Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.240/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_240/2012

Arrêt du 13 août 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président,
Merkli et Chaix.
Greffière: Mme Mabillard.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par le Service d'Aide Juridique aux Exilé-e-s,
recourant,

contre

Office fédéral des migrations.

Objet
Modification de données dans le système SYMIC,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 2 avril
2012.

Faits:

A.
X.________, ressortissant afghan, est arrivé en Suisse le 14 février 2011 et a
été enregistré au centre d'enregistrement de Bâle.

Le 23 mars 2011, l'Office fédéral des migrations (ci-après: l'ODM) a refusé
d'entrer en matière sur la demande d'asile de l'intéressé et ordonné son renvoi
de Suisse. Par nouvelle décision du 26 avril 2011, remplaçant la précédente,
l'ODM a une nouvelle fois refusé d'entrer en matière sur la demande d'asile, et
prononcé l'admission provisoire de X.________.

Le 27 avril 2011, l'ODM a attribué X.________ au canton de Zurich. Celui-ci a
sollicité le réexamen de cette décision et son attribution au canton de Vaud,
faisant valoir qu'il était mineur et que ses parents et ses frères résidaient
dans ce canton. L'ODM a rejeté cette demande le 17 janvier 2012. Un recours est
pendant contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral.

B.
Par requête du 1er juin 2011, X.________ a requis la rectification de ses
données personnelles dans le système d'information central sur la migration
(ci-après: le système SYMIC), en ce sens qu'il est inscrit que sa date de
naissance est le 10 mai 1998 et non le 1er janvier 1993 comme enregistré dans
ce système. Par courriers des 27 juin et 18 juillet 2011, il a produit
l'original de sa "taskara".

Estimant que l'intéressé n'avait pas rendu vraisemblable sa minorité, l'ODM a
rejeté sa requête le 10 août 2011. Il a par ailleurs relevé que la date qui
figurait sur le document original fourni par le requérant était le 1376.9.6, ce
qui correspondait au 27 novembre 1997; la date de naissance du 10 mai 1998 ne
pouvait ainsi pas être retenue.

Par arrêt du 2 avril 2012, le Tribunal administratif fédéral a partiellement
admis le recours de X.________ contre la décision précitée. La mention du
caractère litigieux de la date de naissance du requérant du "01.01.1993"
figurant dans le système SYMIC devait être ajoutée à cette donnée. Le Tribunal
administratif fédéral a considéré pour l'essentiel que la date de naissance
alléguée par l'intéressé, à savoir le 27 novembre 1997, apparaissait moins
plausible que celle du 1er janvier 1993 figurant dans le système SYMIC.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 2
avril 2012. Il requiert également l'assistance judiciaire partielle, en ce sens
qu'il est renoncé à la perception d'une avance de frais de procédure. Le
recourant estime en substance que l'autorité intimée n'a pas suffisamment tenu
compte de tous les éléments au dossier. Il se plaint d'une violation de la loi
fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1) ainsi
que des art. 6 et 8 CEDH.

Le Tribunal administratif fédéral renonce à prendre position sur le recours.
L'ODM indique que le recours ne contient aucun élément ou moyen de preuve
nouveau susceptible de modifier son point de vue quant à l'âge du requérant. Le
recourant a déposé des observations le 14 juin 2012, précisant que lors de leur
audition en mai 2011, ses parents avaient tous les deux déclaré que leur fils
Y.________ était âgé de 16 ans et leur fils X.________ de 13 ans; il produit
les procès-verbaux de l'audition de ses parents.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public est ouvert, conformément à l'art. 82 LTF,
contre les décisions rendues dans les causes de droit public. Tel est le cas de
la présente cause. L'exception prévue à l'art. 83 let. d LTF ne s'applique pas
puisque le litige est limité à la question de l'application de la LPD. L'arrêt
attaqué émane du TAF (art. 86 al. 1 let. a LTF). Le recourant a participé à la
procédure devant les instances précédentes et dispose d'un intérêt digne de
protection à obtenir la rectification de ses données personnelles dans le
système SYMIC. Il a donc qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Au surplus,
le recours ayant été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les
formes prescrites par la loi (art. 42 LTF), il y a lieu d'entrer en matière.

2.
En annexe à ses observations du 14 juin 2012, le recourant a produit une copie
des procès-verbaux de l'audition de ses parents des 24 mars et 6 mai 2011. Ces
preuves nouvelles ne résultent toutefois pas de la décision attaquée et ne
peuvent dès lors pas être prises en considération dans la présente procédure,
en vertu de l'art. 99 al. 1 LTF.
Il apparaît cependant que ces pièces revêtent une certaine importance pour
apprécier l'âge du recourant. Rien n'empêche dès lors ce dernier de déposer une
nouvelle requête en rectification de ses données personnelles auprès de l'ODM,
au bénéfice de ces nouveaux éléments de preuve.

