Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.192/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_192/2012

Arrêt du 3 mai 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Aemisegger et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

Participants à la procédure
Office fédéral de la justice OFJ, Unité Traités internationaux, Bundesrain 20,
3003 Berne,
recourant,

contre

A.________, représenté par Me Gisèle de Benoit, avocate,
intimé.

Objet
Extradition à l'Italie; conditions soumises à acceptation (art. 80p EIMP),

recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 13
avril 2012.

Faits:

A.
Le 14 juillet 2011, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a accordé
l'extradition à l'Italie de A.________, pour l'exécution d'un jugement rendu le
8 janvier 2008 à Tarente, condamnant l'intéressé à cinq ans d'emprisonnement
pour trafic de stupéfiants. Cette décision a été annulée le 5 octobre 2011 par
la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (TPF): la procédure ayant abouti
au jugement de condamnation ne paraissait pas avoir respecté le droit de
l'accusé d'être jugé en sa présence.
Par décision du 18 novembre 2011, l'OFJ a derechef accordé l'extradition, après
avoir reçu un complément d'information de la part de l'autorité requérante. Par
arrêt du 18 janvier 2012, le TPF a rejeté le recours formé contre cette
décision et confirmé en principe l'extradition. Toutefois, les informations
complémentaires données par les autorités italiennes ne permettaient pas
d'affirmer que la procédure étrangère avait satisfait aux droits de la défense.
L'extradition était dès lors soumise "à la condition que l'autorité compétente
de l'Etat requérant donne des assurances jugées suffisantes pour garantir au
recourant le droit à une nouvelle procédure de jugement qui satisfasse les
droits de la défense".
Le 23 janvier 2012, l'OFJ a demandé à l'autorité requérante de lui garantir
formellement qu'en cas d'extradition, l'intéressé pourrait disposer du droit à
un nouveau procès dans le respect des garanties de la CEDH et du pacte ONU II.

B.
Le 10 février 2012, l'OFJ a rejeté une demande de mise en liberté, considérant
que la peine prononcée le 8 janvier 2008 n'était pas prescrite.
Par arrêt du 7 mars 2012, le TPF a admis le recours formé par A.________ et a
ordonné la libération immédiate de celui-ci. Selon une note diplomatique du 24
février 2012 et un courrier du Ministère italien de la justice du 27 février
2012, les autorités italiennes considéraient que l'intéressé n'avait pas été
jugé par défaut puisqu'il avait initialement comparu aux débats. Une
restitution du délai d'appel supposait que l'intéressé ait été empêché sans sa
faute de comparaître, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence. L'extradition
était donc manifestement inadmissible.
Par arrêt du 23 mars 2012, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par
l'OFJ et maintenu la détention extraditionnelle. Le TPF ne pouvait statuer sur
le bien-fondé de la demande d'extradition avant que l'OFJ n'ait rendu sa
décision sur les garanties en application de l'art. 80p EIMP.

C.
Le 15 mars 2012, l'OFJ a rendu une décision sur la garantie, considérant que
les assurances données par note diplomatique du 24 février 2012 étaient
suffisantes.
Par arrêt du 13 avril 2012, le TPF a annulé cette décision et refusé
l'extradition à l'Italie, pour les même motifs que ceux retenus dans son arrêt
précédent: les autorités italiennes n'étaient pas en mesure de garantir à
l'intéressé le droit effectif à un nouveau procès.
Par acte du 16 avril 2012, l'OFJ forme un recours en matière de droit public
par lequel il demande l'annulation de l'arrêt du TPF et la confirmation de la
décision d'extradition à l'Italie.
La Cour des plaintes se réfère à son arrêt. L'intimé A.________ conclut à sa
libération immédiate et à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du
recours. Il requiert l'assistance judiciaire.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public peut être formé contre un arrêt rendu par
le TPF en matière d'extradition, s'il concerne un cas particulièrement
important (art. 84 al. 1 LTF).

