Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.211/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_211/2012

Arrêt du 2 mai 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Aemisegger et Chaix.
Greffier: M. Rittener.

Participants à la procédure
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020
Renens,
recourant,

contre

Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1,
1020 Renens.

Objet
procédure pénale; surveillance téléphonique,

recours contre l'ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte du canton de
Vaud du 29 mars 2012.

Faits:

A.
Dans le cadre d'une instruction pénale conduite par le Ministère public de
l'arrondissement de Lausanne (ci-après: le Ministère public) concernant un
important trafic de cocaïne, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de
Vaud (ci-après: le Tmc) a autorisé la surveillance d'un raccordement
téléphonique utilisé par un inconnu dénommé X.________. Cette surveillance
aurait révélé que l'amie intime de celui-ci participait activement à ce trafic
de stupéfiants. Le Ministère public a donc requis l'autorisation de surveiller
un raccordement téléphonique utilisé par cette inconnue dénommée Y.________.
Par requête du 23 mars 2012, il a en outre demandé au Tmc l'autorisation
d'exploiter contre cette dernière les éléments provenant de la découverte
fortuite issue de la surveillance du raccordement utilisé par le dénommé
X.________. Il fondait cette requête sur l'art. 278 al. 3 du code de procédure
pénale suisse (CPP; RS 312.0).
Par ordonnance du 29 mars 2012, le Tmc a dit que "l'exploitation des données
issues de la surveillance ordonnée sur «X.________» pour incriminer
«Y.________» n'est pas soumise à l'autorisation du Tribunal des mesures de
contrainte". Relevant que les prénommés appartenaient au même réseau de
trafiquants, le Tmc a considéré que les données issues de cette surveillance
n'étaient pas à proprement parler une découverte fortuite dont l'exploitation
serait soumise à autorisation conformément à l'art. 278 al. 2 CPP.

B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, le Ministère public central
du canton de Vaud demande au Tribunal fédéral d'autoriser formellement
l'exploitation des preuves fortuites recueillies à l'encontre de la dénommée
Y.________ dans le cadre de la surveillance autorisée à l'endroit de l'ami de
celle-ci, subsidiairement d'ordonner au Tmc de statuer formellement sur la
requête déposée par le Ministère public le 23 mars 2012. Le Tmc a renoncé à se
déterminer sur le recours.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 136 I 42 consid. 1 p. 43; 135 III 329 consid. 1 p. 331
et les arrêts cités).

1.1 La contestation portant sur une mesure de surveillance en matière pénale,
le recours au Tribunal fédéral est régi par les art. 78 ss LTF. Conformément à
l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF, l'accusateur public a en principe la qualité
pour recourir (cf. ATF 137 IV 340 consid. 2.3.1 p. 344 s., 22 consid. 1 p. 23;
134 IV 36 consid. 1.4.3 p. 40 s.). Bien que ce soit le Ministère public de
l'arrondissement de Lausanne qui ait pris part à la procédure devant l'instance
précédente, le Ministère public central du canton de Vaud peut former un
recours (cf. ATF 134 IV 36 consid. 1.3 p. 38 s.; arrêt 1B_195/2011 du 28 juin
2011, consid. 1.1).

1.2 Seules les décisions prises par les autorités cantonales de dernière
instance et par le Tribunal pénal fédéral peuvent faire l'objet d'un recours en
matière pénale au Tribunal fédéral (art. 80 al. 1 LTF). Sur le plan cantonal,
un tribunal supérieur doit en principe statuer sur recours, sauf dans les cas
où le CPP prévoit un tribunal des mesures de contrainte ou un autre tribunal
comme instance cantonale unique (art. 80 al. 2 LTF). Les décisions du Tmc ne
peuvent faire l'objet d'un recours au sens du CPP que dans les cas prévus par
ledit code (art. 393 al. 1 let. c CPP; voir également art. 20 al. 1 let. c
CPP). En matière de surveillance de la correspondance par poste et
télécommunication, les décisions d'autorisation ou de refus d'autorisation
émanant du Tmc ne sont pas susceptibles de recours (cf. art. 272 ss CPP). Un
recours ne pourra être interjeté qu'ultérieurement par les personnes
surveillées, lorsque celles-ci auront été informées de la surveillance dont
elles ont fait l'objet (art. 279 al. 2 CPP). En l'occurrence, la décision du
Tmc n'est donc pas susceptible d'un recours, de sorte que l'exception légale à
l'exigence d'une double instance est réalisée (ATF 137 IV 340 consid. 2.2 p.
343). Le recours est dès lors recevable au regard de l'art. 80 LTF.

