Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.375/2012
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2012
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_375/2012

Arrêt du 15 août 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli et Chaix.
Greffier: M. Rittener.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Grégoire Rey, avocat,
recourant,

contre

Y.________,
représenté par Me Stéphane Coudray, avocat,
intimé,

Office central du Ministère public du canton du Valais.

Objet
remplacement du défenseur d'office,

recours contre l'ordonnance du Juge unique de la Chambre pénale du Tribunal
cantonal du canton du Valais du 11 juin 2012.

Faits:

A.
Le 6 mai 2011, X.________ a été arrêté dans le cadre d'une instruction ouverte
contre lui pour séquestration et viol avec cruauté, étendue par la suite aux
infractions de lésions corporelles simples, injure, menaces et contrainte
sexuelle avec cruauté. Il est depuis lors en détention avant jugement. Le 23
mai 2011, l'assistance judiciaire gratuite lui a été accordée, avec désignation
de Me Y.________ en qualité de défenseur d'office.

En mai 2011, ce dernier a participé à une audience du Tribunal des mesures de
contrainte (ci-après le Tmc), à deux auditions du prévenu et à trois séances
d'auditions de personnes appelées à donner des renseignements. Il a en outre
signé une vingtaine de courriers, deux demandes de mise en liberté et une
requête de nouvelle expertise psychiatrique. Il s'est fait remplacer par son
associé pour deux auditions de témoins et de personnes appelées à donner des
renseignements ainsi que pour une audition du prévenu. Enfin, son stagiaire l'a
remplacé pour deux séances d'auditions de témoins et pour une audience du Tmc
ayant pour objet une demande de mise en liberté. L'avocat désigné a en revanche
participé personnellement à une audition du prévenu le 21 février 2012.

B.
Le 5 mars 2012, Me Z.________ a requis que la défense d'office de X.________
lui soit confiée. L'Office central du Ministère public du canton du Valais
(ci-après: le Ministère public) a rejeté cette requête par ordonnance du 27
mars 2012. Statuant sur recours de X.________, le Juge unique de la Chambre
pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal
cantonal) a confirmé cette décision par ordonnance du 11 juin 2012. Cette
autorité a considéré qu'on ne pouvait pas reprocher une défense déficiente à Me
Y.________ et que les reproches formulés à son encontre par X.________ ne
montraient pas à l'évidence que toute relation de confiance avec ce défenseur
d'office était exclue.

C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette ordonnance, de constater que les conditions de
l'art. 134 al. 2 du code de procédure pénale suisse (CPP; RS 312.0) sont
réunies et de nommer Me Z.________ comme défenseur d'office. Il sollicite
également des mesures provisionnelles urgentes tendant à la suspension d'un
délai imparti par le ministère public pour la réquisition de nouvelles preuves.
Il requiert en outre l'octroi de l'assistance judiciaire pour la présente
procédure de recours. Y.________ a présenté des observations, s'en remettant à
justice quant au sort du recours. Le Ministère public conclut à la confirmation
de l'ordonnance attaquée et le Tribunal cantonal à l'irrecevabilité du recours.
X.________ a formulé des observations complémentaires.

D.
Par ordonnance du 5 juillet 2012, le Président de la Ire Cour de droit public a
rejeté la requête de mesures provisionnelles urgentes.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 136 I 42 consid. 1 p. 43; 135 III 329 consid. 1 p. 331
et les arrêts cités).

1.1 La décision par laquelle le juge refuse un changement de défenseur d'office
constitue une décision incidente, qui ne met pas fin à la procédure (ATF 126 I
207 consid. 1a p. 209; 111 Ia 276 consid. 2b p. 278 s.). Une telle décision ne
peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral que si elle peut causer un
préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours
peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une
procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). Cette
dernière hypothèse n'entre pas en considération en l'espèce (cf. ATF 133 IV 288
consid. 3.2 p. 292). Quant à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, il suppose, en matière
pénale, que la partie recourante soit exposée à un dommage de nature juridique,
qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre
décision qui lui serait favorable (ATF 136 IV 92 consid. 4 p. 95; 134 I 83
consid. 3.1 p. 86 s.; 133 IV 335 consid. 4 p. 338, 139 consid. 4 p. 141). Il
incombe au recourant de démontrer l'existence d'un tel préjudice lorsque
celui-ci n'est pas d'emblée évident (ATF 134 III 426 consid. 1.2 p. 429; 133 II
353 consid. 1 p. 356 et les références).

