Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.268/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_268/2012

Arrêt du 31 octobre 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Merkli et Eusebio.
Greffier: M. Parmelin.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Thomas Barth, avocat,
recourant,

contre

Commission des mesures administratives en matière de circulation routière du
canton de Fribourg, route de Tavel 10, case postale 192, 1707 Fribourg.

Objet
retrait du permis de conduire,

recours contre l'arrêt de la IIIe Cour administrative du Tribunal cantonal du
canton de Fribourg du 4 avril 2012.

Faits:
Par décision du 7 décembre 2011, la Commission des mesures administratives en
matière de circulation routière du canton de Fribourg a prononcé le retrait du
permis de conduire de A.________ pour une durée de treize mois, en raison d'un
excès de vitesse commis le 3 août 2011 pour lequel il a été condamné pénalement
à treize jours-amende et à une amende de 640 fr. le 17 novembre 2011.
La IIIe Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a
confirmé cette décision sur recours de A.________ au terme d'un arrêt rendu le
4 avril 2012.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt ainsi que la décision de la Commission
cantonale des mesures administratives en matière de circulation routière du 7
décembre 2011.
Il n'a pas été demandé de réponses au recours.

Considérant en droit:

1.
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est
ouverte contre une décision de dernière instance cantonale au sujet d'une
mesure administrative de retrait ou d'annulation du permis de conduire. Déposé
en temps utile et en la forme prévue par le destinataire de l'arrêt attaqué qui
a un intérêt digne de protection à l'annulation de celui-ci, le présent recours
est recevable.

2.
Le recourant sollicite la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur la
requête formulée le 5 avril 2012 à la Cour européenne des droits de l'homme à
l'encontre de la Suisse dans la cause ayant donné lieu à l'arrêt 1C_105/2011 du
26 septembre 2011 qui se prononce sur la même question juridique.
Une suspension de la procédure pour des raisons d'opportunité n'est pas exclue,
notamment lorsque le jugement d'un autre litige peut influencer l'issue du
procès (art. 71 LTF et 6 al. 1 PCF). Elle relève de l'appréciation du Tribunal
fédéral. Il n'est certes pas exclu que le jugement à intervenir sur la requête
pendante devant la Cour européenne des droits de l'homme puisse avoir une
incidence sur la présente procédure si les conclusions du requérant devaient
être suivies. Il n'apparaît toutefois pas qu'une décision puisse intervenir à
bref délai compte tenu de la surcharge chronique notoire de cette institution.
Dans l'hypothèse où la requête devait finalement être rejetée après plusieurs
mois ou années, se poserait la question de l'incidence de l'écoulement du temps
sur la durée de la mesure de retrait du permis de conduire si le recourant
devait avoir conduit dans l'intervalle sans avoir commis de nouvelle infraction
(cf. ATF 127 II 297 consid. 3d p. 300; arrêt 1C_116/2011 du 14 septembre 2011
consid. 5.1 in JdT 2011 I 315). Cela étant, une suspension de la procédure ne
se justifie pas.

3.
Le recourant prétend que le retrait du permis de conduire prononcé à son
encontre violerait le principe ne bis in idem consacré aux art. 11 CPP, 4 ch. 1
du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH et 14 par. 7 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques dès lors qu'il a été condamné
pénalement pour les mêmes faits. Il demande au Tribunal fédéral de revenir sur
sa jurisprudence confirmée en dernier lieu dans la cause 1C_105/2011, qui
s'écarterait de manière injustifiée de l'arrêt rendu par la Cour européenne des
droits de l'homme le 10 février 2009 dans la cause Zolotoukhine c. Russie.

3.1 Selon les art. 4 ch. 1 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH et 14 par. 7
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, nul ne peut
être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison
d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un
jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat.
Ce droit, exprimé par l'adage "ne bis in idem", découle en outre implicitement
de la Constitution fédérale (ATF 128 II 355 consid. 5.2 p. 367) ainsi que de
l'art. 11 al. 1 CPP à teneur duquel aucune personne condamnée ou acquittée en
Suisse par un jugement entré en force ne peut être poursuivie une nouvelle fois
pour la même infraction.

3.2 Dans l'affaire à la base de l'arrêt Zolotoukhine, le requérant avait été
condamné à une amende pour des faits qualifiés d'actes perturbateurs mineurs
dans le cadre d'une procédure administrative qui devait être assimilée à une
procédure pénale. Une fois la condamnation définitive, plusieurs accusations en
matière pénale furent portées contre lui, dont celle qualifiée d'actes
perturbateurs renvoyait précisément au même comportement que celui visé par la
condamnation antérieure. La Cour européenne a jugé que les poursuites pénales
engagées contre le requérant concernaient essentiellement la même infraction
que celle pour laquelle il avait déjà été condamné par une décision définitive
en vertu du code des infractions administratives et a conclu de ce fait à une
violation de l'art. 4 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH.