1.3 La décision attaquée constitue une décision incidente, qui ne met pas fin à
la procédure. Dès lors qu'elle n'entre pas dans le champ d'application de
l'art. 92 LTF, elle ne peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral que
si elle peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si
l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui
permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let.
b LTF). Cette dernière hypothèse n'entre pas en considération en l'espèce (cf.
ATF 133 IV 288 consid. 3.2 p. 292). Quant à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, il
suppose, en matière pénale, que la partie recourante soit exposée à un dommage
de nature juridique, qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un
jugement final ou une autre décision qui lui serait favorable (ATF 136 IV 92
consid. 4 p. 95; 134 I 83 consid. 3.1 p. 86 s.; 133 IV 335 consid. 4 p. 338;
139 consid. 4 p. 141). Ces exigences valent également lorsque le recours est
formé par le ministère public (cf. arrêt 1B_240/2011 du 28 juin 2011 consid.
1.3 et les arrêts cités).
En l'espèce, le Ministère public recourant soutient que la décision litigieuse
est susceptible d'entraîner un préjudice irréparable pour la procédure en
cours, dans la mesure où elle n'autorise pas expressément l'utilisation d'une
preuve à l'encontre de la dénommée Y.________, qui apparaît impliquée dans un
trafic de stupéfiants. La preuve serait inexploitable faute d'autorisation
expresse, de sorte que le procureur ne pourrait pas ouvrir d'instruction contre
la prénommée ni ordonner d'autres mesures de contrainte sur cette base. Il lui
serait également impossible d'ordonner l'arrestation simultanée de X.________
et Y.________ pour éviter la collusion entre eux et favoriser l'établissement
de leur activité délictueuse. Dans ces conditions, il apparaît effectivement
que la décision litigieuse est susceptible d'entraver le bon déroulement de
l'instruction et de compromettre définitivement la recherche de la vérité. On
peut dès lors admettre que cette décision est de nature à causer un préjudice
irréparable au sens de la jurisprudence susmentionnée. Il y a donc lieu
d'entrer en matière sur le recours.

2.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 278 CPP, réglant les
découvertes fortuites au cours d'une surveillance. Le refus du Tmc d'autoriser
formellement l'exploitation d'une preuve découverte fortuitement contre la
dénommée Y.________, dans le cadre d'une surveillance ordonnée contre un tiers,
serait contraire à la disposition précitée.

2.1 Aux termes de l'art. 278 al. 1 CPP, si, lors d'une surveillance, d'autres
infractions que celles qui ont fait l'objet de l'ordre de surveillance sont
découvertes, les informations recueillies peuvent être utilisées à l'encontre
du prévenu lorsqu'une surveillance aurait pu être ordonnée aux fins de la
poursuite de ces actes. Selon l'alinéa 2 de cette disposition, les informations
concernant une infraction dont l'auteur soupçonné ne figure pas dans l'ordre de
surveillance peuvent être utilisées lorsque les conditions requises pour une
surveillance de cette personne sont remplies. Enfin, l'alinéa 3 précise que,
dans les cas visés aux alinéas précédents, le ministère public ordonne
immédiatement la surveillance et engage la procédure d'autorisation. Cette
procédure d'autorisation est réglée par l'art. 274 CPP, qui impose au ministère
public de transmettre au Tmc, dans les 24 heures à compter du moment où la
surveillance a été ordonnée, certains documents déterminants pour
l'autorisation de la surveillance (al. 1), l'autorité précitée étant tenue de
statuer dans les cinq jours à compter du moment où la surveillance a été
ordonnée (al. 2). Le sort des informations recueillies lors d'une surveillance
non autorisée est réglé à l'art. 277 CPP, qui prévoit que les documents et
enregistrements collectés doivent être immédiatement détruits (al. 1) et que
les informations ainsi récoltées ne peuvent être exploitées (al. 2).

