Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 883/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_883/2009

Arrêt du 8 juillet 2010
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Pfiffner Rauber.
Greffière: Mme Fretz.

Participants à la procédure
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, Avenue Général-Guisan
8, 1800 Vevey,
recourant,

contre

G.________,
représentée par la Fédération suisse pour l'intégration des handicapés,
intimée.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 11 septembre 2009.

Faits:

A.
A.a G.________, coiffeuse et esthéticienne de formation, a déposé le 31 octobre
2006 une demande de prestations de l'assurance-invalidité, tendant à l'octroi
d'une rente. Il résulte des pièces versées au dossier qu'elle a été mise en
incapacité de travail dès le 8 décembre 2005 pour cause d'état inflammatoire
acromio-claviculaire et liquide dans la bourse SASD. L'intéressée a par
ailleurs été victime d'une agression par l'ami de sa fille en décembre 2005,
avec commotion cérébrale, plaie du cuir chevelu et contusion de la main droite,
ayant en outre décompensé psychiquement la victime.
Dans un questionnaire pour l'employeur, complété le 27 décembre 2006,
l'entreprise X.________ Sàrl a indiqué que l'intéressée avait travaillé à son
service en tant qu'ouvrière polyvalente dans la collecte d'habits usagés à
plein temps jusqu'au 8 décembre 2005 (dernier jour de travail effectif) et
réalisé de ce chef un revenu mensuel brut de 3'200 fr.; le contrat de travail
avait été résilié par l'employeur avec effet au 30 juin 2006, en raison d'un
rendement insuffisant.
L'Office AI pour le canton de Vaud (ci-après: l'OAI) a recueilli l'avis du
docteur F.________, généraliste, lequel a fait état, dans un rapport du 4
janvier 2007, d'un probable syndrome post-traumatique en voie de chronification
avec céphalées, d'un épisode dépressif de sévérité moyenne, d'un probable
trouble du comportement, d'une inflammation acromio-claviculaire droite, d'une
gonarthrose bilatérale et d'un trouble douloureux chronique en voie
d'installation. Selon ce praticien, la capacité de travail résiduelle de
l'assurée s'élevait à 50 % dans son activité habituelle d'esthéticienne comme
dans toute autre activité adaptée à ses atteintes, telle qu'ouvrière
polyvalente, à compter du 1er janvier 2007. Annexé à ce rapport se trouvait un
autre rapport établi le 13 mars 2006 à l'attention du docteur F.________ par le
docteur W.________, spécialiste FMH en neurologie. Ce dernier a posé le
diagnostic de probable syndrome post-traumatique en voie de chronification avec
céphalées, troubles de la mémoire et de la concentration. Il a également fait
état du fait que l'assurée semblait déprimée et angoissée. Il ne s'est pas
prononcé sur la capacité de travail résiduelle de cette dernière.

