Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.201/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_201/2012

Arrêt du 12 décembre 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Merkli, Karlen, Eusebio et Chaix.
Greffière: Mme Arn.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Gwenaël Ponsart, avocat,
recourant,

contre

Office de la circulation routière et de la navigation du canton de Berne, case
postale, 3001 Berne.

Objet
Retrait de sécurité du permis de conduire,

recours contre l'arrêt de la Commission de recours du canton de Berne contre
les mesures LCR du 22 février 2012.

Faits:

A.
Alors qu'il circulait à Bienne, le 29 octobre 2010 vers 0h55, A.________ a été
arrêté par la police pour un contrôle de son véhicule. La police a alors
constaté que le conducteur, qui n'était pas porteur de son permis de conduire,
sentait fortement l'alcool et l'a soumis à un alcootest qui s'est révélé
positif. Ayant appris que A.________ avait été plusieurs fois enregistré pour
consommation de stupéfiants, la police a voulu faire un test d'urine auquel
l'intéressé s'est strictement opposé. Les policiers ont alors fait prélever
deux échantillons sanguins afin de faire procéder à une analyse concernant
l'alcoolémie et la consommation de stupéfiants; en outre, ils ont délivré une
interdiction immédiate de conduire. Les analyses ultérieures ont révélé une
alcoolémie de 0,73 pour mille et une valeur de méthamphétamine d'au moins 36,4
microgramme (µg) par litre.
Se fondant sur ces faits ainsi que sur deux retraits du permis de conduire (31
mars 2005: trois mois pour conduite en état d'ébriété qualifiée; 26 février
2008: seize mois pour conduite en état d'ébriété qualifiée et sous l'influence
de la cocaïne), l'Office de la circulation et de la navigation du canton de
Berne (ci-après: OCRN) a, par décision du 8 décembre 2010, retiré à A.________
son permis de conduire pour véhicules à moteur pour une durée indéterminée. Ce
retrait a été assorti d'un délai d'attente de deux ans minimum. L'instruction
du recours interjeté par A.________ contre cette décision a été suspendue dans
l'attente de l'entrée en force du jugement pénal concernant les mêmes faits.

B.
Par ordonnance du 8 septembre 2011, le Tribunal régional du Jura
bernois-Seeland a décidé que les éléments de preuve au dossier pénal concernant
la présence de méthamphétamine dans l'organisme de A.________ lors des
événements du 29 octobre 2010 sont illicites et inexploitables.
Le 5 octobre 2011, ce même tribunal a libéré A.________ des préventions
d'infraction à la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière
(LCR; RS 741.01) pour avoir été dans l'incapacité de conduire en raison de la
consommation de produits stupéfiants et d'infraction à la loi fédérale du 3
octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS
812.121) pour avoir consommé des stupéfiants. Il l'a en revanche reconnu
coupable d'infractions à la LCR pour avoir conduit un véhicule en étant pris de
boisson (ébriété non qualifiée) et pour ne pas avoir été porteur de son permis
de conduire. Une amende de 800 fr. a été prononcée et les frais de la procédure
ont été mis à la charge de A.________.

C.
Par décision du 22 février 2012, la Commission de recours du canton de Berne
contre les mesures LCR (ci-après: la Commission de recours) a rejeté le recours
dirigé par A.________ contre la décision du 8 décembre 2010 de l'OCRN. En
substance, elle a estimé que le rapport selon lequel A.________ se trouvait, le
29 octobre 2010, sous l'influence directe de méthamphétamine pouvait être
exploité à titre de moyen de preuve dans la procédure administrative, dans
l'intérêt public de la sécurité du trafic.
Par acte du 20 avril 2012, A.________ forme un recours contre l'arrêt cantonal
en concluant à ce que, cet arrêt étant annulé, son permis de conduire lui soit
immédiatement restitué, sous suite de frais et dépens dans les instances
cantonale et fédérale. Il soutient que les preuves écartées par le juge pénal
ne peuvent pas être exploitées dans la présente procédure administrative.
La Commission de recours et l'Office fédéral des routes (ci-après: OFROU)
concluent au rejet du recours. L'OCRN renonce à se déterminer. A.________ a
persisté dans ses précédentes conclusions.

