Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.211/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
1C_211/2012

Arrêt du 4 octobre 2013

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli et Chaix.
Greffier: M. Parmelin.

Participants à la procédure
A.X.________ et B.X.________,
représentés par Me Hubert Theurillat, avocat,
recourants,

contre

C.Y.________ et D.Y.________,
représentés par Me Pierre Vallat, avocat,
intimés,

Commune mixte de Coeuve,
agissant par son Conseil communal,
Section des permis de construire du
Service de l'aménagement du territoire
de la République et canton du Jura.

Objet
Rétablissement de l'état conforme au droit d'un hangar agricole et de ses
abords,

recours contre la décision du Président de la Cour administrative du Tribunal
cantonal de la République et canton du Jura du 4 mai 2011 et contre l'arrêt de
la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura
du 9 mars 2012.

Faits:

A. 
B.X.________ et A.X.________ exploitent un domaine agricole à Coeuve. Le 18 mai
1999, ils ont requis l'autorisation de construire un hangar sur les parcelles n
^os 2570, 2571 et 2572, en zone agricole.
Par décision du 15 mai 2000, la Section des permis de construire du Service des
constructions et des domaines de la République et canton du Jura a rejeté
l'opposition des époux D.Y.________ et C.Y.________, propriétaires d'une maison
d'habitation sise à une trentaine de mètres du bâtiment projeté, et a accordé
le permis de construire sollicité. Le Juge administratif extraordinaire du
Tribunal de première instance de la République et canton du Jura a rejeté le
recours formé contre cette décision par les opposants au terme d'un jugement
rendu le 11 juillet 2001 que la Chambre administrative du Tribunal cantonal de
la République et canton du Jura a confirmé par arrêt du 17 mai 2002.
Statuant le 22 novembre 2002 sur un recours de droit administratif des époux
Y.________, le Tribunal fédéral a annulé cet arrêt et a renvoyé la cause à la
Chambre administrative pour qu'elle complète l'instruction de manière à
déterminer si la construction d'un hangar de l'ampleur projetée était ou non
adaptée aux besoins objectifs de l'exploitation des intimés (cause 1A.131/
2002).
Au terme d'un nouvel arrêt du 9 juin 2005, la Chambre administrative a rejeté
le recours des époux Y.________ et a confirmé la décision de la Section des
permis de construire du 15 mai 2000 ainsi que le jugement du Juge administratif
extraordinaire du 11 juillet 2001, à l'exception de la question des frais et
dépens. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par D.Y.________ et
C.Y.________ contre cet arrêt le 27 mars 2006 (cause 1A.213/2005).

B. 
Le 19 juillet 2006, les époux Y.________ se sont adressés au Conseil communal
de Coeuve pour lui signaler que les frères X.________ n'avaient pas respecté le
permis de construire.
Le 5 octobre 2006, le Conseil communal de Coeuve a invité les frères X.________
à lui présenter, dans un délai de 30 jours, une demande de modification du
projet autorisé, accompagnée des nouveaux plans des aménagements extérieurs.
Aucune suite n'a été donnée à cette requête.
Le 17 juin 2008, le Conseil communal de Coeuve a finalement renoncé à ordonner
le rétablissement de l'état conforme à la loi aux motifs que les modifications
apportées au permis de construire étaient minimes et qu'elles étaient
justifiées par une exploitation rationnelle du hangar. Il a confirmé cette
décision sur opposition des époux Y.________ le 17 septembre 2008.
Par jugement du 28 juin 2010, la Juge administrative du Tribunal de première
instance de la République et canton du Jura a admis le recours formé contre
cette décision par les époux Y.________ et a ordonné le rétablissement de
l'état conforme au droit, respectivement au permis délivré le 15 mai 2000 par
la Section des permis de construire et l'arrêt du Tribunal cantonal du 9 juin
2005, en remettant en herbe les aménagements des abords du hangar sur trois
côtés, laissant un empierrement en façade est pour permettre les manoeuvres, et
en réalisant l'aménagement des façades sud et nord conformément au permis
délivré, ce jusqu'au 31 octobre 2010.
Les frères X.________ ont recouru le 30 août 2010 contre ce jugement auprès de
la Chambre administrative du Tribunal cantonal, devenue par la suite la Cour
administrative, en sollicitant la suspension de la procédure jusqu'à droit
connu sur la demande de permis de construire visant à régulariser les
modifications apportées à leur projet initial déposée le même jour auprès de la
Commune de Coeuve à l'intention de la Section des permis de construire. Les
époux Y.________ en ont fait de même s'agissant des dépens.
Par décision du 4 mai 2011, le Président de la cour a rejeté la demande de
suspension de la procédure de recours formulée par les frères X.________. Au
terme d'un arrêt rendu le 9 mars 2012, la Cour administrative a partiellement
admis les recours et a annulé les décisions du Conseil communal de Coeuve des
17 juin et 17 septembre 2008 ainsi que, partiellement, le jugement de la Juge
administrative du 28 juin 2010. Elle a confirmé ce jugement dans la mesure:

"b) où le rétablissement de l'état conforme est ordonné concernant :

- la façade sud à réaliser conformément au permis délivré le 15 mai 2000 par la
Section des permis de construire et le
9 juin 2005 par la Chambre administrative;
- les surfaces aménagées en dur sises sur la parcelle
no 2570.A, à l'exception des surfaces se trouvant sous les avants-toits;
- les surfaces aménagées en dur sises au sud de la façade sud du hangar et dans
son prolongement, soit sur les parcelles nos 2571.A et 2572.A, à l'exception de
la surface se trouvant sous l'avant-toit;
c) où il porte sur le sort des frais de procédure de première instance".
Elle a imparti aux constructeurs un délai de trois mois dès l'entrée en force
pour rétablir l'état conforme au droit et a renvoyé pour le surplus l'affaire
au Conseil communal de Coeuve pour procéder dans le sens des considérants.

C. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.X.________ et
B.X.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Président
de la Cour administrative du 4 mai 2011 et d'ordonner la suspension de la
procédure de rétablissement de l'état conforme à la loi jusqu'à droit connu sur
la demande de permis de construire déposée le 30 août 2010 et pendante auprès
de la Section des permis de construire. Ils concluent également à l'annulation
du jugement de la Cour administrative du 9 mars 2012 et, le cas échéant, au
renvoi du dossier à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.
La Cour administrative et les intimés concluent au rejet du recours. La Commune
de Coeuve appuie le recours. La Section des permis de construire a renoncé à
prendre position sur le recours.
Invité à se déterminer, l'Office fédéral du développement territorial n'a pas
souhaité déposer des observations.
Les recourants ont répliqué.

D. 
Par ordonnance présidentielle du 23 mai 2012, l'effet suspensif a été accordé
au recours.

Considérant en droit:

1. 
Dirigé contre une décision rendue dans le domaine du droit public de
l'aménagement du territoire et des constructions, le recours est en principe
recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss
LTF, auxquels renvoie l'art. 34 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire (LAT; RS 700). Aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est
réalisée. Les frères X.________ ont qualité pour recourir, au sens de l'art. 89
al. 1 LTF, contre l'arrêt attaqué qui confirme en dernière instance cantonale
la remise en état partielle des abords de leur hangar. Déposé en temps utile et
dans les formes requises contre une décision finale, le recours est recevable
au regard des art. 42, 90 et 100 al. 1 LTF.

2. 
Les recourants s'en prennent en premier lieu aux refus respectifs de la Cour
administrative et de son président de suspendre la procédure de recours contre
l'ordre de rétablissement de l'état conforme à la loi jusqu'à droit connu sur
leur demande d'autorisation de construire déposée le 30 août 2010.

2.1. La décision du 4 mai 2011 par laquelle le Président de la Cour
administrative a rejeté la requête de suspension de la procédure de recours
revêtait un caractère incident. Elle n'était pas de nature à causer un
préjudice irréparable aux recourants au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF
puisqu'une décision favorable sur le fond du litige n'était a priori pas
exclue; l'hypothèse visée à l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'était pas davantage
réalisée, de sorte qu'on ne saurait leur reprocher de ne pas l'avoir attaquée
immédiatement. Le refus de suspendre la procédure a eu pour effet que le
Tribunal cantonal s'est prononcé par un arrêt final sur des points qui font
l'objet d'une demande de permis de construire, que la cour cantonale a tranchés
définitivement et que la Section des permis de construire aurait, selon les
recourants, été seule compétente pour examiner. La décision incidente était
ainsi de nature à influer sur l'arrêt attaqué au sens de l'art. 93 al. 3 LTF.
Les recourants sont donc habilités à la contester conjointement avec la
décision finale de la cour cantonale.