1.1 L'arrêt attaqué, rendu par le TPF (art. 86 al. 1 let. b LTF), est final au
sens de l'art. 90 LTF, et l'OFJ a qualité pour recourir en vertu des art. 25
al. 3 EIMP et 89 al. 2 LTF.

1.2 Selon l'art. 84 al. 2 LTF, un cas est particulièrement important notamment
lorsqu'il y a des raisons de penser que la procédure à l'étranger viole les
principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves. En dehors de ces cas,
le Tribunal fédéral peut aussi être amené à entrer en matière lorsqu'il s'agit
d'une affaire de principe ou quand le TPF s'est écarté de la jurisprudence
suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218).

1.3 L'OFJ estime que le présent cas serait particulièrement important en raison
de la gravité des actes reprochés à l'intéressé. Le TPF se serait par ailleurs
écarté de la jurisprudence. La question peut toutefois demeurer indécise,
compte tenu des considérants qui suivent.

2.
Selon l'art. 80p EIMP, l'autorité d'exécution et l'autorité de recours, de même
que l'office fédéral, peuvent subordonner, en totalité ou en partie, l'octroi
de l'entraide à des conditions. Cette possibilité existe aussi en matière
d'extradition (ATF 134 IV 156 consid. 6.10 p. 171; 123 II 511 consid. 4a p.
515). Ces conditions sont ensuite communiquées à l'Etat requérant et un délai
lui est imparti pour déclarer s'il les accepte ou les refuse (art. 80p al. 2
EIMP). L'office fédéral examine alors si la réponse de l'Etat requérant
constitue un engagement suffisant au regard des conditions fixées (al. 3). Sa
décision peut faire l'objet d'un recours dans les dix jours auprès du TPF, dont
la décision est définitive (al. 4; ATF 133 IV 134 consid. 1).

2.1 Selon la jurisprudence, la procédure d'octroi des garanties est également
applicable en matière d'extradition, y compris lorsque les conditions à
l'extradition ont été posées par l'autorité de recours (ATF 133 IV 134 consid.
1 in fine p. 136; 134 IV 156 consid. 6.15 p. 174). Dans ce cas, le rôle de
l'OFJ se limite à communiquer les exigences imposées aux autorités étrangères,
à les éclairer sur la procédure et à vérifier que les assurances données
correspondent entièrement et sans ambiguïté aucune à ce qui a été demandé. Il
ne peut pas reformuler ou interpréter les conditions fixées, lesquelles sont
intangibles (ATF 124 II 132 consid. 3b p. 140/141).
La procédure de contrôle instituée par l'art. 80p al. 4 EIMP n'a ainsi pas pour
but de remettre en discussion la décision relative à l'octroi de l'extradition
(ATF 131 II 228 consid. 2 p 321). C'est la raison pour laquelle la loi prévoit
une procédure simplifiée et précise que l'arrêt du TPF sur ce point est
définitif (art. 80p al. 4 EIMP; ATF 133 IV 134).
Dès lors, si l'OFJ entendait contester la pertinence des conditions posées par
le TPF dans son arrêt du 18 janvier 2012, il lui appartenait de recourir en
temps utile contre ce dernier.

3.
Le recours est par conséquent irrecevable. Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF,
il n'est pas perçu de frais judiciaires. En revanche, la Confédération versera
à la mandataire de A.________ une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 2
LTF), ce qui rend sans objet la demande d'assistance judiciaire formée par ce
dernier. A.________ a également requis sa mise en liberté immédiate. Toutefois,
comme cela ressort de l'arrêt attaqué (consid. 6) et de l'arrêt rendu le 23
mars 2012 par la Cour de céans (consid. 1.4.2), c'est à l'OFJ qu'il
appartiendra de prendre sans délai les mesures relatives à la levée de la
détention extraditionnelle.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée à Me Gisèle de Benoit, à la
charge de la Confédération (Office fédéral de la justice). La demande
d'assistance judiciaire est sans objet.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal pénal fédéral, Cour
des plaintes.

Lausanne, le 3 mai 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Kurz