Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.305/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_305/2012

Arrêt du 26 février 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger, Merkli, Karlen et
Chaix.
Greffière: Mme Tornay Schaller.

Participants à la procédure
A.________,
B.________,
ASLOCA, Association genevoise de défense des locataires,
tous les trois représentés par Me Christian Grobet, avocat,
recourants,

contre

Grand Conseil du canton de Genève, case postale 3970, 1211 Genève 3.

Objet
Initiative populaire IN 148 "Bureaux et logements de luxe, ça suffit!
Construisons des logements locatifs et bon marché",

recours contre la décision du Grand Conseil du canton de Genève du 10 mai 2012.

Faits:

A.
Par arrêté du 7 septembre 2011, publié dans la Feuille d'avis officielle du 12
septembre 2011, le Conseil d'Etat du canton de Genève (ci-après: le Conseil
d'Etat) a constaté l'aboutissement de l'initiative populaire cantonale
intitulée "Bureaux et logements de luxe, ça suffit! Construisons des logements
locatifs et bon marché" (ci-après: l'initiative ou l'IN 148). Cette initiative
législative tend à lutter contre la crise du logement et a la teneur suivante:

Article 1 La loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4
décembre 1977 (LGL; RSG I 4 05) est modifiée comme suit:

Art. 1er Buts et champ d'application alinéas 1 et 4 (modifié)
1. La présente loi a pour but de mener une large politique du logement, qui
vise tout particulièrement à encourager la construction d'appartements locatifs
répondant à un besoin d'intérêt général, s'agissant spécialement des logements
d'utilité publique bon marché. Elle a aussi pour but la mise en oeuvre des
objectifs du droit au logement, institués dans l'article 10A de la
constitution, dont «des mesures appropriées à la réalisation de logements
répondant aux besoins reconnus de la population» et en réalisant «la priorité
aux habitations à bas loyers». Ces mesures exigent notamment que:
- l'affectation des terrains à bâtir doit être accordée prioritairement aux
besoins du logement, de manière au moins à construire un nombre équilibré de
logements nécessaires par rapport à de nouveaux locaux de travail, en
appliquant des taux de répartition des surfaces de plancher entre logements et
activités ainsi que les taux des catégories d'appartements locatifs, sociaux et
en propriété par étages (PPE);
- l'utilisation rationnelle des terrains par des taux élevés de densités de
construction, du fait des espaces constructifs limités pour des solutions
économiques pour la construction de logements;
- l'acquisition de terrains à bâtir par l'Etat et les communes pour construire
des logements locatifs bon marché en utilisant les moyens institués par la
présente loi;
- la lutte contre la spéculation immobilière, provoquant l'explosion des
loyers, en imposant la transparence des transactions immobilières.
4. Il y a pénurie de logements, lorsque le taux de l'ensemble des appartements
vacants est inférieur à 2% de l'ensemble du parc immobilier genevois.
Art. 1A Inaliénabilité des logements d'utilité publique (nouveau)
1. Par logements d'utilité publique, cités à l'article 1, il faut entendre des
logements qui, de manière pérenne, sont réalisés, acquis ou en mains de l'Etat,
des communes, des fondations, des collectivités et des établissements publics,
y compris les personnes morales ou privées, juridiquement ou économiquement,
qui dépendent du secteur public, de même pour les logements découlant de
terrains préemptés, expropriés, mis en droit de superficie ou ayant bénéficié
de toute aide quelconque de l'Etat et des communes, s'agissant de manière
générale d'organismes publics.
2. Les terrains et les immeubles propriété des organismes publics, désignés à
l'alinéa 1, sont inaliénables; ils peuvent, toutefois, être aliénés entre ces
entités publiques, sur décision du Grand Conseil. Des échanges de terrains
entre des organismes publics et des tiers peuvent être autorisés sur décision
du Grand Conseil.
Art. 9A Taux de répartition des surfaces de plancher affectées à du logement
(nouveau)
A l'exception des équipements publics ainsi que des espaces verts et de
détente, les taux des surfaces brutes de plancher de constructions nouvelles,
affectées à du logement, sont fixés ci-après aux taux suivants:
a) 80% au moins dans les zones 1 à 4, ordinaires et de développement, le solde
des surfaces de plancher pouvant être affecté à des activités;
b) 70% au moins dans les zones industrielles et artisanales, lorsqu'elles sont
destinées à être remplacées par des zones mixtes de développement, le solde
pouvant être affecté à des activités;
c) 100% dans la zone 5 (villas);
d) 85% au moins dans la zone agricole, dont les terrains sont déclassés et
intégrés dans des zones de développement, le solde pouvant être affecté à des
activités, en principe au rez-de-chaussée.
Art. 9B Taux de répartition des logements locatifs et des logements en
propriété (nouveau)
Aussi longtemps que sévit la pénurie de logements dans les zones de 1 à 4, les
taux des surfaces brutes de plancher de constructions nouvelles, affectées à
des logements locatifs, sont fixés ci-après aux taux suivants:
- 50% au moins d'appartements locatifs dans les zones 1 à 4 ordinaires ;
- 80% au moins d'appartements locatifs dans les zones de développement pour
l'habitat, y compris les zones de développement mixtes;
- 100% d'appartements locatifs issus de déclassements de la zone agricole, dont
jusqu'à 30% d'appartements en mains de sociétés coopératives d'habitation, sans
but lucratif, afin d'éviter la spéculation immobilière. L'aliénation de tout
appartement locatif, construit dans cette zone déclassée, est interdite.
L'article 39 LDTR est applicable. L'interdiction est annotée au registre
foncier.
Art. 9C L'utilisation des terrains en zones de développement (nouveau)
1. En zones de développement, les bâtiments d'habitation doivent respecter le
nombre, le type, les loyers et les prix des logements répondant à un besoin
prépondérant d'intérêt général, conformément aux articles 3 à 5 de la loi
générale sur les zones de développement du 29 juin 1957.
2. Les appartements locatifs construits en zones de développement sont affectés
à concurrence de 50% au moins à des logements d'utilité publique subventionnés
par l'Etat, au sens de l'article 16 (notamment HBM, HLM et HM), dont les loyers
ne doivent pas dépasser frs. 3200.- la pièce l'an pour les logements bon marché
et frs. 4200.- la pièce l'an pour les logements à loyers modérés.
3. Pour utiliser rationnellement les terrains à bâtir affectés à des
appartements, la surface brute de plancher des appartements ne doit pas