2.2. Sous réserve des cas cités à l'art. 95 let. c à e LTF qui n'entrent pas en
considération dans le cas particulier, le recours ne peut pas être formé pour
violation du droit cantonal. En revanche, il est toujours possible de faire
valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du
droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
ou contraire à d'autres droits ou principes constitutionnels (ATF 134 II 349
consid. 3 p. 351; 133 III 462 consid. 2.3 p. 466).
Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle de
l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par
l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si
l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas
déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou
de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une
autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible (ATF 137 I 1
consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4 p. 560).

2.3. Les recourants soutiennent qu'en droit jurassien, une demande de permis de
construire visant à régulariser des modifications apportées à un projet
autorisé peut être déposée en tout temps, tant et aussi longtemps qu'une
décision sur le rétablissement de l'état conforme au droit n'a pas été
définitivement rendue. L'examen de cette demande incombe alors à l'autorité de
police des constructions en vertu de l'art. 46 al. 2 du Décret cantonal
concernant le permis de construire (DPC). Le Président de la Cour
administrative aurait ainsi dû suspendre la procédure de rétablissement de
l'état conforme à la loi jusqu'à droit connu sur la procédure en modification
du permis de construire pendante devant la Section des permis de construire. En
confirmant la décision incidente de son président et en statuant sur le fond,
la Cour administrative aurait outrepassé ses compétences, versé dans
l'arbitraire et violé le principe de la proportionnalité.

2.4. Le Président de la Cour administrative a relevé que, contrairement au
droit bernois, le droit jurassien ne renfermait aucune disposition qui prévoit
expressément la suspension de la décision de rétablissement de l'état antérieur
lorsque l'obligé dépose une demande de permis de construire dans les trente
jours à compter de la notification de cette décision. Cela étant, il a
considéré qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer en qualité de juge
unique sur la demande de suspension de la procédure de recours, mais qu'il
incombait bien plutôt à la Cour administrative d'examiner, dans son arrêt sur
le fond de l'affaire, si la demande de permis déposée par les frères X.________
pouvait encore être instruite ou si, au contraire, une telle demande n'était
plus admissible. Il a rejeté pour ce motif la requête de suspension de la
procédure présentée par les recourants.
La Cour administrative a considéré pour sa part que le dépôt d'une demande de
permis de construire ne pouvait motiver une suspension de la procédure de
rétablissement de l'état conforme que si un permis était susceptible d'être
délivré au terme d'un examen sommaire, ce qui suppose que les travaux effectués
sans autorisation formelle ne soient pas, matériellement, non conformes au
droit. Appliquant ces principes, elle a jugé que certaines des modifications
apportées au projet autorisé pouvaient éventuellement se concevoir, justifiant
ainsi de renvoyer la cause à la Section des permis de construire, et d'autres
pas.