3.
3.1 En vertu de l'art. 5 LPD, celui qui traite des données personnelles doit
s'assurer qu'elles sont correctes; il prend toute mesure appropriée permettant
d'effacer ou de rectifier les données inexactes ou incomplètes au regard des
finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées (al. 1). Toute
personne concernée peut requérir la rectification des données inexactes (al.
2). Lorsque les données sont traitées par une autorité fédérale, les
prétentions de la personne concernée, de même que la procédure applicable, sont
régies par l'art. 25 LPD. Ainsi, selon l'art. 25 al. 1 let. a LPD, quiconque a
un intérêt légitime peut exiger de l'organe fédéral responsable qu'il
s'abstienne de procéder à un traitement illicite de ses données. Conformément à
l'art. 25 al. 3 let. a LPD, il peut en particulier demander que l'organe
fédéral rectifie les données personnelles inexactes. Celui qui demande la
rectification d'une donnée doit prouver l'exactitude de la modification
demandée. Il appartient en revanche au maître du fichier, en l'occurrence
l'ODM, de prouver l'exactitude des données lorsque la personne concernée les
conteste (JAN BANGERT, Kommentar zum Datenschutzgesetz, 2006, n. 51 s. ad art.
25). Le point de savoir si une donnée est exacte ou non ne peut être tranché de
façon abstraite, mais en fonction des circonstances du cas d'espèce (URS
MAURER-LAMBROU, Kommentar zum Datenschutzgesetz, 2006, n. 5 ad art. 5).

3.2 L'art. 25 al. 2 LPD prévoit que, si ni l'exactitude, ni l'inexactitude
d'une donnée personnelle ne peut être prouvée, l'organe fédéral doit ajouter à
la donnée la mention de son caractère litigieux. Si l'exactitude de la
modification requise paraît plus plausible, l'autorité ordonnera que la donnée
enregistrée dans le système soit rectifiée et qu'il soit fait mention de son
caractère litigieux (BANGERT, op. cit., n. 55 ad art. 25).

4.
L'objet du litige consiste à déterminer si c'est à bon droit et conformément à
la LPD que l'ODM a refusé de rectifier les données personnelles litigieuses du
recourant, à savoir sa date de naissance, dans le système SYMIC.

Les remarques du recourant quant au fait que l'ODM aurait été incapable de
retrouver son frère, l'aurait interrogé de la même manière qu'un adulte et
n'aurait pas pris en considération les déclarations de ses parents, ce qui
serait contraire au droit des parents de se prononcer sur toutes les affaires
concernant leurs enfants mineurs, n'ont aucun lien avec l'objet de la
contestation et n'ont pas à être prises en compte dans la présente procédure.
De même, c'est en vain que le recourant invoque l'art. 8 CEDH, faisant valoir
que le Tribunal administratif fédéral n'aurait pas tenu compte du droit de
l'enfant à la protection spécifique due à son âge, ni de son droit de vivre
auprès de ses parents; ces critiques sortent en effet du cadre du présent
litige. Pour trancher la question controversée, relative uniquement à la
protection des données, le Tribunal administratif fédéral n'était au surplus
aucunement tenu d'organiser une audience de comparution personnelle, comme le
soutient le recourant en se réclamant de l'art. 6 CEDH. Les griefs tirés d'une
violation des art. 6 et 8 CEDH doivent par conséquent être écartés.

5.
5.1 En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral a tout d'abord considéré que
l'ODM n'avait pas établi que la "taskara" du recourant était falsifiée;
l'office n'avait pas fait procéder à un contrôle du document sur place, en
Afghanistan, sur la base duquel l'inauthenticité de la "taskara" aurait été
constatée. Il s'agissait dès lors de tenir compte de ce document pour
déterminer l'âge du recourant. Compte tenu de la valeur probante amoindrie qui
y était attachée, on ne pouvait toutefois se fier sans réserve à la date de
naissance indiquée. Partant, ce document constituait seulement un élément parmi
d'autres pour se déterminer au sujet de l'âge de l'intéressé.

Le recourant indique qu'il a versé l'original de sa "taskara" et qu'il ne
possède pas d'autre document d'identité. Il estime que l'autorité a
l'obligation de tenir pour authentique le seul document d'identité officiel
afghan qu'il peut verser au dossier, à moins d'en apporter la preuve du
contraire. Le recourant perd toutefois de vue que c'est à lui, et non au
Tribunal administratif fédéral ou à l'ODM, qu'il incombait de prouver
l'exactitude de la modification demandée (cf. consid. 3.1 ci-dessus), et,
partant, de démontrer l'authenticité du document produit à l'appui de sa
requête. Or, comme l'a relevé le Tribunal administratif fédéral, la "taskara",
qui constitue le document d'identité le plus répandu en Afghanistan, est facile
à éditer ou à falsifier, de sorte qu'on ne saurait lui accorder une valeur
probante très élevée. Dans ces conditions, ce document ne permet pas, en soi,
de justifier une modification de la date de naissance de l'intéressé dans le
système SYMIC.

