Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 9/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_9/2009

Arrêt du 28 septembre 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Pfiffner Rauber.
Greffier: M. Berthoud.

Parties
Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, Rue de Lyon 97, 1203
Genève,
recourant,

contre

D.________,
représentée par Me Diane Broto-Anghelopoulo, avocate,
intimée.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 11 novembre 2008.

Faits:

A.
Par décision du 24 septembre 2004, l'Office cantonal de l'assurance-invalidité
du canton de Genève (l'office AI) a alloué une rente entière d'invalidité à
D.________ à partir du 1er août 2003, fondée sur un degré d'invalidité de 93 %.
L'évaluation de l'invalidité, effectuée selon la méthode mixte, tenait compte
d'une incapacité totale de travail dans un emploi d'assistante en pharmacie,
exercé à 90 %; pour les tâches ménagères, auxquelles 10 % du temps était
consacré, l'empêchement s'élevait à 30 %.

Dans le cadre de la révision du droit à la rente, initiée en septembre 2005,
l'office AI a confié un mandat d'expertise au professeur G.________,
rhumatologue à l'Hôpital X.________. A l'examen des conclusions de l'expert
G.________ (rapport du 20 septembre 2006), le docteur C.________, médecin au
SMR, a estimé que la capacité de travail de l'assurée avait toujours été de 80
%, hormis une période périopératoire en 2003 (note du 30 octobre 2006). Lors
d'une enquête économique sur le ménage, l'assurée a déclaré qu'elle occuperait
une activité lucrative à 50 % sans atteinte à la santé; quant aux empêchements
dans le ménage, ils ont été chiffrés à 14,2 % (enquête du 19 mars 2007).
L'office AI a fait savoir à l'assurée qu'il envisageait de supprimer la rente,
dès lors que le taux d'invalidité s'élevait à 7 % (projet de décision du 29
mars 2007). Exerçant son droit d'être entendue, l'assurée a allégué que son
état de santé s'était dégradé; elle a produit des attestations médicales du
docteur N.________ et de la clinique Y.________, et annoncé une consultation
auprès du docteur R.________ en vue d'une intervention. Par décision du 24
janvier 2008, conforme à son projet, l'office AI a supprimé la rente.

B.
D.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances sociales du
canton de Genève en concluant au maintien de sa rente.

Par jugement du 11 novembre 2008, la juridiction cantonale a admis le recours
et annulé la décision du 24 février (recte : janvier) 2008.

C.
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision du
24 janvier 2008.

L'intimée conclut au rejet du recours avec suite de frais et dépens; elle
sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire. L'Office fédéral
des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Par ordonnance du 10 mars 2009, le Juge instructeur a admis la requête d'effet
suspensif au recours présentée par l'office recourant.

Considérant en droit:

1.
La décision administrative du 24 janvier 2008, à teneur de laquelle la rente
entière d'invalidité dont l'intimée bénéficiait depuis le 1er août 2003 a été
supprimée, procède simultanément d'une reconsidération de la décision initiale
d'octroi de cette prestation (art. 53 LPGA) et d'une révision du droit à la
rente (art. 17 LPGA). En bref, pour la reconsidération, le recourant a admis
que sa décision initiale était manifestement erronée car l'étendue de la
capacité de travail avait été fixée à un moment où l'intimée était enceinte.
Quant à la révision, l'office recourant a retenu que l'état de santé de
l'intimée était compatible avec une activité exercée à 80 % et qu'un des
critères d'évaluation de l'invalidité selon la méthode mixte avait changé
depuis l'octroi de cette prestation, savoir le rapport entre les tâches
ménagères et l'activité lucrative, désormais de 50 % pour chacune d'elles.

2.
A propos de la révision de la rente, le tribunal des assurances a reconnu
pleine valeur probante au rapport de l'expert G.________, en précisant qu'il
n'y avait en principe pas lieu de s'écarter de ses conclusions bien motivées.
Après avoir rappelé que les docteurs N.________, B._________ et R.________
avaient fait état d'une incapacité de travail, le tribunal a constaté que ces
médecins et l'expert G.________ avaient retenu les mêmes diagnostics mais que
leur appréciation du cas était différente. Il en a déduit qu'il n'y avait pas
matière à révision en l'état (consid. 11 du jugement).

Quant à la question de la reconsidération, le tribunal des assurances a
constaté que l'office AI s'était jadis fondé sur les rapports des docteurs
N.________ et B._________ pour prendre sa décision du 24 septembre 2004. Comme
le docteur N.________ avait fait état à l'époque d'une incapacité totale de
travailler dans l'activité lucrative et qu'une reprise du travail avait été
tentée sans succès en novembre 2003, le tribunal en a déduit, en se référant à
l'arrêt I 703/02 du 4 juillet 2003, que la décision de rente n'était pas
manifestement erronée (consid. 14 du jugement).