2.5. L'art. 46 DPC traite des modifications apportées à un projet de
construction pendant la procédure d'autorisation de construire et après
l'octroi du permis. Selon cette disposition, si, pendant la procédure d'octroi
ou de recours, le requérant modifie son projet afin de tenir compte des
objections soulevées par les autorités ou les opposants ou pour d'autres motifs
importants, la procédure peut se poursuivre sans nouvelle publication, pour
autant que la modification ne touche pas à des intérêts publics. Les opposants
et les voisins éventuellement touchés par la modification seront entendus au
sujet de cette dernière (al. 1). L'autorité compétente pour l'octroi du permis
peut, après avoir entendu les intéressés et sans nouvelle procédure d'octroi,
autoriser qu'il soit apporté à un projet admis les modifications qui se
révèlent nécessaires au cours de l'exécution des travaux, à condition toutefois
que ni des intérêts publics, ni des intérêts importants de voisins ne s'en
trouvent touchés (al. 2).
L'art. 46 DPC doit être appliqué et interprété en lien avec l'art. 36 de la loi
jurassienne sur les constructions et l'aménagement du territoire (LCAT). Selon
cette disposition, lorsque des travaux de construction sont exécutés sans
permis ou en violation des dispositions de celui-ci, l'autorité compétente en
matière de police des constructions ordonne la suspension des travaux; cette
décision est immédiatement exécutoire (al. 1). Si le vice peut être
éventuellement corrigé par un permis délivré ultérieurement, l'autorité de
police des constructions impartit au propriétaire ou au titulaire du droit de
superficie un délai pour présenter une demande de permis ou de modification en
cours de travaux en l'informant que, si cette demande n'est pas présentée dans
ce délai, elle ordonnera le rétablissement de l'état conforme à la loi (al. 2).
S'il apparaît d'emblée que le vice ne peut pas être corrigé par une
autorisation délivrée ultérieurement, ou si la demande n'est pas présentée
conformément à l'alinéa 2 ci-dessus, ou si enfin elle est refusée, l'autorité
de police des constructions impartit au propriétaire ou au titulaire du droit
de superficie un délai approprié en vue d'éliminer ou de modifier les
constructions ou parties de constructions édifiées de manière illicite sous
commination de l'exécution par substitution (al. 3).

2.6. En l'occurrence, les recourants n'ont pas présenté de demande de permis de
construire visant à régulariser les modifications apportées à leur projet
initial dans le délai qui leur avait été fixé conformément à l'art. 36 al. 2
LCAT, de sorte que l'autorité de police des constructions a initié la procédure
de rétablissement conforme au droit. La Cour administrative s'est demandée s'il
était encore possible de déposer une telle demande après coup, avant l'entrée
en force de la décision de rétablissement de l'état conforme. Elle a répondu
par l'affirmative à cette question, s'agissant des travaux qu'il était possible
de régulariser parce qu'ils ne sont pas matériellement non conformes au droit.
En revanche, s'il est manifeste qu'un permis de construire ne pourra être
délivré, il n'y a pas lieu de suspendre la procédure de rétablissement de
l'état conforme jusqu'à droit connu au sujet de la demande de permis. Il
appartient alors à l'autorité saisie lors du dépôt de la demande d'examiner ce
qu'il en est. La solution ainsi consacrée ne contrevient pas à l'art. 46 al. 2
DPC.
Cette disposition a en effet trait aux modifications que le bénéficiaire du
permis de construire entend apporter au projet autorisé en cours d'exécution
des travaux. Elle ne concerne en revanche pas le cas où les modifications ont
déjà été opérées sans que l'autorité compétente pour les autoriser n'ait été
informée et où la demande de permis de construire visant à régulariser la
situation est déposée en même temps que le recours contre la décision ordonnant
le rétablissement conforme au droit. Elle ne vise ainsi pas l'hypothèse d'une
demande de permis déposée avant l'entrée en force de la décision de
rétablissement de l'état conforme, soit pendant la procédure d'opposition ou de
