Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.24/2012
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2012
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2012


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_24/2012

Arrêt du 19 avril 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Aemisegger et Merkli.
Greffier: M. Parmelin.

Participants à la procédure
A.________, représentée par Me Daniel Meyer, avocat,
recourante,

contre

Département des constructions et des technologies de l'information de la
République et canton de Genève, case postale 3880, 1211 Genève 3.

Objet
ordre de démolition d'une maison de week-end en zone agricole,

recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la
République et canton de Genève du 29 novembre 2011.

Considérant en fait et en droit:

1.
B.________ était propriétaire de la parcelle n° 10631 de la commune de
Confignon. Ce bien-fonds de 452 mètres carrés, sis en zone agricole, accueille
une maison de week-end de 16 mètres carrés, qui a fait l'objet d'un ordre de
démolition rendu le 10 août 1983 et confirmé sur recours le 5 septembre 1989.
A la requête de B.________ du 23 octobre 1989, le Conseil d'Etat de la
République et canton de Genève a, par arrêté du 18 novembre 1992, autorisé le
maintien à titre précaire "ad personam" de la construction. La mention de
précarité a été inscrite au registre foncier le 12 janvier 1993.
B.________ est décédée le 18 janvier 2008. Sa soeur, A.________, s'est adressée
le 27 octobre 2009 au Département cantonal des constructions et des
technologies de l'information (ci-après: le Département) pour l'informer
qu'elle souhaitait vendre la parcelle n° 10631 et trouver une solution relative
à la mention de précarité inscrite en faveur de la défunte.
Le 4 novembre 2009, le Département a précisé que cette mention ne s'attachait
qu'au bâtiment et n'empêchait pas la vente de la parcelle mais que la maison de
week-end devrait être démolie, conformément à la décision du 10 août 1983. Il a
confirmé sa position le 10 décembre 2009.
La Commission cantonale de recours en matière administrative a rejeté le
recours formé par A.________ le 21 décembre 2009 contre cette décision en date
du 21 octobre 2010.
A.________ a recouru le 22 novembre 2010 contre la décision de la commission
auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et
canton de Genève. Par arrêt du 29 novembre 2011, cette juridiction a
partiellement admis le recours, annulé la décision attaquée et dit que le
recours interjeté par A.________ contre le courrier du Département du 10
décembre 2009 est irrecevable.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande
au Tribunal fédéral principalement d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause
à l'autorité cantonale de recours de dernière instance pour qu'elle statue sur
le fond du litige, subsidiairement de dire et de constater que la maison de
week-end sise sur la parcelle n° 10631 ne doit pas être démolie.
La Cour de justice et le Département concluent au rejet du recours. La
recourante a persisté dans ses conclusions.

2.
Dirigé contre une décision prise dans le domaine du droit public de
l'aménagement du territoire et des constructions, le recours est recevable
comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF,
aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a
qualité pour recourir, au sens de l'art. 89 al. 1 LTF, contre l'arrêt attaqué
qui confirme en dernière instance cantonale la démolition de la maison de
week-end édifiée sur la parcelle n° 10631 dont elle est devenue propriétaire au
décès de sa soeur. Déposé en temps utile et dans les formes requises contre une
décision finale, le recours est recevable au regard des art. 42, 90 et 100 al.
1 LTF.

