Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.302/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_302/2012, 1C_303/2012

Arrêt du 27 février 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Aemisegger, Juge présidant, Merkli, Karlen, Eusebio et
Chaix.
Greffière: Mme Tornay Schaller.

Participants à la procédure
1C_302/2012
Parti socialiste vaudois et consorts.________
recourants,

et

1C_303/2012
PLR "Les Radicaux-Libéraux Vaud",
Union démocratique du centre - Vaud
et consorts
tous représentés par Me Yves Noël, avocat,
recourants,

contre

Grand Conseil du canton de Vaud, place du Château 6, 1014 Lausanne,

1C_302/2012
PLR "Les Radicaux-Libéraux Vaud",
Union démocratique du centre - Vaud
et consorts
tous représentés par Me Yves Noël, avocat,
recourants,

1C_303/2012
Parti socialiste vaudois et consorts,
Objet
Validité de l'initiative populaire cantonale "Pour un rabais d'impôt qui
protège les assuré-e-s plutôt que les actionnaires",

recours contre l'arrêt de la Cour constitutionnelle du canton de Vaud du 9 mai
2012.

Faits:

A.
Le 13 octobre 2009, le Département de l'intérieur du canton de Vaud a constaté
l'aboutissement de l'initiative populaire intitulée "Pour un rabais d'impôt qui
protège les assuré-e-s plutôt que les actionnaires". Il s'agit d'une initiative
populaire législative rédigée de toutes pièces au sens de l'art. 102 de la loi
vaudoise sur l'exercice des droits politiques du 16 mai 1989 (LEDP; RSV
160.01), qui tend à abroger les articles 21 (portant sur l'imposition partielle
des revenus produits par les participations commerciales), 23 al. 1bis
(traitant de l'imposition des dividendes à hauteur de 70%), 118a al. 1 (relatif
à l'imputation de l'impôt sur le bénéfice) et 123 al. 3 (relatif à l'imputation
de l'impôt sur les recettes brutes) de la loi vaudoise sur les impôts directs
cantonaux (LI/VD; RSV 642.11) et à modifier ou à introduire les articles 21 al.
2, 23 al. 1 let. c, 47a et 132 al. 1 LI/VD dont la teneur est la suivante:
Art. 21 Principe
2. Tous les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation
ou de la réévaluation comptable d'éléments de la fortune commerciale font
partie du produit de l'activité lucrative indépendante. Le transfert d'éléments
de la fortune commerciale dans la fortune privée ou dans une entreprise ou un
établissement stable sis à l'étranger est assimilé à une aliénation. La fortune
commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent, entièrement ou
de manière prépondérante, à l'exercice de l'activité lucrative indépendante; il
en va de même pour les participations d'au moins 20% au capital-actions ou au
capital social d'une société de capitaux ou d'une société coopérative, dans la
mesure où le détenteur les déclare comme fortune commerciale, au moment de leur
acquisition.
Art. 23 Rendement de la fortune mobilière
1. Est imposable le rendement de la fortune mobilière, en particulier :
c. les dividendes, les parts de bénéfice, l'excédent de liquidation et tous
autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout
genre (y compris les actions gratuites, les augmentations gratuites de la
valeur nominale, etc.). Lorsque des droits de participation sont vendus
conformément à l'article 4a de la loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt
anticipé (LIA), à la société de capitaux ou à la société coopérative qui les a
émis, l'excédent de liquidation est considéré comme étant réalisé dans l'année
pendant laquelle la créance de l'impôt anticipé prend naissance (art. 12, al. 1
et 1bis de la loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé);
Art. 47a Rabais d'impôt en fonction de la prime de référence
1. Le montant de l'impôt sur le revenu fixé selon le coefficient annuel est
réduit de la différence entre le montant global des primes de l'assurance
obligatoire des soins du contribuable et le 10% de son revenu déterminant.
Cette réduction ne peut excéder le montant de l'impôt.
2. Le montant des primes de l'assurance obligatoire des soins, au sens de
l'alinéa 1, est celui de la prime cantonale de référence fixé selon l'article
17 LVLAMal pour l'année précédant la période fiscale. Sont prises en
considération pour le calcul du montant global des primes à la charge du
contribuable :
a. la prime du contribuable célibataire, veuf, divorcé ou imposé séparément
selon l'article 10;
b. les primes des époux pour les couples vivant en ménage commun (article 9);
c. les primes des enfants mineurs, en apprentissage ou aux études à la charge
du contribuable et dont il assure l'entretien complet. Si la part de quotient
de 0.5 à laquelle l'enfant doit donner droit est répartie entre plusieurs
contribuables, il en va de même de la prime qui le concerne. Le montant des
subsides auxquels ces personnes ont droit pour le paiement de leurs primes
d'assurance obligatoire des soins est déduit du montant global des primes.
3. Le revenu déterminant au sens de l'alinéa 1 est constitué :
a. du revenu net au sens de l'article 29 augmenté des déductions prévues à
l'article 37, lettres h, hbis et i;
b. du vingtième de la fortune globale nette réduite de la valeur imposable
nette du logement affecté au domicile principal du contribuable.
Art. 132 Principes régissant l'établissement des barèmes
1. Le Conseil d'Etat fixe le barème des retenues d'après les taux de l'impôt
sur le revenu des personnes physiques (article 47). Il prend en considération
l'article 47a. Les taux prévus aux articles 48 et 49 sont applicables aux
prestations en capital.
Selon les documents explicatifs présentés à son appui, l'initiative litigieuse
poursuit un double but. Elle cherche d'une part à alléger la charge fiscale des
contribuables dont les primes d'assurances-maladie dépassent le 10 % du revenu
net: une déduction nouvelle portant non pas sur l'assiette mais sur l'impôt
lui-même (rabais d'impôt) est accordée pour cette partie excédentaire de la
prime annuelle. Elle veut d'autre part revenir sur les allégements fiscaux en
faveur des actionnaires, introduits par l'adoption de la loi fédérale sur la
réforme de l'imposition des entreprises et la modification de la LI/VD du 8
février 2009. L'une des mesures finance l'autre, "selon un mécanisme de
solidarité". Le rabais d'impôt a pour but de corriger les distorsions de la
charge fiscale pour les contribuables qui, en raison de l'importance de leur
revenu, n'ont plus droit aux subsides prévus par la législation sur
l'assurance-maladie.