recours contre cette décision. Le droit cantonal ne détermine pas expressément
l'autorité compétente pour trancher cette question.
La Section des permis de construire est en principe compétente pour délivrer le
permis de construire hors de la zone à bâtir (art. 7 al. 2 DPC et 29c LCAT).
Elle l'est également pour statuer en première instance sur les demandes de
modification de permis (art. 46 al. 2 DPC). Sa décision est susceptible d'un
recours auprès du juge administratif (art. 23 al. 1 LCAT), puis auprès de la
Cour administrative du Tribunal cantonal (art. 117 et 118 CPA). Le système
légal prévoit ainsi un double degré de juridiction dans le domaine du droit de
la construction. L'art. 46 al. 1 DPC déroge cependant à ce mécanisme puisqu'il
permet à l'autorité de recours de statuer en premier lieu, à la place de
l'autorité administrative de première instance, sur une demande de modification
du permis de construire lorsque celle-ci intervient en cours de procédure de
recours. La Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal jurassien a admis cette
manière de procéder au motif que l'application du principe de double instance
aurait pour effet d'alourdir et de prolonger de manière disproportionnée la
procédure d'octroi du permis de construire, lorsque seule est en cause une
modification mineure du projet initial (cf. arrêt CST 1 / 2012 du 27 avril
2012). Le droit cantonal n'exclut donc pas que l'autorité de recours puisse
statuer en instance unique sur la conformité au droit d'une demande de
modification d'une autorisation de construire introduite pour la première fois
devant elle. Le Tribunal fédéral a tenu cette solution pour compatible avec les
exigences de l'art. 33 LAT à la condition que le droit d'opposition des tiers
intéressés soit sauvegardé (arrêt 1C_394/2010 du 10 juin 2011 consid. 3.2 in
RDAF 2011 I p. 575). La solution retenue dans l'arrêt attaqué, qui va dans le
même sens, ne saurait dès lors être tenue pour arbitraire ou d'une autre
manière contraire au droit cantonal en l'absence d'une règle expresse qui
imposerait en tous les cas la transmission de la demande à l'autorité
compétente en matière de permis de construire.
Cette solution ne va pas davantage à l'encontre du droit fédéral. Selon la
jurisprudence, l'ordre de démolir une construction édifiée sans droit et pour
laquelle une autorisation ne pouvait être accordée n'est en soi pas contraire
au principe de la proportionnalité (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255; 108 Ia
216 consid. 4b p. 218). L'autorité doit toutefois renoncer à une telle mesure
s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme
conforme au droit (ATF 123 II 248 consid. 3bb p. 252; 111 Ib 213 consid. 6b p.
224; 102 Ib 64 consid. 4 p. 69). Il serait en effet contraire au principe de la
proportionnalité d'ordonner la démolition d'une installation qui pourrait être
autorisée au terme d'une procédure de régularisation. La jurisprudence du
Tribunal fédéral admet cependant que l'autorité compétente puisse renoncer à
ouvrir une procédure d'autorisation de construire visant à régulariser les
modifications apportées à un projet autorisé si ces dernières ne peuvent
manifestement pas être admises (arrêt 1P.672/2000 du 22 février 2001 consid.
3b; MAGDALENA RUOSS FIERZ, Massnahmen gegen illegales Bauen, 1999, ch. 2.4.1,
p. 110 et ch. 4, p. 163). Le constructeur ne dispose ainsi en vertu du droit
fédéral d'aucun droit à ce qu'une procédure de régularisation soit ouverte pour
des travaux qui ne peuvent pas être autorisés en raison de leur non-conformité
manifeste au droit. Si la demande de régularisation est introduite alors que la
procédure de rétablissement d'un état conforme au droit est pendante devant
l'autorité de recours, le droit fédéral ne s'oppose pas davantage à ce que
celle-ci puisse statuer, s'agissant d'une question de compétence qui relève en
priorité du droit cantonal. La solution retenue par la Cour administrative
consistant à ne renvoyer la demande de permis de construire à la Section des
permis de construire pour examen que pour les travaux susceptibles d'être
autorisés est également conforme au droit fédéral.

