Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.213/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
1C_213/2012

Arrêt du 4 octobre 2013

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli et Chaix.
Greffier: M. Parmelin.

Participants à la procédure
A.X.________ et B.X.________,
représentés par Me Hubert Theurillat, avocat,
recourants,

contre

C.Y.________ et D.Y.________,
représentés par Me Pierre Vallat, avocat,
intimés,

Commune mixte de Coeuve, agissant par son Conseil communal,
Section des permis de construire du Service de l'aménagement du territoire de
la République et Canton du Jura.

Objet
Rétablissement de l'état conforme au droit d'un hangar transformé en porcherie,

recours contre la décision du Président de la Cour administrative du Tribunal
cantonal de la République et canton du Jura du 4 mai 2011 et contre l'arrêt de
la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura
du 9 mars 2012.

Faits:

A. 
E.________ exploitait avec ses fils un domaine agricole d'environ 60 hectares,
dont le centre se trouve à l'extérieur du village de Coeuve, au lieu-dit "Dos
Longeat". L'exploitation se compose, outre des maisons d'habitation des deux
fils et de leur famille, d'une grange utilisée comme porcherie (bâtiment 3 ^
A ), d'un bâtiment réservé à la stabulation libre des bovins (bâtiment 3 ^C ),
d'un hangar servant à stocker les balles rondes et à abriter des machines
agricoles (bâtiment 3 ^E ) et de l'ancienne ferme située au centre du village.
Le 2 juin 1998, E.________ a requis l'autorisation de transformer en porcherie
le bâtiment 3 ^E sis sur la parcelle n ^o 2573, en zone de protection du
paysage.
Le 30 mars 1999, la Section des permis de construire du Service des
constructions et des domaines de la République et canton du Jura a rejeté
l'opposition formée à ce projet par les époux D.Y.________ et C.Y.________,
propriétaires d'une parcelle bâtie sise à une quarantaine de mètres de la
parcelle no 2573, et a accordé le permis de construire sollicité pour la
détention de 150 truies en litière profonde.
Par jugement du 1 ^er février 2002 rendu sur recours des opposants, le Juge
administratif extraordinaire du Tribunal de première instance de la République
et canton du Jura a confirmé partiellement cette décision en ce sens que le
bâtiment 3 ^E abritera au maximum 130 truies gestantes, le bâtiment 3 ^A au
maximum 20 truies et 5 verrats et le bâtiment 3 ^C au maximum 38 vaches
laitières.
Statuant le 11 septembre 2006 sur recours des époux Y.________, la Chambre
administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a annulé
ce jugement ainsi que la décision de la Section des permis de construire du 30
mars 1999 et a délivré à E.________ un permis pour la transformation et le
changement d'affectation du bâtiment 3 ^Een porcherie pour la détention de 66
truies gestantes, conformément aux plans datés du 12 juillet 2005 et du 30
janvier 2006, étant précisé que le bâtiment 3 ^A abritera au maximum 20 truies
et 5 verrats et le bâtiment 3 ^C au maximum 38 vaches laitières et que le
volume de la fosse septique devra être de 320 mètres cubes.

