Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.121/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_121/2012

Arrêt du 12 juillet 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président,
Aemisegger et Merkli.
Greffière: Mme Mabillard.

Participants à la procédure
SI A.________ SA,
B.________ SA,
toutes les deux représentées par
Me Bénédict Fontanet et Me Malek Adjadj, avocats, Etude Fontanet & Associés,
recourantes,

contre

Etat de Genève,
représenté par Me Bertrand Reich, avocat.

Objet
Expropriation matérielle,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre administrative, du 10 janvier 2012.

Faits:

A.
Les trois bâtiments contigus sis en ville de X.________, Boulevard xxx et
Boulevard yyy, sont actuellement la propriété des société B.________ SA et SI
A.________ SA.
Le 9 novembre 1988, environ cinquante personnes se sont introduites dans des
logements vides de ces immeubles, pour les occuper. Les représentants des
propriétaires ont immédiatement déposé des plaintes pénales et réclamé
l'intervention de la police. Le 10 novembre 1988, le Procureur général du
canton de Genève a rendu trois ordonnances concernant chacun des bâtiments,
invitant la force publique à en expulser tout individu qui s'y trouvait en
flagrant délit d'occupation illicite. Le même jour, le Conseil d'Etat a décidé
de ne pas mettre en oeuvre la force publique. Les propriétaires des immeubles
ont recouru au Tribunal fédéral. Par un arrêt rendu le 8 mai 1991 (cause 1P.624
/1989), la Ire Cour de droit public a admis le recours et invité le Conseil
d'Etat à exécuter les ordonnances du Procureur général du 10 novembre 1988
(arrêt publié in SJ 1991 p. 602).
Les autorités cantonales n'ont pas donné suite à cet arrêt, en se fondant sur
une pratique locale selon laquelle il était en principe renoncé à l'expulsion
des occupants illicites (ou squatters) aussi longtemps que les propriétaires de
l'immeuble occupé n'étaient pas au bénéfice d'une autorisation de construire ou
de transformer. L'inexécution de l'arrêt précité n'a pas fait l'objet d'un
recours au Conseil fédéral au sens de l'art. 39 al. 2 de l'ancienne loi
fédérale d'organisation judiciaire ([RS 3 521; OJ], abrogée le 31 décembre
2006). En octobre 1996, le représentant des propriétaires a proposé à
l'association regroupant les squatters (l'association C.________) d'entrer en
négociation "pour l'achat de l'un ou des deux immeubles pour une coopérative
d'habitation". Cette démarche n'a pas abouti. Donnant suite à une motion
adoptée le 4 décembre 1997 par le Grand conseil du canton de Genève, le Conseil
d'Etat a invité les propriétaires et les squatters à entrer en négociation.
Dans ce cadre, les propriétaires ont formulé diverses offres entre 1999 et
2000, proposant en substance la vente des immeubles aux squatters ou la
conclusion d'un bail de longue durée. Ces négociations n'ont pas abouti. Par la
suite, de nouvelles négociations ont été tentées, mais ont été abandonnées.
Enfin, une dernière offre des propriétaires a été refusée par l'association
C.________ en octobre 2001. A cette période, l'association a créé dans les
immeubles deux établissements publics, soit un café-restaurant et une salle de
spectacle, nommés "D.________" et "E.________". Elle a également fondé une
crèche pour ses membres.

B.
Les propriétaires des immeubles litigieux ont sollicité une autorisation de
construire, qui a été délivrée le 6 mai 2004. Divers occupants ont recouru
contre cette décision jusqu'au Tribunal administratif du canton de Genève, qui
a rejeté le recours par arrêt du 27 septembre 2005. Le 19 octobre 2005, le
Procureur général du canton de Genève a ordonné l'évacuation des immeubles.
Certains occupants illicites ont adressé au Tribunal fédéral un recours de
droit public contre cette décision. Ce recours a été déclaré irrecevable et la
cause a été transmise au Tribunal administratif (arrêt 1P.723/2005 du 16
novembre 2005). Cette autorité a admis le recours par arrêt du 17 janvier 2006.
Elle a considéré en substance que les propriétaires des immeubles squattés
devaient s'adresser en priorité au juge civil pour obtenir le respect de leurs
droits et que l'ordre public n'était plus troublé par l'usurpation, de sorte
que l'art. 43 al. 1 let. c de la loi cantonale sur l'organisation judiciaire du
22 novembre 1941 (LOJ; RSG E 2 05) ne constituait pas une base légale adéquate
pour l'intervention de la force publique. B.________ SA et SI A.________ SA ont
recouru contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral, qui a rejeté le recours
(arrêt 1P.109/2006 du 22 juin 2006, publié in SJ 2007 I p. 41).