Ayant ainsi admis que les conditions d'une reconsidération et d'une révision
n'étaient pas réalisées, la juridiction cantonale de recours a dès lors annulé
la décision du 24 janvier 2008.

3.
Le recourant invoque d'abord une violation du principe de la libre appréciation
des preuves. Il reproche en particulier aux premiers juges de ne pas avoir
exposé les motifs qui les ont conduits à s'écarter des conclusions du
professeur G.________ au profit de l'avis des docteurs N.________ et
B._________, quand bien même les juges avaient préalablement admis que le
rapport de l'expert G.________ avait force probante.

Le recourant fait ensuite grief au tribunal cantonal d'avoir considéré à tort
que les conditions d'une révision, au sens de l'art. 17 LPGA n'étaient pas
réalisées. D'une part, il soutient que les juges cantonaux n'ont pas comparé
les faits existant au moment de la décision initiale avec ceux qui prévalaient
lors de la procédure de révision; à son avis, cette omission a eu pour
conséquence de ne pas prendre en compte le fait que l'incapacité totale de
travail avait été causée par la grossesse de l'assurée et que la situation
avait évolué au moment de la révision. D'autre part, le recourant reproche au
tribunal des assurances d'avoir ignoré que les facteurs entrant en compte lors
de l'évaluation de l'invalidité selon la méthode mixte avaient fondamentalement
changé, dès lors que la part consacrée à la tenue du ménage avait passé de 10 %
à 50 %.

4.
Ainsi que le recourant le relève à juste titre, la motivation du jugement
attaqué est lacunaire sur la question de la révision de la rente (art. 17
LPGA). En effet, le tribunal cantonal a uniquement constaté que l'appréciation
de l'expert mandaté par l'AI divergeait de celle des médecins traitants de
l'intimée, ce qui l'a conduit à admettre que l'administration n'était pas en
droit de réviser la rente. Si la juridiction cantonale a certes pris position
sur la controverse, comme elle doit le faire lorsqu'elle établit les faits
déterminants conformément à l'art. 61 let. c LPGA, elle a en revanche manqué à
son obligation d'exposer clairement les raisons qui l'ont amenée à adopter une
solution plutôt qu'une autre, ainsi que l'art. 61 let. h LPGA le prescrit. Il
s'ensuit que le Tribunal fédéral ne dispose pas d'éléments suffisants pour dire
si les preuves ont été administrées et (en particulier) appréciées conformément
à l'art. 61 let. c LPGA, ainsi qu'il doit l'examiner d'office (art. 106 al. 1
LTF).

Par ailleurs, les juges cantonaux n'ont pas cherché à savoir, dans le cadre de
leur examen de la légalité de la décision du 24 janvier 2008, si le degré de
l'invalidité avait été affecté par une modification des circonstances
personnelles de l'intimée, singulièrement par le temps désormais consacré aux
tâches ménagères et à l'exercice d'une activité lucrative (voir les résultats
de l'enquête économique du 19 mars 2007, en particulier le ch. 2b).

5.
Dès lors que la motivation du jugement attaqué ne satisfait pas aux réquisits
des art. 61 let. h LPGA et 112 al. 1 let. b LTF, le jugement doit être annulé
et la cause renvoyée au tribunal cantonal pour qu'il se prononce à nouveau
(art. 112 al. 3 LTF).

Vu l'issue du litige, on peut renoncer à ce stade à examiner le bien-fondé du
jugement attaqué dans la mesure où il admet que le recourant n'était pas en
droit de reconsidérer (art. 53 LPGA) sa décision initiale (consid. 14 du
jugement).

6.
L'intimée, qui succombe, remplit les conditions du droit à l'assistance
judiciaire dont elle a requis le bénéfice (art. 64 LTF). Elle sera ainsi
provisoirement dispensée de payer les frais de justice (al. 1); quant aux
honoraires de son avocate, ils seront pris en charge par la caisse du tribunal
(al. 2). L'éventualité prévue à l'al. 4 est réservée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève du 11 novembre 2008
est annulé, la cause lui étant renvoyée pour nouveau jugement.

2.
L'assistance judiciaire est accordée à l'intimée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
Ils sont toutefois supportés provisoirement par la caisse du tribunal.

4.
Une indemnité de 2'800 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée),
provisoirement supportée par la caisse du tribunal, est allouée à Me Diane
Broto-Anghelopoulo à titre d'honoraires.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 28 septembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Berthoud