3.3 Le droit suisse instaure une double procédure pénale et administrative en
matière de répression des infractions relatives à la circulation routière: le
juge pénal se prononce sur les sanctions pénales (amende, peine pécuniaire,
travail d'intérêt général ou peine privative de liberté) prévues par les
dispositions pénales de la loi fédérale sur la circulation routière (art. 90 ss
LCR) et par le Code pénal (art. 34 ss, 106 et 107 CP), tandis que les autorités
administratives compétentes décident des mesures administratives (avertissement
ou retrait de permis) prévues par les art. 16 ss LCR.
Dans l'arrêt 1C_105/2011, paru aux ATF 137 I 363, le Tribunal fédéral est
parvenu à la conclusion que cette double procédure était conforme à
l'interprétation de l'art. 4 ch. 1 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH,
telle qu'elle ressortait de l'arrêt Zolotoukhine, après avoir examiné les avis
divergents exprimés à ce propos par la doctrine (cf. YVAN JEANNERET, L'arrêt
Zolotoukhine contre Russie ou la fin du retrait administratif du permis de
conduire, RDAF 2010 I p. 263 ss; HANSPETER MOCK, Ne bis in idem: Strasbourg
tranche en faveur de l'identité des faits, RTDH 2009, p. 879; CÉDRIC MIZEL, Ne
bis in idem: l'arrêt Zolotoukhine contre Russie ne s'applique pas au retrait du
permis de conduire suisse, Revue interdisciplinaire de la Circulation routière
2011, p. 30), et qu'elle ne remettait pas en cause la solution à laquelle elle
était parvenue jusqu'ici dans sa jurisprudence (ATF 128 II 173 consid. 3c p.
176; 125 II 396 consid. 2a/aa p. 399), confirmée par la Cour européenne (arrêt
R.T. contre Suisse du 30 mai 2000 in JAAC 2000 n° 152 p. 1391).
En matière d'infractions aux règles de la circulation routière, la Cour
européenne des droits de l'homme s'est en effet déjà prononcée sur la dualité
des procédures administrative et pénale. Après avoir relevé que l'annulation du
permis de conduire revêtait, par son degré de gravité, un caractère punitif et
dissuasif et s'apparentait à une sanction pénale, elle a considéré que le
retrait du permis de conduire ordonné par une autorité administrative,
consécutivement à une condamnation pénale à raison des mêmes faits, n'emportait
aucune violation de l'art. 4 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH lorsque la
mesure administrative découlait de manière directe et prévisible de la
condamnation pénale, dont elle ne constitue que la conséquence (arrêt Nilsson
contre Suède du 13 décembre 2005 in Recueil CourEDH 2005-XIII p. 333 ss).
L'étroite connexion entre les deux sanctions a amené la Cour européenne à
conclure que la mesure administrative s'apparentait à une peine complémentaire
à la condamnation pénale, dont elle fait partie intégrante (arrêt Maszni contre
Roumanie du 21 septembre 2006, § 69).
La cour de céans a retenu que si l'arrêt Zolotoukhine avait clarifié
l'application du principe ne bis in idem en tranchant en faveur du critère de
l'identité des faits, il ne s'était en revanche pas prononcé sur le cumul des
procédures administrative et pénale en matière d'infractions à la circulation
routière. Elle a mis l'accent sur les particularités qui caractérisent ce
domaine. D'abord, même si le retrait du permis de conduire présente un
caractère pénal, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une sanction
administrative indépendante de la sanction pénale avec une fonction préventive
et éducative prépondérante. Son but principal est de garantir le respect des
règles de la circulation routière et la sécurité des usagers de la route et de
prévenir de nouvelles infractions (cf. Message du 21 septembre 1998 concernant
la modification du Code pénal suisse et du Code pénal militaire ainsi qu'une
loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, FF 1999 p. 1787 ss., p.
1865). De plus, le juge pénal n'est pas habilité à prononcer un retrait du
permis de conduire dans les infractions à la loi fédérale sur la circulation
routière. L'art. 67b CP relatif à une interdiction de conduire ne trouve en
effet application que dans les cas où un véhicule automobile est utilisé pour
commettre une infraction de droit commun (ATF 137 IV 72 consid. 2.5 p. 78).
Le système dual prévu par la LCR, dans lequel le juge pénal n'est pas compétent
pour ordonner le retrait du permis de conduire, mesure qui relève de l'autorité
administrative, a pour conséquence que seul le concours des deux autorités
permet de subsumer l'état de fait à toutes les règles juridiques. Toutes les
conséquences de l'acte délictueux ne pouvant pas être jugées ensemble, deux
autorités aux compétences distinctes, ne disposant pas du même type de
sanction, poursuivant des buts distincts, sont amenées à statuer sur le même
état de fait dans le contexte de deux procédures distinctes. Tel n'est pas le
cas du système sanctionné par l'arrêt Zolotoukhine, qui se rapporte à deux
procédures (administrative et pénale) successives sanctionnant un même état de
fait et conduites par le même tribunal qui dispose des mêmes sanctions.
Dans ces circonstances, la cour de céans a jugé qu'il était difficile de savoir
si, en rendant l'arrêt Zolotoukhine, la Cour européenne avait voulu remettre en
cause la solution retenue dans l'arrêt topique rendu dans la cause Nilsson
contre Suède, au regard duquel la coexistence des procédures administrative et
pénale en matière de répression d'infractions routières ne violait pas le
principe ne bis in idem. Elle a enfin estimé qu'il n'était pas possible de
déduire du bref paragraphe 82 de l'arrêt Zolotoukhine que toutes les doubles
procédures prévues par les systèmes légaux soient à proscrire. Les critiques
adressées à ce sujet par le recourant sur la manière dont il conviendrait
d'interpréter cet arrêt ne permettent pas de retenir que la solution retenue
dans l'arrêt paru aux ATF 137 I 363 serait erronée et devrait impérativement
être revue.

