Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.296/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_296/2012

Arrêt du 6 novembre 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Eusebio et Chaix.
Greffier: M. Rittener.

Participants à la procédure
A.________,
recourant,

contre

Autorité d'indemnisation LAVI du canton de Vaud, place du Château 1, 1014
Lausanne.

Objet
refus d'indemnisation LAVI,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit
administratif et public, du 2 mai 2012.

Faits:

A.
Le 29 octobre 2009 au petit matin, A.________ a été agressé à la sortie d'une
discothèque par B.________, qui a été reconnu coupable de lésions corporelles
simples pour avoir frappé le prénommé à plusieurs reprises sur le torse et au
visage. Les médecins consultés par A.________ ont constaté une contusion du
visage et une incapacité de travail à 100% du 2 au 6 novembre 2009.
Dans la soirée du 22 décembre 2009, le prénommé a été agressé en ville par
C.________, qui a été reconnu coupable de tentative de lésions corporelles
qualifiées, menaces et contrainte. Il a été retenu en substance que l'auteur de
l'agression avait serré fort le poignet de A.________, qu'il avait prétendu
être policier et qu'il avait sorti un couteau suisse en disant qu'il était
capable de tuer, avant de tenter de le blesser. Un tiers avait alors saisi
A.________, qui avait finalement réussi à se dégager et à prendre la fuite.
Le 14 mars 2011, A.________ a déposé deux demandes d'indemnisation sur la base
de la loi fédérale du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI;
RS 312.5), réclamant une indemnité pour tort moral de 15'000 fr. pour la
première affaire et de 5'000 fr. pour la seconde. Il demandait en outre la
prise en charge des frais médicaux non couverts par l'assurance-maladie pour la
blessure qu'il aurait subie à l'oeil lors de la première agression.

B.
Par décisions du 7 novembre 2011, l'Autorité d'indemnisation LAVI du Service
juridique du Département de l'intérieur du canton de Vaud (ci-après: l'autorité
d'indemnisation LAVI) a rejeté les demandes d'indemnisation. Relevant que
l'agression du 29 octobre 2009 avait causé des blessures physiques qui ne
pouvaient être qualifiées de particulièrement graves et que l'intéressé ne
souffrait pas de séquelles psychiques, elle a estimé qu'aucune indemnité pour
réparation morale n'était due. S'agissant de l'événement du 22 décembre 2009,
l'autorité d'indemnisation a estimé que le requérant n'avait pas subi
d'atteinte à son intégrité physique ni de séquelles psychiques particulièrement
graves. Dans les deux cas, l'autorité a relevé que la qualité de victime
n'était pas évidente mais que la question pouvait demeurer indécise dès lors
que l'intéressé ne pouvait pas prétendre à une indemnité pour tort moral.
Statuant sur recours de A.________, la Cour de droit administratif et public du
Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a confirmé
ces décisions. Concernant les faits survenus le 29 octobre 2009, elle a
constaté que l'intéressé ne faisait pas valoir de dommage matériel et qu'il
n'avait pas établi l'existence de séquelles physiques, pas plus qu'une atteinte
à l'intégrité psychique. Il en allait de même de l'agression du 22 décembre
2009, les certificats médicaux produits par A.________ ne démontrant pas que la
souffrance psychologique endurée par celui-ci atteignait le seuil de gravité
requis pour justifier une indemnité pour tort moral.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de condamner l'Etat de Vaud à lui
verser une indemnité pour atteinte à l'intégrité physique et morale. Il
requiert en outre l'octroi de l'assistance judiciaire. L'autorité
d'indemnisation LAVI a renoncé à se déterminer. Le Tribunal cantonal conclut au
rejet du recours en se référant aux considérants de son arrêt. L'Office fédéral
de la justice a renoncé à présenter des observations.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée a pour objet le rejet d'une demande d'indemnité fondée sur
la LAVI, de sorte que la voie du recours en matière de droit public selon les
art. 82 ss LTF est ouverte (arrêt 1C_420/2010 du 25 janvier 2011 consid. 1 non
publié in ATF 137 II 122). Le recourant, qui s'est vu refuser l'indemnité en
question, est particulièrement touché et a un intérêt à obtenir l'annulation ou
la modification de l'arrêt attaqué confirmant ce refus (art. 89 al. 1 LTF).
Pour le surplus, dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en
dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), le recours est
recevable.

2.
Le recourant se plaint en premier lieu d'une constatation manifestement
inexacte des faits.

2.1 Conformément à l'art. 105 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral statue en principe
sur la base des faits établis par l'autorité précédente. L'art. 105 al. 2 LTF
ne permet de s'en écarter que si les faits ont été établis de façon
manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de
l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 II 304 consid. 2.4 p. 314;
134 V 53 consid. 4.3 p. 62) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95
LTF. Le recourant peut critiquer les constatations de fait aux mêmes
conditions, si la correction du vice soulevé est susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il lui appartient de démontrer que ces
conditions sont réalisées, par une argumentation répondant aux exigences de
motivation de l'art. 42 al. 2 LTF (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.).

