Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 885/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_885/2009

Arrêt du 1er février 2010
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges U. Meyer, Président,
Kernen et Pfiffner Rauber.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Parties
P.________,
représentée par Me Doris Vaterlaus, avocate,
recourante,

contre

Office cantonal de l'assurance-invalidité,
Rue de Lyon 97, 1203 Genève,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 11 septembre 2009.

Faits:

A.
Par décision du 17 décembre 2008, l'Office cantonal de l'assurance-invalidité
du canton de Genève a rejeté la demande de prestations de
l'assurance-invalidité présentée par P.________, au motif qu'elle n'était pas
invalide.

B.
L'intéressée a recouru contre cette décision par acte du 2 février 2009 adressé
au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales et déposé le même jour au
poste de douane X.________ (canton Y._______). Le carton contenant cet acte
comportait la mention: "Déposé à la douane suisse pour transmission à
l'autorité compétente". L'acte fut remis le jour suivant à la poste. Après
avoir entendu les parties et les avoir invitées à s'exprimer sur la
recevabilité du recours, le Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève a déclaré le recours du 2 février 2009
irrecevable, faute d'avoir été déposé "en temps utile devant une autorité
utile".

C.
P.________ interjette un recours en matière de droit public contre le jugement
cantonal dont elle demande l'annulation, sous suite de dépens. Elle conclut à
ce que son recours du 2 février 2009 soit déclaré recevable et la cause
renvoyée au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales. Elle demande en
outre à ce que la procédure soit déclarée gratuite.

Invités à se déterminer, l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton
de Genève conclut au rejet du recours tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se prononcer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le point de savoir si l'autorité cantonale de recours était
en droit de déclarer irrecevable le recours remis le 2 février 2009 par
l'intéressée au poste de douane X.________.

2.
Selon l'art. 60 al. 1 LPGA, le recours doit être déposé dans les trente jours
suivant la notification de la décision sujette à recours. Les art. 38 à 41 sont
applicables par analogie (art. 60 al. 2 LPGA).

Parmi les dispositions auxquelles renvoie l'art. 60 al. 2 LPGA, l'art. 39 al. 1
LPGA prévoit que les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du
délai à l'assureur ou, à son adresse, à La Poste suisse ou à une représentation
diplomatique ou consulaire suisse. Conformément à l'al. 2 de cette disposition,
lorsqu'une partie s'adresse en temps utile à un assureur incompétent, le délai
est réputé observé.

3.
3.1 Selon les constatations de la juridiction cantonale, que la recourante ne
conteste pas et qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), le délai de
trente jours pour recourir contre la décision de l'intimé du 17 novembre 2008
est arrivé à échéance le 2 février 2009 (compte tenu de la suspension des
délais prévue par l'art. 38 al. 4 let. c LPGA). A cette date, la recourante a
remis son recours au poste de douane X.________ à la frontière franco-suisse.
Ce n'est que le lendemain, soit le 3 février 2009, que l'acte a été déposé à La
Poste suisse.

3.2 De l'avis des premiers juges, un poste de douane n'est pas un "assureur
incompétent" au sens de l'art. 39 al. 2 LPGA. La recourante n'a dès lors pas
observé le délai de recours en déposant son écriture au bureau douanier le
dernier jour de recours. Par ailleurs, elle ne pouvait tirer aucun avantage des
dispositions cantonales genevoises de procédure administrative, la LPGA
constituant une lex specialis à laquelle une norme cantonale ne pouvait
déroger. En outre, toujours selon les premiers juges, la recourante ne pouvait
se prévaloir d'un motif de restitution du délai au sens de l'art. 41 LPGA. Elle
invoquait une méconnaissance des horaires postaux - le conseil de la recourante
avait expliqué être arrivé au bureau de poste Z.________ où il avait trouvé
porte close, les horaires d'ouverture ayant apparemment changé sans qu'il en
eut été averti -, ce qui ne constituait pas un empêchement selon la loi. Le
recours devait par conséquent être déclaré irrecevable.