C.
Par courrier du 14 mai 2007, le chef du Département des constructions et des
technologies de l'information (ci-après: le département) a invité B.________ SA
et SI A.________ SA à se déterminer sur le fait que l'autorisation de
construire délivrée le 6 mai 2004 n'avait pas été exécutée. Les propriétaires
ont répondu que les travaux ne pouvaient être réalisés sans une évacuation des
immeubles, qu'ils essayaient en vain d'obtenir depuis des années. Le 24 mai
2007, le chef du département a ordonné aux propriétaires de procéder aux
travaux nécessaires pour remédier à l'état de dégradation des immeubles et de "
rétablir des conditions d'habitabilité et d'entretien acceptables ";
l'ouverture du chantier devait intervenir dans un délai de quarante-cinq jours,
sans quoi les travaux seraient exécutés d'office aux frais des propriétaires.
B.________ SA et SI A.________ SA n'ont pu que répéter que les travaux ne
pouvaient être réalisés sans que les immeubles ne soient évacués.
Le 11 juillet 2007, le chef du département a écrit à la cheffe de la police du
canton de Genève pour solliciter l'assistance des agents de la force publique,
en application de l'art. 54 al. 3 de la loi cantonale du 12 septembre 1985 sur
la procédure administrative (LPA; RSG E 5 10). Les immeubles litigieux étant
toujours occupés, le département ne pouvait pas faire réaliser les travaux
nécessaires et demandait l'intervention de la police pour l'exécution de la
décision du 24 mai 2007.
Le 23 juillet 2007, les squatters ont été évacués de force par la police. Le
lendemain, divers occupants ont recouru contre cette évacuation auprès de la
Commission cantonale de recours en matière de constructions, qui a déclaré leur
recours irrecevable par décision du 15 octobre 2007. Les intéressés ont recouru
contre cette décision auprès du Tribunal administratif, qui a rejeté leur
recours par arrêt du 26 août 2008. Le 12 février 2009, le Tribunal fédéral a
déclaré irrecevable le recours dirigé contre cet arrêt (cause 1C_453/2008).

D.
Le 2 juillet 2008, B.________ SA et SI A.________ SA ont déposé une demande
d'indemnisation pour expropriation matérielle à l'encontre de l'Etat de
14'192'284 fr. 75 auprès de la Commission cantonale de conciliation et
d'estimation en matière d'expropriation, devenue depuis lors le Tribunal
administratif de première instance. Indépendamment de la légitimité des actes
de l'Etat (sursis à l'évacuation ordonnée par le Procureur général par
l'instauration de la "pratique genevoise", blocage pendant près de cinq ans de
l'autorisation complémentaire de construire en raison de la motion déposée
devant le Grand Conseil invitant le Conseil d'Etat à rouvrir les négociations
et à surseoir à l'évacuation, alors que les conditions étaient remplies selon
la "pratique genevoise", etc.), l'atteinte portée à leur droit de propriété
garanti par l'art. 26 Cst. justifiait l'octroi d'une indemnité pleine et
entière. La demande d'indemnisation a été rejetée par décision du 22 novembre
2010.
Par arrêt du 10 janvier 2012, la Chambre administrative de la Cour de justice
du canton de Genève, laquelle a succédé au Tribunal administratif (ci-après: la
Chambre administrative), a rejeté le recours de B.________ SA et SI A.________
SA contre la décision précitée. Elle a considéré en substance que l'atteinte au
droit de propriété des sociétés intéressées n'était pas imputable à l'Etat de
Genève. A aucun moment l'Etat n'avait constitué, pour les propriétaires, le
dernier obstacle à la récupération de leurs biens.

E.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, B.________ SA et SI
A.________ SA demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 10 janvier
2012 de la Chambre administrative, subsidiairement de renvoyer la cause à cette
autorité pour complément d'instruction. Les recourantes sollicitent en outre
plusieurs actes d'instruction. Elles se plaignent d'une constatation incomplète
des faits et d'une violation de leur droit d'être entendues ainsi que d'une
violation de l'art. 26 Cst. Elles estiment pour l'essentiel que le refus
constant et répété des autorités genevoises d'évacuer les squatters, couplé
avec la "retenue" des autorisations de construire, a abouti à les priver de
l'usage de leur immeubles jusqu'au 23 juillet 2007, date à laquelle les
squatters ont été évacués, en l'absence de toute autre possibilité à leur
disposition pour récupérer la possession de leurs immeubles.
La Chambre administrative s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du
recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Etat
de Genève conclut au rejet du recours. Les recourantes n'ont pas répliqué.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt attaqué constitue une décision cantonale de dernière instance rendue en
matière d'indemnisation pour expropriation matérielle au sens de l'art. 26 al.
2 Cst. Il peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public selon les
art. 82 ss LTF. Les recourantes, qui sont actuellement propriétaires des
immeubles sis au Boulevard xxx et au Boulevard yyy, dont elles prétendent
qu'ils auraient fait l'objet d'une expropriation matérielle, disposent de la
qualité pour recourir en vertu de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de
recevabilité énoncées aux art. 82 ss LTF sont remplies, de sorte qu'il y a lieu
d'entrer en matière.