Dans un rapport du 6 février 2007, le docteur T.________, généraliste, a posé
les diagnostics ayant des répercussions sur la capacité de travail suivants:
parésie du membre supérieur droit d'origine indéterminée, syndrome
post-traumatique en voie de chronification avec céphalées, douleurs de l'épaule
bilatérales, décompensation anxieuse et dépressive, degré moyen, troubles
d'adaptation dans un contexte conjugal et socio-familial difficile et syndrome
douloureux somatoforme probable en voie de chronicité. Il a fait état d'une
incapacité de travail de 100 % du 8 décembre 2005 au 1er août 2006 puis à
nouveau à partir du 1er octobre 2006. Selon ce médecin, l'assurée était connue
depuis plusieurs années pour un syndrome dépressif et anxieux et des troubles
adaptatifs et devait être sous tranquilisants et médication anti-dépressive
depuis 2005.
L'OAI a demandé à l'assureur-maladie de G.________ de produire son dossier
médical, lequel comprenait notamment un rapport de la doctoresse A.________,
spécialiste FMH en rhumatologie auprès du Centre d'expertise médicale à
O.________, du 8 mai 2006, et un rapport du docteur H.________, spécialiste FMH
en médecine interne, du 18 août 2006. La doctoresse A.________ a posé le
diagnostic de trouble douloureux en voie de chronicité et d'épisode dépressif
de sévérité moyenne. Elle a précisé que l'assurée avait été présentée
brièvement au docteur S.________, spécialiste FMH en psychiatrie et
psychothérapie, lequel avait confirmé la présence d'une comorbidité
psychiatrique. Le docteur H.________ a posé quant à lui le diagnostic de
maladie anxieuse et dépressive de degré actuel moyen avec somatisation
secondaire à de graves difficultés de couple. Selon lui, il n'existait aucune
affection psychique, somatique ou post-traumatique susceptible de motiver la
poursuite d'une incapacité de travail au-delà du 4 août 2006, date à laquelle
l'assurée avait repris spontanément un emploi sans port de lourdes charges.
Dans un rapport établi le 17 juillet 2007, le docteur R.________, du Service
médical régional de l'AI (SMR), a constaté, après avoir fait une synthèse des
rapports médicaux à disposition, que l'incapacité de travail avait débuté en
décembre 2005 et s'était terminée au plus tard en août 2006, moment à partir
duquel l'assurée avait repris une activité à 80 %. Il proposait d'accepter ces
conclusions sans examen complémentaire.
A.b Le 28 novembre 2007, l'OAI a rendu un projet de décision par lequel il
rejetait la demande de prestations. Il a retenu que la capacité de travail de
l'assurée avait été nulle du 8 décembre 2005 jusqu'au mois d'août 2006 et
qu'elle s'élevait depuis lors à 80 % dans son ancienne activité d'ouvrière
polyvalente et à 100 % en tant qu'esthéticienne ou dans toute autre activité
adaptée.
L'assurée a contesté ce projet par courrier du 10 janvier 2008, indiquant que
ses douleurs et crises de tétanie étaient apparues dès sa reprise d'activité le
4 août 2006 et qu'elle avait de ce chef été licenciée par son employeur avec
effet au 30 septembre 2006.
Par décision du 3 mars 2008, l'OAI a confirmé son projet de décision rejetant
toute prestation.

B.
B.a L'assurée a déféré cette décision au Tribunal cantonal du canton de Vaud,
en concluant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à partir du 1er
décembre 2006.
Dans sa réponse au recours, l'OAI a indiqué qu'il avait appris le 14 mars 2008
que l'assurée était hospitalisée depuis plusieurs semaines à la Clinique
psychiatrique Y.________ et proposé au tribunal d'interpeller les médecins de
cet hôpital.
Interpellés par le juge instructeur, les docteurs B.________, L.________ et
N.________ ont tous trois posé le diagnostic de trouble psychotique d'allure
schizophrénique, lequel était invalidant. Selon la doctoresse L.________ (cf.
rapport du 24 octobre 2008), les troubles entraînaient une incapacité de
travail totale dans toute activité depuis le mois d'août 2005. Ce dernier
médecin ajoutait que l'état de santé psychique de l'assurée s'était aggravé
depuis 2005, après une agression physique et dans le contexte d'un conflit
conjugal, avec l'apparition de symptômes psychotiques manifestes et diverses
plaintes somatiques.
Dans un courrier du 28 novembre 2008 adressé au juge instructeur, l'OAI a
indiqué, en se fondant sur un rapport de son médecin conseil du 21 novembre
2008, qu'une incapacité de travail totale de l'assurée était justifiée depuis
le mois de février 2008 en raison des troubles psychotiques. En revanche, il
maintenait sa position pour la période antérieure.
B.b Dans ses déterminations du 9 décembre 2008, G.________ a modifié ses
conclusions en ce sens qu'elle a prétendu à une rente entière d'invalidité à
partir du 1er août 2006.
Invitée à se prononcer sur le rapport du SMR du 21 novembre 2008, la doctoresse
L.________ a précisé que l'assurée présentait des troubles psychiques depuis
2005 ayant entraîné des difficultés d'adaptation familiale, sociale et
professionnelle, ce qui permettait de penser que la pathologie psychotique
était bien antérieure à l'hospitalisation du 23 février 2008 (cf. rapport du 17
mars 2009). Egalement interpellé, le docteur B.________ a indiqué, dans un
rapport du 19 mars 2009, qu'il ne pouvait se prononcer sur le début des
troubles dont souffrait l'assurée. Toutefois, il relevait que celle-ci avait
fait l'objet d'une investigation neuropsychologique en mai 2007 qui concluait à
la présence de troubles attentionnels sévères pouvant être attribués à des
lésions post-traumatiques. Selon le dossier médical, la neuropsychologue ayant
effectué les tests mettait également en avant la difficulté de faire la part
des choses du fait d'une importante symptomatologie anxio-dépressive. Au vu de
la méfiance et des limitations linguistiques de l'assurée, cette
symptomatologie anxio-dépressive pouvait déjà avoir été une symptomatologie
psychotique à bas-bruit. Le docteur B.________ a conclu que l'assurée avait
présenté des troubles depuis le mois de mai 2007 au moins. Il s'est prononcé en
faveur d'une schizophrénie hébéphrénique présente depuis la fin 2007, selon les
éléments du dossier psychiatrique. Il a cependant relevé que l'on pouvait
objectiver, dans le dossier de la Clinique V.________, une symptomatologie
psychiatrique antérieure avec un premier rapport du docteur W.________ (du 13
mars 2006) faisant état d'un trouble invalidant.
Par jugement du 11 septembre 2009, la Cour des assurances du Tribunal cantonal
du canton de Vaud a admis le recours et réformé la décision du 3 mars 2008 en
ce sens que G.________ avait droit à une rente entière d'invalidité à partir du
1er décembre 2006.