B. 
A.X.________ et B.X.________ ont repris le domaine agricole exploité par leur
père.
Le 4 juin 2007, les époux Y.________ sont intervenus auprès du Conseil communal
de Coeuve pour lui signaler que les frères A.X.________ et B.X.________ avaient
entrepris des travaux dans le bâtiment 3 ^E qui ne respectaient pas le permis
de construire et les plans autorisés le 12 juillet 2005.
Selon le constat opéré sur place le 19 juin 2007 par la Section des permis de
construire, les travaux litigieux consistaient dans la pose de plaques ondulées
translucides sur la façade ouest en lieu et place du bardage en bois imprégné
prévu entre la partie bétonnée et le bardage en bois ajouré du pignon, dans la
fermeture de la façade est et l'ouverture en façade sud du secteur stock de
paille depuis la porte du local de préparation ainsi que dans l'affectation de
la porcherie à la garde provisoire de bovins.
Le 29 août 2007, le Conseil communal de Coeuve a invité les frères A.X.________
et B.X.________ à lui présenter, dans un délai de 30 jours, une demande de
modification du projet autorisé, accompagnée de nouveaux plans, à défaut de
quoi le rétablissement de l'état conforme à la loi serait ordonné. Aucune suite
n'a été donnée à cette requête.
Le 17 juin 2008, le Conseil communal de Coeuve a finalement renoncé à ordonner
le rétablissement de l'état conforme à la loi aux motifs que les modifications
apportées au permis de construire étaient d'importance mineure, qu'elles
étaient justifiées par une exploitation rationnelle du bâtiment et qu'elles
amélioraient les conditions de détention des animaux. Il a confirmé cette
décision sur opposition des époux Y.________ le 17 septembre 2008.
Par jugement du 28 juin 2010, rectifié le 29 juin 2010, la Juge administrative
du Tribunal de première instance de la République et canton du Jura a admis le
recours formé contre cette décision par les époux Y.________ et a ordonné le
rétablissement de l'état conforme au droit, respectivement au permis délivré
par la Chambre administrative du Tribunal cantonal dans son jugement du 11
septembre 2006, à l'exception du remplacement des panneaux translucides en
façade ouest du bâtiment 3 ^E, ce jusqu'au 31 octobre 2010.
Les frères A.X.________ et B.X.________ ont recouru le 30 août 2010 contre ce
jugement auprès de la Chambre administrative du Tribunal cantonal, devenue par
la suite la Cour administrative, en sollicitant la suspension de la procédure
jusqu'à droit connu sur la demande de permis de construire visant à régulariser
les modifications apportées à leur projet initial déposée le même jour auprès
de la Commune de Coeuve à l'intention de la Section des permis de construire.
Les époux Y.________ en ont fait de même s'agissant des dépens.
Par décision du 4 mai 2011, le Président de la cour a rejeté la demande de
suspension de la procédure de recours formulée par les frères A.X.________ et
B.X.________. Au terme d'un arrêt rendu le 9 mars 2012, la Cour administrative
a partiellement admis les recours et a annulé les décisions du Conseil communal
de Coeuve des 17 juin et 17 septembre 2008 ainsi que, partiellement, le
jugement de la Juge administrative du 28 juin 2010. Elle a confirmé ce jugement
dans la mesure:

"a) où il est renoncé au rétablissement de l'état conforme s'agissant des
panneaux translucides en façade ouest du bâtiment 3E
b) où le rétablissement de l'état conforme est ordonné concernant :

- toutes les installations et tous les éléments de construction en rapport avec
la stabulation des bovins réalisée dans le bâtiment 3E;
- la non-édification d'une cloison devant fermer, côté est, l'aire
d'affouragement et de déjections;
- la non-édification d'une cloison jusqu'au toit destinée à séparer l'espace
réservé à la porcherie de celui prévu pour le stock de paille;
c) où il porte sur le sort des frais de procédure de 1ère instance".
Elle a imparti aux constructeurs un délai de trois mois dès l'entrée en force
de son arrêt pour rétablir l'état conforme au droit. Elle a renvoyé pour le
surplus l'affaire au Conseil communal de Coeuve pour procéder dans le sens des
considérants.

C. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.X.________ et
B.X.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Président
de la Cour administrative du 4 mai 2011 et d'ordonner la suspension de la
procédure de rétablissement de l'état conforme à la loi jusqu'à droit connu sur
la demande de permis de construire déposée le 30 août 2010 et pendante auprès
de la Section des permis de construire. Ils concluent également à l'annulation
du jugement de la Cour administrative du 9 mars 2012 et, le cas échéant, au
renvoi du dossier à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.
La Cour administrative et les intimés concluent au rejet du recours. La Commune
de Coeuve appuie le recours. La Section des permis de construire a renoncé à
prendre position sur le recours.
Invité à se déterminer, l'Office fédéral du développement territorial n'a pas
souhaité déposer des observations.
Les recourants ont répliqué.

