Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.750/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_750/2012

Arrêt du 16 janvier 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Merkli et Chaix.
Greffière: Mme Arn.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Pierre Ochsner, avocat,
recourant,

contre

Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020
Renens.

Objet
détention pour des motifs de sûreté,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des
recours pénale, du 8 novembre 2012.

Faits:

A.
A.________ a été appréhendé le 6 juillet 2011 en région parisienne sur la base
d'un mandat d'arrêt international émis le 26 avril 2011 par le Procureur du
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (ci-après: le Procureur); ce
mandat découlait de la plainte déposée à Lausanne le 12 janvier 2007 par
B.________; cette plainte dénonçait le viol commis sur sa personne par
A.________, le 27 août 2006 dans les environs de la ville de Ouarzazate
(Maroc). A.________ a alors été détenu à titre extraditionnel en France. A
compter du 25 novembre 2011, il a bénéficié d'un défenseur d'office désigné par
le Procureur. Le 3 avril 2012, A.________ a été extradé vers la Suisse et se
trouve depuis lors en détention à Lausanne.
Le 20 juillet 2012, A.________ a été mis en accusation devant le Tribunal
correctionnel de l'arrondissement de Lausanne pour viol prétendument commis le
27 août 2006 au Maroc sur la personne de B.________. L'audience de jugement est
fixée au 19 février 2013.

B.
Par ordonnance du 24 octobre 2012, le Tribunal des mesures de contrainte
(ci-après: le Tmc) a rejeté la demande de mise en liberté présentée par
A.________. Celui-ci a recouru contre cette décision auprès de la Chambre des
recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la cour cantonale), qui
a rejeté ce recours par arrêt du 8 novembre 2012.
En substance, la cour cantonale a considéré que la compétence des autorités
suisses était acquise. Elle a pour le surplus retenu que les conditions posées
pour prononcer une détention pour motifs de sûretés étaient réunies et que la
proportionnalité de la détention avant jugement était encore respectée au vu
des faits reprochés.

C.
A.________ recourt contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral. A titre
préalable, il sollicite que soit constatée la violation de la présomption
d'innocence le concernant. Principalement, il demande sa mise en liberté
immédiate, concluant à ce que soient constatées l'incompétence des autorités de
poursuite pénale suisses et la nullité de la décision dont est recours. A titre
subsidiaire, il conclut à ce qu'il soit constaté que la détention qu'il a subie
dès le 13 novembre 2012 ne repose pas sur un titre valable, ce qui entraînerait
également sa mise en liberté immédiate.
Le Ministère public conclut au rejet du recours. La cour cantonale se réfère
aux considérants de sa décision. Le recourant a répliqué.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est en principe ouvert contre
les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté
au sens des art. 212 ss CPP. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre
une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche
le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et
b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est par conséquent recevable.
En règle générale, les faits nouveaux et les preuves nouvelles ne sont pas
admis devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF). Par exception à cette
règle, des faits nouveaux ou des preuves nouvelles peuvent être présentés
devant le Tribunal fédéral s'ils résultent de la décision de l'autorité
précédente (art. 99 al. 1 in fine LTF). Cette exception permet d'alléguer des
faits qui ne sont devenus pertinents qu'en raison de l'argumentation inattendue
de l'autorité précédente (arrêt 4A_269/ 2010 du 23 août 2010 consid. 1.3 publié
in SJ 2011 I 58). En se prévalant d'une éventuelle informalité de l'ordonnance
du 13 novembre 2012 du Tmc prolongeant sa détention pour des motifs de sûreté
jusqu'au 20 février 2013, le recourant allègue un fait nouveau. Or, ce fait ne
résulte pas de la décision entreprise et n'est, pour ce motif, pas recevable.
Le Tribunal fédéral n'entrera donc pas en matière sur ce grief.

2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle
(art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31
al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en
outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la
proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270).
Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les
besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de
réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces
conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes,
soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let.
c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168).
Le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des faits, revue sous l'angle restreint des art. 97 al. 1 et 105
al. 2 LTF (ATF 135 I 71 consid. 2.5 p. 73 s. et les références). En outre, il
n'appartient pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des
éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui
mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des
indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 137 IV 122
consid. 3.2 p. 126 s.). Cette jurisprudence repose sur le principe que le juge
de la détention, lorsqu'il apprécie les éléments du dossier pénal, ne doit pas
empiéter sur les compétences du juge du fond (ATF 124 I 208 consid. 3 p. 210).
De même, le juge de la détention ne tient pas compte, sauf situations
évidentes, de la possibilité éventuelle de l'octroi, par le juge du fond, d'un
sursis (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281 s.; 125 I 60 consid. 3d p. 64) ou
d'une libération conditionnelle (ATF 124 I 208 consid. 6 p. 215).

3.
Le recourant soutient que les autorités de poursuite et de jugement suisses ne
sont pas compétentes. A le suivre, il aurait fait l'objet au Maroc d'une
décision équivalant à un acquittement définitif. De la sorte, il ne pourrait
plus faire l'objet d'une poursuite en Suisse pour les mêmes faits. Il se
prévaut d'une violation de l'art. 7 al. 4 CP.

3.1 A teneur de l'arrêt entrepris, la plainte pénale déposée par B.________ le
27 août 2006 au Maroc a fait l'objet d'un "ordre de non poursuite" prononcé par
les autorités marocaines le 24 avril 2007. La plainte déposée ensuite à
Lausanne a d'abord fait l'objet, le 4 septembre 2009, d'une ordonnance de
non-lieu en faveur du recourant. Sur recours de la plaignante, cette ordonnance
a cependant été annulée par arrêt du 29 septembre 2009 du Tribunal d'accusation
vaudois, lequel a retenu que "la décision marocaine de non-lieu n'a pas de
portée ne bis in idem au sens de l'art. 7 al. 4 CP". Dans l'arrêt présentement
querellé, la cour cantonale a encore constaté que le recourant, depuis le début
de sa détention extraditionnelle en juillet 2011, n'avait pas contesté
valablement, ou avec succès, la compétence des autorités suisses pour instruire
et juger les faits reprochés au Maroc en août 2006.
Les juges cantonaux ont ainsi déduit de ces circonstances que le recourant
avait été valablement extradé en Suisse pour les faits en cause; au demeurant,
la décision marocaine n'était pas formellement une décision de non-lieu; enfin,
le droit de procédure marocain autorisant le classement en opportunité, l'ordre
de non poursuite ne pouvait pas être assimilé à un acquittement définitif.

3.2 A teneur de l'art. 7 al. 4 let. a CP, sous réserve d'une violation grave
des principes fondamentaux du droit constitutionnel et de la CEDH, l'auteur ne
peut plus être poursuivi en Suisse pour le même acte s'il a été acquitté à
l'étranger par un jugement définitif.
En l'espèce, défense et accusation confèrent à la décision des autorités
marocaines mettant un terme à la procédure initiée dans ce pays du chef de viol
sur la personne de B.________ une portée différente. Pour sa part, la partie
plaignante soutient depuis le dépôt de sa plainte en Suisse qu'il y avait "peu
à espérer" de la procédure diligentée au Maroc; se fondant sur l'opinion d'un
avocat marocain et sur celle de l'ambassade de Suisse au Maroc, elle a répété
cette argumentation devant le Tribunal d'accusation lors de son recours contre
la décision vaudoise de non-lieu. Enfin, il ne ressort pas d'une lecture des
pièces de la procédure marocaine que la partie plaignante ait été présente,
représentée ou associée à tous les actes de procédure ayant conduit à la
décision de "non poursuite".
Contrairement à ce que semble soutenir le recourant, il ne s'impose en l'espèce
pas d'emblée d'assimiler la décision de non-lieu marocaine à un jugement
définitif au sens de l'art. 7 al. 4 let. a CP. Pour fonder sa position, le
recourant se fonde d'ailleurs uniquement sur des extraits de doctrine suisse et
une analyse, personnelle, du droit de procédure marocain. Dans ces conditions,
le juge de la détention n'est pas en mesure de trancher, préalablement aux
conditions du maintien en détention, la question de la compétence des autorités
suisses pour poursuivre et juger le recourant. Une décision de sa part
empiéterait sur les compétences du tribunal du fond, lequel statuera -
contrairement au juge de la détention - après avoir procédé à une
administration complète des preuves (art. 341 ss CPP) et à l'audition de toutes
les parties (art. 346 CPP).

3.3 Par conséquent, à l'instar de la direction de la procédure lors de la
préparation des débats (art. 329 al. 1 let. c CPP), le juge de la détention
peut limiter son contrôle des empêchements de procéder - au nombre desquels
compte le principe "ne bis in idem" (Piquerez/ Macaluso, Procédure pénale
suisse, 3ème édition 2011, n. 1552; Stephenson/ Zalunardo-Walser, in Basler
Kommentar, 2011, n. 5 ad art. 329 CPP) - à un examen provisoire et sommaire
(Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure
pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 p. 1261; Niklaus Schmid, Praxiskommentar,
2009, n. 4 ad art. 329 CPP); à ce stade de la procédure, le principe "in dubio
pro reo" ne trouve pas application (Griesser, in Kommentar zur StPO, Donatsch/
Hansjakob/Lieber (éd.), 2010, n. 11 ad art. 329 CPP). En l'espèce, l'examen
auquel s'est livré la cour cantonale ne viole ainsi pas le droit fédéral. Quant
au principe de la célérité auquel sont tenues les autorités pénales (art. 5 al.
2 CPP), il est respecté, dans la mesure où l'audience de jugement au fond est
d'ores et déjà fixée à brève échéance.
Le recours peut donc être rejeté, en tant qu'il s'en prenait à la prétendue
incompétence des autorités de poursuite et de jugement suisses.

4.
Le recourant ne conteste plus devant le Tribunal fédéral que les conditions
posées à la détention pour des motifs de sûreté soient réalisées. Il ne
critique en particulier pas le fait que l'autorité cantonale a retenu qu'il
existait contre lui des présomptions de culpabilité suffisantes, compte tenu
notamment des déclarations de la victime et du dossier fourni par les autorités
marocaines. Dès lors, le grief qu'il intitule "violation de la présomption
d'innocence" est peu compréhensible. En tout état de cause, une violation de ce
principe ne saurait résulter - comme semble le laisser entendre le recourant -
de la simple rédaction d'un acte d'accusation, lequel a précisément pour but de
décrire les actes reprochés au prévenu, les infractions réalisées et les
dispositions légales applicables de l'avis du ministère public (art. 325 al. 1
let. f et g CPP). Pour le surplus, les critiques dirigées contre l'éventuelle
imprécision de cet acte d'accusation sont irrecevables (art. 324 al. 2 CPP).
Par conséquent, ces griefs doivent être écartés, dans la mesure de leur
recevabilité.

5.
Il s'ensuit que le recours est entièrement rejeté, dans la mesure où il est
recevable, aux frais du recourant qui ne requiert pas l'assistance judiciaire
(art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public
central et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.

Lausanne, le 16 janvier 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Arn