dépasser 120 m2, exceptionnellement jusqu'à 140 m2. De manière générale en 3ème
zone, les taux d'utilisation du sol doivent atteindre un coefficient de 1,4 à
2,5 et les gabarits des immeubles doivent atteindre 4 à 10 niveaux.
4. Pour lutter contre la spéculation et accorder la priorité à la construction
d'immeubles de logements, tout particulièrement d'appartements locatifs à bas
loyers, le prix des terrains en zones de développement est fixé à la valeur de
frs. 700.- le m2 au maximum, sous réserve de l'article 9D, telle que retenue
dans le plan financier des immeubles, adopté par le Conseil d'Etat, sous
réserve d'une indemnisation en cas de démolition d'un bâtiment existant.
Art. 9D Les modalités d'acquisition des terrains agricoles (nouveau)
1. Le manque de terrains à bâtir pour des immeubles d'appartements locatifs bon
marché ainsi que l'application de la politique sociale du logement exigent que
les terrains en zone agricole, qui ont une valeur très modeste, doivent être
déclassés en zones de développement destinées à l'habitat, en application du
plan directeur cantonal. Les terrains déclassés sont affectés à des logements
locatifs.
2. La procédure de déclassement est menée par l'Etat, en collaboration avec les
communes. A cet effet, le Conseil d'Etat désigne les terrains agricoles
adéquats, qui pourraient être déclassés en des zones de développement 3,
exceptionnellement 4, affectées à la construction de logements locatifs
d'utilité publique. Simultanément, il déclare que ces terrains sont déclarés
d'utilité publique, de sorte qu'ils sont soumis au droit de préemption ou
d'expropriation, en application des articles 3 à 9. Ces décisions sont
inscrites au registre foncier.
3. L'Etat est chargé d'acquérir les terrains agricoles qui doivent être
déclassés pour du logement ou des équipements publics, notamment sous forme
d'emption, dont le prix des terrains ne doit pas dépasser le montant de frs.
100,- le m2. Afin de maintenir ce prix et éviter la spéculation foncière, les
terrains agricoles doivent être acquis avant l'arrêté de déclassement du
Conseil d'Etat. L'arrêté n'est pas exécutoire aussi longtemps que les terrains
concernés n'ont pas été acquis par l'Etat.
Art. 9E Autorisations simultanées et publications (nouveau)
1. En application des articles 9A, 9B et 9C, l'autorisation de construire
accordée à des activités, bureaux et commerces etc. ou à des appartements en
propriété par étage doit faire l'objet d'une autorisation compensatoire
correspondant aux surfaces de logements et d'appartements locatifs,
conformément aux exigences de ces articles. Ces deux autorisations simultanées
doivent être délivrées et publiées en même temps; l'ouverture des chantiers et
les constructions doivent être simultanées.
2. Les autorisations de construire et leurs publications dans la Feuille d'Avis
Officielle indiquent les catégories de logements, soit les appartements
locatifs ou en PPE et les catégories de logements sociaux.
Article 10, alinéa 6, (modifié)
6. La Fondation présente un rapport d'activité annuel au Conseil d'Etat et au
Grand Conseil.
Article 37, alinéa 2 (modifié)
2. Le montant des prestations annuelles accordées en application de la présente
loi et des lois visées à l'article 51, alinéa 2, est financé par un montant
minimum de frs 90 millions par an, qui est inscrit dans une rubrique spécifique
et permanente du budget de l'Etat, exception faite de la valeur ... (la suite
est sans changement).
Article 45A Les loyers cantonaux contrôlés (nouveau)
1. Les appartements locatifs, construits en zones de développement, sont soumis
à un contrôle des loyers par l'Etat durant 20 ans, aussi longtemps que sévit la
pénurie de logements dans les zones de 1 à 4. Le contrôle est fondé notamment
sur les coûts d'exploitation et d'entretien des immeubles.
2. Au terme du subventionnement accordé à l'ensemble des logements HLM ou HM,
ce contrôle continue à être appliqué durant 20 ans supplémentaires, tant que la
pénurie de logements persiste.
3. Le contrôle des loyers s'applique également en vertu de l'article 1, alinéa
3, et l'article 2 de la loi pour la construction de logements d'utilité
publique.
4. Aucune hausse de loyer, prévue après la période du contrôle des loyers, ne
peut être notifiée avant la période des quatre derniers mois de cette échéance.
A défaut, elle est nulle.
Article 49, lettres c) et d) Clauses abrogatoires
Les dispositions suivantes sont abrogées:
c) l'article 9, alinéa 3, est abrogé;
d) l'article 14A, alinéa 2, est abrogé, pour autant que cet alinéa 2 soit
modifié lors de la votation du 13 février 2011. L'abrogation de l'alinéa 2 est
alors remplacé par le texte suivant:
2. La Fondation Habitat a pour but principal la construction, l'acquisition et
l'exploitation d'immeubles et de logements HBM destinés aux personnes à revenus
modestes.
Art. 49A Modifications d'autres lois :
a) la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD; RSG L
1 35) est modifiée comme suit :
- les articles 2, alinéa 2, lettre d) et e), et 4A sont abrogés;
- l'article 4A (nouveau) comporte le texte identique de l'article 9C, relatif à
l'utilisation des terrains en zones de développement.
b) la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des
quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt; RSG L 1 40) est modifiée comme
suit: l'article 3, alinéa 1, lettre f est abrogé.
e) la loi d'application du code civil suisse et autres lois fédérales en
matière civile du 2 septembre 2010 (LaCC; RSG E 1 05) est modifiée comme suit:
Art. 187A (nouveau)
1. En application de l'article 970 a du code civil suisse, les acquisitions de
propriété immobilière et la contre-prestation et leurs indications, y compris
les droits de superficie, sont accessibles au registre foncier et publiées,
dans la Feuille d'Avis Officielle. La publication porte notamment sur:
a) le numéro de l'immeuble, sa surface, sa nature et son lieu de situation ;
b) les noms et le domicile ou le siège des personnes morales, qui aliènent la
propriété ou qui l'acquièrent;
c) la date de l'acquisition de la propriété;
d) les parts de copropriété et de propriété par étages;
e) les causes et le prix en francs des transactions immobilières.
2. Si des prestations accessoires ou en nature sont prévues dans le contrat,
leur existence est indiquée dans la publication, sans autres informations sur
leur contenu, ainsi que d'autres données.
3. Les requérants fournissent au registre foncier toutes les informations
nécessaires à la publication des transactions immobilières.
Article 2 Entrée en vigueur
1. Les dispositions du texte de l'initiative sont immédiatement applicables dès
leur adoption par le peuple, y compris les projets de construction dont
l'autorisation n'est pas entrée en force.

