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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.326/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_326/2012

Arrêt du 7 septembre 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger et Chaix.
Greffier: M. Kurz.

Participants à la procédure
X.________,
recourant,

contre

Ministère public de l'arrondissement de Lausanne.

Objet
procédure pénale; décision de non-entrée en matière,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des
recours pénale, du 17 avril 2012.

Faits:

A.
Le 30 juin 2011, X.________ a déposé plainte pénale à Lausanne pour faux
témoignage contre Y.________. Lors d'une audience devant le Tribunal des
Prud'hommes de l'arrondissement de Lausanne, le 23 novembre 2009, ce dernier
avait déclaré qu'à l'occasion d'une séance du 24 octobre 2008 où la résiliation
de son contrat de travail lui avait été signifiée, X.________ avait refusé de
signer la lettre de résiliation; le plaignant affirmait qu'il avait été pris de
malaise et qu'aucun document ne lui avait été soumis pour signature.
Par ordonnance du 23 janvier 2012, le Ministère public de l'arrondissement de
Lausanne a refusé d'entrer en matière. Le dossier civil contenait une lettre de
résiliation datée du 24 octobre 2008, avec un champ pour la signature du
destinataire. Le responsable des ressources humaines avait confirmé la
tentative de faire signer ce document. Il n'y avait dès lors pas d'indice de
faux témoignage.

B.
Par arrêt du 17 avril 2012, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal
vaudois a partiellement admis le recours formé par X.________, en constatant
une violation du principe de célérité, le Ministère public ayant tardé sans
raison à rendre sa décision. Pour le surplus, le recours a été rejeté. Les deux
témoins ayant participé à la séance du 24 octobre 2008 avaient confirmé que
l'intéressé avait quitté les lieux malgré l'invitation à signer la lettre de
licenciement. Par note manuscrite sur ce document, l'un d'entre eux avait
confirmé que le licenciement avait bien été signifié à l'intéressé. Le
plaignant lui- même reconnaissait avoir rapidement quitté les lieux. Il n'y
avait pas de faux témoignage et on ne voyait pas quelle mesure d'instruction
était encore envisageable.

C.
Par acte du 4 juin 2012, X.________ forme un recours en matière pénale par
lequel il demande l'ouverture d'une instruction pénale, subsidiairement le
renvoi de la cause à la cour cantonale - ou à l'autorité de première instance -
pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il demande l'assistance
judiciaire et, si nécessaire, la nomination d'un avocat d'office.
La Chambre des recours pénale se réfère à sa décision et le Ministère public
conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée a été rendue en matière pénale au sens de l'art. 78 LTF.
Elle a un caractère final (art. 90 LTF) et émane de l'autorité cantonale de
dernière instance (art. 80 LTF). Le recourant a agi en temps utile (art. 100
al. 1 LTF).

1.1 Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a
participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à
recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur
le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions
celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être
déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Selon l'art. 42 al. 1 LTF,
il incombe notamment au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme
propres à fonder sa qualité pour recourir (cf. ATF 133 II 353 consid. 1 p. 356,
249 consid. 1.1 p. 251).
Lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé contre une décision de
non-entrée en matière sur une plainte pénale, il n'est pas nécessaire que la
partie plaignante ait déjà pris des conclusions civiles (ATF 137 IV 246 consid.
1.3.1). En revanche, elle doit expliquer dans son mémoire quelles sont ces
prétentions et en quoi la décision attaquée pourrait influencer négativement
leur jugement, à moins que, compte tenu notamment de la nature de l'infraction
alléguée, l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté (ATF 137 IV 219
consid. 2.4 p. 222 et les arrêts cités).

1.2 Le recourant estime que la reconnaissance d'un faux témoignage pourrait lui
permettre de remettre en cause la validité du licenciement et d'élever les
prétentions civiles correspondantes. Même si un jugement civil a déjà été rendu
et confirmé par le Tribunal fédéral (sous réserve du délai de résiliation,
porté de deux à trois mois; cf. arrêt 4A_89/2011 du 5 avril 2011), le recourant
estime pouvoir en demander la révision. Il ressort toutefois du jugement civil
cantonal que l'argument tiré du faux témoignage a été considéré comme tardif,
faute pour le recourant d'avoir réagi lors de la déposition litigieuse. Il est
dès lors douteux qu'une révision soit envisageable dans un tel cas.
La question peut demeurer indécise car, supposé recevable, le recours devrait
de toute façon être rejeté au fond.