Considérant en droit:

1.
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est
ouverte contre une décision de dernière instance cantonale relative à une
mesure administrative de retrait du permis de conduire. Déposé en temps utile
(art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF) par le destinataire de
la décision attaquée qui a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à
la modification de celle-ci (art. 89 al. 1 LTF), le présent recours est
recevable.

2.
Le recourant soutient en substance que l'autorité cantonale ne pouvait pas
fonder sa décision de retrait de permis de conduire sur le fait qu'il aurait
consommé des stupéfiants lors du contrôle litigieux. Or, en l'absence de la
preuve d'une telle consommation, on ne pourrait pas lui reprocher une grave
violation des règles de la circulation routière, ce qui exclurait un retrait de
son permis de conduire pour une durée illimitée. A l'appui de cette position,
il fait notamment valoir, entre autres griefs, une violation du principe de
coordination entre le droit pénal et le droit administratif en matière de
circulation routière, une violation de l'art. 55 LCR et une violation des
règles en matière d'inexploitation des preuves obtenues de manière illicite.
Ces griefs se recoupent en grande partie, de sorte qu'il convient de les
examiner ensemble.

2.1 A teneur de l'art. 16c al. 2 let. d LCR, le permis de conduire est retiré
après une infraction grave pour une durée indéterminée, mais pour deux ans au
minimum, si, au cours des dix années précédentes, le permis a été retiré à deux
reprises en raison d'infractions graves. Commet une infraction grave la
personne qui conduit un véhicule automobile alors qu'elle est incapable de
conduire du fait de l'absorption de stupéfiants ou de médicaments ou pour
d'autres raisons (art. 16c al. 1 let. c LCR). Un conducteur est réputé
incapable de conduire chaque fois qu'il est prouvé que son sang contient une
quantité de 15 µg de métamphétamine par litre (art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur
les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 [OCR; RS 741.11] en
lien avec l'art. 34 de l'ordonnance de l'Office fédéral des routes du 22 mai
2008 concernant l'ordonnance sur le contrôle de la circulation routière
[OOCCR-OFROU; RS 741.013.1]).
Selon l'art. 55 al. 1 LCR dans sa teneur au 1er janvier 2005, les conducteurs
de véhicule peuvent être soumis à un alcootest. Cette disposition confère ainsi
à la police le droit d'effectuer des contrôles systématiques de l'air expiré, à
savoir même en l'absence d'indice d'ébriété (Message du Conseil fédéral du 31
mars 1999 concernant la modification de la LCR, FF 1999 p. 4139). En revanche,
lorsqu'il s'agit de détecter la consommation de produits pharmaceutiques ou de
stupéfiants, le législateur n'a autorisé des examens préliminaires, tels que le
contrôle d'urine ou de la salive, que si la personne concernée présente des
indices laissant présumer une incapacité de conduire et que ces indices ne sont
pas dus ou pas uniquement dus à l'influence de l'alcool (art. 55 al. 2 LCR et
10 al. 2 de l'ordonnance sur le contrôle de la circulation routière du 28 mars
2007 [OCCR; RS 741.013]; arrêt 1B_180/2012 du 24 mai 2012 consid. 3.2). Dans ce
contexte spécifique, il a en effet été considéré qu'il serait disproportionné
de soumettre tout un chacun à de tels examens sans qu'il existe des indices
d'incapacité de conduire (FF 1999 p. 4134 et 4139). Un contrôle systématique de
la conduite sous l'effet de stupéfiants ou de médicaments n'est donc pas
possible (Yvan Jeanneret, Les dispositions pénales de la LCR, Berne 2007, n. 47
ad art. 91 LCR). L'art. 55 al. 3 LCR constitue enfin la base légale pour
effectuer une prise de sang lorsqu'une personne est soupçonnée d'incapacité de
conduire parce qu'elle a consommé des produits pharmaceutiques ou des
stupéfiants (FF 1999 p. 4139).