B.
Dans son rapport du 30 novembre 2011 au Grand Conseil du canton de Genève
(ci-après: le Grand Conseil), le Conseil d'Etat a considéré que l'initiative
violait notamment le principe de l'unité de la matière, celui de la clarté et
le principe de la conformité au droit supérieur. Il a conclu à l'invalidation
totale de l'initiative.
Par décision du 10 mai 2012, publiée dans la Feuille d'avis officielle le 18
mai 2012, le Grand Conseil a déclaré invalide l'initiative IN 148, suivant
l'avis du Conseil d'Etat et de la Commission législative, par 68 oui contre 15
non et 3 abstentions. Il a refusé de scinder l'initiative ou de la déclarer
partiellement invalide.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________,
B.________ et l'ASLOCA demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler
cette décision et de constater la validité de l'initiative. De façon implicite,
ils concluent subsidiairement à la scission de l'initiative voire à son
invalidation partielle. Ils ont fait parvenir deux écritures complémentaires
intitulées pour l'une "corrections" en date du 13 juin 2012 et pour l'autre
"ajout de la 2ème liste de corrections du 16 juin 2012" au terme de laquelle
ils ont pris une conclusion subsidiaire formulée comme suit: "annuler d'office
partiellement nulle, le cas échéant, l'article 63 alinéa 3 de la constitution
du canton de Genève, par une partie non conforme au droit, tout
particulièrement le droit fédéral, en application de l'initiative IN 148"
(sic).
Le Grand Conseil conclut au rejet du recours. Les recourants ont répliqué par
courrier du 15 octobre 2012.