3.
La Cour de justice a relevé que la maison de week-end édifiée sur la parcelle
n° 10631 faisait l'objet d'un ordre de démolition du 10 août 1983 entré en
force, dont l'exécution avait été suspendue par l'arrêté du Conseil d'Etat du
18 novembre 1992 autorisant le maintien à titre précaire de la construction en
faveur de B.________. Délivrée "ad personam", cette autorisation était devenue
caduque au décès de sa bénéficiaire et l'arrêté précité sans objet. A supposer
qu'il s'agisse d'une décision au sens de l'art. 4 de la loi genevoise sur la
procédure administrative (LPA), le courrier du Département du 10 décembre 2009
confirmant que la construction devait être démolie ne pouvait être ainsi qu'une
décision d'exécution, non sujette à recours en vertu de l'art. 59 let. b LPA.
C'est ainsi à tort que le Département avait indiqué des voie et délai de
recours, ce que la commission aurait dû constater en déclarant le recours
irrecevable plutôt que d'examiner le caractère autorisable ou non de la
construction litigieuse et de la réalisation des conditions permettant
d'ordonner sa démolition, ces questions ayant définitivement été tranchées en
1983. La Cour de justice a réformé la décision attaquée en ce sens et n'est pas
entrée en matière sur le recours.
La recourante ne conteste pas que le courrier du Département du 10 décembre
2009 puisse être qualifié sur le plan formel de mesure d'exécution au sens de
l'art. 59 let. b LPA. Elle soutient que l'ordre de démolition du 10 août 1983
ne lui serait pas opposable faute d'en avoir eu connaissance. Elle ajoute que
si elle n'était pas intervenue, le Département n'aurait pas ordonné la
démolition de la maison de week-end qu'il aurait tolérée depuis le décès de
feue B.________. Le refus de la Cour de justice de se prononcer sur le fond du
litige sanctionnerait doublement l'hoirie qui a été taxée sur une valeur
fiscale tenant compte de la maison et qui se verrait sévèrement limitée dans la
vente de la parcelle en l'absence de construction. Dans ces circonstances, et
vu le temps écoulé depuis lors, il était conforme à l'équité et aux règles de
la bonne foi d'ouvrir la voie du recours sur le fond contre l'ordre de
démolition, comme l'ont fait tant le Département que la Commission cantonale de
recours.
Ces arguments ne permettent pas de tenir l'arrêt attaqué pour arbitraire ou
d'une autre manière contraire au droit. Le réexamen de décisions
administratives entrées en force ne doit pas être admis trop facilement. Il ne
saurait en particulier servir à remettre sans cesse en cause des décisions
exécutoires ou à détourner les délais prévus pour les voies de droit ordinaires
(ATF 136 II 177 consid. 2.1 p. 181; 120 Ib 42 consid. 2b p. 47). Les autorités
administratives ne sont ainsi tenues d'entrer en matière sur une nouvelle
demande que si les circonstances se sont modifiées de façon notable depuis la
décision attaquée ou lorsque le requérant invoque des faits essentiels et des
moyens de preuve nouveaux qu'il ne connaissait pas ou a été dans
l'impossibilité de faire valoir dans la procédure antérieure (ATF 124 II 1
consid. 3a p. 6).
La situation de fait et de droit ne s'est pas modifiée depuis que la démolition
de la maison de week-end a été ordonnée, respectivement depuis qu'elle est
entrée en force au point qu'une nouvelle décision devait être prise. Le fait
que la destinataire de l'ordre de démolition soit décédée et que la propriété
ait été acquise par succession par la recourante n'est pas une circonstance
nouvelle propre à faire obstacle à l'exécution de la démolition. En matière de
police des constructions, l'acquéreur d'un fonds entre en possession de
celui-ci avec les droits et obligations qui lui sont rattachés (cf. ATF 99 Ib
392 consid. 2b p. 396; arrêt 1C_337/2008 du 18 novembre 2008 consid. 3.3; arrêt
1A.22/1991 du 18 août 1992 consid. 3 in ZBl 94/1993 p. 79; arrêt 1A.151/1989 du
13 mars 1990 consid. 3a in ZBl 92/1991 p. 21). Ce principe s'applique également
en cas de succession. En sa qualité d'héritière de feue B.________, la
recourante a ainsi repris les obligations qui incombaient à la défunte, dont en
particulier celle de démolir la maison de week-end, suspendue par l'arrêté du
Conseil d'Etat du 18 novembre 1992 jusqu'au décès de celle-ci. L'ordre de
démolition lui est donc opposable sans qu'il doive lui être notifié par une
décision sujette à recours (arrêt 1P.519/2004 du 4 mars 2005 consid. 4; voir