2.7. Cela étant, le refus de la cour cantonale, respectivement de son
président, de suspendre la procédure de recours contre l'ordre de remise en
état pour les travaux qu'elle considère d'emblée comme non conformes et non
susceptibles d'être régularisés par la procédure d'autorisation de construire
n'est pas arbitraire et ne consacre pas une interprétation insoutenable du
droit cantonal. Etant donné que la procédure était alors pendante devant elle,
la Cour administrative pouvait au contraire de manière soutenable s'estimer
compétente pour se prononcer sur la question de savoir s'il convenait de
suspendre la procédure ou si, au contraire, elle pouvait considérer la demande
en tout ou partie comme d'emblée infondée.

3. 
Les recourants contestent l'ordre de remise en état des lieux qui leur a été
signifié. Ils sont d'avis que les surfaces en dur aménagées autour de leur
hangar pourraient faire l'objet d'une autorisation de construire ordinaire car
elles sont nécessaires à une utilisation rationnelle du bâtiment et à la bonne
marche de leur exploitation et ne portent atteinte à aucun intérêt public ou
privé prépondérant.

3.1. Sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art.
22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de
l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils
modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent
l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de
porter atteinte à l'environnement. L'aménagement d'une place en dur en zone
agricole constitue une modification durable du sol sujette à une autorisation
de construire au sens de l'art. 22 al. 1 LAT.
Selon l'art. 22 al. 2 let. a LAT, une autorisation de construire ne peut être
délivrée que si la construction ou l'installation projetée est conforme à
l'affectation de la zone. Hors de la zone à bâtir, de façon générale, la
conformité est liée à la nécessité: la construction doit être adaptée, par ses
dimensions et son implantation, aux besoins objectifs du propriétaire ou de
l'exploitant (ATF 132 II 10 consid. 2.4 p. 17). Cette clause du besoin est
clairement exprimée en ce qui concerne les zones agricoles aux art. 16a al. 1
LAT et 34 al. 4 let. a OAT. En introduisant cette exigence, le législateur
fédéral entend limiter les constructions nouvelles à celles qui sont réellement
indispensables à l'exploitation agricole afin de garantir que la zone agricole
demeure une zone non constructible. Le critère de la nécessité implique aussi
que les intérêts en présence soient appréciés et mis en balance. L'implantation
et la conception architecturale de la construction ne doivent contrevenir à
aucun intérêt prépondérant (cf. art. 34 al. 4 let. b OAT). L'appréciation doit
se faire à l'aune des buts et principes énoncés aux art. 1 et 3 LAT.

3.2. La cour cantonale a fait une distinction entre les surfaces en dur
nécessaires à l'accès au hangar, celles se trouvant sous les avant-toits et les
autres surfaces situées tout autour du bâtiment. Elle a considéré que du point
de vue matériel, rien ne s'opposait à ce qu'un accès au hangar adapté aux
nécessités de l'exploitation soit réalisé en dur depuis la route communale et
que son emplacement précis et sa largeur maximale devraient être définis dans
le cadre de la demande de permis de construire déposée après coup, en tenant
compte du fait que les frères X.________ envisagent également un accès au nord
par une porte coulissante. De même, elle a admis que les surfaces sises sous
les avant-toits ouest, sud et nord soient réalisées en dur pour stocker des
balles de fourrage, du bois de feu ou d'autres matériaux en rapport avec
l'exploitation agricole. En revanche, elle a estimé que les autres surfaces
aménagées en dur autour du hangar ne pouvaient pas servir pour l'entreposage de
fourrage ou de machines car le bâtiment avait été dimensionné à cet effet.
Les recourants le contestent et affirment qu'elles seraient nécessaires pour
manoeuvrer autour du hangar, notamment pour y parquer des machines agricoles ou
du fourrage. A cette fin, ils doivent pouvoir disposer d'un espace suffisant,
sachant que certains engins accouplés à un tracteur accusent une longueur de
plus de quinze mètres. En niant la nécessité de disposer d'une telle surface
bétonnée, la Cour administrative aurait violé l'art. 34 al. 4 let. a OAT et le
principe de la proportionnalité en matière de l'état conforme.

