Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.758/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_758/2012

Arrêt du 7 janvier 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger et Chaix.
Greffier: M. Parmelin.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Philippe Corpataux, avocat,
recourant,

contre

Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 156, 1702 Fribourg.

Objet
détention pour des motifs de sûreté,

recours contre l'ordonnance de la Présidente de la Cour d'appel pénal du
Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 29 novembre 2012.

Faits:

A.
Par jugement du 15 mai 2012, le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Sarine
a reconnu A.________ coupable de brigandage, de tentative de brigandage,
d'obtention frauduleuse d'une prestation d'importance mineure, de séquestration
et enlèvement, de faux dans les certificats, d'actes préparatoires à un
brigandage et de délit contre la loi fédérale sur les armes. Il l'a condamné à
une peine privative de liberté de 4 ans et demi, déduction faite de la
détention subie avant jugement dès le 21 juin 2011, ainsi qu'au paiement d'une
amende de 100 fr. Il a révoqué le sursis accordé le 10 juin 2010 par ordonnance
pénale du Juge d'instruction de Fribourg et ordonné un traitement ambulatoire
en application de l'art. 63 CP, conformément au rapport d'expertise du 26
septembre 2011.
Le 11 septembre 2012, A.________ a formé un appel contre ce jugement auprès de
la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal du canton de Fribourg.
La Présidente de cette juridiction a rejeté la demande de mise en liberté
immédiate déposée le 22 novembre 2012 par A.________ au terme d'une ordonnance
rendue le 29 novembre 2012.

B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette décision, de lever sa détention pour des
motifs de sûreté et de prononcer sa mise en liberté immédiate jusqu'à droit
connu sur son appel. Il conclut à titre subsidiaire au renvoi de la cause
devant l'autorité inférieure pour qu'elle se prononce sur les mesures de
substitution à la détention. Il demande "sub-subsidiairement" qu'il soit
autorisé à passer les jours de fêtes de Noël et de Nouvel-An auprès de son
ex-femme et de sa fille, à Bienne, moyennant assignation à résidence à cette
adresse pendant la durée de cette autorisation. Il requiert l'assistance
judiciaire.
Par ordonnance du 20 décembre 2012, le Président de la Ire Cour de droit public
a rejeté la demande "sub-subsidiaire" présentée par le recourant traitée comme
une requête de mesures provisionnelles.
Il n'a pas été demandé de réponses au recours. La Cour d'appel pénal a produit
le dossier de la cause.
Le recourant s'est encore exprimé personnellement par lettre du 28 décembre
2012.

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les
décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions rendues en
matière de détention pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF
137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF,
le prévenu a qualité pour agir. Le recours a été formé en temps utile contre
une décision rendue en dernière instance cantonale et les conclusions
présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.

2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle
garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base
légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP.
Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de
la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la
privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, par
un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221
al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des
charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de
l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH). Le Tribunal
fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des faits revue sous l'angle restreint des art. 97 al. 1 et 105
al. 2 LTF (ATF 135 I 71 consid. 2.5 p. 73).

3.
Le recourant admet qu'il existe des charges suffisantes à son encontre compte
tenu du jugement de condamnation dont il a fait l'objet en première instance,
même s'il conteste dans son appel les infractions en lien avec les quatre
brigandages, la tentative de brigandage et les actes préparatoires de
brigandage, qui ont été retenues à sa charge. Il reproche en revanche à la
Présidente de la Cour d'appel pénal d'avoir conclu à l'existence d'un risque de
fuite sur la base de faits constatés et appréciés de manière arbitraire. Il
conteste également que son maintien en détention puisse se justifier par un
risque de récidive.

3.1 Aux termes de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention pour des motifs de
sûreté peut être ordonnée lorsqu'il y a lieu de craindre que le prévenu
"compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits
graves après avoir déjà commis des infractions du même genre". Selon la
jurisprudence, il convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation du
risque de récidive: le maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif
que si le pronostic est très défavorable et si les délits dont l'autorité
redoute la réitération sont graves (ATF 137 IV 13 consid. 4.5 p. 21; 135 I 71
consid. 2.3 p. 73; 133 I 270 consid. 2.2 p. 276). Bien qu'une application
littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le
risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors
qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La
prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir
l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137
IV 13 consid. 3-4 p. 18 ss; arrêt 1B_133/2011 du 12 avril 2011 consid. 4.7 in
SJ 2011 I p. 487). Le risque de récidive peut également se fonder sur les
infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est
fortement soupçonné - avec une probabilité confinant à la certitude - de les
avoir commises (ATF 137 IV 84 consid. 3.2 p. 86 et les références citées).