aussi arrêt 1C_59/2011 du 10 mai 2011 consid. 3.3 et MAGDALENA RUOSS FIERZ,
Massnahmen gegen illegales Bauen, 1999, p. 83). Il importe peu à cet égard que
la recourante n'en ait pris connaissance que le 10 décembre 2009. Cette
circonstance n'est pas de nature à ouvrir une voie de recours contre celui-ci.
Pour le surplus, l'autorisation de maintenir la maison de week-end à titre
précaire était limitée à la personne de feue B.________. Cette tolérance a
disparu avec le décès de sa bénéficiaire et ne passait pas aux héritiers. La
recourante ne le conteste d'ailleurs pas.
A.________ ne peut pas se prévaloir d'une assurance des autorités cantonales
compétentes en matière d'aménagement du territoire propre à faire obstacle à
l'exécution de l'ordre de démolition du 10 août 1983. C'est en vain qu'elle se
réfère à cet égard à l'avis de modification que l'administration fiscale
cantonale lui a adressé le 24 septembre 2008 fixant la valeur fiscale de la
parcelle litigieuse en tenant compte de la maison de week-end. Cette décision
ne liait pas le Département. La recourante se réfère à tort au temps écoulé
depuis que l'ordre de démolition a été rendu. Celui-ci n'est entré en force
qu'en septembre 1989. Son exécution a ensuite été suspendue en raison de
l'autorisation de maintien à titre précaire du 18 novembre 1992 jusqu'au décès
de sa bénéficiaire en date du 18 janvier 2008. Les quelque trente ans écoulés
depuis que l'ordre de démolition a été rendu ne sont dès lors pas la
conséquence d'une tolérance du Département qui aurait dû amener les autorités
cantonales de recours à revoir l'ordre de démolition. Aucun élément au dossier
ne permet de retenir que le Département aurait été informé du décès de feue
B.________. On ne saurait dès lors inférer de son inaction qu'il aurait renoncé
à exiger la démolition de la maison de week-end. Il a au contraire réagi sans
délai dès qu'il a eu connaissance du décès de la bénéficiaire de la mention de
précarité en rappelant à son successeur l'obligation de démolir la maison de
week-end. Seule une tolérance de longue durée d'un état contraire au droit
pourrait à la rigueur conduire à revenir sur l'ordre de démolition en vertu des
règles de la bonne foi (ATF 107 Ia 121 consid. 1c p. 124). La jurisprudence n'a
pas considéré comme telle une inaction de l'autorité limitée à deux ans (arrêt
1A.19/2001 du 22 août 2001 consid. 4b in ZBl 103/2002 p. 582). La recourante se
prévaut dès lors en vain des règles de la bonne foi pour s'opposer à la
démolition de la maison de week-end et exiger l'ouverture d'une voie de recours
contre cette décision.
Les conditions posées par la jurisprudence à un réexamen de l'ordre de
démolition du 10 août 1983 n'étaient ainsi pas réunies. Il n'y avait pas
davantage place pour une décision de constatation au sens de l'art. 4 al. 1
let. b LPA, comme l'a retenu le Département (cf. ATF 129 V 289 consid. 2.1 p.
290 ). La recourante ne le prétend d'ailleurs pas. Elle ne soutient enfin pas,
avec raison, qu'une voie de recours aurait dû être ouverte parce que le
courrier du 10 décembre 2009 imposerait des obligations nouvelles par rapport à
l'ordre de démolition du 10 août 1983, que celui-ci aurait été rendu en
violation d'un droit fondamental inaliénable et imprescriptible ou qu'il serait
nul de plein droit (ATF 115 Ia 1 consid. 3 p. 4). La démolition de la maison de
week-end pouvait valablement être notifiée à la soeur de la recourante,
perturbatrice par situation, alors même que la construction illicite est
imputable au précédent propriétaire des lieux (ATF 107 Ia 19 consid. 2a p. 23).
Le droit de propriété n'entre au surplus pas dans la catégorie des droits
fondamentaux imprescriptibles et inaliénables (ATF 88 I 260 consid. 3 p. 271;
arrêt 1P.51/1998 du 26 juin 1998 consid. 3b in ZBl 101/2000 p. 32).
L'arrêt attaqué n'est en définitive ni arbitraire, à tout le moins dans son
résultat, ni d'une autre manière contraire au droit.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable,
aux frais de la recourante qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas
lieu à l'allocation de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département
des constructions et des technologies de l'information et à la Chambre
administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève ainsi
que, pour information, à l'Office fédéral du développement territorial.

Lausanne, le 19 avril 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Parmelin