2.2 En l'occurrence, le recourant se limite à alléguer de manière générale que
les faits ont été établis de façon manifestement inexacte, sans mentionner les
éléments précis qui auraient été arbitrairement omis ou constatés de manière
erronée. On comprend certes que le recourant aurait souhaité que le Tribunal
cantonal constate l'existence de séquelles physiques et psychiques plus
importantes, voire celle d'un dommage matériel résultant des traitements qu'il
aurait suivis. Cela ne suffit toutefois pas à établir une constatation
arbitraire des faits. Au demeurant, il apparaît que le Tribunal cantonal s'est
fondé sur cinq certificats médicaux, qu'il a reproduits fidèlement. Ces
documents étant dénués d'équivoque, une audition des médecins les ayant rédigés
n'est pas de nature à remettre en cause les constatations de l'arrêt attaqué.
C'est dès lors en vain que le recourant sollicite cette mesure d'instruction.
Il en va de même de la requête tendant au dépôt d'un "rapport médical
réactualisé", les pièces figurant au dossier étant suffisantes pour apprécier
les faits. En définitive, les conditions permettant de s'écarter des faits
retenus par l'instance précédente ne sont pas réunies, de sorte que le Tribunal
fédéral statuera sur la base de ceux-ci, conformément à l'art. 105 al. 1 LTF.

3.
Le recourant se plaint essentiellement d'une violation des art. 1, 2 et 22
LAVI, l'autorité compétente ayant selon lui refusé à tort de lui allouer une
indemnité pour réparer les traumatismes allégués en relation avec les
agressions subies les 29 octobre et 22 décembre 2009.

3.1 Selon l'art. 1 al. 1 LAVI, toute personne qui a subi, du fait d'une
infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou
sexuelle (victime) a droit au soutien prévu par la LAVI (aide aux victimes).
L'aide aux victimes comprend notamment une indemnisation (art. 2 let. d et art.
19 ss LAVI) et une réparation morale (art. 2 let. e et art. 22 s. LAVI). La
victime a droit à une indemnité pour le dommage subi (art. 19 al. 1 LAVI), qui
est fixé selon les règles du code des obligations (art. 19 al. 2 LAVI). La
victime a en outre droit à une réparation morale lorsque la gravité de
l'atteinte le justifie, les art. 47 et 49 du code des obligations s'appliquant
par analogie (art. 22 al. 1 LAVI). La notion juridique de dommage selon la LAVI
correspond en principe à celle du droit de la responsabilité civile (ATF 131 II
121 consid. 2.1 p. 125; 129 II 49 consid. 4.3.2 p. 53 et les références).
Le système d'indemnisation instauré par la LAVI est subsidiaire par rapport aux
autres possibilités d'obtenir réparation que la victime possède déjà (ATF 131
II 121 consid. 2 p. 125; 123 II 425 consid. 4b/bb p. 430). Au regard des
particularités de ce système d'indemnisation, le Tribunal fédéral a relevé que
le législateur n'avait pas voulu assurer à la victime une réparation pleine,
entière et inconditionnelle du dommage (ATF 131 II 121 consid. 2.2 p. 126; 129
II 312 consid. 2.3 p. 315; 125 II 169 consid. 2b/aa p. 173 s.). Ce caractère
incomplet est particulièrement marqué en ce qui concerne la réparation du tort
moral, qui se rapproche d'une allocation "ex aequo et bono" (arrêt 1C_48/2011
du 15 juin 2011 consid. 3).