D. 
Par ordonnance présidentielle du 23 mai 2012, l'effet suspensif a été accordé
au recours.

Considérant en droit:

1. 
Dirigé contre une décision rendue dans le domaine du droit public de
l'aménagement du territoire et des constructions, le recours est recevable
comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF,
auxquels renvoie l'art. 34 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire (LAT, RS 700). Aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est
réalisée. Les frères A.X.________ et B.X.________ ont qualité pour recourir, au
sens de l'art. 89 al. 1 LTF, contre l'arrêt attaqué qui confirme en dernière
instance cantonale l'ordre de mise en conformité au droit du bâtiment 3 ^E.
Déposé en temps utile et dans les formes requises contre une décision finale,
le recours est recevable au regard des art. 42, 90 et 100 al. 1 LTF.

2. 
Les recourants s'en prennent en premier lieu aux refus respectifs de la Cour
administrative et de son président de suspendre la procédure de recours contre
l'ordre de rétablissement de l'état conforme à la loi jusqu'à droit connu sur
leur demande d'autorisation de construire déposée le 30 août 2010.

2.1. La décision du 4 mai 2011 par laquelle le Président de la Cour
administrative a rejeté la requête de suspension de la procédure de recours
revêtait un caractère incident. Elle n'était pas de nature à causer un
préjudice irréparable aux recourants au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF
puisqu'une décision favorable sur le fond du litige n'était a priori pas
exclue; l'hypothèse visée à l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'était pas davantage
réalisée, de sorte qu'on ne saurait leur reprocher de ne pas l'avoir attaquée
immédiatement. Le refus de suspendre la procédure a eu pour effet que le
Tribunal cantonal s'est prononcé par un arrêt final sur des points qui font
l'objet d'une demande de permis de construire, que la cour cantonale a tranchés
définitivement et que la Section des permis de construire aurait, selon les
recourants, été seule compétente pour examiner. La décision incidente était
ainsi de nature à influer sur l'arrêt attaqué au sens de l'art. 93 al. 3 LTF.
Les recourants sont donc habilités à la contester conjointement avec la
décision finale de la cour cantonale.

2.2. Sous réserve des cas cités à l'art. 95 let. c à e LTF qui n'entrent pas en
considération dans le cas particulier, le recours ne peut pas être formé pour
violation du droit cantonal. En revanche, il est toujours possible de faire
valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du
droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
ou contraire à d'autres droits ou principes constitutionnels (ATF 134 II 349
consid. 3 p. 351; 133 III 462 consid. 2.3 p. 466).
Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle de
l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par
l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si
l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas
déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou
de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une
autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible (ATF 137 I 1
consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4 p. 560).

2.3. Les recourants soutiennent qu'en droit jurassien, une demande de permis de
construire visant à régulariser des modifications apportées à un projet
autorisé peut être déposée en tout temps, tant et aussi longtemps qu'une
décision sur le rétablissement de l'état conforme au droit n'a pas été
définitivement rendue. L'examen de cette demande incombe alors à l'autorité de
police des constructions en vertu de l'art. 46 al. 2 du Décret cantonal
concernant le permis de construire (DPC). Le Président de la Cour
administrative aurait ainsi dû suspendre la procédure de rétablissement de
l'état conforme à la loi jusqu'à droit connu sur la procédure en modification
du permis de construire pendante devant la Section des permis de construire. En
confirmant la décision incidente de son président et en statuant sur le fond,
la Cour administrative aurait outrepassé ses compétences, versé dans
l'arbitraire et violé le principe de la proportionnalité.