B.
Dans son préavis du 9 juin 2010 au Grand Conseil du canton de Vaud, le Conseil
d'Etat vaudois proposait de constater la validité de l'initiative (projet A) ou
la nullité partielle de l'initiative, en ce sens que ses articles 47a et 132
étaient déclarés nuls (projet B).
Par décret du 4 septembre 2011, publié dans la Feuille des avis officiels du 18
octobre 2011, le Grand Conseil vaudois a, contrairement à la proposition du
Conseil d'Etat, constaté l'invalidité de l'initiative en raison de sa
non-conformité au droit supérieur, en se fondant sur un avis de droit du
Professeur Yves Noël du 15 décembre 2009. Le Grand Conseil a également retenu
qu'il n'était pas possible de valider partiellement l'initiative sans remettre
en question le projet dans son ensemble.
Le Parti socialiste vaudois et consorts ont recouru contre cette décision
auprès de la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal du canton de Vaud
(ci-après: la Cour constitutionnelle).

C.
Par arrêt du 9 mai 2012, la Cour constitutionnelle a admis partiellement le
recours. Elle a réformé l'art. 1er du décret du Grand Conseil du 4 septembre
2011, en constatant la nullité partielle de l'initiative populaire cantonale,
en ce sens que ses art. 47a et 132 sont déclarés nuls et que, pour le surplus,
la validité de l'initiative est constatée.

D.
Cet arrêt fait l'objet de deux recours en matière de droit public au Tribunal
fédéral. Le recours 1C_302/2012, formé par le Parti socialiste vaudois et
consorts, tend à l'annulation de l'arrêt de la Cour constitutionnelle et à la
constatation de la validité de l'initiative. Le Parti libéral vaudois et le
Parti radical-démocratique vaudois (devenus depuis le 26 septembre 2012 le "PLR
Les Libéraux-Radicaux Vaud"), l'Union démocratique du Centre-Vaud et cinq
consorts demandent quant à eux la réforme de l'arrêt attaqué, en ce sens que
l'invalidité totale de l'initiative, prononcée par le décret du Grand Conseil
du 4 septembre 2011, est confirmée (cause 1C_303/2012).
Invitée à se prononcer sur les recours, chacune des parties conclut au rejet de
celui formé par l'autre. La Cour constitutionnelle et le Grand Conseil
renoncent à se déterminer. Chacune des parties a en outre déposé des
observations ultérieures, dans lesquelles elles ont confirmé les conclusions de
leurs mémoires de recours.