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours qui
concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations
populaires.

1.1 Cette disposition reprend la règle de l'art. 85 let. a OJ et permet de
recourir contre l'ensemble des actes affectant les droits politiques (cf.
Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du
28 février 2001, FF 2001 4118). Le recours en matière de droits politiques
permet en particulier au citoyen de se plaindre de ce qu'une initiative
populaire a été indûment soustraite au scrutin populaire, parce qu'elle a été
déclarée totalement ou partiellement invalide par l'autorité cantonale chargée
de cet examen (ATF 128 I 190 consid. 1.1 p. 193; cf. ATF 134 I 172 consid. 1 p.
175 s.).

1.2 La qualité pour recourir dans le domaine des droits politiques appartient à
toute personne disposant du droit de vote dans l'affaire en cause (art. 89 al.
3 LTF), même si elle n'a aucun intérêt juridique personnel à l'annulation de
l'acte attaqué (ATF 130 I 290 consid. 1 p. 292). La qualité pour agir des deux
citoyens genevois est ainsi indiscutable. Elle peut aussi être reconnue à
l'ASLOCA, en tant que personne morale qui a lancé l'initiative (ATF 130 I 290
consid. 1.3 p. 292 et les arrêts cités).

1.3 Aux termes de l'art. 42 al. 1 LTF, le mémoire de recours doit contenir les
conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci, sous peine d'irrecevabilité.
Les conclusions doivent indiquer sur quels points la décision est attaquée et
quelles sont les modifications demandées (ATF 133 III 489 consid. 3.1 et les
arrêts cités). Pour satisfaire ces exigences, la partie recourante doit
discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi
elle estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 133 II 249
consid. 1.4.2 p. 254).
Les recourants ont pris une conclusion subsidiaire au terme de l'écriture
intitulée "ajout de la 2ème liste de corrections du 16 juin 2012" et l'ont
formulée comme suit: "annuler d'office partiellement nulle, le cas échéant,
l'article 63 alinéa 3 de la constitution du canton de Genève, par une partie
non conforme au droit, tout particulièrement le droit fédéral, en application
de l'initiative IN 148" (sic). Incompréhensible, cette conclusion doit être
déclarée irrecevable.

2.
Les recourants reprochent au Grand Conseil genevois d'avoir invalidé
l'initiative IN 148 en considérant à tort qu'elle violait l'unité de la
matière. Il s'agit d'une initiative législative rédigée de toutes pièces au
sens de l'art. 65B Cst./GE.