3.3 Invoquant une violation des art. 39 al. 2 et 41 LPGA ainsi que de
l'interdiction du formalisme excessif et de l'arbitraire, la recourante
reproche en substance à la juridiction cantonale d'avoir considéré que la
douane X.________ n'était pas une autorité fédérale susceptible d'accepter des
actes destinés au tribunal cantonal des assurances. Selon elle, l'art. 39 al. 2
LPGA doit être interprété en ce sens que le dépôt d'un recours auprès d'une
quelconque autorité suisse, même incompétente, sauvegarde le délai. Par
ailleurs, elle soutient que la douane X.________ est une autorité fédérale
incompétente, soumise à l'obligation de transmettre les actes déposés auprès
d'elle à l'autorité compétente, de sorte qu'en remettant son recours au poste
douanier, elle avait déposé son recours dans le délai légal.

4.
4.1 La juridiction cantonale a considéré que le poste de douane n'était
manifestement pas une institution qui poursuivait un but d'assurance ou
exploitait une assurance, et qu'il ne pouvait dès lors entrer dans la catégorie
des assureurs visés par l'art. 39 al. 2 LPGA. A ses yeux, les conditions pour
admettre que le délai de recours avait été observé par la remise du recours à
la douane n'étaient pas réalisées. A suivre les premiers juges, l'acte de
recours cantonal devrait être remis en temps utile à un assureur (ou à La Poste
suisse ou encore à une représentation diplomatique ou consulaire suisse; art.
39 al. 1 LPGA) ou à un assureur incompétent (art. 39 al. 2 LPGA). Une telle
interprétation littérale ne tient pas compte du fait que l'art. 39 LPGA, qui
règle la procédure administrative entre les organes de mise en oeuvre des
assurances sociales et les personnes concernées (assurés ou tiers), n'est
applicable que par analogie à la procédure de recours devant le tribunal
cantonal des assurances, conformément à l'art. 60 al. 2 LPGA, et non pas
directement.

Dans la procédure contentieuse, il va de soi tout d'abord que l'acte de recours
peut également être remis au tribunal cantonal des assurances compétent pour
traiter du recours, et non point seulement à l'assureur (qui a rendu la
décision faisant l'objet du recours) comme le prévoit la lettre de l'art. 39
al. 1 LPGA. Quant à l'art. 39 al. 2 LPGA, il reprend, en droit des assurances
sociales, le principe général de droit administratif consacré à maintes
reprises par la jurisprudence (ATF 100 III 8 consid. 2 p. 10; EVGE 1931 p. 69;
arrêt C 62/90 du 25 février 1991 consid. 2a et les références, in DTA 1991 n°16
p. 119; cf. aussi Ulrich Meyer-Blaser, Die Bedeutung von Art. 4
Bundesverfassung für das Sozialversicherungsrecht, in RDS 1992 II n° 10 p. 426
s.), selon lequel le délai est réputé observé lorsqu'une partie s'adresse en
temps utile à une autorité incompétente. Pour le moins dans la procédure
contentieuse, où elle s'applique par analogie seulement, cette disposition doit
être interprétée comme l'expression sans restriction de ce principe général et
son application ne saurait être limitée aux seules situations où une partie
s'adresse à un assureur (incompétent), puisque l'acte de recours peut
valablement être remis à une autre autorité - à savoir le tribunal cantonal des
assurances - que l'assureur mentionné par la loi. Que l'on pense à la situation
évidente où l'acte de recours aurait été remis au Tribunal administratif du
canton de Genève et non au Tribunal cantonal des assurances sociales logé, qui
plus est, dans le même bâtiment. Aussi, le délai pour recourir devant
l'instance cantonale est-il réputé observé au sens des art. 60 al. 2 et 39 al.
2 LPGA lorsqu'une partie s'adresse en temps utile non seulement à un assureur
(incompétent), mais également à toute autre autorité incompétente pour
connaître du recours (Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, 2ème éd., ad art. 60 n° 11,
p. 750; dans ce sens, Ulrich Meyer-Blaser, das Bundesgesetz über den
Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts (ATSG) und das Schicksal der
allgemeinen Rechtsgrundsätze des Sozialversicherungsrechts, in
Sozialversicherungsrechtstagung 2002, p. 147).