2.4. Le Président de la Cour administrative a relevé que, contrairement au
droit bernois, le droit jurassien ne renfermait aucune disposition qui prévoit
expressément la suspension de la décision de rétablissement de l'état antérieur
lorsque l'obligé dépose une demande de permis de construire dans les trente
jours à compter de la notification de cette décision. Cela étant, il a
considéré qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer en qualité de juge
unique sur la demande de suspension de la procédure de recours, mais qu'il
incombait bien plutôt à la Cour administrative d'examiner, dans son arrêt sur
le fond de l'affaire, si la demande de permis déposée par les frères
A.X.________ et B.X.________ pouvait encore être instruite ou si, au contraire,
une telle demande n'était plus admissible. Il a rejeté pour ce motif la requête
de suspension de la procédure présentée par les recourants.
La Cour administrative a considéré pour sa part que le dépôt d'une demande de
permis de construire ne pouvait motiver une suspension de la procédure de
rétablissement de l'état conforme que si un permis était susceptible d'être
délivré au terme d'un examen sommaire, ce qui suppose que les travaux effectués
sans autorisation formelle ne soient pas, matériellement, non conformes au
droit. Appliquant ces principes, elle a jugé que certaines des modifications
apportées au projet autorisé pouvaient éventuellement se concevoir, justifiant
ainsi de renvoyer la cause à la Section des permis de construire, et d'autres
pas.

2.5. L'art. 46 DPC traite des modifications apportées à un projet de
construction pendant la procédure d'autorisation de construire et après
l'octroi du permis. Selon cette disposition, si, pendant la procédure d'octroi
ou de recours, le requérant modifie son projet afin de tenir compte des
objections soulevées par les autorités ou les opposants ou pour d'autres motifs
importants, la procédure peut se poursuivre sans nouvelle publication, pour
autant que la modification ne touche pas à des intérêts publics. Les opposants
et les voisins éventuellement touchés par la modification seront entendus au
sujet de cette dernière (al. 1). L'autorité compétente pour l'octroi du permis
peut, après avoir entendu les intéressés et sans nouvelle procédure d'octroi,
autoriser qu'il soit apporté à un projet admis les modifications qui se
révèlent nécessaires au cours de l'exécution des travaux, à condition toutefois
que ni des intérêts publics, ni des intérêts importants de voisins ne s'en
trouvent touchés (al. 2).
L'art. 46 DPC doit être appliqué et interprété en lien avec l'art. 36 de la loi
jurassienne sur les constructions et l'aménagement du territoire (LCAT). Selon
cette disposition, lorsque des travaux de construction sont exécutés sans
permis ou en violation des dispositions de celui-ci, l'autorité compétente en
matière de police des constructions ordonne la suspension des travaux; cette
décision est immédiatement exécutoire (al. 1). Si le vice peut être
éventuellement corrigé par un permis délivré ultérieurement, l'autorité de
police des constructions impartit au propriétaire ou au titulaire du droit de
superficie un délai pour présenter une demande de permis ou de modification en
cours de travaux en l'informant que, si cette demande n'est pas présentée dans
ce délai, elle ordonnera le rétablissement de l'état conforme à la loi (al. 2).
S'il apparaît d'emblée que le vice ne peut pas être corrigé par une
autorisation délivrée ultérieurement, ou si la demande n'est pas présentée
conformément à l'alinéa 2 ci-dessus, ou si enfin elle est refusée, l'autorité
de police des constructions impartit au propriétaire ou au titulaire du droit
de superficie un délai approprié en vue d'éliminer ou de modifier les
constructions ou parties de constructions édifiées de manière illicite sous
commination de l'exécution par substitution (al. 3).