2.
Le recourant revient longuement sur les circonstances de son licenciement puis
sur le déroulement de la procédure devant le Tribunal des Prud'hommes. Il ne
ressort toutefois nullement de cet exposé que la cour cantonale aurait établi
les faits de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Le
Tribunal fédéral est dès lors tenu par les faits tels qu'ils ressortent de
l'arrêt attaqué (art. 105 LTF).

3.
Le recourant s'estime en mesure de démontrer que Y.________ aurait commis un
faux témoignage en prétendant avoir tenté de faire signer au recourant sa
lettre de licenciement. Aucune des deux autres personnes présentes à
l'entretien n'aurait confirmé la présentation d'une telle lettre ainsi que le
refus du recourant de signer ce document. L'une d'entre elle avait inscrit à la
main, sur ce même document, que la résiliation du contrat de travail avait été
signifiée oralement, sans faire état d'un refus de signer de la part du
recourant. L'employeur n'aurait pas non plus invoqué ce fait dans les mois qui
ont suivi la réunion. Y.________ aurait aussi déclaré ne plus savoir si la
lettre de licenciement envoyée ensuite par courrier avait été recommandée,
alors qu'il avait lui-même signé ce document.
3.1
Selon l'art. 310 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de
non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police
que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture
de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a). Il peut faire de
même en cas d'empêchement de procéder (let. b) ou en application de l'art. 8
CPP (let. c).
Le principe "in dubio pro duriore" découle du principe de la légalité (art. 5
al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF
138 IV 86 consid. 4.2 p. 91). Il signifie qu'en principe, un classement ou une
non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que
lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les
conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et
l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que
le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre
lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou
lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent
équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 138 IV 86
consid. 4.1.2 p. 91; 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288).

3.2 Lors de l'audition litigieuse, Y.________ a déclaré qu'après avoir reçu la
nouvelle de son licenciement, le recourant s'était levé assez rapidement,
ajoutant: "j'avais devant moi une lettre de licenciement qu'il aurait dû
signer. Je lui ai demandé de le faire, il a refusé et a exigé que la suite de
l'entretien devrait être mise entièrement par écrit car il se sentait mal. Je
lui ai demandé de prendre place, mais il est parti et a été dans son
bureau...". Lors de l'audition du même jour, la responsable des ressources
humaines a indiqué que le recourant s'était levé au cours de l'entretien,
demandant que tout soit mis par écrit, puis déclarant que l'entretien était
fini pour lui; Y.________ lui avait demandé de s'asseoir. "Il souhaitait lui
soumettre la lettre de résiliation. X.________ a quitté la salle". Le
représentant du service juridique, également présent, a lui aussi confirmé que
le recourant avait quitté précipitamment l'entretien. La lettre de résiliation
contient par ailleurs un champ destiné à la signature du destinataire, ce qui
démontre l'intention de Y.________ à cet égard. Elle comporte également une
mention manuscrite - signée par les trois personnes présentes - attestant que
la résiliation du contrat de travail a bien été signifiée.
Contrairement à ce que soutient le recourant, aucun de ces éléments ne vient
infirmer les déclarations de Y.________, selon lesquelles le recourant aurait
refusé de prendre connaissance de la lettre de licenciement et de la signer.
L'envoi ultérieur d'une lettre recommandée peut aussi bien s'expliquer par le
refus du recourant de signer la lettre de résiliation.

3.3 Dans ces conditions, le Ministère public n'a pas abusé de son pouvoir
d'appréciation en considérant qu'il n'y avait pas d'indice suffisant d'un faux
témoignage. Comme le relève la cour cantonale, le recourant n'indique pas non
plus quel moyen de preuve pourrait être administré à l'appui de ses
accusations.

4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, en tant qu'il est
recevable. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et celle-ci peut lui
être accordée, sous la forme d'une dispense des frais judiciaires. Il n'est pas
alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, en tant qu'il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise en ce sens qu'il n'est pas perçu
de frais judiciaires.

3.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de
l'arrondissement de Lausanne et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre
des recours pénale.

Lausanne, le 7 septembre 2012

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Kurz