C.
L'OAI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont
il requiert l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision du 3
mars 2008.
Le Tribunal fédéral a renoncé à procéder à un échange d'écritures.
Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'examine en principe que les griefs
motivés (art. 42 al. 2 LTF) et fonde son raisonnement sur les faits retenus par
la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été
établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF auquel cas il peut les rectifier ou les compléter d'office (art.
105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer la constatation de faits
importants pour le jugement de la cause que si ceux-ci ont été constatés en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de façon manifestement inexacte
(art. 97 al. 1 LTF).

2.
2.1 Est seule litigieuse en l'espèce l'évaluation de la capacité de travail
exigible de l'intimée entre le mois de décembre 2005 et le mois de février
2008, le recourant ne contestant pas que les troubles psychotiques dont souffre
actuellement l'intimée l'empêchent d'exercer une quelconque activité
professionnelle depuis le mois de février 2008.

2.2 Le jugement entrepris expose correctement les règles légales et les
principes jurisprudentiels applicables au présent litige. Il suffit d'y
renvoyer.

3.
La juridiction cantonale a conféré une pleine valeur probante à l'avis de la
doctoresse L.________, laquelle avait pu prendre, sur la base d'examens
cliniques et de l'observation continue de l'intimée, la mesure de l'atteinte à
sa santé psychique, dont la nature et l'intensité n'étaient du reste pas
contestées par le docteur B.________. Elle en a déduit que le caractère
incontestablement aigu de la crise ayant conduit à l'hospitalisation de février
2008 n'excluait pas le fait que la maladie en question (trouble psychotique
d'allure schizophrénique) ait pu présenter auparavant un degré d'intensité
propre à fonder une incapacité de travail, laquelle avait été avérée par
l'échec de la tentative d'une reprise d'activité par l'intéressée. En ce qui
concerne la preuve de cette intensité propre à fonder une incapacité de
travail, elle ne pouvait être retenue qu'en présence d'un facteur dit de
décompensation à même d'induire une perte de ressources psychiques suffisante,
propre à générer un dysfonctionnement global, lequel autorisait à qualifier
d'invalidante l'atteinte à la santé. Alors que les médecins du SMR soutenaient
que le dossier ne permettait pas de le circonscrire dans le temps avant le
constat de psychose manifeste posé lors de l'hospitalisation en février 2008,
les premiers juges ont considéré qu'un tel facteur de décompensation
psychotique devait être vu dans l'agression dont avait été victime l'intimée à
son domicile au mois de décembre 2005. Du reste, l'ensemble des médecins
consultés depuis l'agression subie par l'intimée à la fin du mois de décembre
2005 avaient relevé l'existence d'une atteinte sur le plan psychique.