2.6. En l'occurrence, les recourants n'ont pas présenté de demande de permis de
construire visant à régulariser les modifications apportées à leur projet
initial dans le délai qui leur avait été fixé conformément à l'art. 36 al. 2
LCAT, de sorte que l'autorité de police des constructions a initié la procédure
de rétablissement conforme au droit. La Cour administrative s'est demandée s'il
était encore possible de déposer une telle demande après coup, avant l'entrée
en force de la décision de rétablissement de l'état conforme. Elle a répondu
par l'affirmative à cette question, s'agissant des travaux qu'il était possible
de régulariser parce qu'ils ne sont pas matériellement non conformes au droit.
En revanche, s'il est manifeste qu'un permis de construire ne pourra être
délivré, il n'y a pas lieu de suspendre la procédure de rétablissement de
l'état conforme jusqu'à droit connu au sujet de la demande de permis. Il
appartient alors à l'autorité saisie lors du dépôt de la demande d'examiner ce
qu'il en est. La solution ainsi consacrée ne contrevient pas à l'art. 46 al. 2
DPC.
Cette disposition a en effet trait aux modifications que le bénéficiaire du
permis de construire entend apporter au projet autorisé en cours d'exécution
des travaux. Elle ne concerne en revanche pas le cas où les modifications ont
déjà été opérées sans que l'autorité compétente pour les autoriser n'ait été
informée et où la demande de permis de construire visant à régulariser la
situation est déposée en même temps que le recours contre la décision ordonnant
le rétablissement conforme au droit. Elle ne vise ainsi pas l'hypothèse d'une
demande de permis déposée avant l'entrée en force de la décision de
rétablissement de l'état conforme, soit pendant la procédure d'opposition ou de
recours contre cette décision. Le droit cantonal ne détermine pas expressément
l'autorité compétente pour trancher cette question.
La Section des permis de construire est en principe compétente pour délivrer le
permis de construire hors de la zone à bâtir (art. 7 al. 2 DPC et 29c LCAT).
Elle l'est également pour statuer en première instance sur les demandes de
modification de permis (art. 46 al. 2 DPC). Sa décision est susceptible d'un
recours auprès du juge administratif (art. 23 al. 1 LCAT), puis auprès de la
Cour administrative du Tribunal cantonal (art. 117 et 118 CPA). Le système
légal prévoit ainsi un double degré de juridiction dans le domaine du droit de
la construction. L'art. 46 al. 1 DPC déroge cependant à ce mécanisme puisqu'il
permet à l'autorité de recours de statuer en premier lieu, à la place de
l'autorité administrative de première instance, sur une demande de modification
du permis de construire lorsque celle-ci intervient en cours de procédure de
recours. La Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal jurassien a admis cette
manière de procéder au motif que l'application du principe de double instance
aurait pour effet d'alourdir et de prolonger de manière disproportionnée la
procédure d'octroi du permis de construire, lorsque seule est en cause une
modification mineure du projet initial (cf. arrêt CST 1/2012 du 27 avril 2012).
Le droit cantonal n'exclut donc pas que l'autorité de recours puisse statuer en
instance unique sur la conformité au droit d'une demande de modification d'une
autorisation de construire introduite pour la première fois devant elle. Le
Tribunal fédéral a tenu cette solution pour compatible avec les exigences de
l'art. 33 LAT à la condition que le droit d'opposition des tiers intéressés
soit sauvegardé (arrêt 1C_394/2010 du 10 juin 2011 consid. 3.2 in RDAF 2011 I
p. 575). La solution retenue dans l'arrêt attaqué, qui va dans le même sens, ne
saurait dès lors être tenue pour arbitraire ou d'une autre manière contraire au
droit cantonal en l'absence d'une règle expresse qui imposerait en tous les cas
la transmission de la demande à l'autorité compétente en matière de permis de
construire.
Cette solution ne va pas davantage à l'encontre du droit fédéral. Selon la
jurisprudence, l'ordre de démolir une construction édifiée sans droit et pour
laquelle une autorisation ne pouvait être accordée n'est en soi pas contraire
au principe de la proportionnalité (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255; 108 Ia
216 consid. 4b p. 218). L'autorité doit toutefois renoncer à une telle mesure
s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme
conforme au droit (ATF 123 II 248 consid. 3bb p. 252; 111 Ib 213 consid. 6b p.
224; 102 Ib 64 consid. 4 p. 69). Il serait en effet contraire au principe de la
proportionnalité d'ordonner la démolition d'une installation qui pourrait être
autorisée au terme d'une procédure de régularisation. La jurisprudence du
Tribunal fédéral admet cependant que l'autorité compétente puisse renoncer à
ouvrir une procédure d'autorisation de construire visant à régulariser les
modifications apportées à un projet autorisé si ces dernières ne peuvent
manifestement pas être admises (arrêt 1P.672/2000 du 22 février 2001 consid.
3b; MAGDALENA RUOSS FIERZ, Massnahmen gegen illegales Bauen, 1999, ch. 2.4.1,
p. 110 et ch. 4, p. 163). Le constructeur ne dispose ainsi en vertu du droit
fédéral d'aucun droit à ce qu'une procédure de régularisation soit ouverte pour
des travaux qui ne peuvent pas être autorisés en raison de leur non-conformité
manifeste au droit. Si la demande de régularisation est introduite alors que la
procédure de rétablissement d'un état conforme au droit est pendante devant
l'autorité de recours, le droit fédéral ne s'oppose pas davantage à ce que
celle-ci puisse statuer, s'agissant d'une question de compétence qui relève en
priorité du droit cantonal. La solution retenue par la Cour administrative
consistant à ne renvoyer la demande de permis de construire à la Section des
permis de construire pour examen que pour les travaux susceptibles d'être
autorisés est également conforme au droit fédéral.

