Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.326/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_326/2012

Arrêt du 17 avril 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger et Eusebio.
Greffière: Mme Mabillard.

Participants à la procédure
A.________, représentée par Me Laurent Schuler, avocat,
recourante,

contre

B.________,
C.________ et D.________,
E.________,
tous les trois représentés par Me Joël Crettaz, avocat,
intimés,

Municipalité de Bière, 1145 Bière, représentée par Me Jean-Michel Henny,
avocat.

Objet
Autorisation préalable d'implantation,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit
administratif et public, du 23 mai 2012.

Faits:

A.
La société A.________ est propriétaire de la parcelle 1024 de Bière. D'une
surface de 1'187m2, ce bien-fonds, sis au lieu-dit "A la Picarde", est classé
dans la zone industrielle et artisanale régie par les art. 37 à 47 du règlement
communal sur le plan d'affectation et la police des constructions, adopté le 8
décembre 2008 par le Conseil communal et approuvé par le Département de
l'économie le 7 mai 2009 (ci-après: le RPA). Sur la parcelle 1024 est érigé un
bâtiment (n° ECA 559), loué, de 1996 à 2008, à la société F.________, dont le
but social est l'importation, l'exportation et la distribution de marchandises
diverses, notamment dans les domaines de l'habillement de la pêche et des
sports nautiques.

B.
Le 20 avril 2011, la société A.________ a présenté une demande d'autorisation
préalable d'implantation portant sur le changement d'affectation du bâtiment n°
559, qui serait destiné à un commerce d'alimentation de détail, à l'enseigne
"Denner"; le projet visait également à créer 18 places de stationnement sur la
parcelle 1024. Mis à l'enquête publique, ce projet a suscité plusieurs
oppositions, dont celles de C.________ et D.________. Le 21 juin 2011, la
municipalité de Bière a rejeté la demande et admis les oppositions, au motif
que le projet n'était pas conforme à l'affectation de la zone.
La société A.________ a porté sa cause devant la Cour de droit administratif et
public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal),
qui a tenu une audience avec inspection locale en présence des parties le 15
mars 2012. Par arrêt du 23 mai 2012, le Tribunal cantonal a rejeté le recours
de l'intéressée et confirmé la décision de la municipalité de Bière du 21 juin
2011. Il a considéré en substance que le projet litigieux modifiera la nature
de l'utilisation des locaux et compromettra l'objectif d'aménagement du
territoire poursuivi par les autorités communales.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la société
A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du Tribunal cantonal
du 23 mai 2012 en ce sens que sa demande d'implantation préalable du 20 avril
2011 est admise. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué, la cause étant renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision
dans le sens des considérants. La recourante se plaint pour l'essentiel d'une
constatation inexacte des faits, d'une violation de la liberté économique,
d'une application arbitraire du droit cantonal et d'une inégalité de
traitement.
Le Tribunal cantonal se réfère à son arrêt. La municipalité de Bière conclut au
rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué. Les intimés
C.________ et D.________ et E.________ concluent également au rejet du recours.
La recourante a répliqué le 24 septembre 2012; elle maintient ses conclusions.

Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision rendue dans le domaine du droit public de
l'aménagement du territoire et des constructions, le recours est en principe
recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss
LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La
recourante a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal.
Elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué, qui confirme le refus de
la municipalité de lui accorder l'autorisation préalable d'implantation qu'elle
avait sollicitée. Elle peut ainsi se prévaloir d'un intérêt personnel et digne
de protection à son annulation ou à son modification et a dès lors qualité pour
agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.