2.1 L'exigence d'unité de la matière découle de la liberté de vote et, en
particulier, du droit à la libre formation de l'opinion des citoyens et à
l'expression fidèle et sûre de leur volonté (art. 34 al. 2 Cst.). Elle interdit
de mêler, dans un même objet soumis au peuple, plusieurs propositions de nature
ou de but différents, qui forceraient ainsi le citoyen à une approbation ou à
une opposition globales, alors qu'il pourrait n'être d'accord qu'avec une
partie des propositions qui lui sont soumises. Il doit ainsi exister, entre les
diverses parties d'un objet soumis au peuple, un rapport intrinsèque ainsi
qu'une unité de but, c'est-à-dire un rapport de connexité qui fasse apparaître
comme objectivement justifiée la réunion de plusieurs propositions en une seule
question soumise au vote (ATF 137 I 200 consid. 2.2 p. 203; 130 I 185 consid. 3
p. 195 et les arrêts cités).
Ce principe est rappelé à l'art. 66 al. 2 Cst./GE, selon lequel il doit exister
un "rapport intrinsèque" entre les diverses parties d'une initiative. La notion
de "rapport intrinsèque" est commune aux droits constitutionnels genevois et
fédéral, et doit s'interpréter de la même manière: le principe d'unité de la
matière est inhérent à la notion même d'initiative, celle-ci devant poser une
question claire aux citoyens au moment du vote. Le critère déterminant est donc
de savoir si, telle qu'elle est proposée, l'initiative permet aux citoyens
d'exprimer librement leur véritable volonté (ATF 130 I 185 consid. 3 p. 195 et
les arrêts cités).
La portée du principe de l'unité de la matière est en outre différente selon
les domaines. Ainsi, les exigences sont plus strictes pour les projets issus
d'une initiative populaire que pour ceux proposés par l'autorité: en effet, la
règle veut aussi empêcher que les auteurs de l'initiative puissent réunir des
partisans de réformes différentes et atteindre ainsi plus aisément le nombre de
signatures requis, en risquant cependant de donner un reflet inexact de
l'opinion populaire (ATF 123 I 63 consid. 4b p. 72 et les arrêts cités; dans
certaines circonstances, on pourrait aussi admettre que la réunion d'éléments
hétérogènes risque de rendre plus difficile la récolte des signatures, les
motifs de désaccord étant plus nombreux: cf. Andreas Auer, Les droits
politiques dans les cantons suisses, 1978, p. 127; Luzian Odermatt,
Ungültigkeiterklärung von Volksinitiativen, PJA 1996 p. 712). Une autre
distinction peut être faite: l'exigence d'unité de la matière est plus
contraignante à l'égard d'une initiative rédigée de toutes pièces que pour une
initiative non formulée: cette dernière contient une proposition générale qu'il
appartiendra encore au législateur de concrétiser (ATF 130 I 185 consid. 3.1 p.
195 et les arrêts cités).

2.2 L'unité de la matière est une notion relative qui doit être appréciée en
fonction des circonstances concrètes (ATF 137 I 200 consid. 2.2 p. 203). Une
initiative se présentant comme un ensemble de propositions diverses, certes
toutes orientées vers un même but, mais recouvrant des domaines aussi divers
qu'une politique économique, une réforme fiscale, le développement de la
formation, la réduction du temps de travail, la réinsertion des sans-emploi,
etc., viole la règle de l'unité de la matière (ATF 123 I 63 consid. 5 p. 73/
74). En revanche, une initiative populaire peut mettre en oeuvre des moyens
variés, pour autant que ceux-ci sont rattachés sans artifice à l'idée centrale
défendue par les initiants (ATF 125 I 227 consid. 3c p. 231; 128 I 190 consid.
3.2). L'unité de la matière fait ainsi défaut lorsque l'initiative présente en
réalité un programme politique général (ATF 123 I 63 consid. 5 p. 73/74),
lorsqu'il n'y a pas de rapport suffisamment étroit entre les différentes
propositions, lorsque celles-ci sont réunies de manière artificielle ou
subjective (ATF 123 I 63 consid. 4d p. 73 et consid. 5 p. 73/74 ainsi que la
doctrine citée), lorsqu'il n'y a pas d'idée centrale mais deux projets de
nature totalement distincte (ATF 129 I 381 consid. 2.4) ou encore lorsqu'il y a
une juxtaposition plutôt qu'une complémentarité de moyens (ATF 130 I 185
consid. 3.6).