Considérant en droit:

1.
Les deux recours sont dirigés contre une même décision d'invalidation partielle
rendue en dernière instance cantonale. Bien que les motifs invoqués et les
conclusions prises soient opposés, il y a lieu de joindre les deux procédures
et de statuer par un même arrêt, de façon à permettre une pesée globale des
intérêts en présence.

2.
Selon l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours qui
concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations
populaires.

2.1 Cette disposition reprend la règle de l'art. 85 let. a OJ et permet de
recourir contre l'ensemble des actes affectant les droits politiques (cf.
Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du
28 février 2001, FF 2001 4118). Le recours en matière de droits politiques
permet en particulier au citoyen de se plaindre de ce qu'une initiative
populaire a été indûment soustraite au scrutin populaire, parce qu'elle a été
déclarée totalement ou partiellement invalide par l'autorité cantonale chargée
de cet examen (ATF 134 I 172 consid. 1.1 p. 174).
Les recours 1C_302/2012 et 1C_303/2012 sont formés par des citoyens vaudois qui
ont, à ce titre - et indépendamment de tout intérêt juridique personnel -,
qualité pour se plaindre d'une violation de leur droit de vote (art. 89 al. 3
LTF). La jurisprudence reconnaît également la qualité pour recourir pour
violation du droit de vote aux partis politiques et aux organisations à
caractère politique formées pour l'occasion, à la condition qu'ils exercent
leur activité dans la collectivité publique concernée par l'élection ou la
votation en cause et qu'ils soient constitués en personne morale (ATF 121 I 334
consid. 1a p. 337; 115 Ia 148 consid. 1b p. 153; 114 Ia 267 consid. 1c p. 270;
112 Ia 208 consid. 1a p. 211). Tel est le cas du Parti socialiste vaudois, de
l'Union démocratique du centre-Vaud et du PLR "Les Libéraux-Radicaux Vaud",
dont les recours sont recevables à ce titre.
Le PLR "Les Libéraux-Radicaux Vaud" et consorts n'ont certes pas participé à la
procédure devant l'instance précédente, mais ils n'avaient pas à le faire
puisque l'initiative a d'abord été déclarée invalide par le Grand Conseil. La
condition posée à l'art. 89 al. 1 let. a 2ème hypothèse LTF est dès lors
satisfaite.

2.2 Les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer
en matière sur le fond.

3.
Le Parti socialiste vaudois et consorts reprochent à la Cour constitutionnelle
d'avoir considéré à tort que l'initiative litigieuse n'était pas conforme au
droit supérieur.

3.1 L'art. 80 al. 1 Cst./VD et l'art. 97a LEDP, de même teneur, prévoient que
le Grand Conseil valide les initiatives et constate la nullité de celles qui
sont contraires au droit supérieur (let. a).
D'une manière générale, une initiative populaire cantonale, quelle que soit sa
formulation, doit respecter les conditions matérielles qui lui sont imposées.
Elle ne doit, en particulier, rien contenir de contraire au droit supérieur,
qu'il soit cantonal, intercantonal, fédéral ou international (ATF 133 I 110
consid. 4.1 p. 115 s.). En vertu du principe de la force dérogatoire du droit
fédéral ancré à l'art. 49 al. 1 Cst., les cantons ne sont pas autorisés à
légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral.
Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit pour autant
qu'elles ne violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qu'elles n'en
compromettent pas la réalisation (ATF 134 I 125 consid. 2.1 p. 128; 133 I 286
consid. 3.1 p. 290 et les arrêts cités).

3.2 Selon la pratique constante, l'autorité appelée à statuer sur la validité
matérielle d'une initiative doit en interpréter les termes dans le sens le plus
favorable aux initiants. Lorsque, à l'aide des méthodes reconnues, le texte
d'une initiative se prête à une interprétation la faisant apparaître comme
conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valable et être soumise au
peuple. L'interprétation conforme doit ainsi permettre d'éviter autant que
possible les déclarations d'invalidité (ATF 132 I 282 consid. 3.1 p. 286).
La marge d'appréciation de l'autorité de contrôle est plus grande lorsqu'elle
examine une initiative non formulée que lorsqu'elle se trouve en présence d'une
initiative rédigée de toutes pièces, sous la forme d'un acte normatif (ATF 124
I 107 consid. 5b/aa p. 119 et les arrêts cités).