3.2 En l'occurrence, le recourant a été condamné pénalement à cinq reprises
entre le 16 janvier 2004 et le 29 décembre 2010 pour des infractions réitérées
aux règles de la circulation routière commises sous l'emprise de l'alcool, pour
injure et utilisation abusive d'une installation de télécommunication, ainsi
que pour faux dans les titres et escroquerie. Il n'a pas fait appel de sa
condamnation pour obtention frauduleuse d'une prestation d'importance mineure
et faux dans les certificats. Les crimes et délits dont l'autorité redoute la
réitération ne concernent cependant pas ces infractions mais visent de nouveaux
brigandages semblables à ceux que le recourant aurait commis ou tenté de
commettre dans des commerces de Fribourg et de Berne entre les 27 mai et 21
juin 2011. La jurisprudence admet que l'on tienne compte des infractions à
l'origine de la procédure en cours dans l'appréciation du risque de récidive
lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'en être l'auteur (cf. ATF 137 IV
84 précité). Cette condition doit être tenue pour réalisée lorsque, comme en
l'espèce, l'intéressé a été condamné en première instance pour ces infractions,
même s'il les conteste en appel, sous peine de préjuger du sort de celui-ci.
Les brigandages et les séquestrations, dont l'autorité redoute la réitération,
sont objectivement graves au regard de la peine prévue pour ce genre
d'infractions (cf. art. 140 ch. 1 et 183 CP en relation avec l'art. 10 al. 2
CP; cf. arrêt 1B_384/2011 du 8 août 2011 consid. 2.4 et les références citées).
Les infractions pour lesquelles le recourant a été condamné en première
instance ont en outre été perpétrées dans un laps de temps relativement court
et n'ont pris fin que par son interpellation par la police. Elles font suite à
cinq autres condamnations pénales dont la dernière remonte au 29 décembre 2010.
Par ailleurs, l'auteur du rapport d'expertise psychiatrique établi dans le
cadre de la procédure pénale le 26 septembre 2011 retient un risque moyen de
récidive essentiellement en raison des antécédents de comportement antisocial,
des traits de personnalité pathologiques, de l'attitude de déni persistante et
des facteurs de risque antisocial (dettes, absence d'emploi et de revenu)
persistants du recourant. Ce risque de récidive s'applique à l'ensemble des
actes reprochés, y compris les troubles de comportement retenus dans l'extrait
du casier judiciaire. Les mesures propres à diminuer ce risque comportent un
volet psychothérapeutique et un volet psychosocial. La psychothérapie devrait
aider l'expertisé à prendre conscience des actes et du fonctionnement
psychologique sous-jacent et chercher à élaborer des stratégies cognitives et
comportementales alternatives. L'expert préconise des séances hebdomadaires et
des rapports de suivi tous les six mois afin de permettre de valider
l'évolution de la thérapie et la pertinence de la mesure. Celle-ci devrait être
associée à une mesure d'accompagnement psychosocial par le Service cantonal de
probation, de manière à permettre de trouver des solutions de gestion
administrative des dettes et des besoins courants et de veiller à une
réinsertion sociale et professionnelle stable chez l'expertisé. L'engagement
fiable de ces mesures d'accompagnement et de prévention, qui peuvent être
instaurées en milieu pénitentiaire, permettrait de diminuer le risque de
récidive à un degré léger. Le recourant ne donne aucune indication sur les
traitements suivis à ce jour en milieu carcéral et ne démontre pas qu'ils
suffiraient à retenir que sont réunies les conditions posées par l'expert pour
que le risque de récidive puisse être qualifié de léger et, partant,
insuffisant à constituer un motif fondé de détention. Il a tout au plus précisé
à l'audience de jugement du 14 mai 2012 avoir rencontré plusieurs fois en
prison la Doctoresse B.________ du Centre psychosocial de Fribourg sans que
l'on sache les résultats de ces entrevues.
Dans ces conditions, la Présidente de la Cour d'appel pénal pouvait conclure à
l'existence d'un risque concret de récidive. Elle pouvait également conclure à
l'existence d'un risque de fuite au sens de l'art. 221 al. 1 let. a CPP.