2.7. Cela étant, le refus de la cour cantonale, respectivement de son
président, de suspendre la procédure de recours contre l'ordre de remise en
état pour les travaux qu'elle considère d'emblée comme non conformes et non
susceptibles d'être régularisés par la procédure d'autorisation de construire
n'est pas arbitraire et ne consacre pas une interprétation insoutenable du
droit cantonal. Dans la mesure où la procédure de rétablissement de l'état
conforme au droit était alors pendante devant elle, la Cour administrative
pouvait de manière soutenable s'estimer compétente pour se prononcer sur la
question de savoir s'il convenait de suspendre la procédure ou si, au
contraire, elle pouvait considérer la demande en toute ou partie comme d'emblée
infondée.

3. 
Les recourants s'en prennent à l'arrêt attaqué en tant qu'il exclut la
possibilité de régulariser certains travaux entrepris sans autorisation et
qu'il confirme partiellement le rétablissement de l'état conforme.

3.1. La cour cantonale a relevé que les transformations effectuées ne
respectaient pas sur plusieurs points le permis de construire tel que défini
par l'arrêt de la Chambre administrative du 11 septembre 2006. Ainsi, les
frères A.X.________ et B.X.________ ont aménagé une stabulation de bovins,
pouvant servir à 10 vaches, dans l'espace prévu pour stocker la paille. A cette
fin, ils ont construit un solier d'une extrémité du bâtiment à l'autre. Ces
changements dans la disposition des locaux et leur affectation ont entraîné des
modifications extérieures. La façade est, qui devait rester ouverte, a été
totalement fermée. La façade sud, qui devait être intégralement fermée, a été
ouverte dans le secteur de la stabulation des bovins. Des barrières amovibles
destinées à retenir le bétail y ont été placées. En outre, le local de
préparation n'a pas été réalisé comme prévu, de sorte que la liaison qui devait
séparer ce local de l'espace réservé aux porcs n'a pas été exécutée. Par
ailleurs, la cloison qui devait aller jusqu'à la toiture du bâtiment a été
réalisée seulement jusqu'au solier destiné à l'entreposage de la paille. Enfin,
du côté ouest, des panneaux translucides ont été apposés en lieu et place du
bardage en bois initialement prévu.
La cour cantonale a confirmé le jugement de première instance dans la mesure où
il renonce au remplacement des panneaux translucides. Elle a également estimé
qu'à première vue, rien ne s'opposait à ce que la demande de permis déposée par
les frères A.X.________ et B.X.________ puisse être admise partiellement pour
laisser ouverte la façade sud sur une longueur d'environ 10 mètres,
correspondant à la largeur de l'espace réservé au stock de paille selon le plan
du 12 juillet 2005; comme cet espace n'abritera plus d'animaux, aucune nuisance
olfactive pouvant gêner le voisinage n'est à craindre. De même, aucun motif
n'exigeait que le mur érigé en façade est soit démoli puisque l'ouverture
devait permettre de contrôler que l'espace est réservé au stock de paille ne
soit pas utilisé pour augmenter le nombre de truies. Enfin, la cour cantonale a
renoncé à ordonner l'enlèvement du solier, qui s'inscrit dans le volume du
bâtiment existant et ne génère pas de nuisances particulières pour le
voisinage, car il n'est pas nécessaire que l'espace réservé aux porcs,
respectivement à d'éventuels locaux de préparation et d'infirmerie, situés
en-dessous, reste ouvert jusqu'à la toiture.