2.2 Il est établi en l'espèce que, lors du contrôle de son véhicule, le
recourant sentait fortement l'alcool, ce qui a amené la police - conformément à
l'art. 55 al. 1 LCR - à soumettre l'intéressé à un alcootest. Au vu du résultat
positif de celui-ci, une prise de sang a été ordonnée sur la base de l'art. 55
al. 3 let. a LCR. A juste titre, le caractère licite des moyens de preuve en
relation avec la présence d'alcool dans le sang du recourant n'a pas été remis
en cause par le juge pénal et n'est pas critiqué.
En ce qui concerne la consommation de stupéfiants, la décision de soumettre le
recourant à un examen sanguin a été prise après que la police a eu connaissance
des antécédents de l'intéressé en matière de stupéfiants. Comme l'a relevé le
juge pénal, ce contrôle n'a donc pas été ordonné en raison d'indices laissant
suspecter un état d'incapacité dû à une autre cause que l'alcool. La mesure de
contrôle ne pouvait donc pas être ordonnée sur la base de l'art. 55 al. 2 ou 3
let. a LCR. Dans cette mesure, elle était illicite.

2.3 Devant le Tribunal fédéral, le caractère illicite (cf. art. 141 al. 2 CPP)
de la prise de sang destinée à établir une éventuelle consommation de
stupéfiants chez le recourant n'est pas contesté. En outre, la décision de
retirer du dossier pénal les éléments de preuve en rapport avec la présence de
méthamphétamine dans l'organisme du recourant (cf. art. 141 al. 5 CPP) est
désormais entrée en force. Il n'y a donc pas lieu de revenir sur ces points.

3.
Il convient à présent de déterminer quelle influence la décision du juge pénal
d'écarter de son propre dossier les éléments de preuve en rapport avec la
consommation de stupéfiants du recourant peut avoir sur la présente procédure
administrative. Cette question doit être examinée selon les principes généraux
de procédure administrative (infra consid. 3.1) en fonction des besoins
particuliers de coordination entre procédures pénale et administrative touchant
la répression d'infractions aux règles de la circulation routière (infra
consid. 3.2).