4.
Se fondant notamment sur les rapports des docteurs H.________, F.________ et
A.________, le recourant conteste que l'intimée ait présenté une atteinte
psychiatrique invalidante avant son hospitalisation à l'hôpital psychiatrique
Y.________ en février 2008. Cet argument est pour le moins curieux si l'on se
rappelle que dans son projet de décision du 28 novembre 2007, confirmé par sa
décision du 3 mars 2008, le recourant a explicitement admis, en se fondant sur
les renseignements médicaux au dossier (dont les rapports des docteurs
H.________, F.________ et A.________), une incapacité de travail de 100 % à
partir du 8 décembre 2005 jusqu'au 4 août 2006.
Le recourant relève ensuite que l'intimée avait repris une activité
professionnelle à 90 % à partir du mois d'août 2006, ce qui démontrait qu'elle
ne souffrait d'aucune atteinte psychique invalidante à ce moment-là. Le
recourant semble faire fi des constatations des premiers juges selon lesquelles
la reprise d'activité ne fut qu'une tentative avortée - l'intimée a été
licenciée avec effet au 30 septembre 2006 pour des raisons liées à la qualité
de son travail - de sorte qu'on ne pouvait en déduire que l'intimée disposait à
nouveau de ressources personnelles suffisantes pour se réinsérer sur le marché
de l'emploi. Du reste, elle n'avait plus repris d'activité professionnelle
depuis.
Pour le reste, le recourant se contente de critiquer les rapports des docteurs
T.________, B.________ et L.________, sans établir, par une argumentation
précise et étayée, le caractère insoutenable du point de vue retenu par les
premiers juges. Par exemple, lorsque le recourant soutient que le docteur
B.________, dans son rapport du 19 mars 2009, se contente de poser des
hypothèses non vérifiées, voire même en contradiction avec les pièces du
dossier, il ne précise ni les hypothèses visées, ni par quelles pièces ces
hypothèses seraient contredites. Il reproche également à la doctoresse
L.________ d'avoir fait remonter le début de l'incapacité de travail au mois
d'août 2005 alors que l'agression avait eu lieu en décembre de cette année-là.
A cet égard, on précisera que les premiers juges n'en ont pas tenu compte et
ont fixé le début de l'incapacité de travail au moment où le facteur de
décompensation avait eu lieu, soit au mois de décembre 2005. Quant au reproche
selon lequel l'avis de la doctoresse L.________ ne fournissait aucun élément
médical concret permettant d'établir un diagnostic précis, ni une chronologie
précise de la maladie avant février 2008, il n'est pas pertinent dans la mesure
où précisément aucun médecin ne pouvait se prononcer de manière certaine sur le
début de la maladie et ses conséquences sur la capacité de travail de l'intimée
avant 2008. En revanche, c'est en appréciant le déroulement des faits ainsi que
les différents rapports médicaux au dossier que les premiers juges sont
arrivés, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la conclusion que le
trouble psychotique d'allure schizophrénique avait été invalidant depuis la
décompensation de l'intimée suite à l'agression subie en décembre 2005. Il
résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de s'écarter des faits retenus
par la juridiction cantonale, ni de l'appréciation qu'elle en a faite. Le
recours se révèle par conséquent mal fondé.

5.
Vu l'issue du litige, le recourant qui succombe doit supporter les frais
judiciaires afférents à la présente procédure. L'intimée n'ayant pas été
invitée à se déterminer, elle n'a eu aucun frais à assumer en relation avec le
litige. Par conséquent, elle ne saurait se voir allouer des dépens malgré le
fait qu'elle obtienne gain de cause (BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF,
2009, n° 13 ad art. 68).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens pour la procédure fédérale.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales
du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 8 juillet 2010
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Fretz