2.3 En l'espèce, l'IN 148 est une initiative rédigée de toutes pièces, ce qui
justifie que l'on se montre plus sévère au regard de l'exigence d'unité de la
matière que s'il s'agissait d'une initiative présentée sous forme de voeu.
L'initiative frappe d'emblée par la longueur et la densité de son texte qui
comprend une dizaine d'articles et qui porte sur la modification et/ou
l'amendement de quatre textes législatifs. L'exposé des motifs présente quant à
lui dix buts de l'initiative. Dans le détail, les diverses mesures proposées
ont été résumées par le Conseil d'Etat comme suit:
- inaliénabilité des terrains et immeubles propriété des organismes publics,
sauf exception (art. 1A LGL);
- suppression de la possibilité d'échanger certains terrains acquis en vue du
droit de préemption ou d'expropriation contre d'autres terrains situés en zone
de développement (abrogation de l'art. 9 al. 3 LGL, par effet de l'art. 49 let.
c LGL);
- taux de répartition de surfaces de plancher affectées à du logement, selon
les zones d'affectation (art. 9A LGL);
- taux de répartition entre logements locatifs et logements en propriété, selon
les zones d'affectation (art. 9B LGL);
- fixation d'un montant maximal de loyer pour certains appartements construits
en zone de développement (art. 9C al. 2 LGL);
- fixation d'une surface brute de plancher des appartements de 120m2,
exceptionnellement 140m2 (art. 9C al. 3 LGL);
- fixation de coefficients de 1,4 à 2,5 de taux d'utilisation du sol en 3e zone
(art. 9C al. 3 LGL);
- fixation de gabarits des immeubles en 3e zone, soit entre 4 et 10 niveaux
(art. 9C al. 3 in fine LGL);
- fixation d'un prix du terrain maximum de 700.- le m2 en zone de développement
(art. 9C al. 4 LGL);
- déclassement de terrains agricoles (art. 9D LGL), avec procédure et prix, y
compris déclaration d'utilité publique pour la préemption et l'expropriation;
- acquisition des terrains agricoles déclassés par l'Etat, avec fixation du
prix (art. 9D al. 3 LGL);
- régime d'«autorisation compensatoire» pour des autorisations de construire
accordées à des bureaux ou à des appartements en propriété par étage (art. 9E
al. 1 LGL);
- règles sur le contenu des publications dans la Feuille d'avis officielle
s'agissant des autorisations de construire (art. 9E al. 2 LGL);
- destinataire du rapport d'activité de la Fondation pour la promotion du
logement bon marché et de l'habitat coopératif (FPLC) (art. 10 al. 6 LGL);
- augmentation à 90 millions de francs au minimum du montant des prestations
annuelles accordées sur la base de la LGL (art. 37 al. 2 LGL);
- contrôle des loyers pendant 20 ans des appartements locatifs construits en
zones de développement (art. 45A al. 1 LGL);
- prolongation de 20 à 40 ans du contrôle des loyers HLM et HM, en cas de
pénurie de logements (art. 45A al. 2 LGL);
- suppression de la possibilité de renoncer à l'établissement d'un plan
localisé de quartier pour des projets de constructions conformes au 1er prix
d'un concours d'urbanisme ou d'architecture (abrogation de l'art. 2, al. 2 let.
d et e LGZD);
- suppression de l'exigence d'un concept énergétique territorial dans le
contenu d'un plan localisé de quartier (abrogation de l'art. 3 al. 1 lettre f
LExt);
- règles de publication des acquisitions de propriété immobilière dans la
Feuille d'avis officielle (art. 187A LaCC).

