Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.128/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_128/2012

Arrêt du 23 mars 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Raselli et Eusebio.
Greffier: M. Rittener.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Ludovic Tirelli, avocat,
recourant,

contre

Ministère public de l'arrondissement de Lausanne,
p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020
Renens.

Objet
détention provisoire,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des
recours pénale, du 31 janvier 2012.

Faits:

A.
A.________ a été arrêté le 15 octobre 2011 dans le cadre d'une instruction
pénale conduite par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne
(ci-après: le Ministère public) et portant sur un trafic de stupéfiants. Il lui
est en substance reproché d'avoir participé à un trafic international d'héroïne
portant sur plusieurs kilos. Relaxé le 16 octobre 2011, A.________ a été
appréhendé une seconde fois le lendemain matin suite à de nouveaux
développements de l'enquête. Par ordonnance du 19 octobre 2011, le Tribunal des
mesures de contrainte du canton du Vaud (ci-après: le Tmc) a ordonné la
détention provisoire du prénommé, en raison de risques de fuite et de
collusion.
Par ordonnance du 13 janvier 2012, le Tmc a prolongé la détention provisoire de
A.________ jusqu'au 17 avril 2012. L'intéressé a recouru contre cette décision
auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton du Vaud
(ci-après: le Tribunal cantonal), qui a rejeté ce recours par arrêt du 31
janvier 2012. Constatant qu'il existait des charges suffisantes à l'encontre de
A.________, cette autorité a considéré que le maintien en détention provisoire
était justifié par les risques de fuite et de collusion.

B.
A.________ recourt contre cette ordonnance auprès du Tribunal fédéral, en
concluant à ce que la décision attaquée soit réformée dans le sens d'une mise
en liberté immédiate. Il se plaint d'une appréciation arbitraire des faits et
invoque implicitement la violation des dispositions du code de procédure pénale
suisse (CPP; RS 312.0) relatives à la détention avant jugement. Il requiert en
outre l'octroi de l'assistance judiciaire. Le Ministère public conclut au rejet
du recours en se référant aux considérants de la décision attaquée. Le Tribunal
cantonal a renoncé à se déterminer. Le recourant a présenté des observations
complémentaires.

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les
décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions en matière
de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss
CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). L'accusé a qualité pour agir en vertu de
l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF. Pour le surplus, le recours est
formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en
dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont
recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.

2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle
(art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31
al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en
outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la
proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270).
Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les
besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de
réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces
conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes,
soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let.
c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168).
Le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des faits, revue sous l'angle restreint des art. 97 al. 1 et 105
al. 2 LTF (ATF 135 I 71 consid. 2.5 p. 73 s. et les références).

3.
Le recourant ne s'en prend pas aux risques de fuite et de collusion, qui
apparaissent au demeurant établis. Il conteste uniquement le caractère
suffisant des charges pesant sur lui, en se plaignant à cet égard d'une
appréciation arbitraire des faits.

3.1 Pour qu'une personne soit placée en détention préventive, il doit exister à
son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité,
c'est-à-dire des raisons plausibles de la soupçonner d'avoir commis une
infraction. Il n'appartient cependant pas au juge de la détention de procéder à
une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la
crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement
examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle
mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention
préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des
soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers
temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître
vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables
(ATF 137 IV 122 consid. 3.2 p. 126 s.; 116 Ia 143 consid. 3c p. 146; GÉRARD
PIQUEREZ, Traité de procédure pénale suisse, 2e éd., 2006, p. 540 et les
références).
Conformément à l'art. 105 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral statue en principe sur
la base des faits établis par l'autorité précédente. L'art. 105 al. 2 LTF ne
permet de s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement
inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
(ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 II 304 consid. 2.4 p. 314; 134 V 53
consid. 4.3 p. 62) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF. Le
recourant peut critiquer les constatations de fait aux mêmes conditions, si la
correction du vice soulevé est susceptible d'influer sur le sort de la cause
(art. 97 al. 1 LTF). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement
des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité n'a manifestement pas compris
le sens et la portée d'un moyen de preuve, si elle ne prend pas en compte, sans
raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision ou
lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF
136 III 552 consid. 4.2 p. 560; 134 V 53 consid. 4.3 p. 62; 129 I 8 consid. 2.1
p. 9). Il appartient au recourant de démontrer de manière précise que ces
conditions sont réalisées, par une argumentation répondant aux exigences de
motivation de l'art. 42 al. 2 LTF (cf. ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 133
II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.).