3.3. Le hangar a été dimensionné de manière à pouvoir accueillir le parc de
machines des recourants. Ces derniers ne prétendent pas que ce parc se serait
étoffé depuis lors au point que le bâtiment serait sous-dimensionné. La
nécessité de disposer de surfaces en dur à l'extérieur pour l'entreposage de
machines n'est donc pas établie. Dans l'arrêt du 27 mars 2006 concernant les
mêmes parties, la Cour de céans a précisé que l'aménagement d'une surface en
dur pour entreposer les balles rondes impliquait une modification durable de la
nature agricole du sol et qu'il ne pouvait pour cette raison être cautionné;
elle a admis en revanche que les balles rondes prennent place sous l'avant-toit
ouest du hangar projeté afin de les protéger des intempéries et de préserver la
qualité du fourrage. Les recourants ne prétendent pas que les circonstances se
seraient modifiées depuis lors et qu'un besoin supplémentaire en place de
stockage pour le fourrage serait indispensable. Il importe peu à cet égard
qu'ils n'utilisent pas l'avant-toit ouest à cette fin, mais préfèrent y
entreposer des machines ou d'autres véhicules. Il n'est donc pas admissible de
prévoir des surfaces en dur à l'extérieur destinées à l'entreposage de machines
ou de fourrage en l'absence d'un besoin supplémentaire en place de stockage
dûment établi. Enfin, les recourants n'ont pas davantage démontré la nécessité
de pouvoir passer avec des machines agricoles tout autour du hangar sur une
surface en dur. Ils pourront en effet entrer dans le bâtiment avec les longs
convois agricoles par le nord et en sortir par l'est. Il existe un intérêt
public important à ne pas tolérer une extension injustifiée des surfaces bâties
dans la zone agricole.
La Cour administrative a confirmé l'empierrement sous les avant-toits sur une
largeur de trois mètres. Cet espace est certes suffisant pour entreposer des
balles rondes. En revanche, il ne permet pas leur manipulation en cas
d'intempéries, lorsque le sol est détrempé. Les balles rondes ne peuvent en
effet pas être transportées ou déplacées à la main en raison de leurs poids et
de leurs dimensions. Un tracteur équipé d'un chargeur frontal, un chargeur
compact muni d'une fourche adaptée ou encore un chargeur à bras télescopique
est nécessaire à cet effet. On peut admettre qu'une surface en dur aux abords
de l'avant-toit ouest plus importante que celle autorisée est nécessaire pour
les déposer et les reprendre avec une machine adaptée par n'importe quel temps.
Il appartiendra à la Section des permis de construire, appelée à statuer sur la
demande de permis de construire des recourants, de déterminer la surface
nécessaire à cet effet en la réduisant au maximum.
Sous cette réserve, l'arrêt attaqué échappe à toute critique en tant qu'il
constate que les surfaces en dur aménagées sur la parcelle n ^o 2570.A,
respectivement sur les parcelles n ^os 2571.A et 2572.A au sud ne pouvaient pas
être autorisées au regard de l'art. 34 al. 4 OAT. Les recourants ne prétendent
pas avec raison qu'elles pourraient faire l'objet d'une autorisation
exceptionnelle fondée sur l'art. 24 LAT. Pour le surplus, la délimitation
exacte de la surface en dur nécessaire à l'accès au hangar depuis la route
communale et à la manoeuvre des machines agricoles au nord et à l'est du
bâtiment devra être définie dans le cadre de l'examen de la demande
d'autorisation de construire pendante devant la Section des permis de
construire.

3.4. Les recourants invoquent encore le principe de la proportionnalité pour
s'opposer au rétablissement des lieux dans leur état antérieur. Ils affirment
que la remise en herbe de la surface bétonnée qui ne peut faire l'objet d'une
autorisation de construire entraînerait un coût de plusieurs dizaines de
milliers de francs. Ils n'ont toutefois produit aucun document qui permettrait
d'étayer ce chiffre ou d'admettre que le rétablissement des lieux serait de
nature à mettre en péril leur exploitation. Quoi qu'il en soit, le dommage
économique allégué doit être mis en balance avec l'intérêt public majeur que
constituent la préservation des zones agricoles et la distinction fondamentale
entre espace bâti et non-bâti. Or, un bétonnage surdimensionné des abords d'un
hangar en zone agricole constitue une infraction manifeste à ces principes et
l'ordre de démolition doit être confirmé, indépendamment des incidences
financières qu'elles impliquent pour les recourants.

4. 
Le recours doit par conséquent être très partiellement admis. L'arrêt attaqué
est réformé en ce sens que le rétablissement de l'état conforme est ordonné
concernant les surfaces aménagées en dur à l'exception de celles se trouvant
sous les avant-toits et celles nécessaires à la manutention des balles rondes
sous l'avant-toit ouest. Il est confirmé pour le surplus. Les recourants, qui
succombent pour l'essentiel, prendront en charge les frais judiciaires réduits
(art. 65 et 66 al. 1 LTF). Ils verseront en outre une indemnité de dépens aux
intimés, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68
al. 1 et 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
Le recours est très partiellement admis. L'arrêt de la Cour administrative du
Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 9 mars 2012 est réformé
dans le sens des considérants. Il est confirmé pour le surplus.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge des
recourants.

3. 
Les recourants verseront solidairement aux intimés, créanciers solidaires, la
somme de 2'000 fr. à titre de dépens partiels.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commune mixte
de Coeuve, à la Section des permis de construire du Service de l'aménagement du
territoire et à la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et
canton du Jura, ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial.

Lausanne, le 4 octobre 2013

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Parmelin

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