irrecevable, le
Tribunal fédéral n'étant pas une instance d'appel (ATF 136 II 101 consid. 3 p.
104 s.; 135 II 313 consid. 5.2.2 p. 322).

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, dans la mesure de
sa recevabilité, aux frais du recourant (art. 66 al. 1 LTF). Il versera en
outre une indemnité de dépens à l'intimée, qui obtient gain de cause avec
l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à l'intimée à titre de dépens, à la
charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Département de
l'urbanisme de la République et canton de Genève, au Département de
l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement de la République et canton de
Genève, et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre
administrative.

Lausanne, le 6 décembre 2012

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Sidi-Ali