3.2 Le Tribunal cantonal a constaté l'existence de sérieux soupçons de
culpabilité à l'égard du recourant. Il a notamment retenu que celui-ci était en
contact avec B.________, qui était en train d'organiser une livraison d'héroïne
en Suisse en octobre 2011. A ce moment, le recourant avait rejoint le prénommé
en Suisse depuis l'Albanie. D'autres protagonistes devaient les retrouver
depuis Milan avec une ou plusieurs voitures "chargées". Lorsque ces derniers
ont été interpellés, la police n'a pas découvert de drogue mais uniquement des
fioles et une pipe à embouts, de sorte que les prévenus ont été relaxés. Un
interlocuteur se trouvant en Albanie avait alors enjoint le recourant de
quitter immédiatement la Suisse et de n'appeler personne. Par ailleurs, la
police avait intercepté dans le canton de Glaris une voiture portant des
plaques grecques et contenant 5 kg d'héroïne. Or, les personnes se trouvant
dans ce véhicule y étaient montées dix minutes après la relaxation du recourant
et de ses comparses et elles étaient en relation avec eux. Le téléphone
portable du recourant contenait en outre un message concernant une voiture
volée en Grèce et il avait reçu un sms lui indiquant précisément le lieu où se
trouvait le véhicule contenant les 5 kg d'héroïne.

3.3 Contestant tout d'abord l'établissement des faits, le recourant reproche au
Tribunal cantonal d'avoir retenu les éléments précités de manière très
imprécise et par conséquent arbitraire. Il relève en substance que ses liens
avec B.________ n'ont rien de répréhensible, qu'il ne connaissait qu'une des
personnes se trouvant dans la voiture "chargée" en provenance de Milan, que le
terme "chargée" est au demeurant équivoque puisqu'aucune drogue n'a été
découverte dans ce véhicule, que seules une fiole et une pipe à embouts y ont
été trouvées et que leur "rôle" n'a pas été établi, qu'il n'a pas été davantage
démontré que la voiture volée en Grèce dont il possédait le numéro de châssis
était bien la voiture contenant les 5 kg d'héroïne, et enfin, que le sms
retrouvé dans son téléphone portable ne contenait pas "l'adresse précise" du
lieu où se trouvait la voiture contenant cette drogue.
Il n'est pas nécessaire d'examiner chacune des critiques exposées ci-dessus,
car le recourant ne peut se plaindre d'une constatation arbitraire des faits
que si la correction du vice soulevé est susceptible d'influer sur le sort de
la cause (art. 97 al. 1 LTF). Une telle influence n'est pas donnée pour les
faits précités pris isolément si d'autres faits apparaissent suffisants pour
fonder l'existence de sérieux soupçons de culpabilité. Or, les liens du
recourant avec B.________, les contacts qu'ils ont eu au moment de la livraison
de drogue et le sms indiquant l'emplacement du véhicule contenant 5 kg
d'héroïne sont à eux seuls suffisants pour éveiller de tels soupçons à
l'endroit du recourant.
Il n'est pas contesté que B.________ était occupé à organiser une livraison
d'héroïne en octobre 2011, que le recourant était en contact régulier avec
celui-ci et qu'il l'a rejoint en Suisse au moment où cette livraison devait
avoir lieu. Contrairement à ce que soutient le recourant, la nature exacte de
leur relation n'est pas pertinente et il n'appartient pas au juge de la
détention d'établir son rôle ou sa fonction dans le trafic de stupéfiants
faisant l'objet de l'instruction. Quant au sms retrouvé dans le téléphone
portable du recourant, il a été reçu le 13 octobre 2011 et il a la teneur
suivante: "Ziegelbrücke, 766503116". Dès lors que les occupants de la voiture
contenant les 5 kg d'héroïne ont été arrêtés le 16 octobre 2011, au moment où
ils regagnaient ce véhicule à Ziegelbrücke, dans le canton de Glaris, le
message précité est suffisamment clair pour éveiller de sérieux soupçons quant
à l'implication du recourant. Un rapport de police mentionne certes que le
véhicule était garé à "8867 Niederurnen/GL, Ziegelbrückstr.", mais on comprend
qu'il vise bien la localité de Ziegelbrücke, sur le territoire de l'ancienne
commune de Niederurnen. Le rapport de la police glaronaise mentionne d'ailleurs
sans équivoque que les occupants du véhicule ont été interpellés à
"Ziegelbrücke/GL", sur le parking situé devant le restaurant "Ziegelbrücke".
Dans ces conditions, les considérations du recourant sur d'autres localités
comportant des rues appelées Ziegelbrückstrasse sont dénuées de pertinence;
elles relèveraient tout au plus d'une invraisemblable coïncidence mais elles ne
démontrent pas un quelconque arbitraire dans l'établissement des faits. Il est
au demeurant évident que le message en cause fonde de sérieux soupçons à
l'égard du recourant et que cet élément, associé notamment aux liens de
l'intéressé avec B.________ et à sa présence en Suisse au moment de la
transaction litigieuse, permet de retenir que les charges sont suffisantes.

4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Dès lors que le recourant est dans
le besoin et que l'on peut admettre que ses conclusions n'étaient pas d'emblée
vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1
LTF). Il y a lieu de désigner Me Ludovic Tirelli en qualité d'avocat d'office
et de fixer d'office ses honoraires, qui seront supportés par la caisse du
Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est en outre dispensé des
frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Ludovic Tirelli est désigné
comme défenseur d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la
caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 francs.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public
de l'arrondissement de Lausanne, par le Ministère public central du canton de
Vaud, et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.

Lausanne, le 23 mars 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Rittener