Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.402/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_402/2012

Arrêt du 27 mai 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger et Chaix.
Greffière: Mme Tornay Schaller.

Participants à la procédure
A.________, représentée par Me Alain Schweingruber, avocat,
recourante,

contre

1. B.________, représentée par Me Jean-Marie Allimann, avocat,
2. C.________,
3. D.________,
4. E.________,
intimés,

Ministère public du canton du Jura, Le Château, 2900 Porrentruy.

Objet
Procédure pénale; ordonnance de classement,

recours contre la décision de la Chambre pénale des recours du Tribunal
cantonal du canton du Jura, du 1er juin 2012.

Faits:

A.
A.________ est la mère de F.________, toxicomane, décédée des suites d'une
overdose le 15 février 2010.
Le 22 avril 2008, A.________ avait déposé plainte pénale contre B.________,
tutrice de sa fille de janvier 2004 à juin 2007, contre C.________, tutrice de
juillet 2007 à mars 2009 et contre D.________, psychiatre, pour omission de
porter secours (art. 128 CP) et mise en danger de la vie d'autrui (art. 129
CP), infractions commises à l'encontre de sa fille. Le 30 juin 2009, le
Ministère public du canton du Jura (ci-après: le Ministère public) a ouvert une
instruction pénale contre B.________, D.________ et C.________.
Le 1er septembre 2011, le mandataire de A.________ a requis "l'implication
formelle" de E.________, directeur du Service social régional à Delémont.
Par ordonnance du 16 février 2012, le Ministère public a classé la plainte,
aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'étant établi (art. 319 al. 1
let. a CPP).
Par arrêt du 1er juin 2012, la Chambre pénale des recours du Tribunal cantonal
du canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal) a déclaré irrecevable le
recours interjeté par A.________ contre l'ordonnance du 16 février 2012, faute
d'intérêt juridiquement protégé à recourir. Par surabondance, elle a considéré
que même si l'on admettait un tel intérêt, le recours devrait être rejeté sur
le fond. Elle a jugé en substance que les éléments constitutifs de l'infraction
d'omission de prêter secours n'étaient pas réalisés, les quatre prévenus
n'ayant jamais été confrontés directement à une situation où F.________ aurait
été en danger de mort imminent.

B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal, sous suite de frais et dépens.
Elle requiert en outre l'assistance judiciaire.
Le Tribunal cantonal se réfère à son arrêt et conclut au rejet du recours. Le
Ministère public et B.________ concluent également à son rejet. E.________ et
C.________ se sont déterminés. D.________ n'a pas déposé d'observations. La
recourante a répliqué.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt attaqué a été rendu dans le cadre d'une procédure pénale, de sorte que
le recours en matière pénale au sens de l'art. 78 LTF est ouvert.

1.1 S'agissant de la confirmation d'une décision de classement, l'arrêt attaqué
a un caractère final (art. 90 LTF) et émane de l'autorité cantonale de dernière
instance (art. 80 LTF). La recourante a agi en temps utile (art. 100 al. 1
LTF).

1.2 Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a
participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à
recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur
le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions
celles qui sont fondées sur le droit civil, telles les prétentions en
réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO. Selon l'art.
42 al. 1 LTF, il incombe notamment au recourant d'alléguer les faits qu'il
considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir (cf. ATF 133 II 353
consid. 1 p. 356, 249 consid. 1.1 p. 251). Lorsque, comme en l'espèce, le
recours est dirigé contre une décision de classement, il n'est pas nécessaire
que la partie plaignante ait déjà pris des conclusions civiles (ATF 137 IV 246
consid. 1.3.1). En revanche, elle doit expliquer dans son mémoire quelles
prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé à moins que,
compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée, l'on puisse le
déduire directement et sans ambiguïté (ATF 137 IV 219 consid. 2.4 p. 222 et les
arrêts cités).