2.
La recourante se plaint d'une constatation inexacte des faits.

2.1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le recourant ne peut critiquer ceux-ci que
s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à
celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62) -
ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF), ce qu'il
lui appartient d'exposer et de démontrer de manière claire et circonstanciée.
La correction du vice soulevé doit en outre être susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.2 En l'espèce, la recourante allègue que, contrairement à ce qu'a retenu le
Tribunal cantonal, la société G.________ n'est pas un bureau d'architectes mais
une société anonyme dont le but est toute activité en rapport avec
l'organisation du commerce de détail, achat, vente, fabrication et distribution
de matériel en tout genre se rapportant à l'aménagement de locaux commerciaux.
Il en irait de même de la société H.________ dont le but est notamment
l'import, l'export, la commercialisation et la distribution de machines et
appareils électriques en Suisse et à l'étranger. L'arrêt attaqué ne mentionne
par ailleurs pas la présence d'un élevage de chevaux dans la zone industrielle
et artisanale alors que l'existence de ce commerce est admise par toutes les
parties. Or, ces faits tendraient à prouver que l'autorité communale tolère des
activités commerciales dans la zone industrielle et artisanale. Contrairement à
ce que soutient la recourante, une éventuelle correction de l'état de fait sur
ces points ne serait de toute façon pas susceptible d'influer sur l'issue du
litige, puisque ces activités ne sont de toute façon pas assimilables à un
commerce de détail (cf. consid. 4 ci-dessous).
La cour cantonale se serait par ailleurs appuyée uniquement sur les
déclarations de la municipalité concernant le taux d'occupation des employés
des sociétés précitées. Ceci, de même que les constatations selon lesquelles
les activités de ces sociétés ne provoquaient qu'un faible trafic de véhicules
et que l'installation d'un satellite Denner induirait une augmentation du
trafic, ne reposerait sur aucun élément concret et n'avait pas fait l'objet de
mesures d'instruction approfondies. La recourante affirme ainsi que ces faits
seraient arbitraires, sans toutefois développer ses propos. Quoi qu'il en soit,
il apparaît que les constatations du Tribunal cantonal, qui s'est déplacé sur
les lieux, ne sont pas insoutenables et ne méritaient pas d'instruction
supplémentaire. En particulier, l'augmentation du trafic et des nuisances
provoquées par l'ouverture d'un commerce de détail est un fait notoire.
Mal fondé, le grief doit être rejeté et le Tribunal fédéral est lié par les
faits retenus dans l'arrêt attaqué, conformément à l'art. 105 al. 1 LTF.

3.
Selon la recourante, le Tribunal cantonal aurait appliqué arbitrairement l'art.
37 RPA. Cette disposition a la teneur suivante :
Cette zone est réservée à l'industrie légère et à l'artisanat. Des bâtiments
d'habitation de modeste importance peuvent toutefois être admis s'ils sont
nécessités par des obligations de gardiennage ou toute autre raison jugée
valable par la Municipalité. Ils formeront un tout architectural avec les
constructions principales et n'auront au maximum que 2 logements.
L'industrie ou les activités susceptibles d'entraîner des nuisances pour le
voisinage sont interdites.
(...)

3.1 Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit
cantonal que sous l'angle de l'arbitraire. Il ne s'écarte de la solution
retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec
la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en
violation d'un droit certain, ce qu'il appartient au recourant de démontrer par
une argumentation qui réponde aux exigences des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF
(cf. ATF 134 II 349 consid. 3 p. 351 s.; 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254 et les
références). Le recourant doit ainsi indiquer précisément quelle disposition
constitutionnelle ou légale a été violée et démontrer par une argumentation
précise en quoi consiste la violation. En outre, si l'interprétation défendue
par la cour cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire
au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, elle sera
confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire
préférable (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17).

3.2 En l'occurrence, le Tribunal cantonal a considéré que la création d'un
local destiné au commerce de détail n'était pas conforme à l'affectation de la
zone industrielle et artisanale, telle que décrite à l'art. 37 RPA; la
recourante n'en disconvenait pas, puisqu'elle avait déposé une demande de
changement d'affectation de son bâtiment.
Les juges cantonaux ont ensuite rappelé que, selon la jurisprudence, les
activités sans rapport avec la production, la fabrication ou la transformation
de biens matériels n'étaient en principe pas compatibles avec une zone
industrielle et artisanale. Des activités commerciales pouvaient toutefois être
admises lorsque l'autorité avait développé une pratique constante admettant
dans cette zone des activités commerciales non industrielles, telles que la
vente, les activités de service, de détente ou de loisir. Tel avait été
notamment le cas de kiosques (shops) de stations-service (cf. arrêt 1C_122/2010
du 21 juin 2010 et 1C_426/2007 du 8 mai 2008), d'une discothèque, d'une salle
de sport, d'un commerce de meubles et d'une droguerie.
Dans le cas particulier, la cour cantonale a indiqué que les bâtiments sis dans
la zone industrielle formaient une unité, caractéristique de l'ancienne
entreprise industrielle, comprenant les ateliers de production, les locaux
administratifs, ainsi que des logements de fonction. Le souhait de la commune
était de conserver ces locaux disponibles pour de petites entreprises
artisanales, qui ne trouveraient pas à se loger ailleurs, afin de maintenir,
autant que possible, une activité économique indépendante de l'agriculture dans
le village. L'occupation actuelle des bâtiments existants était certes
disparate: si les activités les plus importantes étaient manifestement de
nature artisanale, d'autres relevaient de la prestation de services, du
commerce ou des loisirs; l'activité de la société F.________ ne dépareillait
pas dans ce tableau. Cela étant, le projet de la recourante d'installer dans
ces lieux un commerce de détail allait clairement à l'encontre des affectations
actuelles. Celles-ci ne provoquaient en effet qu'un très faible trafic de
véhicules, compte tenu du petit nombre d'employés et d'usagers visitant le
site. La création d'un commerce de détail, à l'enseigne d'une chaîne pratiquant
une formule de réduction maximale des prix, allait drainer un afflux de clients
qui se déplaceraient exclusivement par les moyens du trafic privé. Cela
modifierait la nature de l'utilisation des locaux et compromettrait l'objectif
d'aménagement du territoire poursuivi par les autorités communales.