2.2 Le Tmc a considéré que les données recueillies par le Ministère public ne
constituaient pas à proprement parler une découverte fortuite dont
l'exploitation devrait être soumise à autorisation au sens de l'art. 278 al. 2
CPP. Il fonde cette appréciation sur le fait que les dénommés X.________ et
Y.________ appartiennent au même réseau de trafiquants et il précise qu'une
autorisation aurait été nécessaire si les écoutes litigieuses avaient permis
d'incriminer X.________ pour une infraction d'une autre nature.
Ce raisonnement ne saurait être suivi. En effet, si une autorisation est
nécessaire pour utiliser des données relatives à d'autres infractions commises
par le dénommé X.________, qui fait l'objet de la surveillance déjà autorisée,
il en va a fortiori de même s'il s'agit d'exploiter des données concernant une
autre personne, qui n'était pas visée par l'autorisation délivrée. Sans cela,
on voit mal comment le Ministère public pourrait se fonder sur les informations
recueillies dans le cadre de la surveillance de X.________ afin d'interpeller
la dénommée Y.________ ou pour entreprendre d'autres mesures à son endroit.
L'art. 278 al. 2 CPP est au demeurant clair sur ce point, puisqu'il prévoit que
les informations concernant une infraction dont l'auteur soupçonné ne figure
pas dans l'ordre de surveillance - ce qui est le cas de la dénommée Y.________
- ne peuvent être utilisées que lorsque les conditions requises pour une
surveillance de cette personne sont remplies. Il convient donc de déterminer si
ces conditions sont réalisées, dans le cadre de la procédure d'autorisation
régie par l'art. 274 CPP. L'art. 278 al. 3 exige en effet clairement que cette
procédure d'autorisation soit engagée. Il appartient dès lors au Tmc de statuer
sur ce point, l'absence d'autorisation empêchant l'exploitation des
informations recueillies (art. 277 CPP).

2.3 Dans ces conditions, le Tmc ne pouvait pas se dispenser de statuer sur la
demande d'autorisation d'exploiter les éléments concernant la dénommée
Y.________, auteur soupçonnée ne figurant pas dans l'ordre de surveillance du
dénommé X.________. L'ordonnance attaquée viole donc l'art. 278 al. 2 et 3 CPP
en relation avec l'art. 274 CPP. Pour se conformer à ces dispositions, le Tmc
devra entrer en matière sur la requête du Ministère public, en l'admettant ou
en la rejetant s'il estime que les conditions de l'art. 269 CPP ne sont pas
réunies. Il statuera dans les cinq jours à compter de la notification du
présent arrêt (cf. art. 274 al. 2 CPP).

3.
Il s'ensuit que le recours doit être admis et l'ordonnance attaquée annulée. La
cause est renvoyée au Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud pour
qu'il statue, dans les cinq jours à compter de la notification du présent
arrêt, sur la demande présentée le 23 mars 2012 par le Ministère public de
l'arrondissement de Lausanne. Il n'y a pas lieu de percevoir de frais pour la
présente procédure (art. 66 al. 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'ordonnance attaquée est annulée.

2.
La cause est renvoyée au Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud
pour qu'il statue, dans les cinq jours à compter de la notification du présent
arrêt, sur la demande présentée le 23 mars 2012 par le Ministère public de
l'arrondissement de Lausanne.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué au Ministère public central et au Tribunal des
mesures de contrainte du canton de Vaud.

Lausanne, le 2 mai 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Rittener