3.1 La question de savoir quels sont les moyens de preuve admis et comment le
juge établit les faits pertinents pour prononcer les mesures administratives
adéquates relève de la procédure administrative, régie en principe par le droit
cantonal. Dans le canton de Berne, les autorités constatent les faits d'office
(art. 18 al. 1 de la loi sur la procédure et la juridiction administrative du
23 mai 1989; LPJA; RS/BE 155.21) et procèdent à l'administration des preuves,
notamment au moyen de documents, de rapports officiels et d'expertises (art. 19
al. 1 let. a, b et g LPJA). Ces dispositions reprennent sur ces points le
contenu de l'art. 12 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure
administrative (PA; RS 172.021; Merkli/Aeschlimann/Herzog, Kommentar zum Gesetz
über die Verwaltungsrechtspflege im Kanton Bern, Berne 1997, n. 1 ad art. 18
LPJA et n. 4 et 11 ad art. 19 LPJA).
Le sort de preuves obtenues de manière illicite n'est réglé ni dans la loi
bernoise, ni dans la loi fédérale. Selon la doctrine relative à l'art. 19 LPJA,
les règles développées sur ce point en procédure pénale ne peuvent pas être
reprises telles quelles en procédure administrative: en présence d'intérêts
publics importants, par exemple la protection de l'environnement et de la santé
contre des atteintes notables, il peut se justifier d'exploiter des preuves qui
n'ont pas été obtenues de manière légale, pour autant cependant que l'essence
même de la liberté individuelle ne soit pas atteinte. Lorsque les preuves
obtenues de manière illégale auraient pu être amenées au procès de manière
licite, il convient également de procéder à une pesée des intérêts en présence
(Merkli/Aeschlimann/Herzog, op. cit., n. 9 ad art. 19 LPJA).
Cette opinion est conforme à la jurisprudence fédérale sur la question (ATF 120
V 435 consid. 3b). Pour la doctrine, cette problématique doit être traitée en
relation avec le principe du procès équitable inscrit à l'art. 29 al. 1 Cst.
Les auteurs s'expriment sur cette question avec plus ou moins de précision.
Pour certains, les preuves obtenues par des moyens illégaux ne peuvent être
utilisées que si elles auraient pu être recueillies d'une façon légale ou si un
intérêt public important le justifie (Benoît Bovay, Procédure administrative,
Berne 2000, p. 190; Moor/ Poltier, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., Berne
2011, p. 297). D'autres précisent que les moyens de preuve obtenus sans
respecter des prescriptions d'ordre doivent faire l'objet d'une pesée
d'intérêts pour être exploités: il s'agit de mettre en balance, d'une part,
l'intérêt public à la manifestation de la vérité et, d'autre part, l'intérêt de
la personne concernée à ce que le moyen de preuve ne soit pas exploité
(CHRISTOPH AUER, in Auer/Müller/Schindler [éd.], Kommentar zum Bundesgesetz
über das Vervaltungsverfahren, Berne 2008, n. 23 ad art. 12 PA; Krauskopf/
Emmenegger, in Waldmann/Weissenberger [éd.], Praxiskommentar zum VwVG, Zurich
2009, n. 196 ad art. 12 PA). D'autres, enfin, plaident pour une application
analogique des règles - très détaillées - contenues à l'art. 141 CPP,
lesquelles seraient l'expression du procès équitable selon l'art. 29 al. 1 Cst.
(Kiener/Rütsche/ Kuhn, Öffentliches Verfahrensrecht, Zurich 2012, n. 715). On
peut encore relever que, en procédure civile, le législateur n'a pas renvoyé au
système prévu pour la procédure pénale, mais a opté pour une formulation
laissant au juge un large pouvoir d'appréciation. A teneur de l'art. 152 al. 2
du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC; RS 272), le tribunal ne
prend en considération les moyens de preuve obtenus de manière illicite que si
l'intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant (Peter Guyan, in
Basler Kommentar, Bâle 2010, n. 10 ss ad art. 152 CPC; Philippe Schweizer, in
Code de procédure civil commenté, Bâle 2011, n. 14 ss ad art. 152 CPC).

3.2 En matière de répression des infractions relatives à la circulation
routière, le droit suisse connaît le système de la double procédure pénale et
administrative: le juge pénal se prononce sur les sanctions pénales (amende,
peine pécuniaire, travail d'intérêt général ou peine privative de liberté)
prévues par les dispositions pénales de la LCR (art. 90 ss LCR) et par le Code
pénal (art. 34 ss, 106 et 107 CP), tandis que les autorités administratives
compétentes décident de mesures administratives (avertissement ou retrait de
permis) prévues par les art. 16 ss LCR (ATF 137 I 363 consid. 2.3 p. 366). Une
certaine coordination s'impose entre ces deux procédures.
La jurisprudence a ainsi établi que, en principe, l'autorité administrative
statuant sur un retrait du permis de conduire ne peut pas s'écarter des
constatations de fait d'un jugement pénal entré en force. La sécurité du droit
commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge
administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes
faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2 p. 368 et les références). L'autorité
administrative ne peut s'écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de
fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui
n'ont pas été prises en considération par celui-ci, s'il existe des preuves
nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à
laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou
si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier
celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 129 II 312
consid. 2.4 p. 315; 123 II 97 consid. 3c/aa p. 104; 105 Ib 18 consid. 1a et les
références).