3.3 La recourante tient ce raisonnement pour arbitraire. Elle souligne que
l'autorité communale tolère, selon une pratique déjà ancienne, les activités
commerciales au sein de la zone industrielle et artisanale. Cette autorité n'a
pas pris de mesures particulières pour limiter les exploitations d'activités
commerciales au sein de cette zone depuis le dépôt du recours et ne soutient
pas qu'elle va changer de pratique, ce qui montrerait qu'elle entend maintenir
une certaine tolérance dans sa manière d'appliquer le RPA. De l'avis de la
recourante, l'argument selon lequel le projet de commerce de détail
engendrerait des nuisances excessives ne résiste pas à l'examen et le fait que
l'activité future ne serait pas comparable à celle pratiquée par la société
F.________ n'est pas pertinent; la seule question serait de savoir si une
modification de l'affectation du bâtiment était autorisée.
Dans son argumentation, de nature purement appellatoire, la recourante ne
démontre nullement en quoi la motivation de l'arrêt attaqué serait
insoutenable, ou conduirait à un résultat choquant. Il apparaît au contraire
que le raisonnement des juges cantonaux, conforme à la jurisprudence cantonale,
échappe à l'arbitraire. En particulier, il est manifeste que le commerce de
détail prévu par la recourante générerait des nuisances qui n'ont rien à voir
avec les activités tertiaires ou relevant du commerce en gros tolérées
jusqu'ici. La non-conformité évidente de ce projet à la zone en question
compromettrait par ailleurs effectivement l'objectif d'aménagement du
territoire poursuivi par les autorités communales, qui pouvaient dès lors à bon
droit refuser le changement d'affectation sollicité. Contrairement à ce que
soutient la recourante, la situation n'est dès lors pas comparable à celle qui
a donné lieu à l'arrêt 1C_426/2007 du 8 mai 2008, concernant une
station-service avec shop dans une zone industrielle. Le grief tiré d'une
violation arbitraire du droit cantonal apparaît dénué de fondement et le
recours doit être rejeté sur ce point.

4.
La recourante dénonce une violation des principes de l'égalité de traitement et
de la liberté économique.

4.1 Selon la recourante, toutes les conditions pour appliquer le principe de
l'égalité dans l'illégalité sont réunies: la municipalité de Bière tolérerait
depuis de longue date de nombreuses activités commerciales dans la zone
industrielle et artisanale en cause, sans prétendre qu'elle allait modifier sa
pratique ou entreprendre des démarches pour faire respecter l'application
stricte de la définition de la zone. En refusant le changement d'affectation
requis, elle commettait une inégalité de traitement avec les autres entreprises
qui exploitaient une activité commerciale dans la zone en question.
La recourante soutient en vain que la municipalité traite de manière différente
des situations similaires. Non seulement la municipalité n'a accordé aucun
changement d'affectation dans la zone en question, où des activités autres
qu'industrielles et artisanales sont effectivement tolérées, mais il apparaît
encore qu'aucun commerce de détail n'a été admis jusqu'à présent dans la zone.
La pratique communale n'étant pas de tolérer des activités assimilables à un
commerce de détail, il ne saurait y avoir d'inégalité de traitement.

4.2 Le grief relatif à une violation de la liberté économique, articulé
essentiellement autour d'une inégalité de traitement entre concurrents, est dès
lors également mal fondé. La recourante ne peut au demeurant rien tirer du fait
que la société F.________ exerçait auparavant une activité commerciale à cet
endroit: cette société ne pratiquait pas de commerce de détail, comme aucune
autre entreprise active dans le secteur en cause et citée dans le recours. De
plus, comme l'a relevé le Tribunal cantonal, la décision attaquée répond à
l'intérêt public lié à l'usage de la zone industrielle et artisanale conforme à
sa destination, et l'on ne saurait prétendre que les art. 37 ss RPA
privilégieraient certaines formes de commerce, au détriment de celui de détail,
ou d'autres commerces de détails situés dans d'autres zones.

5.
Il résulte de ce qui précède que le recours, entièrement mal fondé, doit être
rejeté, aux frais de la recourante qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF).
Celle-ci versera en outre une indemnité de dépens aux intimés C.________ et
D.________ et E.________ qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un
avocat (art. 68 al. 2 LTF). L'intimé B.________, qui ne s'est pas déterminé,
n'a pas droit à des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, fixés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 3'000 fr. est allouée aux intimés C.________ et D.________ et
E.________ à titre de dépens, à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au mandataire de la Municipalité
de Bière ainsi qu'au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit
administratif et public.

Lausanne, le 17 avril 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Mabillard