2.4 Les recourants avancent que l'unité de la matière est "indéniable", au
motif que l'initiative comporte uniquement des modifications de la LGL. On peut
certes admettre que l'initiative poursuit un but général unique, soit la
promotion de la construction de nouveaux logements, en donnant la priorité aux
logements locatifs. En revanche, les nombreux moyens mis en oeuvre, exposés de
manière complexe, ne présentent pas d'unité suffisante; les mesures proposées
visent ainsi l'aménagement du territoire (inaliénabilité des terrains et
immeubles propriété des organismes publics, taux de répartition entre logements
locatifs et logements en propriété, fixation de coefficients de 1,4 à 2,5 de
taux d'utilisation du sol en 3ème zone, suppression de la possibilité de
renoncer à un plan localisé de quartier pour des projets de construction
conformes au 1er prix d'un concours d'urbanisme), le droit des constructions
(taux de répartition de surfaces de plancher affectées à du logement, fixation
d'une surface brute de plancher des appartement de 120 m2 exceptionnellement de
140 m2), le contrôle de certains loyers, le droit de la propriété privée
(fixation d'un prix du terrain maximum de 700 francs le m2 en zone de
développement), les prestations financières accordées sur la base de la LGL
(augmentation à 90 millions de francs au minimum du montant des prestations
annuelles accordées), le concept énergétique et la publication des transactions
immobilières. Ainsi, le contrôle des loyers est sans relation avec le
déclassement de la zone agricole. La fixation d'un nombre d'étages (entre 4 et
10) n'a pas de lien direct avec les règles de publication des acquisitions de
propriété immobilière dans la Feuille d'avis officielle. Le taux de répartition
entre logements locatifs et logements en propriété n'a pas non plus de rapport
étroit avec l'augmentation à 90 millions de francs au minimum du montant des
prestations annuelles accordées sur la base de la LGL. La suppression de
l'exigence d'un concept énergétique territorial dans le contenu d'un plan
localisé de quartier n'a pas de connexité avec le contrôle des loyers pendant
20 ans des appartements locatifs construits en zones de développement.
Si ces mesures ont un lien avec la construction de logements et l'utilisation
des bâtiments pour le logement, le nombre de modifications proposées est très
important. Un tel foisonnement de propositions comporte inévitablement le
risque que le citoyen, favorable par hypothèse au but poursuivi par
l'initiative, s'oppose à l'une ou l'autre des mesures proposées. Rien ne permet
par exemple d'affirmer qu'une personne en principe favorable à la construction
de logements accessibles à la majorité de la population soit aussi acquise à la
suppression de l'exigence d'un concept énergétique territorial dans le contenu
d'un plan localisé de quartier ou encore à la suppression de la possibilité
d'échanger certains terrains acquis en vue du droit de préemption ou
d'expropriation contre d'autres terrains situés en zone de développement, à la
fixation de gabarits entre 4 et 10 niveaux des immeubles en 3ème zone. Or, le
principe de l'unité de la matière tend précisément à éviter de tels dilemmes,
contraires à la liberté de choix qui doit prévaloir en matière de droits
politiques (ATF 129 I 366 consid. 2.2 p. 370 et les références citées).
Par ailleurs, le seul fait que l'initiative couvre un champ d'intervention plus
restreint que celui couvert par la LGL ne permet pas d'avoir un fil conducteur
aisément reconnaissable puisque la LGL a elle-même un contenu hétéroclite. De
même, il sied de préciser que, contrairement à ce que les recourants allèguent,
l'IN 148, qui est une initiative législative rédigée sous forme de projet de
loi, ne saurait être comparée à l'initiative législative non formulée "Pour la
protection de l'habitat et contre les démolitions abusives" qui a abouti à
l'adoption par le parlement genevois de la première LDTR en 1983. S'il est vrai
que les exigences relatives à l'unité de la matière sont moins strictes pour
les initiatives législatives que pour les initiatives constitutionnelles, les
recourants oublient cependant que le principe de l'unité de la matière revêt un
sens plus contraignant pour les initiatives rédigées que pour les initiatives
conçues en termes généraux.
Il découle de ce qui précède que le contenu de l'initiative IN 148 est
particulièrement hétérogène. L'IN 148, sous le couvert d'un objectif général
unique, constitue en réalité un catalogue de mesures politiques en matière de
logements et d'aménagement du territoire. Les composantes de l'initiative sont
si disparates qu'il n'est pas possible de discerner un rapport intrinsèque
entre elles, permettant d'aboutir au constat du respect de l'unité de la
matière.

3.
La sanction de la violation du principe de l'unité de la matière est en
principe l'annulation, totale ou partielle, de l'initiative. Le droit cantonal
peut toutefois prévoir la scission de l'initiative en plusieurs parties,
soumises à des votes distincts.