5.2 Le Tribunal administratif fédéral s'est ensuite fondé sur les résultats de
l'analyse osseuse pratiquée le 24 février 2011, laquelle conclut que le
recourant était vraisemblablement âgé de dix-huit ans ou plus. Selon la
jurisprudence, lorsque l'écart entre l'âge osseux estimé et l'âge chronologique
allégué est de plus de trois ans, comme en l'espèce, ce type d'analyse peut
toutefois avoir valeur de moyen de preuve en défaveur de l'âge allégué par
l'intéressé (cf. arrêt de la CRA du 12 septembre 2000, JICRA 2000/19). Le
Tribunal administratif fédéral pouvait dès lors à juste titre retenir que si
l'analyse osseuse du recourant ne permettait pas de retenir de façon certaine
qu'il était majeur, elle constituait néanmoins un indice de l'inexactitude de
la date de naissance alléguée par celui-ci.

5.3 Le recourant critique ensuite en vain le fait que l'ODM ait déterminé son
âge probable en se fondant en particulier sur une appréciation approximative et
subjective de son comportement pendant l'audition, de sa graphologie ou de sa
photographie. L'arrêt attaqué a en effet renoncé à attribuer une portée
décisive à ces éléments et à en tirer quelque conclusion définitive, notamment
quant à la majorité supposée du recourant.

5.4 Le Tribunal administratif fédéral a également considéré que les
déclarations du recourant sur son niveau de scolarité (sixième année de
gymnase) représentaient un indice important en faveur de l'hypothèse selon
laquelle son âge était plus proche de dix-huit que de treize ans. Cela valait
d'autant plus que le niveau de scolarité indiqué était tout à fait concordant
avec les résultats de l'analyse osseuse.

Le recourant estime au contraire que son parcours scolaire correspond à son âge
allégué. Ayant commencé l'école à l'âge de sept ans, il était dès lors âgé de
treize ans à l'époque de sa sixième classe, en 2010. Ces indications de
l'intéressé ne permettent toutefois pas de tenir pour arbitraires les
constatations du Tribunal administratif fédéral; il n'est en effet pas
insoutenable de comprendre que la sixième année de gymnase correspond à un âge
proche de dix-huit ans, dans la mesure où le cycle du gymnase (école
secondaire) ne commence en principe pas avant l'âge de douze ans. Les critiques
du recourant doivent par conséquent être rejetées.

5.5 Le recourant ne peut enfin tirer aucun argument de ce que l'ODM lui a
attribué la même date de naissance qu'à son frère Y.________, alors qu'ils ne
sont pas jumeaux. L'ODM n'a en effet jamais affirmé que la date du 1er janvier
1993 était exacte; considérant que le recourant n'avait pas rendu vraisemblable
qu'il était mineur, il avait retenu de façon fictive qu'il était né le 1er
janvier 1993 afin d'attester de sa majorité présumée.

5.6 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal administratif fédéral pouvait,
sans violer le droit fédéral, considérer que la date de naissance alléguée par
le recourant, à savoir le 27 novembre 1997, apparaissait moins plausible que
celle du 1er janvier 1993 qui figurait dans le système SYMIC. Partant, il ne se
justifiait pas de procéder à la rectification demandée.

6.
Les considérations du recourant relatives à la mention du caractère litigieux
de sa date de naissance dans le système SYMIC sont dénuées de pertinence,
puisqu'il a obtenu gain de cause sur cette question. Au surplus, le recourant
invoque en vain la protection de sa personnalité, faisant valoir qu'il n'est
pas dans son intérêt que le caractère litigieux de sa date de naissance soit
porté à la connaissance des tiers. Il perd en effet de vue que cette mention
est simplement le signe que la personne concernée ne partage pas l'avis des
autorités sur la présentation des faits (cf. Message du 23 mars 1988 concernant
la loi fédérale sur la protection des données, FF 1988 II 421, p. 483) et ne
saurait lui porter préjudice, comme il semble le craindre.

7.
Le recourant reproche enfin au Tribunal administratif fédéral de ne pas lui
avoir alloué de dépens. Il allègue qu'il a partiellement obtenu gain de cause
et qu'il était représenté par un juriste. Les motifs de l'arrêt attaqué sur ce
point échappent cependant à la critique. Faisant une correcte application de
l'art. 64 PA, le Tribunal administratif fédéral a en effet relevé à bon droit
qu'il n'y avait pas lieu d'allouer de dépens au recourant, puisque celui-ci
n'était pas représenté par un avocat et qu'il n'apparaissait pas que la
procédure lui ait causé de frais particuliers, ce qu'il n'alléguait nullement.

8.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure
où il est recevable.

Dès lors que le recourant semble être dans le besoin et que ses conclusions ne
paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, sa requête d'assistance judiciaire
doit être admise, en ce sens qu'il y a lieu de le dispenser des frais pour la
procédure devant le Tribunal fédéral (art. 64 al. 1 LTF). En revanche, n'étant
pas représenté par un avocat, le recourant n'a pas droit à une indemnité de
dépens (art. 64 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est admise en ce sens qu'il n'est pas perçu
de frais judiciaires.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office fédéral
des migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.

Lausanne, le 13 août 2012

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Mabillard