3.3 Un tel risque doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels
que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec
l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître
le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia
69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction ne
peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle
permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la
peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62). Il est sans
importance que l'extradition du prévenu puisse être obtenue (ATF 123 I 31
consid. 3d p. 36).
Le recourant est le deuxième d'une fratrie de dix enfants. Cinq de ses frères
et soeurs sont installés dans la région lausannoise. Il entretient des contacts
réguliers avec son ex-femme et avec sa fille, âgée de vingt-cinq ans, qui
vivent ensemble à Bienne. Il peut ainsi se prévaloir d'importantes attaches
familiales avec la Suisse, pays dans lequel il réside depuis 28 ans. Il est
toutefois séparé de sa seconde épouse depuis le mois de juillet 2010 et vivait
seul dans son appartement à Villars-sur-Glâne avant son incarcération. Son père
réside par ailleurs au Sénégal depuis sa retraite. Le recourant a déclaré à
l'expert avoir de bonnes relations avec lui et souhaiter organiser en 2012 une
grande fête de famille dans son pays d'origine pour les 80 ans de son père, ce
qui tend à relativiser les affirmations de son recours selon lesquelles il
n'aurait pour ainsi dire plus de contact avec lui. Il n'a pas de revenu fixe ni
de fortune, a des dettes privées et fait l'objet de poursuites pour plusieurs
dizaines de milliers de francs. Enfin, il a été condamné en première instance à
une peine privative de liberté de quatre ans et demi, déduction faite de la
détention subie avant jugement.
L'absence de revenu fixe et de fortune, l'existence de dettes importantes, la
perspective d'une longue peine privative de liberté en cas de confirmation en
appel du jugement de première instance, nonobstant la détention provisoire
subie, sont autant d'éléments qui pourraient inciter le recourant à vouloir
quitter le pays et qui fondent un risque concret de fuite élevé en dépit des
liens qu'il entretient avec sa fille majeure, son ex-femme ainsi que ses frères
et soeurs en Suisse.
Sur ce point également, la décision attaquée ne consacre aucune violation du
droit fédéral. Il importe peu à cet égard que la juge intimée ait retenu de
manière inexacte que le recourant était divorcé de sa deuxième épouse, alors
qu'il n'en est que séparé, ou qu'elle aurait à tort mis en doute la solidarité
familiale en raison d'une précédente plainte déposée contre le recourant par
l'une de ses soeurs ou parce que les membres de sa famille n'auraient pas
réussi à réunir les 15'000 fr. requis à titre de caution.

4.
Le recourant estime qu'il y aurait lieu de prononcer sa libération immédiate
moyennant l'adoption de mesures de substitution sous la forme de la saisie de
ses documents d'identité, d'une assignation à résidence auprès de son ex-femme
et de sa fille, de l'obligation de se présenter régulièrement à un service
administratif, de l'obligation d'avoir un travail régulier et de se soumettre à
un traitement médical (psychothérapie) ou à des contrôles. Il dénonce à ce
propos une violation du principe de la proportionnalité.
Les mesures de substitution préconisées sont clairement insuffisantes à
empêcher l'intéressé de passer la frontière ou de disparaître dans la
clandestinité et à pallier le danger de fuite mis en évidence ci-dessus. Il en
va de même des celles proposées pour parer au risque de récidive. La Présidente
de la Cour d'appel pénal a constaté que la prise en charge thérapeutique
préconisée par l'expert n'avait pu véritablement débuter qu'en janvier 2012 et
qu'elle devait être envisagée dans une perspective de moyen à long terme, aux
dires du recourant. Ce dernier ne le conteste pas. Il ne démontre pas plus que
le suivi thérapeutique engagé en milieu carcéral avec la doctoresse B.________,
dont le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Sarine a confirmé le maintien,
serait suffisant pour pallier le risque de récidive jusqu'au jugement d'appel.
A tout le moins, une attestation en ce sens de l'expert ou de la doctoresse
B.________ serait nécessaire. On observera enfin que le recourant a été
interpellé le 21 juin 2011 par la police bernoise en possession du matériel
nécessaire à la commission d'un brigandage alors même qu'il était au bénéfice
d'un engagement auprès de la maison C.________ à partir du mois de juillet.
Aussi le fait qu'il pourrait être engagé à sa sortie de prison par une
entreprise de nettoyages de la place lausannoise ne constitue pas davantage une
mesure suffisante pour pallier le risque de récidive.
Dans ces conditions, en considérant que les mesures de substitution proposées
n'étaient pas de nature à pallier les risques de fuite et de récidive, la
Présidente de la Cour d'appel pénal n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation
dans l'application de l'art. 237 let. f CPP.

5.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Le recourant a demandé l'assistance
judiciaire et les conditions d'octroi en sont réunies (cf. art. 64 al. 1 et 2
LTF). Me Philippe Corpataux est désigné comme avocat d'office du recourant,
rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais
judiciaires.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Philippe Corpataux est
désigné comme avocat d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la
caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 francs.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant ainsi qu'au
Ministère public et à la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal du canton de
Fribourg.

Lausanne, le 7 janvier 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Parmelin