3.2 En l'espèce, le Tribunal cantonal a laissé indécise la question de la
qualité de victime du recourant, dès lors que celui-ci n'avait droit à aucune
indemnité sur la base des dispositions précitées.
3.2.1 Le Tribunal cantonal relève d'abord que le recourant n'a fait valoir
aucun dommage matériel, si bien qu'il n'y a pas lieu d'octroyer une indemnité
en application de l'art. 19 LAVI. L'intéressé remet en cause cette appréciation
en se prévalant du fait qu'il n'a "aucune formation dans le domaine juridique"
et en laissant entendre qu'il a été mal renseigné par un représentant de
l'autorité compétente en matière de LAVI, qui ne l'aurait en particulier pas
rendu attentif à la question du dommage matériel. Il s'agit là d'un fait
nouveau irrecevable (art. 99 al. 1 LTF), qui est au demeurant contredit par un
compte rendu d'audition du 23 mai 2011 attestant que le sujet a été abordé avec
lui. Quoi qu'il en soit, l'autorité d'indemnisation LAVI n'est pas tenue de
rechercher à la place du requérant tous les éléments qui pourraient donner lieu
à une indemnisation. C'est en effet à l'intéressé qu'il incombe de réclamer les
montants auxquels il estime avoir droit, en alléguant les faits susceptibles
d'établir ses prétentions. Une formation juridique n'est pas nécessaire à cet
égard. En l'occurrence, le recourant n'a pas fait valoir - ni même rendu
vraisemblable - l'existence d'un quelconque dommage matériel, mais il a limité
ses requêtes à des prétentions pour tort moral. Dans ces conditions, on ne
saurait faire grief aux autorités compétentes d'avoir omis d'instruire la
question d'un éventuel dommage matériel, sur lequel le recourant ne donne
aucune indication.
3.2.2 En ce qui concerne le tort moral, le Tribunal cantonal a considéré que le
recourant n'avait pas établi avoir subi des atteintes suffisamment graves pour
avoir droit à une réparation morale. S'agissant de l'agression du 29 octobre
2009, l'intéressé ne pouvait pas prétendre à une réparation pour l'atteinte à
son intégrité physique, les lésions subies se limitant à une contusion modérée
et aucune séquelle n'ayant été démontrée. Il n'avait pas non plus établi une
atteinte significative à son intégrité psychique et ne démontrait pas avoir dû
suivre un traitement relativement long ou astreignant en raison d'un éventuel
traumatisme lié à ces événements. Quant à l'agression du 22 décembre 2009, elle
n'avait pas davantage causé de dommage matériel ni d'atteinte à l'intégrité
physique. Un certificat médical daté du 11 avril 2011 attestait certes d'une
souffrance sur le plan psychologique en relation avec cette agression, en
relevant que les troubles constatés étaient compatibles avec un état de stress
post-traumatique. Il précisait cependant que le patient avait été traité avec
un produit relaxant et que la situation s'était depuis bien atténuée. Selon
l'instance précédente, le suivi d'une psychothérapie en lien avec ces
événements n'était pas établi, pas plus que l'existence de troubles ayant
entraîné une réelle modification de la personnalité de l'intéressé. Un
certificat médical du 28 octobre 2011 confirmait certes une tendance au retrait
social, mais en se référant surtout à d'autres événements ayant affecté le
recourant. En définitive, les faits survenus le 22 décembre 2009 n'atteignaient
pas non plus le seuil de gravité requis pour justifier le principe d'une
indemnité pour tort moral.
Pour contester cette appréciation, le recourant se limite pour l'essentiel à
remettre en cause les faits constatés par l'instance précédente, alors que les
conditions qui permettraient de s'en écarter ne sont pas réunies (cf. supra
consid. 2). Il soutient également en substance que les atteintes dont il a
souffert sont suffisamment graves pour justifier l'allocation d'une indemnité
pour tort moral. Une telle conclusion ne saurait toutefois se fonder sur l'état
de fait de la décision attaquée. Il est vrai que les certificats médicaux
figurant au dossier font état d'une certaine atteinte à l'intégrité psychique
du recourant, mais ils ne permettent pas de conclure à une atteinte
significative provoquée par les deux agressions litigieuses. Le recourant
assure qu'il continue de se soigner avec des "produits anxiolytiques" en cas
d'angoisse, sans toutefois établir que ce traitement, à supposer qu'il soit
avéré, ait un lien avec les événements des 29 octobre et 22 décembre 2009. De
plus, la constatation de troubles "compatibles avec un état de stress
post-traumatique" ne signifie pas encore que le recourant a souffert dans une
mesure atteignant le seuil de gravité requis. La jurisprudence admet certes que
de tels troubles peuvent entrer en ligne de compte, mais uniquement s'ils
entraînent une modification durable de la personnalité (cf. arrêt 1A.235/2000
du 21 février 2011 consid. 5b/aa). Or, rien de tel n'a été constaté en
l'espèce. En définitive, c'est à bon droit et sur la base d'une constatation
des faits dénuée d'arbitraire que le Tribunal cantonal a considéré que les
atteintes subies par le recourant n'atteignaient pas le degré de gravité requis
pour justifier l'octroi d'une indemnité pour tort moral en application de
l'art. 22 al. 1 LAVI.

4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
Dès lors que le recourant apparaît dans le besoin et que ses conclusions
n'étaient pas d'emblée vouées à l'échec, il doit être mis au bénéfice de
l'assistance judiciaire. Celle-ci sera limitée à l'exemption de frais
judiciaires, le recourant n'étant pas représenté devant le Tribunal fédéral
(art. 64 al.1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à l'Autorité d'indemnisation LAVI
et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et
public, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice.

Lausanne, le 6 novembre 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Rittener