4.2 Selon la jurisprudence, il faut entendre par "autorité incompétente" toute
autorité fédérale, cantonale ou communale (ATF 97 I 852 consid. 3 p. 857 s.),
indépendamment du point de savoir si celle à qui l'on s'adresse se trouve ou
non dans un rapport direct avec le litige. Sont réservés les cas où l'acte a
été mal adressé de manière abusive (ATF 111 V 406 consid. 2 p. 407 s.). En
l'espèce, pourvu de la compétence de statuer dans l'accomplissement de tâches
de droit public (cf. art. 29 de la loi fédérale du 18 mars 2005 sur les douanes
[LD; RS 631.0], en relation par exemple avec l'art. 38 LD), le bureau de douane
est une autorité incompétente au sens dégagé par la jurisprudence (comme, par
exemple, les Chemins de fer fédéraux [ATF 101 Ib 99 consid. 2b p. 104; 113 Ib
34 consid. 3 p. 38], un poste de police [arrêt U 179/01 du 3 août 2001 consid.
2] ou une mairie allemande dans une situation transfrontalière [ATF 125 V 503
consid. 4 p. 506]).

Même si la recourante a sciemment remis son recours à une autorité
incompétente, on ne saurait par ailleurs lui reprocher un comportement relevant
de l'abus de droit. En effet, elle n'a pas intentionnellement adressé son
recours à une autorité incompétente (cf. ATF 111 V 406 consid. 2 p. 408) - le
mémoire était adressé à la juridiction cantonale -, mais son conseil s'est
personnellement rendu à la douane X.________, où il a remis l'acte de recours
aux collaborateurs de la douane le 2 février 2009, en les priant de le
transmettre à l'autorité compétente. Ceux-ci ont accepté le colis (timbre de la
douane du 2 février 2009) et l'ont transmis le lendemain par l'intermédiaire de
la poste, alors qu'ils auraient été libres de refuser d'accepter l'écriture et
d'inviter le conseil à se tourner directement vers le tribunal compétent. Selon
le principe de la bonne foi, la recourante (en l'occurrence, son conseil)
pouvait donc partir de l'idée qu'elle avait remis son recours à une autorité
incompétente au sens de l'art. 39 al. 2 en relation avec l'art. 60 al. 2 LPGA
et que son acte allait être transmis à la juridiction cantonale (comp. arrêt U
179/01 du 3 août 2001 consid. 2d).

4.3 En conclusion de ce qui précède, en déposant son recours auprès de la
douane X.________ le dernier jour utile, la recourante a sauvegardé le délai.
C'est donc à tort que la juridiction cantonale a déclaré l'acte du 2 février
2009 irrecevable, de sorte qu'il y a lieu d'annuler son jugement et de lui
renvoyer la cause pour qu'elle entre en matière sur le recours cantonal.

5.
Compte tenu de l'issue du litige, l'intimé supportera les frais judiciaires
afférents à la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF), aucune circonstance ne
justifiant en l'espèce - et la recourante n'en fait pas valoir à l'appui de sa
demande visant à la gratuité de la procédure - la renonciation aux émoluments
judiciaires (art. 66 al. 1 seconde phrase LTF). La recourante, qui obtient gain
de cause, a par ailleurs droit à des dépens à la charge de l'intimé (art. 68
al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision du Tribunal cantonal des assurances
sociales de la République et canton de Genève du 11 septembre 2009 est annulée.
La cause est renvoyée à l'autorité judiciaire de première instance pour qu'elle
entre en matière sur le recours daté du 2 février 2009 et rende une décision
sur le fond.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la
dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 1er février 2010
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless