Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.522/2012
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2012
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_522/2012

Arrêt du 5 octobre 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Karlen et Chaix.
Greffière: Mme Arn.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Jacques Emery, avocat,
recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy.

Objet
prolongation de la détention provisoire,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 14 août 2012.

Faits:

A.
A.________ a été arrêté à Genève le 2 août 2012 à la suite de dénonciations
émanant respectivement du chef du Service de protection des mineurs (ci-après:
SPMi) et du Tribunal tutélaire. Le lendemain, il a été prévenu par le Procureur
d'infraction à l'art. 285 CP en raison des faits suivants: le 31 juillet 2012,
il s'était rendu au SPMi et avait déclaré qu'il reviendrait avec une
kalachnikov "pour tuer tout le monde comme cela se pratique dans (son) pays";
il s'était ensuite rendu au Tribunal tutélaire et avait insulté et menacé les
collaborateurs du greffe en expliquant qu'il allait "revenir avec des copains".
Le 3 août 2012, le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après: Tmc) a ordonné
la mise en détention provisoire de A.________ pour une durée d'un mois, compte
tenu des risques de collusion et de récidive.

B.
Le 14 août 2012, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après:
la cour cantonale) a rejeté le recours de A.________ contre la décision
précitée. Elle a retenu que les charges, même minimisées, n'étaient pas
sérieusement contestées et qu'il existait un risque concret et aigu de
réitération attesté par les antécédents de A.________.
Le 28 août 2012, le Ministère public a demandé la prolongation de la détention
provisoire de A.________ pour une durée de deux mois, faisant notamment état
des besoins de l'instruction et des risques de collusion et de réitération. Par
décision du 31 août 2012, le Tmc a fait droit à cette demande, prolongeant la
détention de l'intéressé jusqu'au 31 octobre 2012.

C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande
principalement au Tribunal fédéral d'annuler la décision cantonale du 14 août
2012 et d'ordonner sa libération immédiate, subsidiairement de prononcer sa
mise en liberté provisoire sous condition d'un traitement psychothérapeutique
régulier et suivi aux fins de maîtriser ses troubles de comportement. Il
requiert également l'assistance judiciaire.
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. Le Ministère public
conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est en principe ouvert contre
les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté
au sens des art. 212 ss CPP. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre
une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche
le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et
b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est par conséquent recevable.
La décision cantonale présente en l'espèce la particularité d'être relativement
sommaire, ce qui s'explique sans doute par le fait que le prévenu a recouru en
personne devant la cour cantonale, sans énoncer de griefs précis contre la
décision de mise en détention. Il apparaît certes que le conseil du détenu a
fait parvenir des observations dûment motivées relatives aux déterminations du
Tmc et du Ministère public dans le délai imparti par la cour cantonale au 13
août 2012, mais en les adressant au Ministère public plutôt qu'à l'autorité
compétente; dès lors, celle-ci a rendu sa décision, le 14 août 2012, sans
apparemment prendre connaissance desdites observations. Dans la mesure où le
recourant n'invoque aucun grief à cet égard, le Tribunal fédéral n'a pas à se
saisir d'office de cette question (cf. art. 106 al. 2 LTF). En outre, le
principe de célérité inhérent à la procédure pénale (art. 5 al. 2 CPP) impose
de statuer immédiatement sur le fond du recours.
Au demeurant, les éléments de fait que la cour cantonale aurait omis de prendre
en compte ne sont pas susceptibles d'influer sur le sort de la cause (cf. art.
97 al. 1 LTF). En raison de la prévention d'infraction à l'art. 285 CP (cf.
consid. 3 infra), infraction qui se poursuit d'office, peu importe en effet de
déterminer si les services et les personnes visés par les menaces du recourant
ont déposé une plainte au sens de l'art. 30 CP.

2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle
(art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31
al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en
outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la
proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270).
Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les
besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de
réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces
conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes,
soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let.
c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168).
Le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des faits, revue sous l'angle restreint des art. 97 al. 1 et 105
al. 2 LTF (ATF 135 I 71 consid. 2.5 p. 73 s. et les références).

3.
Le recourant conteste d'abord l'existence de charges suffisantes.
Pour qu'une personne soit placée en détention préventive, il doit exister à son
égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité,
c'est-à-dire des raisons plausibles de la soupçonner d'avoir commis une
infraction. Il n'appartient cependant pas au juge de la détention de procéder à
une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la
crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement
examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle
mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention
préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des
soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers
temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître
vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (
ATF 137 IV 122 consid. 3.2 p. 126 s.).
Le recourant ne conteste pas en tant que tels les faits reprochés par le
Ministère public. En revanche, il soutient que la prévention d'infraction à
l'art. 285 CP ne serait pas réalisée au motif que ni le SPMi, ni le Tribunal
tutélaire n'auraient agi dans le cadre d'une mission officielle; en outre,
aucun des fonctionnaires menacés n'aurait exercé une activité officielle envers
lui. Une telle argumentation ne résiste pas à l'examen. La décision attaquée
retient en effet que les faits se sont produits dans le contexte de la
suspension - que le recourant conteste - de son droit de visite sur son fils né
en 2009. Il ressort en outre du dossier que le chef du SPMi a fait interdiction
au recourant de se présenter audit service en raison de précédentes menaces
envers une employée de ce service. Dans ces conditions, même s'il est possible
que les employés en charge du dossier intéressant le recourant n'aient pas été
présents lors des événements du 31 juillet 2012, il n'en demeure pas moins que
les menaces en question ont été dirigées contre ces employés en leur qualité de
fonctionnaires et non à titre de personnes privées (cf. ATF 110 IV 91 consid. 2
p. 92). En tout état, il existe à ce stade de la procédure des charges
suffisantes de la prévention d'infraction à l'art. 285 CP, de sorte que le
premier grief du recourant doit être écarté.