3.4 On observera encore que dans la cause R.T. contre Suisse (JAAC 2000 n° 152
p. 1391), la Cour européenne n'a vu aucune violation du principe ne bis in idem
dans le fait que le recourant avait été condamné pour conduite en état
d'ébriété par une autorité pénale à une peine d'emprisonnement avec sursis
ainsi qu'à une amende et par une autorité administrative à un retrait du permis
de conduire, car les mesures prévues par la loi avaient été ordonnées en même
temps, quand bien même elles l'ont été à un mois d'intervalle. Il n'en va pas
différemment dans le cas particulier. Il ressort du dossier cantonal que la
Commission des mesures administratives en matière de circulation routière du
canton de Fribourg a avisé le recourant de l'ouverture d'une procédure
administrative en date du 2 novembre 2011, soit antérieurement au prononcé
pénal, en lui impartissant un délai au 28 novembre 2012 pour lui faire part de
ses déterminations. La procédure administrative ayant abouti au retrait du
permis de conduire du recourant n'a donc pas été introduite une fois que la
sanction pénale est entrée en force formelle de chose jugée, comme cela était
le cas dans la cause Zolotoukhine, mais les deux procédures ont été menées en
parallèle. Il n'y a donc pas eu une nouvelle poursuite pour des faits déjà
jugés, même si le jugement pénal est intervenu peu avant le prononcé de retrait
du permis de conduire. Par ailleurs, le recourant était informé du fait qu'une
procédure administrative avait été ouverte à son encontre avant que le jugement
pénal n'ait été rendu, de sorte qu'il était en mesure de contester, le cas
échéant, utilement les faits qui lui étaient reprochés dans le cadre de la
procédure pénale (cf. arrêt de la CourEDH dans la cause Wagner contre
Luxembourg du 6 octobre 2011, § 31).

3.5 Enfin, comme la cour de céans l'a relevé dans l'arrêt 1C_105/2011, la
modification du système actuel a été discutée à plusieurs reprises sans
aboutir. Lors de la procédure de consultation consacrée à la révision de la
partie générale du Code pénal, la proposition de confier le retrait du permis
de conduire au juge pénal n'a recueilli l'adhésion que de la moitié des cantons
environ et a été rejetée par la quasi-unanimité des organisations et services
spécialisés (Message du 21 septembre 1998 précité, p. 1865). De même, dans la
procédure de consultation relative au projet de révision de la LCR, 23 cantons
ont souhaité que le conducteur fautif puisse faire l'objet d'une procédure
administrative indépendante de la procédure pénale (Message du 21 septembre
1998 précité, p.1865). Dans le cadre du programme Via sicura, la proposition de
créer des tribunaux de la circulation routière, ayant autorité pour prononcer
toutes les peines et prendre toutes les mesures et sanctions requises, a été
critiquée par les cantons, qui estimaient qu'elle constituait une trop grande
ingérence dans leur autonomie en matière d'organisation, et battue en brèche
lors de la consultation. Le Conseil fédéral a ainsi abandonné ce projet, car il
ne souhaitait pas introduire un instrument contre la volonté des cantons
(Message du 20 octobre 2010 concernant Via sicura, le programme d'action de la
Confédération visant à renforcer la sécurité routière, FF 2010 p. 7703 ss, p.
7745). Enfin, le Conseil des Etats a rejeté le 28 février 2012 une motion de sa
Commission des transports et des télécommunications qui chargeait le Conseil
fédéral de soumettre à l'Assemblée fédérale un projet de loi prévoyant qu'une
autorité unique sanctionne les infractions au code de la route. Il n'a pas vu
la nécessité de modifier la procédure actuelle en confiant au juge pénal la
tâche de prononcer les retraits d'admonestation du permis de conduire alors que
les retraits de sécurité, n'ayant aucun caractère pénal, resteraient de la
compétence d'une autorité administrative.
Même si la volonté du législateur n'est évidemment pas propre à faire obstacle
au maintien d'une pratique contraire au droit conventionnel, hypothèse non
réalisée au vu des considérants qui précèdent, il n'était pas infondé d'en
tenir compte dans l'appréciation d'ensemble.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant qui succombe
(art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Commission des
mesures administratives en matière de circulation routière et à la IIIe Cour
administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, ainsi qu'à l'Office
fédéral des routes, pour information.

Lausanne, le 31 octobre 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Parmelin