3.3 Dans la décision attaquée, la Commission de recours a estimé qu'il y avait
toujours lieu, pour protéger la vie et la santé des autres usagers de la route,
d'écarter de la circulation des conducteurs inaptes; elle s'est ainsi référée à
l'intérêt public que constitue la sécurité du trafic primant alors les intérêts
privés de la personne concernée. Dans sa dernière détermination, elle précise
qu'un intérêt public prépondérant, à savoir assurer la sécurité du trafic,
l'autorisait à tenir compte d'un élément de preuve "non recevable en procédure
pénale pour des raisons formelles". Elle ajoute encore à ce propos qu'elle
n'aurait pas exploité dans sa procédure administrative des éléments de preuve
obtenus en violation du "noyau dur d'un droit humain", tel un aveu arraché sous
la torture. Poursuivant ce raisonnement, elle arrive à la conclusion qu'elle
disposait - pour prononcer le retrait de sécurité litigieux - de faits qui
n'avaient pas été pris en considération par le jugement pénal. De la sorte, le
principe de coordination entre procédures pénale et administrative serait sauf.
De son côté, l'OFROU estime qu'il y a lieu de procéder dans ce contexte à une
distinction entre le retrait d'admonestation et le retrait de sécurité du
permis de conduire: si les principes de procédure pénale relatifs à
l'exploitation des preuves obtenues par le juge pénal s'appliquent au premier,
il n'en irait pas de même du second. A suivre l'OFROU, le retrait de sécurité
ne constitue pas une sanction à caractère punitif, analogue à une sanction
pénale, mais vise uniquement à déterminer si la personne concernée est toujours
apte à conduire un véhicule automobile; il ne s'agit pas de punir, mais
d'assurer la sécurité routière. L'Office ajoute qu'un retrait de ce type peut
aussi survenir lorsque l'autorité compétente prend connaissance de l'inaptitude
du conducteur par d'autres moyens, citant à titre d'exemple la communication
d'un médecin.