3.3 En l'espèce, il convient de déterminer si la prise en compte des primes
d'assurances-maladie comme rabais d'impôt est compatible avec la loi fédérale
du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des
communes (LHID; RS 642.14). En d'autres termes, il s'agit de savoir s'il est
possible d'ajouter à une déduction générale harmonisée (déduction limitée des
primes d'assurances-maladie) un rabais d'impôt permettant une seconde
déductibilité (de l'impôt cette fois) de la même dépense. S'il n'est pas
contesté que la LHID ne proscrit pas le système du rabais d'impôt, la question
du contenu de ce rabais doit être examinée.
3.3.1 En matière d'impôt direct des cantons et des communes, le législateur
fédéral a entendu unifier l'assiette de l'impôt sur le revenu et sur le
bénéfice ainsi que de l'impôt sur la fortune et le capital. La LHID définit
donc précisément la composition du revenu imposable et les déductions
autorisées. Les cantons demeurent en revanche libres d'appliquer à cette
assiette leur taux, leurs déductions pour enfants et leurs autres déductions
sociales (art. 9 al. 4 LHID).
L'art. 9 al. 2 let. g LHID prévoit, à titre de déductions générales, "les
versements, cotisations et primes d'assurances-vie, d'assurances-maladie et
ceux d'assurances-accidents qui ne tombent pas sous le coup de la let. f ainsi
que les intérêts des capitaux d'épargne du contribuable et des personnes à
l'entretien desquelles il pourvoit, jusqu'à concurrence d'un montant déterminé
par le droit cantonal; ce montant peut revêtir la forme d'un forfait". La liste
des déductions prévues par l'art. 9 al. 2 LHID est exhaustive; les cantons sont
tenus de la reprendre intégralement (ATF 128 II 66 consid. 4b p. 71 s. et les
références citées). Le canton de Vaud s'est soumis à cette exigence et a
édicté, afin de concrétiser l'art. 9 al. 2 let. g LHID, l'art. 37 al. 1 let. g
LI/VD dont la teneur est la suivante:
"1 Sont déduits du revenu:
g. les versements, cotisations et primes d'assurances-vie, d'assurances-maladie
et d'assurances-accidents qui ne tombent pas sous le coup de la let. f, ainsi
que les intérêts des capitaux d'épargne du contribuable et des personnes à
l'entretien desquelles il pourvoit, jusqu'à concurrence d'un montant total
maximal de:
- 3'200 fr. par année pour le contribuable célibataire, veuf, divorcé ou imposé
séparément selon l'article 10;
- 6'400 fr. par année pour les époux vivant en ménage commun.
2 Les versements, cotisations et primes d'assurances-vie, d'assurances-maladie
et d'assurances-accidents ne sont déductibles à l'intérieur de la limite
maximale que jusqu'à concurrence de: - 1'800 fr. par année [montant porté à
1'900 fr. en 2006] pour le contribuable célibataire, veuf, divorcé ou imposé
séparément selon l'article 10; - 3'600 fr. par année [3'800 fr. en 2006] pour
les époux vivant en ménage commun.
3 La déduction est augmentée de 1'200 fr. [1'300 fr. en 2006] pour chaque
enfant ou personne nécessiteuse pour lesquels le contribuable a droit à une
part de 0,5 (art. 43, al. 2, let. d) ou à une déduction pour personne à charge
(art. 40). L'article 45 est réservé. [...]"
3.3.2 Le calcul du montant objet du rabais d'impôt tel qu'il est prévu à l'art.
47a LI/VD est complexe: ledit montant est calculé non pas à partir des primes
d'assurance-maladie effectivement payées, mais en fonction de la prime
cantonale de référence, fixée annuellement par le Conseil d'Etat et dont le
montant diffère selon la catégorie d'âge et selon le domicile dans le canton.
De ce montant théorique sont déduits les subsides dont bénéficie le
contribuable et qui varient en fonction de la situation familiale et économique
de l'assuré. Le solde est alors comparé au 10 % du revenu. Le montant qui
dépasse cette limite est déduit de l'impôt cantonal dû.
3.3.3 Pour démontrer que le rabais d'impôt litigieux est conforme à la LHID, le
Parti socialiste vaudois et consorts articulent leur raisonnement en trois
temps. Ils avancent d'abord que le rabais d'impôt n'est pas une déduction
générale au sens de l'art. 9 al. 2 LHID puisqu'il ne remplace pas la déduction
prévue à l'art. 37 al. 1 let. g LI/VD. Cet argument manque de pertinence dans
la mesure où il n'est pas contesté que le rabais d'impôt ne se substitue pas à
la déduction ordinaire prévue à l'art. 37 al. 1 let. g LI/VD, mais s'y ajoute.
On ne saurait déduire du seul fait que "les contribuables vaudois
continueraient à pouvoir déduire de leur revenu leurs dépenses effectives liées
notamment aux primes d'assurance-maladie dans la mesure prévue par l'art. 37
al. 1 let. g LI/VD" que le rabais d'impôt prévu à l'art. 47a LI/VD n'est pas
une déduction générale.
Ensuite, le Parti socialiste vaudois et consorts prétendent que le rabais
d'impôt ne constitue pas une double déduction prohibée par la LHID, aux motifs
qu'il ne profiterait pas à l'ensemble des contribuables mais uniquement à une
catégorie de ceux-ci (soit ceux dont les montants globaux des primes
d'assurance-maladie obligatoire calculés selon des critères prédéfinis
représentent théoriquement plus de 10% de leur revenu déterminant) et qu'il ne
concernerait que le montant de l'impôt cantonal à l'exclusion de l'impôt
communal.
Ils perdent cependant de vue qu'avant le calcul du rabais d'impôt, l'entier du
montant autorisé par le droit cantonal en vertu de l'art. 37 al. 1 let. g LI/VD
a déjà été déduit lors de l'établissement de l'assiette du revenu net. Tout
franc de déduction supplémentaire pour la même dépense contourne ce maximum et
aboutit en définitive à une double déduction du même montant, ce qui contourne
les limites impératives fixées par l'art. 9 LHID. C'est donc avec raison que la
Cour constitutionnelle, à l'instar du Grand Conseil, a retenu que l'art. 47a LI
/VD faisait double emploi avec la déduction de l'art. 37 al. 1 let. g LI/VD,
correspondant à l'art. 9 al. 2 let. g LHID et aboutissait de fait à une double
déduction qui entrave l'application du droit harmonisé sur ce point.
Enfin, pour le Parti socialiste vaudois et consorts, le rabais d'impôt
constitue une déduction sociale au sens de l'art. 9 al. 4 LHID.
A cet égard, il est déterminant de distinguer les déductions générales des
déductions sociales. Par déductions sociales, on entend celles qui ne tiennent
pas compte des dépenses effectives (Bosshard/Bosshard/ Lüdin, Sozialabzüge und
Steuertarife im schweizerischen Steurerrecht, 2000, p. 104; Markus Reich,
Steuerrecht, 2012, p. 351 s.; Danielle Yersin, Harmonisation fiscale et droit
cantonal, RDAF 1994, p. 169, p. 183), mais du statut social du contribuable et
de l'influence que ce statut produit sur la capacité économique individuelle (
ATF 131 I 377 consid. 4.2 p. 384). Il s'agit, en d'autres termes, d'équilibrer
la charge fiscale entre divers groupes de contribuables, selon leur capacité
économique. Cela concerne en premier lieu les relations familiales du
contribuable et les charges qui en découlent (ATF 131 I 377 consid. 4.2 pp. 384
/385 et les références citées). De ce point de vue, les déductions sociales
s'apparentent à une mesure touchant au barème de l'impôt (Markus Reich, in
Kommentar zum StHG, 2002, n. 67 ad art. 9 LHID). Par rapport au but du
législateur fédéral d'harmoniser l'assiette de l'impôt, la notion de déduction
sociale s'interprète de manière restrictive (Bosshard/Bosshard/Lüdin, op. cit.,
p. 106; Markus Reich, op. cit., n° 68 ad art. 9 LHID; Danielle Yersin, L'impôt
sur le revenu, étendue et limites de l'harmonisation in Archives de droit
fiscal suisse 61, p. 298).
En l'occurrence, le rabais d'impôt litigieux prend en compte la situation
concrète du contribuable. Même si l'on recourt à la prime cantonale de
référence, celle-ci varie en fonction de l'âge et du domicile du contribuable;
il faut en outre tenir compte du fait que le contribuable a - ou n'a pas - reçu
de subsides pour ses primes d'assurance-maladie. Contrairement à ce que
soutiennent le Parti socialiste vaudois et consorts, le contribuable qui
requiert cet avantage fiscal doit donc détailler sa situation effective (en
particulier les subsides touchés pour ses primes-maladie), et non simplement
déduire des montants forfaitaires selon son seul état civil. Le rabais d'impôt
est ainsi fondé sur la situation de décaissement effectif du contribuable, ce
qui est la caractéristique d'une déduction générale. Même si l'objectif de
l'art. 47a LI/VD est de rééquilibrer la charge fiscale des contribuables en
fonction de leur situation relativement aux primes d'assurance-maladie, une
telle déduction ne peut être considérée comme une déduction sociale au sens de
la LHID, puisqu'elle dépend des dépenses effectives et n'est pas applicable
sans autre calcul à l'entier d'une catégorie de contribuables.