La Cour administrative a en revanche exclu, sur la base d'un examen sommaire,
qu'un permis puisse être octroyé aux frères A.X.________ et B.X.________ pour
leur permettre de détenir 10 vaches en plus de 66 truies gestantes dans le
bâtiment 3 ^E. L'aménagement d'une stabulation destinée aux bovins à
l'emplacement prévu pour détenir un stock de paille n'entre pas en
considération car il aurait pour effet d'augmenter la distance nécessaire pour
assurer le respect des odeurs par rapport à la zone d'habitation H2. Le
rétablissement de l'état conforme implique de supprimer toutes les
installations et tous les éléments de construction en rapport avec la
stabulation de bovins réalisée dans le bâtiment 3 ^E, notamment les barrières
amovibles par lesquelles le bétail est retenu dans cet espace, et de réaliser
la cloison qui devait fermer, côté est, l'aire d'affouragement et de
déjections.
De même, la cour cantonale a exigé que la fermeture de la cloison de séparation
prévue jusqu'à la toiture dans le plan établi le 30 janvier 2006 et réalisée
jusqu'au solier soit achevée, car elle représente un élément d'importance pour
assurer le respect des normes en matière d'odeurs. Rien ne justifie qu'un
assouplissement soit accordé sur ce point par rapport au permis délivré, même
si le solier peut finalement être autorisé, vu qu'il n'est pas certain que
celui-ci assure une étanchéité aux odeurs émanant de l'espace situé au-dessous
réservé aux porcs.

3.2. Les recourants ne contestent pas avec raison que l'aménagement d'une
stabulation de bovins dans le bâtiment litigieux suppose, pour être autorisé,
que les distances minimales requises par les règles de l'élevage, selon le
chiffre 512 de l'annexe 2 de l'ordonnance sur la protection de l'air, soient
respectées jusqu'à la zone d'habitation la plus proche. Selon eux,
l'affirmation suivant laquelle l'augmentation du nombre d'animaux dans le
bâtiment 3 ^E conduirait au non-respect des normes en la matière relèverait de
l'arbitraire le plus total, à défaut d'une expertise judiciaire qui
l'établirait. Seule la procédure de permis de construire qu'ils ont initiée le
30 août 2010 permettra de trancher cette question, étant précisé qu'ils
pourraient accepter de diminuer le nombre de truies pour compenser les effets
de l'arrivée de 10 bovins.