3.4 La jurisprudence et la doctrine font la distinction entre retrait de
sécurité (Sicherungsentzug, revoca a scopo di sicurezza) et retrait
d'admonestation (Warnungsentzug, revoca a scopo di ammonimento).
3.4.1 Conformément à l'art. 16 al. 1 LCR, le permis de conduire doit être
retiré lorsque l'autorité constate que les conditions légales de sa délivrance,
énoncées par l'art. 14 LCR, ne sont pas ou plus remplies. Il y a également lieu
à retrait du permis de conduire, pour une durée indéterminée, lorsque la
personne souffre d'une forme de dépendance la rendant inapte à la conduite
(art. 16d al. 1 let. b LCR). Ces deux mesures constituent des retraits de
sécurité (ATF 122 II 359 consid. 1a p. 361; arrêt 1C_384/2011 du 7 février 2012
consid. 2.3.1; Philippe Weissenberger, Kommentar zum Strassenverkehrsgesetz,
Bundesgerichtspraxis, Zurich 2011, n. 1 ad Vorbemerkungen zu art. 16 ss LCR).
La décision de retrait de sécurité du permis de conduire constitue une atteinte
grave à la sphère privée de l'intéressé; elle doit donc reposer sur une
instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 133 II 284 consid.
3.1; cf. en ce qui concerne le retrait justifié par des raisons médicales ou
l'existence d'une dépendance: ATF 129 II 82 consid. 2.2 p. 84). Le pronostic
doit être posé sur la base des antécédents du conducteur et de sa situation
personnelle (ATF 125 II 492 consid. 2a p. 495). En cas de doute, il y a lieu
d'ordonner un examen psychologique ou psychiatrique (art. 11b al. 1 let. b de
l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la
circulation routière du 27 octobre 1976 [OAC; RS 741.51]; arrêt 1C_307/2007 du
17 décembre 2007 consid. 3.2).
3.4.2 Les règles en matière de retrait d'admonestation ont été profondément
modifiées à l'occasion de la révision de la LCR entrée en vigueur le 1er
janvier 2005. Selon l'intention du législateur, il convenait, dans la nouvelle
loi, de sanctionner plus sévèrement les conducteurs qui, au cours d'une période
déterminée, avaient compromis à plusieurs reprises la sécurité routière en
commettant des infractions aux règles de la circulation; en outre, il
s'agissait de fixer des "tarifs" minimaux uniformes dans toute la Suisse;
enfin, en cas de récidive, ces mesures devaient progressivement être renforcées
pour aller jusqu'au retrait du permis de conduire d'une durée indéterminée
selon le principe du renforcement en cascade (FF 1999 p. 4108).
Pour une partie de la doctrine, les mesures prévues aux art. 16 al. 2 à 3 et
16a à 16c LCR issus de ces modifications constituent des retraits
d'admonestation (Weissenberger, op. cit., ibid.; Yvan Jeanneret, La sanction
multiple des infractions routières, in Journées du droit de la circulation
routière 2006, p. 264 et 277). Une telle qualification ne tient cependant pas
compte du fait que la loi pose la présomption d'inaptitude caractérielle à la
conduite après trois infractions graves (art. 16c al. 2 let. d LCR) ou quatre
infractions moyennement graves (art. 16b al. 2 let. e LCR). Comme la personne
concernée n'est pas autorisée à apporter la preuve - contraire - de son
aptitude à conduire, il s'agit d'une présomption irréfragable ou fiction
(Fabienne Hohl, Procédure civile, tome I, Berne 2001, n. 936; Auer, op. cit.,
n. 4 ad art. 12 PA). Dans ces conditions, le retrait de permis de conduire
fondé sur ces deux dispositions - dont le but est d'exclure de la circulation
routière le conducteur multirécidiviste considéré comme un danger public - doit
être considéré comme étant un retrait de sécurité (FF 1999 p. 4133 et 4135;
Cédric Mizel, L'incidence de l'atteinte subie par l'auteur à la suite de son
acte sur le retrait du permis de conduire, PJA 2011 p. 1193; RENÉ SCHAFFHAUSER,
Die neuen Administrativmassnahmen des Strassenverkehrsgesetzes, Jahrbuch zum
Strassenverkehrsrecht 2003, p. 209 n° 90). Le retrait définitif au sens des
art. 16b al. 2 let. f et 16c al. 2 let. e LCR doit également, pour les mêmes
motifs, être qualifié de retrait de sécurité (Schaffhauser, op. cit., p. 210 n°
92).
3.4.3 La mesure prononcée en l'espèce par l'OCRN à l'encontre du recourant est
fondée sur l'art. 16c al. 2 let. d LCR. En raison des deux antécédents de
l'intéressé constitutifs d'infractions graves au sens de l'art. 16c al. 1 let.
b et c LCR, commis de surcroît dans les dix années précédentes, le conducteur
est considéré comme étant inapte à la conduite en raison du danger qu'il
représente pour les autres usagers de la route. La mesure constitue donc un
retrait de sécurité (cf. supra consid. 3.4.2).
Contrairement au retrait de sécurité prévu à l'art. 16d LCR, la mesure de
l'art. 16c al. 2 let. d LCR ne prévoit cependant pas une instruction précise
sur les causes de l'inaptitude à conduire (cf. supra consid. 3.4.1), mais
repose uniquement sur une fiction découlant de l'existence d'une infraction
grave à la LCR, laquelle s'ajoute à celles déjà commises dans le délai de dix
ans prévu par la loi (cf. supra consid. 3.4.2). Ainsi, à l'instar du retrait
d'admonestation, la problématique ici pertinente est celle de savoir si une
(nouvelle) infraction a été commise et non de déterminer concrètement si la
personne concernée est toujours apte à conduire un véhicule automobile. Dans ce
contexte, le principe de coordination entre procédures pénale et administrative
(cf. supra consid. 3.2) doit prévaloir. En outre, le retrait automatique du
permis de conduire pour une durée indéterminée - même s'il n'a pas un but
prioritairement punitif - constitue indubitablement une atteinte grave à la
sphère privée de l'intéressé. Dès lors, prendre une telle mesure sur la base de
faits écartés par le juge pénal en raison du caractère illicite de leur
obtention - et non pour de simples questions de forme - contrevient à la
sécurité du droit que vise précisément à préserver le principe de coordination
entre procédures pénale et administrative; à cet égard, contrairement à ce
qu'affirme l'autorité cantonale, on ne peut pas soutenir que les preuves
illicites dans le procès pénal seraient exploitables par le juge administratif
au motif qu'il s'agit de faits qui n'avaient justement pas été pris
considération par le juge pénal. Enfin, il faut constater que, même dans le
cadre de la présente procédure administrative, une prise de sang destinée à
déterminer la consommation de stupéfiants chez le recourant n'aurait pas pu
être ordonnée, à défaut d'indices laissant suspecter la consommation de telles
substances (cf. supra consid. 2.1 et 2.2). En l'absence de possibilité de
recueillir cet élément de fait de manière légale, le moyen de preuve ne peut
par conséquent pas être exploité dans la présente procédure. Il n'appartient à
cet égard pas au Tribunal fédéral d'apprécier le bien-fondé de la
réglementation contenue à l'art. 55 LCR.
Par conséquent, en fondant la décision de retrait de permis de conduire
litigieuse sur l'analyse faisant état de présence de méthamphétamine dans
l'organisme du recourant, l'autorité cantonale a violé le droit fédéral.