3.4 En définitive, ce n'est pas le rabais d'impôt en tant que tel qui est
contraire à la LHID, mais le fait qu'il soit fondé sur des dépenses dont la
déductibilité ne peut intervenir qu'au titre de déductions générales de l'art.
9 al. 2 LHID. Or, l'interdiction de prévoir des déductions générales ne peut
être contournée en recourant non pas à des déductions sociales sur l'assiette,
mais à une déduction directement opérée sur le montant de l'impôt lui-même
(rabais d'impôt). Dès lors que la déduction autorisée par l'art. 9 al. 2 let. g
LHID est instituée à l'art. 37 al. 2 let. g LI/VD, il n'y a pas de place pour
une nouvelle déduction de tout ou partie de la même dépense, qu'elle
intervienne sur l'assiette ou sur le montant de l'impôt. Le système proposé en
l'espèce a matériellement pour conséquence de contourner la limite posée à la
déductibilité des primes d'assurance-maladie.
Le texte de l'initiative, clairement rédigé, est contraire à l'art. 9 al. 2
LHID et ne laisse pas de place pour une interprétation conforme au droit
supérieur. L'invalidation de l'art. 47a LI/VD entraîne celle de l'art. 132, qui
lui est lié. Par conséquent, il y a lieu de confirmer l'analyse faite par le
Grand Conseil et de retenir que les articles 47a et 132 LI/VD, tels que
proposés par l'initiative litigieuse, violent le principe de la primauté du
droit fédéral (art. 49 Cst.).

