Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 967/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_967/2009

Arrêt du 2 juin 2010
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges U. Meyer, Président,
Pfiffner Rauber et Boinay, Juge suppléant.
Greffier: M. Berthoud.

Participants à la procédure
Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, rue de Lyon 97, 1203
Genève,
recourant,

contre

T.________,
intimée.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 7 octobre 2009.

Faits:

A.
T.________ est bénéficiaire de l'aide sociale. Le 3 septembre 2004, elle a
déposé une demande de prestations auprès de l'office cantonal de
l'assurance-invalidité de la République et canton de Genève (ci-après :
l'office AI) en vue de l'octroi d'une rente suite à un état dépressif.
Dans un rapport du 19 octobre 2004, le docteur J.________, rhumatologue et
médecin traitant, a diagnostiqué un état anxio-dépressif et une discopathie
C5-C6, avec répercussion sur la capacité de travail, ainsi que, sans
répercussion sur la capacité de travail, une hyperlipidémie traitée et une
dépendance à l'alcool et au THC. Il a estimé que la capacité de travail de sa
patiente était nulle depuis le 20 mai 2003 et que la capacité résiduelle était
difficile à quantifier. Le médecin traitant a demandé une évaluation
psychiatrique. Le 15 janvier 2007, il a confirmé son précédant rapport,
estimant que les diagnostics étaient inchangés et que la capacité de travail
était toujours nulle.
Le docteur R.________, psychiatre au SMR, a examiné T.________ le 2 mai 2007.
Dans son rapport du 11 février 2008, il n'a diagnostiqué aucune atteinte
psychiatrique ayant une influence sur la capacité de travail. En revanche, il a
posé les diagnostics suivants sans répercussion sur la capacité de travail :
personnalité émotionnellement labile, type borderline, non décompensée (F
60.31), dysthymie (F 34.1), troubles mentaux et troubles du comportement liés à
l'utilisation d'alcool, utilisation épisodique (F 10.26), liés à l'utilisation
de dérivés du cannabis et de cocaïne, actuellement abstinent (F 19.20) et liés
à l'utilisation de sédatifs et d'hypnotiques, utilisation continue (F 13.25).
Pour le docteur R.________, il n'y a aucune maladie psychiatrique invalidante
et, partant, aucune incapacité de travail. T.________ peut exercer son ancienne
activité de réceptionniste-téléphoniste ou toute autre activité adaptée à 100 %
sans limitation de rendement.
Dans un rapport du 22 février 2008, le docteur O.________, spécialiste de
médecine interne, a repris les conclusions du docteur R.________.
Par projet de décision du 18 mars 2008, l'office AI a nié tout droit aux
prestations, estimant que la capacité de travail était entière. T.________ a
contesté la position de l'office AI et a demandé un entretien, qui a eu lieu le
30 avril 2008 et au cours duquel elle a fait état d'un traitement
psychiatrique, débuté six mois plus tôt, chez le docteur H.________,
psychiatre. A la demande de l'office AI, elle s'est engagée à faire parvenir un
rapport de ce praticien.
Sans réponse de l'assurée, l'office AI a nié tout droit aux prestations par
décision du 18 septembre 2008.

B.
T.________ a recouru contre la décision de l'office AI auprès du Tribunal
cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève. Elle a
conclu implicitement à son annulation et à l'octroi des prestations. Interpelé
par l'autorité cantonale, le docteur H.________ a fourni un rapport du 28 mars
2009, dans lequel il a retenu les diagnostics suivants : trouble de l'humeur
persistant : dysthymie dépressive (F 34.1), trouble anxiété généralisé (F
41.1), phobie sociale sévère (F 40.1), trouble de la personnalité de type
borderline (F 60.31), troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation
épisodique d'alcool (F 10.26) et à l'utilisation continue de tranquillisants et
hypnotiques (F 13.25). Pour ce médecin, il existe une incapacité totale de
travail motivée par des limitations psychiques, résultant d'une tolérance très
basse à l'anxiété et au stress, d'accès dépressifs sévères à raison de 2-4
jours par quinzaine avec effondrement dépressif, d'isolement social massif,
d'excès alimentaires, de la consommation d'alcool, de l'hypersomnie et de
l'instabilité affective avec déficits du contrôle de son impulsivité et passage
à des actes auto-agressifs.
Par ordonnance du 12 mai 2009, l'autorité cantonale a décidé de confier une
expertise psychiatrique au docteur U.________, spécialiste en psychiatrie et
psychothérapie. Dans son rapport du 10 juillet 2009, l'expert a retenu les
diagnostics suivants : trouble de la personnalité émotionnellement labile, type
borderline (F 60.31), phobie sociale (F 40.1), épisode dépressif moyen sans
syndrome somatique (F 32.10) et dysthymie (F 34.1), dépendance à l'alcool,
utilisation épisodique (F 10.26) et trouble de l'alimentation, sans précision
(F 50.9). Pour l'expert, la capacité de travail est nulle au moment de l'examen
et probablement depuis janvier 2008.
L'office AI s'est déterminé sur l'expertise le 15 septembre 2009 et a demandé
la confirmation de sa décision du 18 mars 2008. Il a contesté les appréciations
de l'expert et du docteur H.________.
Par jugement du 7 octobre 2009, le Tribunal cantonal des assurances sociales a
admis le recours de T.________, annulé la décision de l'office AI, octroyé une
rente entière d'invalidité à compter du 1er janvier 2009 et mis les frais de
procédure à la charge de l'office AI.