2.
Les recourantes requièrent, à titre de mesures d'instruction, l'apport de la
procédure A/4047/2005-DIV qui s'est déroulée devant le Tribunal administratif
cantonal. Elles demandent aussi que l'Etat de Genève produise une liste
complète de tous les dossiers et documents relatifs à l'occupation de leurs
immeubles, de 1988 à 2008. Ceci fait, la faculté doit leur être octroyée de
solliciter la production de documents et dossiers figurant sur cette liste,
puis de compléter leur recours. Il n'y a pas lieu de donner suite à ces
demandes, pour autant qu'elles soient pertinentes (cf. consid. 3 ci-dessous),
le Tribunal fédéral s'estimant suffisamment renseigné pour statuer en l'état du
dossier.

3.
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, les
recourantes se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendues,
laquelle aurait abouti à une constatation incomplète des faits.

3.1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le recourant ne peut critiquer ceux-ci que
s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à
celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62) -
ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF), ce qu'il
lui appartient d'exposer et de démontrer de manière claire et circonstanciée.
La correction du vice soulevé doit en outre être susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment celui
de faire administrer les preuves pour autant que celles-ci soient requises dans
les formes prévues par le droit cantonal et qu'elles apparaissent utiles à
l'établissement des faits pertinents (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 504; 127 I
54 consid. 2b p. 56; 126 I 97 consid. 2b p. 102). L'autorité de décision peut
donc se livrer à une appréciation anticipée de la pertinence du fait à prouver
et de l'utilité du moyen de preuve offert et, sur cette base, refuser de
l'administrer. Ce refus ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation
à laquelle elle a ainsi procédé est entachée d'arbitraire (ATF 131 I 153
consid. 3 p. 157 et les arrêts cités; sur la notion d'arbitraire, voir ATF 132
I 13 consid. 5.1 p. 17).

3.2 En l'espèce, les juges cantonaux ont relevé que les quelque 1'500 pièces
versées à la procédure permettaient de retracer avec précision les événements
et de disposer de tous les éléments pertinents pour statuer sur un éventuel cas
d'expropriation matérielle. Il n'y avait dès lors pas lieu d'ordonner la
production de pièces supplémentaires.
Les recourantes font valoir que divers services seraient en possession de
dossiers dont l'Etat tairait l'existence et chercherait à éviter la
communication. Il s'agirait notamment des dossiers du service de sécurité
civile pour déterminer la dangerosité de l'immeuble, du service cantonal des
eaux (pour les contrôles périodiques réalisés pour la pollution des sols et les
contrôles de citernes à mazout), du service des autorisations et des patentes
(compte tenu des deux établissements ouverts au public sans autorisation) et du
dossier de police, lequel relaterait l'interaction permanente de la police avec
les squatters, qu'il s'agisse des questions de sécurité, d'hygiène, de trafic
de drogue ou autres. En l'absence de ces dossiers, la Chambre administrative
n'avait pu appréhender la multiplicité des rapports entre les autorités pénales
et les squatters, ni mesurer l'assistance apportée par l'Etat à l'occupation
des immeubles dont ils assuraient la sécurité et la survie économique en
contrôlant les installations et en rendant possible l'exploitation des
établissements publics qui s'y trouvaient.
Les recourantes n'expliquent toutefois pas en quoi le refus de la cour
cantonale d'administrer ces offres de preuve serait constitutif d'arbitraire.
En tout état de cause, il apparaît que les mesures d'instruction sollicitées
n'étaient pas pertinentes. Les faits principaux susmentionnés ressortent en
effet de l'arrêt attaqué; on ne voit pas en quoi des détails y relatifs
auraient permis de mieux cerner les relations entre l'Etat de Genève et les
squatters, ou d'appréhender différemment le déroulement des événements relatés
avec minutie dans l'arrêt cantonal, et ainsi d'influer sur le sort de la cause.
La Chambre administrative pouvait donc, sans violer le droit d'être entendues
des recourantes, renoncer à requérir les dossiers susmentionnés, pour autant
qu'ils existent. Leur édition n'aurait pas permis de compléter les
constatations de fait déterminantes pour l'issue du litige. Les recourantes
allèguent dès lors en vain que la cour cantonale s'est basée sur un état de
fait incomplet. Le Tribunal fédéral est par conséquent lié par les faits
retenus dans l'arrêt attaqué conformément à l'art. 105 al. 1 LTF.
Mal fondé, le recours doit être rejeté sur ce point.