1.3 En l'espèce, la recourante n'indique pas quelles prétentions civiles
relatives à l'infraction d'omission de porter secours (art. 128 CP) elle entend
faire valoir. On ne voit pas d'emblée les prétentions civiles susceptibles
d'être invoquées ni en quoi la décision de classement du Ministère public
pourrait influencer négativement un jugement sur ce point. On peine à
comprendre la recourante lorsqu'elle se contente d'exposer qu'elle ne pouvait
pas prendre de telles conclusions avant une "inculpation des [quatre] personnes
incriminées". Par ailleurs, la question de savoir si le lésé éventuel peut
s'adresser directement aux tuteurs et employés de l'Etat ou s'il existe une
responsabilité exclusive de l'Etat dépend du droit cantonal.
La question de la qualité pour agir de la recourante peut toutefois demeurer
indécise, vu l'issue du recours.

2.
La recourante admet que les conditions d'application de l'art. 129 CP ne sont
pas réalisées et renonce à invoquer l'application de cette disposition. Elle se
plaint en revanche d'une violation des art. 319 al. 1 CPP et 128 CP.

2.1 Selon l'art. 319 al. 1 let. a CPP, le ministère public ordonne le
classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant
une mise en accusation n'est établi.
Le principe "in dubio pro duriore" découle du principe de la légalité (art. 5
al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF
138 IV 86 consid. 4.2 p. 91). Il signifie qu'en principe, un classement ou une
non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que
lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les
conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et
l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que
le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre
lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou
lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent
équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 138 IV 86
consid. 4.1.2 p. 91; 186 consid. 4.1 p. 190; 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288).

2.2 L'art. 128 CP punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus
ou d'une peine pécuniaire, celui qui n'aura pas prêté secours à une personne
qu'il a blessée ou à une personne en danger de mort imminent, alors que l'on
pouvait raisonnablement l'exiger de lui, étant donné les circonstances (al. 1),
ou celui qui aura empêché un tiers de prêter secours ou l'aura entravé dans
l'accomplissement de ce devoir (al. 2).
La notion de danger de mort imminent implique qu'il existe la probabilité
sérieuse d'une mort prochaine et que ce risque soit en rapport de connexité
direct avec le comportement de l'auteur. Sur le plan subjectif, l'infraction
est intentionnelle. Elle suppose une conscience du danger de mort imminent
ainsi que, plus généralement, des conditions qui fondent l'obligation de porter
secours, notamment de sa propre capacité de le faire (ATF 121 IV 18 consid. 2a
p. 21 et les références citées). Le secours qui doit être prêté se limite aux
actes que l'on peut raisonnablement exiger de l'auteur compte tenu des
circonstances. Seuls sont exigés les actes de secours qui sont possibles et qui
peuvent être utiles. Il s'agit de prendre les mesures commandées par les
circonstances et un résultat n'est pas exigé (ATF 121 IV 18, op. cit., p. 20
s.).

2.3 En l'occurrence, le Tribunal cantonal a d'abord jugé que les quatre
prévenus n'avaient pas été confrontés à une situation où F.________ aurait été
en danger de mort imminent. Il a relevé que le seul fait qu'une toxicomane, qui
ne veut pas se soigner, consomme très régulièrement des produits stupéfiants ne
peut être considéré comme une situation créant un danger de mort imminent; le
degré de probabilité de la réalisation du danger de mort permettant de le
qualifier d'imminent, dépendait de la participation active et consciente de
F.________, qui disposait seule des produits stupéfiants qui lui étaient remis
ou qu'elle se procurait; ainsi le danger mortel direct et imminent n'avait
existé qu'au moment où elle s'était injecté la dose mortelle, soit le 15
février 2010, ce qu'elle avait accompli seule et de sa propre volonté; à ce
moment-là, aucun élément au dossier ne permettait de reprocher aux quatre
intimés une omission en raison d'un danger de mort imminent; au contraire,
avant sa mort, F.________ vivait une période faste, en raison de sa grossesse
et de sa bonne relation avec son ami.
La recourante ne conteste pas directement ce raisonnement. Elle affirme que le
simple constat que F.________ se pratiquait des injections dans le moignon de
son bras amputé suffisait à faire admettre l'imminence évidente d'un danger de
mort. Cependant, aucun élément au dossier ne confirme cet allégué. L'intéressée
ne peut se contenter de reprocher à l'autorité d'instruction pénale de ne pas
avoir requis un avis médical sur la question et d'affirmer péremptoirement que
le danger de mort de sa fille était réel et connu de tous pour établir que le
danger de mort était imminent au sens de l'art. 128 CP.
Dans ces circonstances, la cour cantonale et le Ministère public pouvaient
retenir sans violer le droit fédéral que l'imminence d'un danger de mort
faisait défaut. Le Tribunal cantonal n'a donc pas mésusé du pouvoir
d'appréciation qui était le sien lorsqu'il a estimé qu'une condition de
réalisation de l'infraction ancrée à l'art. 128 CP n'était pas remplie.