C.
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce
jugement. Il demande son annulation et la confirmation de la décision attaquée.
Il conclut également à l'octroi de l'effet suspensif au recours.
L'intimée conclut implicitement au rejet du recours.
L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95
let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF),
n'étant ainsi limité ni par les arguments du recourant, ni par la motivation de
l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p.140). Le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de
l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF et ne peut aller au-delà
des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur
les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF).
Il examine sur la base des griefs soulevés dans le recours si le jugement
entrepris viole (notamment) le droit fédéral dans l'application des règles
pertinentes du droit matériel et de preuve (art. 95 let. a LTF) y compris une
éventuelle constatation des faits manifestement inexacte ou en violation du
droit (art. 97 al. 1, art. 105 al. 2 LTF).

2.
La juridiction cantonale a considéré que l'octroi d'une rente était possible à
partir de janvier 2009, car la capacité de travail était nulle au plus tard en
janvier 2008. Se fondant sur les rapports de l'expert judiciaire U.________ du
10 juillet 2009 et du psychiatre traitant H.________ du 28 mars 2009, dont elle
a admis qu'ils avaient pleine valeur probante, l'instance précédente a retenu
que l'intimée ne remplissait pas les conditions légales pour l'octroi d'une
rente d'invalidité le 18 septembre 2008 lorsque le recourant a rendu sa
décision. En revanche, comme l'incapacité de travail était totale à partir de
janvier 2008 et qu'elle perdurait au moment où l'expertise judiciaire avait été
réalisée, en juillet 2009, les premiers juges ont étendu la procédure
juridictionnelle, admis le recours et octroyé une rente entière d'invalidité
dès janvier 2009.
De son côté, le recourant conteste la possibilité de procéder à une extension
de la procédure juridictionnelle.

3.
3.1 De jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la
légalité des décisions attaquées d'après l'état de fait existant au moment où
la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement et
ayant modifié cette situation doivent faire l'objet d'une nouvelle décision
administrative (cf. ATF 131 V 242 consid. 2.1 p. 243, 121 V 362 consid. 1b p.
366). Pour des motifs d'économie de procédure, la procédure juridictionnelle
administrative peut être étendue à une question en état d'être jugée qui excède
l'objet de la contestation, c'est-à-dire le rapport juridique visé par la
décision, lorsque cette question est si étroitement liée à l'objet initial du
litige que l'on peut parler d'un état de fait commun, et à la condition que
l'administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure au
moins (ATF 130 V 501 consid. 1.2 p. 503, ATF 122 V 34 consid. 2a p. 36 et les
références).

3.2 La décision du 18 septembre 2008 niait tout droit aux prestations pour
l'intimée en se fondant sur l'avis du docteur R.________ pour qui les
affections psychiatriques dont souffre l'assurée n'entraînent aucune incapacité
de travail. L'expert mandaté par les premiers juges a constaté une péjoration
de l'état de santé mentale de l'intimée dès janvier 2008, confirmant ainsi
l'avis du psychiatre traitant. Ces trois médecins ont examiné l'intimée à des
périodes différentes mais ont diagnostiqué des affections psychiatriques dont
il faut admettre à l'évidence qu'elles constituent un état de fait commun
d'autant plus étroitement lié à l'objet du litige que les constatations du
docteur H.________ se rapportent, en partie au moins, à une situation
antérieure à la décision attaquée. Le recourant s'étant prononcé sur la
question, il y a lieu d'admettre que la juridiction pouvait statuer sur
l'affaire en retenant un état de fait partiellement postérieur à la décision.

4.
Il y a donc lieu d'examiner la conformité au droit fédéral du jugement attaqué
en tenant compte également des faits nouveaux ressortant de la procédure
juridictionnelle cantonale.

4.1 L'autorité cantonale a admis, en se fondant sur les conclusions de l'expert
judiciaire, que l'intimée souffrait d'affections psychiques rendant impossible
toute activité professionnelle.

4.2 Le recourant reproche aux premiers juges d'avoir apprécié les preuves de
manière contraire au droit fédéral et au principe de l'interdiction de
l'arbitraire. Il considère en particulier que la phobie sociale, sur laquelle
l'expert judiciaire fonde une partie importante de l'incapacité de travail,
commence en principe à l'adolescence et est habituellement à l'origine d'un
évitement des situations sociales pouvant conduire à un isolement presque
total. Or, les activités de l'intimée actuelles et passées (activité bénévole,
fréquentation régulière d'une amie, achats dans les magasins, contacts
téléphoniques avec ses frère et s?ur ainsi qu'antérieurement l'activité de
danseuse et entraîneuse dans des bars à champagne) ne montrent pas l'existence
d'une phobie sociale incapacitante. De plus, cette affection étant en principe
présente depuis l'adolescence, le docteur R.________ aurait dû en remarquer
certains éléments constitutifs, ce qui n'a pas été le cas. Enfin, le recourant
reproche à l'expert judiciaire d'avoir retenu une aggravation de l'état anxieux
sans en expliquer l'origine.