4.
Dès lors que les articles 47a et 132 LI/VD sont invalidés, il convient
d'examiner si la partie de l'initiative demandant l'abrogation des articles 21,
21b et 23 LI/VD (en relation avec la suppression des allégements de
l'imposition des dividendes) et des articles 118a et 123 LI/VD (relatifs à la
suppression de l'imputation de l'impôt sur le bénéfice sur l'impôt sur le
capital) peut être soumise seule à la votation populaire.

4.1 Une initiative peut être partiellement invalidée. Même si la loi cantonale
vaudoise ne le prévoit pas expressément, cette possibilité découle du principe
selon lequel une initiative doit être interprétée dans le sens le plus
favorable aux initiants, selon l'adage "in dubio pro populo". Elle apparaît
également comme une concrétisation, en matière de droits populaires, du
principe général de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) qui veut que
l'intervention étatique porte l'atteinte la plus restreinte possible aux droits
des citoyens, et que les décisions d'invalidité soient autant que possible
limitées en retenant la solution la plus favorable aux initiants. Ainsi,
lorsque seule une partie de l'initiative paraît inadmissible, la partie
restante peut subsister comme telle, pour autant qu'elle forme un tout
cohérent, qu'elle puisse encore correspondre à la volonté des initiants et
qu'elle respecte en soi le droit supérieur. L'invalidité d'une partie de
l'initiative ne doit entraîner celle du tout que si le texte ne peut être
amputé sans être dénaturé (ATF 134 I 172 consid. 2.1 p. 177 et la jurisprudence
citée).
L'invalidation partielle est soumise à deux conditions, l'une subjective,
l'autre objective. Il faut en premier lieu que l'on puisse raisonnablement
admettre que les signataires auraient aussi approuvé la partie valable de
l'initiative, si elle leur avait été présentée seule (ATF 125 I 21 consid. 7b
p. 44). Il faut en second lieu qu'amputée de certaines parties viciées, les
dispositions restantes représentent encore un tout assez cohérent pour avoir
une existence indépendante et correspondre à l'objectif principal initialement
visé par les initiants, tel qu'il pouvait être objectivement compris par les
signataires (ATF 130 I 185 consid. 5 p. 202). Tel est le cas lorsque la partie
restante de l'initiative forme un tout homogène qui suit la direction donnée
par l'initiative complète, de sorte que l'initiative ne soit pas dépouillée de
son contenu essentiel (ATF 125 I 21 consid. 7b p. 44).