Selon la jurisprudence, le refus de désigner un avocat d'office au prévenu est
susceptible de lui causer un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al. 1
let. a LTF (ATF 133 IV 335 consid. 4 p. 338; 129 I 281 consid. 1.1 p. 283; 129
I 129 consid. 1.1 p. 131). En revanche, la décision ayant pour objet de refuser
un changement de défenseur d'office n'entraîne en principe aucun préjudice
juridique, car le prévenu continue d'être assisté par le défenseur désigné et
l'atteinte à la relation de confiance n'empêche en règle générale pas dans une
telle situation une défense efficace (ATF 133 IV 335 consid. 4 p. 339).
L'existence d'un tel dommage ne peut être admise que dans des circonstances
particulières faisant craindre que l'avocat d'office désigné ne puisse pas
défendre efficacement les intérêts du prévenu, par exemple en cas de conflit
d'intérêts ou de carences manifestes de l'avocat désigné (ATF 135 I 261 consid.
1.2 p. 263), ou encore lorsque l'autorité refuse arbitrairement de tenir compte
des voeux émis par la partie assistée (arrêts 1B_74/2008 du 18 juin 2008
consid. 2; 1B_245/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2). Le simple fait que la
partie assistée n'a pas confiance dans son conseil d'office ne lui donne pas le
droit d'en demander le remplacement lorsque cette perte de confiance repose sur
des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que
l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la
partie (ATF 114 Ia 101 consid. 3 p. 104; arrêt 6B_770/2011 du 12 juillet 2012
consid. 2.4 destiné à la publication).

1.2 En l'occurrence, la relation de confiance entre le prévenu et l'avocat
d'office désigné est certes entamée, le recourant ayant demandé à plusieurs
reprises le remplacement de cet avocat en formulant de nombreuses critiques à
son encontre. Le défenseur en question continue néanmoins d'assister le
recourant et il n'est pas d'emblée évident qu'il ne soit plus en mesure de le
faire efficacement. Le recourant, reproche notamment à son avocat d'office de
n'avoir pas assisté personnellement à un certain nombre d'audiences et d'avoir
omis de recourir contre les décisions relatives à la détention préventive et au
refus de contre-expertise. Le Tribunal cantonal a répondu de manière
circonstanciée à ces critiques, en relevant que le refus de recourir contre les
décisions précitées était fondé et que Me Y.________ était régulièrement
intervenu lors des différentes auditions, en se faisant le cas échéant
remplacer par son associé et son stagiaire.

Cette appréciation n'est pas remise en cause de manière convaincante par le
recourant, qui se borne à rappeler les audiences auxquelles l'avocat d'office
ne s'est pas présenté personnellement et à répéter qu'il aurait fallu recourir
contre les décisions susmentionnées. Or, cela ne suffit pas à démontrer que
l'avocat d'office a gravement failli dans l'exécution du mandat qui lui a été
confié. En effet, même si les nombreux remplacements de Me Y.________ par son
associé ou son stagiaire peuvent éventuellement prêter le flanc à la critique,
on ne peut pas considérer en l'état que cet avocat d'office a laissé apparaître
de graves carences dans la défense des intérêts du prévenu. De plus, il est
évident que l'avocat peut renoncer à introduire un recours qui lui paraît
d'emblée voué à l'échec et qu'il n'est pas tenu de suivre les instructions de
la partie assistée, dont il n'est pas simplement le porte-parole sans esprit
critique (cf. ATF 126 I 194 consid. 3d p. 199 et les références).

En définitive, la relation de confiance entre le recourant et l'intimé n'est
pas atteinte au point d'empêcher une défense efficace et l'autorité n'a pas
refusé arbitrairement de tenir compte des voeux du prévenu. Celui-ci continue
donc d'être assisté par un avocat qui apparaît en mesure de défendre ses
intérêts. Dans ces conditions, la décision incidente contestée par le recourant
ne lui cause pas de préjudice juridique irréparable au sens de la jurisprudence
susmentionnée, de sorte qu'elle ne peut pas faire l'objet d'un recours au
Tribunal fédéral.

1.3 Les pièces nouvelles déposées par le recourant à l'appui de ses
observations complémentaires ne sauraient modifier cette appréciation, dès lors
qu'il s'agit de moyens de preuve nouveaux irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Il
convient encore de préciser que la direction de la procédure conserve la
faculté d'ordonner en tout temps le remplacement du défenseur d'office en
application de l'art. 134 al. 2 CPP, ce qu'il lui appartiendra de faire si la
relation de confiance entre le prévenu et l'intimé devait se détériorer au
point d'empêcher une défense efficace.

2.
Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable. Il n'y a pas lieu
d'accorder l'assistance judiciaire, dès lors que les conclusions du recours
apparaissaient d'emblée vouées à l'échec (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui
succombe, doit par conséquent supporter les frais de la présente procédure
(art. 66 al. 1 LTF). L'intimé demande une indemnité à titre de dépens, à la
charge de l'Etat du Valais. Les dépens ne peuvent toutefois être mis qu'à la
charge de la partie qui succombe (art. 68 al. 1 LTF). Or, une telle issue ne se
justifie pas en l'espèce, ne serait-ce que parce que l'intimé demeure l'avocat
d'office du recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à l'Office central
du Ministère public du canton du Valais et au Juge unique de la Chambre pénale
du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 15 août 2012

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Rittener