2.4 La recourante reproche encore aux quatre prévenus de ne pas avoir prononcé
de privation de liberté à des fins d'assistance à l'encontre de sa fille. Elle
cite deux courriers datés du 11 décembre 2006, un du procureur général du
canton du Jura et un du responsable du Service des affaires sociales, de la
jeunesse et du logement, qui interpelaient la tutrice et le Service social
régional pour envisager une privation de liberté. Elle prétend que compte tenu
du manque total de collaboration de F.________ qui refusait tout traitement en
rapport avec son addiction, seule une privation de liberté s'imposait.
Au contraire, le Tribunal cantonal a considéré qu'aucun élément au dossier ne
permettait de penser que les différentes autorités en charge de F.________
n'avaient pas entrepris les démarches adéquates et nécessaires alors que
celle-ci aurait été en danger de mort. Il a souligné que de nombreuses mesures
avaient été entreprises en faveur de la fille de la recourante, dont notamment
sa mise sous tutelle dès 2000 et le suivi régulier par ses tutrices qui avaient
mis en oeuvre tous les moyens d'actions à leur disposition pour motiver leur
pupille à suivre une thérapie ou un sevrage volontairement; malgré l'absence de
collaboration de F.________, la psychiatre avait réussi à mettre sur pied
plusieurs séjours dans des Centres de traitement et de réadaptation pour
personnes de?pendantes afin que la prénommée puisse y entamer un traitement;
celle-ci n'avait cependant jamais suivi ses traitements et échappait à chaque
fois aux mesures prises à son égard. La cour cantonale a enfin rappelé que les
quatre intimés s'étaient régulièrement demandé si une privation de liberté à
des fins d'assistance ne devait pas être prononcée à l'encontre de F.________;
ils y avaient à chaque fois renoncé au motif que les conditions n'étaient pas
réunies.
Là encore, la condition de l'imminence du danger de mort n'est pas remplie. On
ne peut donc faire grief aux intimés d'avoir à un moment donné
intentionnellement entravé le secours dont la fille de la recourante aurait eu
besoin en n'ordonnant pas une privation de liberté à des fins d'assistance ou
en dissuadant des tiers d'en ordonner une. Par conséquent, le Tribunal cantonal
n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en jugeant que les conditions
d'application de l'art. 128 al. 2 CP n'étaient pas non plus réalisées. Le
classement ne viole ainsi pas l'art. 319 al. 1 CPP.

2.5 Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa
recevabilité.

3.
Dès lors que la recourante est dans le besoin et que ses conclusions ne
paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui
être accordée (art. 64 al. 1 LTF). La recourante requiert la désignation de Me
Alain Schweingruber en qualité d'avocat d'office. Il y a lieu de faire droit à
cette requête et de fixer d'office les honoraires de l'avocat, qui seront
supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). La recourante
est en outre dispensée des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF). Par ailleurs,
une indemnité à titre de dépens sera versée à B.________, qui obtient gain de
cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 2 LTF). En revanche, il ne
sera pas alloué de dépens à C.________ et E.________, qui n'en ont pas
sollicité et qui ont agi sans l'aide d'un mandataire professionnel (art. 68 al.
2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Alain Schweingruber est
désigné comme avocat d'office de la recourante et ses honoraires, supportés par
la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 francs.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Une indemnité de 1'000 francs, à payer à l'avocat de B.________ à titre de
dépens, est mise à la charge de la caisse du Tribunal fédéral.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public et à la
Chambre pénale des recours du Tribunal cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 27 mai 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Tornay Schaller

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