3.3. Il est manifeste que la présence de 10 vaches dans l'espace prévu pour
abriter le stock de fourrage en sus des truies augmenterait le niveau des
odeurs en provenance du bâtiment 3 ^E. Les recourants soutiennent toutefois que
les bovins qui prendraient place dans la stabulation seraient des vaches en
phase de mettre bas, détenues normalement dans le bâtiment 3 ^C, qui devraient
être isolées des autres vaches laitières et des veaux pour des raisons
sanitaires, de sorte qu'il n'y aurait pas d'augmentation du nombre de bêtes et,
partant, des odeurs, mais une diminution correspondante du nombre de vaches
dans le bâtiment 3 ^Cet un déplacement des centres d'émissions des odeurs.
L'arrêt attaqué ne contient aucune indication à propos de la provenance des
bovins qui devraient être logés dans le bâtiment 3 ^E. La cour cantonale semble
être partie du fait que le nombre de têtes de bétail dans ce bâtiment
augmenterait. Il n'est ainsi pas exclu que le niveau global des odeurs demeure
inchangé par rapport à celui qui prévalait dans l'expertise judiciaire réalisée
en septembre 2004 si la présence de dix bovins dans l'espace prévu pour le
stock de paille impliquait une diminution correspondante du nombre de vaches
dans le bâtiment 3 ^C. Quoi qu'il en soit, ce point peut rester indécis.
L'affectation de l'espace prévu dans le bâtiment 3 ^E pour abriter le stock de
fourrage en une stabulation pour dix bovins au maximum a notamment pour
conséquence la construction d'un nouveau bâtiment pour entreposer le fourrage
dans une zone de protection du paysage. Elle ne pourrait être autorisée que si
elle répondait à un besoin justifié de l'exploitation au sens de l'art. 34 al.
4 let. a de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire. Les frères
A.X.________ et B.X.________ expliquent dans leur recours devoir disposer, afin
d'abriter les vaches en phase de mettre bas, d'un local séparé de l'écurie où
se trouvent les bovins à traire et les veaux pour ne pas contaminer ces
derniers consécutivement à la découverte de plusieurs veaux atteints de la
diarrhée virale bovine. Il ressort effectivement du dossier qu'ils ont placé
des vaches en quarantaine pour ce motif dans le bâtiment 3 ^E durant l'hiver
2009-2010. Il s'agissait toutefois d'une situation provisoire et les recourants
n'établissent pas, comme il le leur incombait, qu'elle serait toujours
d'actualité. Ils ne démontrent pas davantage que les vaches gestantes qu'il
conviendrait d'isoler temporairement du reste du troupeau ne pourraient trouver
place ailleurs que dans la porcherie. La nécessité de disposer, dans le
bâtiment 3 ^E, d'une stabulation (provisoire ou permanente) pour dix bovins au
maximum pour les raisons sanitaires invoquées n'est ainsi pas établie, de sorte
que l'aménagement d'une telle installation ne pourrait pas être autorisé à
cette fin.
Cela étant, il n'y a pas lieu d'examiner si c'est à tort ou à raison que la
cour cantonale a considéré que le projet ne pouvait être autorisé en raison de
l'inobservation manifeste des distances minimales ni si elle a violé le droit
en aboutissant à cette conclusion au terme d'un examen sommaire, sans avoir
procédé à une expertise.
Les recourants ne développent au surplus aucune argumentation en lien avec la
cloison de séparation intérieure dont la cour cantonale a exigé la prolongation
jusqu'à la toiture. En l'absence de tout grief à ce propos, il n'appartient pas
au Tribunal fédéral d'examiner d'office si la mise en conformité au permis de
construire délivré sur cet aspect du projet est conforme au droit.

3.4. Les recourants invoquent encore le principe de la proportionnalité pour
s'opposer au rétablissement des lieux dans leur état antérieur en raison des
coûts d'une telle mesure chiffrés à plusieurs dizaines de milliers de francs.
Ils n'ont toutefois produit aucun document qui permettrait d'étayer ce montant
ou d'admettre que le rétablissement des lieux serait de nature à mettre en
péril leur exploitation. Quoi qu'il en soit, l'intérêt public au respect des
normes de droit public en matière d'aménagement du territoire l'emporte sur
l'intérêt financier des recourants.

4. 
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable,
aux frais des recourants qui succombent (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Ces derniers
verseront une indemnité de dépens aux intimés, qui obtiennent gain de cause
avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 5 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des
recourants.

3. 
Les recourants verseront solidairement aux intimés, créanciers solidaires, la
somme de 3'000 fr. à titre de dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commune mixte
de Coeuve, à la Section des permis de construire du Service de l'aménagement du
territoire et à la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et
canton du Jura ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial.

Lausanne, le 4 octobre 2013

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Parmelin

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