3.5 Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et la cause renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
Pour prononcer la nouvelle mesure contre le recourant, l'autorité cantonale
tiendra uniquement compte de la conduite en état d'ébriété (0.73 pour mille) et
du défaut de port du permis de conduire, tels que constatés dans la procédure
pénale; l'infraction doit être qualifiée de moyennement grave au sens de l'art.
16b al. 1 let. b LCR. Quant à la durée du retrait de permis, elle sera fixée en
respectant le palier prévu à l'art. 16b al. 2 let. a LCR.
Au demeurant, le moyen de preuve relatif à la consommation de méthamphétamine
du recourant pourra cependant être pris en considération à titre d'indice
fondant la mise en oeuvre d'une procédure ayant pour objet l'examen de
l'aptitude du recourant à conduire avec sûreté un véhicule à moteur compte tenu
d'une éventuelle dépendance aux produits stupéfiants au sens des art. 16 al. 1
et 16d al. 1 LCR. L'intérêt public prépondérant à la protection des usagers de
la route et les antécédents du recourant en matière de consommation de
stupéfiants justifient en effet de prendre en considération cet élément dans le
cadre d'un examen général de la capacité à conduire de celui-ci nonobstant son
caractère illicite (voir supra consid. 3.1), d'autant que la jurisprudence a
établi l'obligation pour les autorités administratives, avant de prononcer un
retrait de sécurité, d'éclaircir d'office, dans chaque cas, la situation de la
personne concernée, au besoin, par des expertises médico-légale ou
psychiatrique (voir supra consid. 3.4.1), ce qui constitue pour le recourant la
garantie que sa situation sera examinée de façon approfondie.

4.
Il n'est pas mis de frais judiciaires à la charge du canton de Berne (art. 66
al. 4 LTF). En revanche, il devra s'acquitter des dépens en faveur du recourant
qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF).
Dans le cadre du renvoi à l'autorité cantonale, il appartiendra à celle-ci de
statuer à nouveau sur les frais et dépens cantonaux.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. La cause est renvoyée à la
Commission de recours du canton de Berne contre les mesures LCR pour nouvelle
décision au sens des considérants.

2.
Une indemnité de dépens de 4'500 fr. est allouée au recourant, à la charge du
canton de Berne.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office de la
circulation routière et de la navigation du canton de Berne, à la Commission de
recours du canton de Berne contre les mesures LCR et à l'Office fédéral des
routes, Division circulation routière.

Lausanne, le 12 décembre 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Arn