3.1 L'art. 66 al. 2 Cst./GE prévoit la scission de l'initiative qui ne respecte
pas l'unité de la matière, pour autant que ses différentes parties soient en
elles-mêmes valides. Selon la jurisprudence, les auteurs d'une initiative qui
ne respecte pas l'unité de la matière ne sauraient exiger une scission,
permettant de sauver leur démarche à n'importe quelles conditions. La scission
a ainsi été refusée pour une initiative genevoise comportant un grand nombre de
propositions différentes s'apparentant au programme d'un parti politique; la
démarche des initiants apparaissait comme abusive et il n'était pas possible,
pour des raisons pratiques et de clarté, de séparer les différents volets de
l'initiative (ATF 123 I 63 consid. 6 p. 74).
Dans leur mémoire de recours, les recourants se prévalent de l'art. 66 al. 2
Cst./GE, sans préciser pour autant en quoi pourrait consister une éventuelle
scission du texte de l'initiative. Or, il n'appartient pas au Tribunal fédéral
de décider d'un mode de scission admissible (ATF 130 I 185 consid. 4.4; 123 I
63 consid. 6c p. 76). Vu les très nombreuses thématiques que contient
l'initiative et l'absence de rapport intrinsèque entre elles, il paraît
d'ailleurs difficile de trouver une forme de scission satisfaisante.

3.2 Sans le formuler clairement, les recourants demandent subsidiairement que
l'initiative soit soumise à votation sans les modifications prévues aux art.
1A, 9A, 9B, 9C al. 2 et al. 3, 9D, 9E al. 1 LGL et à l'art. 4A al. 2 et 3 LGZD,
déclarées non conformes au droit supérieur dans le rapport du Conseil d'Etat du
30 novembre 2011.
3.2.1 L'invalidation partielle d'une initiative découle du principe selon
lequel une initiative doit être interprétée dans le sens le plus favorable aux
initiants, selon l'adage "in dubio pro populo". Elle apparaît également comme
une concrétisation, en matière de droits populaires, du principe général de la
proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) qui veut que l'intervention étatique
porte l'atteinte la plus restreinte possible aux droits des citoyens et que les
décisions d'invalidité soient autant que possible limitées en retenant la
solution la plus favorable aux initiants. Ainsi, lorsque seule une partie de
l'initiative paraît inadmissible, la partie restante peut subsister comme
telle, pour autant qu'elle forme un tout cohérent, qu'elle puisse encore
correspondre à la volonté des initiants et qu'elle respecte en soi le droit
supérieur. L'invalidité d'une partie de l'initiative ne doit entraîner celle du
tout que si le texte ne peut être amputé sans être dénaturé (ATF 134 I 172
consid. 2.1 p. 177 et la jurisprudence citée).
L'invalidation partielle est soumise à deux conditions, l'une subjective,
l'autre objective. Il faut en premier lieu que l'on puisse raisonnablement
admettre que les signataires auraient aussi approuvé la partie valable de
l'initiative, si elle leur avait été présentée seule (ATF 125 I 21 consid. 7b
p. 44). Il faut en second lieu qu'amputée de certaines parties viciées, les
dispositions restantes représentent encore un tout assez cohérent pour avoir
une existence indépendante et correspondre à l'objectif principal initialement
visé par les initiants, tel qu'il pouvait être objectivement compris par les
signataires (ATF 130 I 185 consid. 5 p. 202). Tel est le cas lorsque la partie
restante de l'initiative forme un tout homogène qui suit la direction donnée
par l'initiative complète, de sorte que l'initiative ne soit pas dépouillée de
son contenu essentiel (ATF 125 I 21 consid. 7b p. 44).
3.2.2 En l'espèce, même sans les dispositions précitées, les nombreuses
matières qui restent (la disposition sur le but de la loi, celle relative à la
transmission des rapports de la Fondation pour la promotion du logement bon
marché et de l'habitat coopératif, celle relative aux incitations financières
et celle en matière de publication des transactions immobilières) ne présentent
pas de liens suffisamment étroits entre elles et ne permettent pas de respecter
le principe de l'unité de la matière. Une annulation partielle de l'initiative
litigieuse n'est dès lors pas possible.
Par conséquent, c'est à juste titre que le Grand Conseil a procédé à une
invalidation totale de l'initiative IN 148.

4.
Il s'ensuit que l'invalidation totale décidée par le Grand Conseil est conforme
au droit constitutionnel, fédéral et cantonal. Il n'y a pas, cela étant, à
examiner les autres arguments des recourants, relatifs à la clarté de
l'initiative et à sa conformité au droit supérieur. Conformément à l'art. 66
al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants, qui
succombent. Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 francs, sont mis à la charge des
recourants. Il n'est pas alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants et au Grand
Conseil du canton de Genève.

Lausanne, le 26 février 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Tornay Schaller