4.3 En l'espèce, l'expertise judiciaire a été établie de manière conforme aux
exigences requises par la jurisprudence pour lui accorder pleine valeur
probante. En outre, ses conclusions correspondent dans une large mesure à
l'appréciation du psychiatre traitant. Le docteur O.________, du SMR, qualifie
l'expertise de complète dans son rapport du 11 août 2009. Toutefois, il
conteste le diagnostic de phobie sociale et son impact sur la capacité de
travail en se basant sur les constatations faites par le docteur R.________,
médecin du SMR, le 2 mai 2007 soit plus de deux ans avant l'expertise, sans
tenir compte du fait que l'expert admet une aggravation de l'état de santé de
l'intimée survenue après l'examen par le docteur R.________, à une période
qu'il fixe au début de l'année 2008, soit à la période où l'assurée a ressenti
le besoin d'un traitement psychiatrique suivi. Ainsi, il apparait que le
recourant conteste les diagnostics retenus par l'expert sans se prononcer sur
l'aggravation de l'état de santé qui justifie les diagnostics de l'expert. Dans
ces conditions, en présence de deux avis médicaux fondés sur les constatations
les plus récentes et qui retiennent l'existence d'atteintes psychiques
incapacitantes, il faut admettre que l'avis du docteur R.________ émis deux ans
auparavant ne permet pas de mettre en doute les conclusions quasi concordantes
de l'expert U.________ et du docteur H.________. A plus forte raison, les avis
des docteurs R.________ et O.________ ne permettent pas d'admettre que
l'autorité cantonale a retenu de façon manifestement inexacte ou contraire au
droit fédéral que l'intimée était totalement incapable de travailler en raison
de troubles psychiques, l'intimée se trouvant « hors d'état d'exercer une
activité professionnelle, même à temps partiel » selon l'appréciation détaillée
de l'expert judiciaire.

4.4 Les premiers juges ont retenu que l'incapacité totale de travail de
l'assurée datait de janvier 2008 et ont fait partir le droit à la rente de
janvier 2009. Cette partie du jugement ne faisant l'objet d'aucune
contestation, il n'y a pas lieu d'examiner si le droit aux prestations pouvait
déjà naître antérieurement.

5.
5.1 Selon l'art. 61 LPGA, la procédure devant le tribunal cantonal des
assurances est gratuite pour les parties (let. a). L'art. 69 al. 1bis LAI (en
vigueur depuis le 1er juillet 2006) déroge cependant à cette disposition dans
la mesure où il soumet à des frais judiciaires les procédures portant sur des
contestations relatives à l'octroi ou au refus de prestations de
l'assurance-invalidité. Les frais judiciaires sont généralement mis à la charge
de la partie qui succombe, quel que soit le rôle (recourant ou intimé) joué
dans la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 8C_40/2009 du 13 mars 2009 consid.
3.1 et la référence).

5.2 Les juges cantonaux ont admis le recours et partant ont mis les frais de la
procédure par 200 fr. à la charge de l'office AI, intimé en procédure cantonale
(chiffre 5 du dispositif).
Celui-ci conteste cette manière de faire estimant que sa décision du 18
septembre 2008 était justifiée au moment où elle a été rendue, puisque l'arrêt
cantonal fait partir le droit aux prestations d'une date ultérieure,
reconnaissant que l'intimée n'avait pas droit à une rente au jour de la
décision. Il considère ainsi que l'autorité cantonale ne pouvait pas lui mettre
à charge les frais de la procédure.

5.3 En l'espèce, la juridiction a reconnu que si elle n'avait pas étendu la
procédure, elle aurait dû constater qu'au 18 septembre 2008 l'intimée ne
remplissait pas encore les conditions d'octroi d'une rente et qu'en conséquence
elle aurait dû rejeter le recours. Il ressort également de la procédure que,
lors de l'entrevue du 30 avril 2008 l'intimée s'était engagée à faire parvenir
au recourant un rapport du docteur H.________ attestant de son état de santé.
Elle n'a toutefois jamais donné suite et l'office AI a statué sur le dossier en
l'état cinq mois après l'entretien. Dans ces conditions, la juridiction
cantonale n'était pas fondée à condamner l'office AI aux frais de la procédure
car il avait procédé à une administration de preuves complètes et il
appartenait à l'assurée de produire l'avis médical permettant d'étayer sa
position. Cette dernière ayant succombé sur l'objet de la contestation en
instance cantonale, il lui appartient de supporter les frais de justice.

6.
Le recours est dès lors partiellement admis.

7.
Le recourant qui succombe dans une très grande partie, supportera les frais
judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis. Le chiffre 5 du dispositif du jugement du
Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève
du 7 octobre 2009 est réformé en ce sens qu'un émolument de justice de 200 fr.
est mis à la charge de T.________. Le recours est rejeté pour le surplus.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr. sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 2 juin 2010
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Berthoud