4.
Le recourant nie l'existence d'un risque de réitération, exposant que ses
antécédents judiciaires constitueraient des cas de peu de gravité.
Aux termes de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire peut être
ordonnée lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette
sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après
avoir déjà commis des infractions du même genre: il est en principe nécessaire,
d'une part, que l'instruction porte sur des crimes ou des délits graves et,
d'autre part, que le prévenu ait déjà par le passé été condamné pour des
infractions de même gravité (ATF 137 IV 84 consid. 3.2 p. 86). Dans ce
contexte, il convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation du risque
de récidive: le maintien en détention ne peut se justifier que si le pronostic
est très défavorable et si les délits dont l'autorité redoute la réitération
sont graves (ATF 137 IV 13 consid. 4.5 p. 21).
La cour cantonale a retenu que le recourant avait été condamné à douze
reprises, dont quatre pour menaces et injures et une pour tentative de
brigandage. De telles infractions constituent soit des crimes (art. 140 ch. 1
et 10 al. 2 CP), soit des délits dont la peine menace atteint le niveau maximal
prévu par la loi (art. 180 al. 1 et 10 al. 3 CP). Pour la tentative de
brigandage, le recourant a été condamné le 14 juin 2006 à six mois
d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans, sous déduction de 43 jours de
détention préventive. S'agissant des menaces et injures, on constate que les
condamnations ont été prononcées récemment et que les peines sont allées en
s'aggravant, sans que l'activité délictueuse ne cesse (7 septembre 2009: 30
jours-amende; 20 novembre 2009: 40 jours-amende; 21 décembre 2010: 100
jours-amende; 4 avril 2011: 90 jours-amende). La procédure actuelle concerne un
délit du même genre, également passible de la peine maximale prévue pour ce
genre d'infractions (art. 285 ch. 1 et 10 al. 3 CP). Il convient enfin de tenir
compte du fait que les menaces proférées par le prévenu s'inscrivent dans le
contexte du retrait du droit de garde sur son fils; dans la mesure où le
recourant a exprimé son désaccord complet avec cette décision, de tels faits
sont susceptibles de se répéter.
Dans ces conditions, c'est sans violer l'art. 221 al. 1 let. c CPP que la cour
cantonale a retenu en l'espèce un risque concret et aigu de réitération. Ce
grief du recourant doit donc également être rejeté.

5.
Dans un dernier moyen, le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas
avoir examiné la question de la proportionnalité et lui fait grief de ne pas
avoir envisagé la mise en ?uvre de solutions moins dommageables que la
détention.
Contrairement à ce qu'avance le recourant, la cour cantonale s'est prononcée
sur ce point, retenant que la durée, modérée, du placement en détention
provisoire était conforme au principe de proportionnalité. Tel est encore le
cas ici s'agissant d'une détention ayant débuté le 2 août 2012 et prolongée en
dernier lieu jusqu'au 31 octobre 2012. Pour le surplus, le recourant en reste à
des considérations de nature générale sur l'adéquation du milieu fermé pour les
personnes atteintes de troubles de la personnalité et évoque les prétendus
retards pris dans le traitement de son dossier civil, qui seraient à l'origine
de son comportement inadéquat. De telles assertions ne constituent cependant
pas des critiques suffisamment précises contre l'arrêt cantonal pour être
recevables, cas échéant pour établir une violation du principe de
proportionnalité.
En ce qui concerne les mesures de substitution proposées, il appartient certes
au tribunal compétent d'examiner, conformément à l'art. 237 al. 1 CPP, les
possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la
détention (règle de la nécessité), si ces mesures permettent d'atteindre le
même but que la détention. Selon l'art. 237 al. 2 let. f CPP, l'obligation de
se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles fait notamment partie
des mesures de substitution. En l'état, il ne ressort cependant pas du dossier
qu'un tel traitement serait mis en place et encore moins qu'il serait à même de
juguler le risque de réitération lié aux troubles de la personnalité dont le
recourant lui-même avoue être atteint.

6.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
Dès lors que le recourant est dans le besoin et que l'on peut admettre que ses
conclusions n'étaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire
doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me Jacques
Emery en qualité d'avocat d'office et de fixer d'office ses honoraires, qui
seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le
recourant est en outre dispensé des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Jacques Emery est désigné
comme défenseur d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la
caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 francs.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public
et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de
recours.

Lausanne, le 5 octobre 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Arn