4.
Au fond, les recourantes invoquent la garantie de la propriété régie par l'art.
26 Cst. Elles considèrent que la restriction à l'usage de la propriété qu'elles
ont subie pendant l'occupation de leurs immeubles par les squatters est
constitutive d'une expropriation matérielle.

4.1 Aux termes de l'art. 26 Cst., la propriété est garantie (al. 1). Une pleine
indemnité est due en cas d'expropriation ou de restriction de la propriété qui
équivaut à une expropriation (al. 2).
Selon la jurisprudence, il y a expropriation matérielle au sens de l'art. 26
al. 2 Cst. lorsque l'usage actuel d'une chose ou son usage futur prévisible est
interdit ou restreint de manière particulièrement grave, de sorte que
l'intéressé se trouve privé d'un attribut essentiel de son droit de propriété.
Une atteinte de moindre importance peut aussi constituer une expropriation
matérielle si elle frappe un ou plusieurs propriétaires d'une manière telle
que, s'ils n'étaient pas indemnisés, ils devraient supporter un sacrifice par
trop considérable en faveur de la collectivité, incompatible avec le principe
de l'égalité de traitement (ATF 131 II 151 consid. 2.1 p. 155; 125 II 431
consid. 3a p. 433 et les arrêts cités).

4.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'atteinte portée à la propriété des
recourantes par l'occupation totale de leurs immeubles pendant dix-neuf ans,
sans contrepartie d'aucun loyer, est grave au sens de l'art. 26 al. 2 Cst. et
de la jurisprudence (cf. ATF 119 Ia 348).

5.
L'expropriation matérielle étant un cas de responsabilité de la collectivité
publique pour ses actes licites, elle suppose que la restriction à la propriété
soit imputable à l'Etat, à savoir qu'elle découle d'un ou de plusieurs actes de
puissance publique (cf. PIERMARCO ZEN-RUFFINEN/ CHRISTINE GUY-ECABERT,
Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, ch. 1389 p. 579
s., MAYA HERTIG RANDALL, L'expropriation matérielle, in "La maîtrise publique
du sol: expropriation formelle et matérielle, préemption, contrôle du prix",
2009, p. 115; THIERRY TANQUEREL, La responsabilité de l'Etat pour acte licite,
in La responsabilité de l'Etat, 2012, p. 86). Si l'atteinte est le fait de
tiers, elle n'est en effet pas régie par le droit de l'expropriation, mais par
les dispositions de droit civil et pénal. De même, si le lésé se plaint d'actes
illicites de l'Etat, il doit agir par la voie de l'action en responsabilité de
l'Etat à l'encontre de celui-ci.
En l'occurrence, les recourantes soutiennent que l'Etat, en refusant d'évacuer
les occupants illicites tant qu'elles n'étaient pas au bénéfice d'une
autorisation de construire, les a mises délibérément dans l'impossibilité
d'exercer leur droit de propriété. Elles affirment également que la durée de
l'occupation n'a été rendue possible que par les initiatives décidées par
l'Etat de Genève. Se plaignant en résumé de ce que l'Etat aurait favorisé et
encouragé l'occupation illégale de leurs immeubles, elles estiment choquant que
celui-ci "échappe à toute responsabilité" au motif qu'elles auraient pu saisir
le juge civil pour expulser les squatters.
Ainsi, les recourantes allèguent qu'elles ont été atteintes illicitement dans
leur droit de propriété sur leurs immeubles et que l'Etat aurait favorisé les
actes illicites des squatters. Elles ne font en revanche pas valoir que l'Etat
aurait restreint leur droit de propriété par des actes fondés sur la loi, par
exemple la législation cantonale sur le droit de l'aménagement du territoire ou
des constructions, voire la loi cantonale sur les démolitions, transformations
et rénovation de maisons d'habitation (LDTR). Cela étant, les griefs invoqués
relèvent, cas échéant, d'une éventuelle responsabilité de l'Etat pour ses actes
illicites et ne sauraient manifestement pas fonder une requête en indemnisation
pour expropriation matérielle, qui est l'objet exclusif de la présente
procédure.
Les conditions d'une expropriation matérielle n'étant manifestement pas
réalisées, le recours doit être rejeté. Il n'y a par conséquent pas lieu
d'examiner le dommage que les recourantes prétendent avoir subi, ni de vérifier
la question de la prescription.

6.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, aux frais des
recourantes qui succombent (art. 65 et 66 al. 1 et 5 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des
recourantes, solidairement entre elles.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre administrative.

Lausanne, le 12 juillet 2012

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Mabillard