4.2 En l'occurrence, une initiative qui a pour objet jusque dans son titre un
avantage fiscal nouveau en faveur d'une catégorie de contribuables, soit les
assurés dont les montants globaux des primes d'assurance-maladie obligatoire
calculés selon des critères prédéfinis représentent plus de 10% de leur revenu
déterminant, semble altérée lorsqu'elle est amputée de ce dispositif. Dans les
documents des initiants présentant leur initiative, la partie de l'initiative
concernant l'abrogation de certaines des dispositions relatives aux allègements
fiscaux en faveur des actionnaires et des entreprises a été présentée comme le
moyen de financer le coeur du projet, soit l'allègement par la fiscalité du
poids des primes-maladie. Privée de l'avantage procuré aux assurés-maladie,
l'initiative ne correspond plus à l'objectif initial du projet. "Le mécanisme
de solidarité" et le lien voulu par les initiants entre "les plus riches
contribuables" et "ceux qui ne peuvent supporter le poids de leurs primes" (cf.
document des initiants intitulé "Questions et réponses sur l'initiative")
disparaissent. Faire voter les citoyens vaudois sur le seul financement d'un
projet déclaré nul revient à dénaturer l'initiative, ce d'autant plus que les
recettes nouvelles dégagées par la suppression des allègements fiscaux en
faveur des actionnaires pourront être attribuées par le canton à des objets
différents de ceux voulus par les initiants et signataires de l'initiative.
L'allègement de la charge fiscale des assurés-maladie est à tout le moins
étroitement lié à l'objectif poursuivi par les initiants, de sorte qu'il ne
peut pas être soustrait au texte de l'initiative sans le dénaturer.
Une annulation partielle de l'initiative litigieuse n'est dès lors pas
possible. Par conséquent, c'est à juste titre que le Grand Conseil vaudois a
procédé à une invalidation totale.

5.
Il s'ensuit que le recours 1C_303/2012 est admis et que le recours 1C_302/2012
est rejeté. Le décret du Grand Conseil du 4 septembre 2011 invalidant
l'initiative populaire cantonale "Pour un rabais d'impôt qui protège les
assuré-e-s plutôt que les actionnaires" est confirmé. L'arrêt cantonal est
annulé à l'exception du point III du dispositif relatif à l'émolument d'arrêt.
Les frais judiciaires des causes 1C_302/2012 et 1C_303/2012, arrêtés à 2'000
francs, sont mis à la charge du Parti socialiste vaudois et consorts, qui
succombent (art. 68 al. 1 LTF). Une indemnité de dépens de 2'500 francs est
allouée au PLR "Les Libéraux-Radicaux Vaud" et consorts, à la charge solidaire
du Parti socialiste vaudois et consorts.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les recours 1C_302/2012 et 1C_303/2012 sont joints.

2.
Le recours 1C_302/2012 est rejeté.

3.
Le recours 1C_303/2012 est admis. L'arrêt attaqué est annulé à l'exception du
point III du dispositif. Le décret du Grand Conseil du canton de Vaud du 4
septembre 2011 invalidant l'initiative populaire cantonale "Pour un rabais
d'impôt qui protège les assuré-e-s plutôt que les actionnaires" est confirmé.

4.
Les frais judiciaires des causes 1C_302/2012 et 1C_303/2012, arrêtés à 2'000
francs, sont mis à la charge du Parti socialiste vaudois et consorts. Une
indemnité de dépens de 2'500 francs est allouée au PLR-Vaud et consorts à la
charge solidaire du Parti socialiste vaudois et consorts.

5.
Le présent arrêt est communiqué au Grand Conseil du canton de Vaud, au Parti
socialiste vaudois et consorts, au PLR-Vaud, à l'Union démocratique du centre -
Vaud et consorts et à la Cour constitutionnelle du canton de Vaud.

Lausanne, le 27 février 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Juge présidant: Aemisegger

La Greffière: Tornay Schaller