Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 619/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_619/2009

Arrêt du 9 décembre 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges U. Meyer, Président,
Kernen et Pfiffner Rauber.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Parties
C.________, représenté par Me Marino Montini, avocat,
recourant,

contre

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2302 La Chaux-de-Fonds,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du
26 juin 2009.

Faits:

A.
C.________ travaillait comme encadreur d'art à titre indépendant. Le 3 mars
2004, il a subi une hémicolectomie gauche, puis suivi une chimiothérapie
d'avril à juillet 2004 à cause d'un cancer. Le 18 juin 2004, il a présenté une
requête de prestations de l'assurance-invalidité.

L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel (ci-après: OAI) a
recueilli deux rapports des 13 juillet 2004 et 4 avril 2005 de la doctoresse
M.________, médecin traitant de l'assuré, selon lesquels C.________ était
incapable de travailler depuis le 1er mars 2004. Dans un rapport du 24 mai
2005, la doctoresse S.________, médecin adjoint de l'Hôpital X.________, a
diagnostiqué un adénocarcinome moyennement différencié du côlon gauche avec
métastases ganglionnaires et métastase hépathique unique, ainsi qu'un état
dépressif réactionnel. Elle a exclu la reprise de l'activité d'encadreur, ce
travail nécessitant de la force et de la précision, ce qui était en
contradiction avec la neuropathie de l'assuré. A la demande de l'OAI, le
docteur E.________, spécialiste en médecine interne, a examiné l'assuré et
conclu à l'absence de toute limitation significative, ainsi qu'à une capacité
entière de travail comme encadreur dès le 1er novembre 2004, avec une possible
diminution de rendement ne dépassant pas 20 % (rapport du 6 décembre 2006). Se
fondant sur cette appréciation, l'OAI a rejeté la demande de l'assuré par
décision du 7 avril 2006. C.________ s'étant opposé à cette décision,
l'administration a maintenu sa position par décision sur opposition du 25 juin
2007.

B.
Saisi d'un recours formé par l'intéressé, le Tribunal administratif du canton
de Neuchâtel l'a rejeté par jugement du 26 juin 2009.

C.
C.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement,
dont il demande l'annulation. En substance, il conclut à titre principal à
l'octroi d'une rente entière d'invalidité et, subsidiairement, au renvoi de la
cause au Tribunal administratif neuchâtelois pour instruction complémentaire
sous la forme d'une expertise médicale. Il sollicite, par ailleurs, le bénéfice
de l'assistance judiciaire.

L'Office fédéral des assurances sociales et l'OAI ont tous deux renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit selon l'art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral statue en
principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al.
1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Cette disposition
lui donne la faculté de rectifier ou compléter d'office l'état de fait de
l'arrêt attaqué dans la mesure où des lacunes ou erreurs dans celui-ci lui
apparaîtraient d'emblée comme manifestes. Quant au recourant, il ne peut
critiquer la constatation de faits importants pour le jugement de la cause que
si ceux-ci ont été constatés en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou
de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF).

1.2 La constatation de l'atteinte à la santé (diagnostic, pronostic, etc.) et
l'évaluation de la capacité de travail (résiduelle) sont en principe des
questions de fait (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p. 397). Il en est de même de
l'appréciation concrète des preuves. En revanche, l'application du principe
inquisitoire et des règles sur l'appréciation des preuves au sens de l'art. 61
let. c LPGA relève du droit (ATF 132 V 393 consid. 3.2 et 4 p. 397 ss).

2.
Le litige porte sur le point de savoir si le recourant a droit à une rente de
l'assurance-invalidité. A cet égard, le jugement entrepris expose correctement
les règles légales et la jurisprudence sur la notion d'invalidité et son
évaluation ainsi que les principes jurisprudentiels relatifs à l'appréciation
des preuves et à la valeur probante des rapports médicaux. Il suffit donc d'y
renvoyer.

3.
Sur le plan formel, le recourant fait grief à la juridiction cantonale d'avoir
violé son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) en ce qu'elle n'a pas
procédé à une instruction complémentaire malgré les conclusions contradictoires
du docteur E.________, d'une part, et des docteurs M.________ et S.________, de
l'autre.

La violation du droit d'être entendu (sur cette notion en corrélation avec
l'administration des preuves, cf. ATF 132 V 368 consid. 3.1 p. 370 et les
références) dans le sens invoqué en premier lieu par le recourant est une
question qui n'a pas de portée propre par rapport au grief tiré d'une mauvaise
appréciation des preuves. Le juge peut en effet renoncer à accomplir certains
actes d'instruction sans que cela entraîne une violation du droit d'être
entendu (arrêt I 363/99 du 8 février 2000 consid. 4, in SVR 2001 IV n° 10 p.
28) s'il est convaincu, en se fondant sur une appréciation consciencieuse des
preuves (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352), que certains faits présentent un
degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne
pourraient plus modifier cette appréciation (sur l'appréciation anticipée des
preuves: ATF 124 V 90 consid. 4b p. 94; 122 V 157 consid. 1d p. 162). Il
s'agit-là d'un grief qu'il convient d'examiner avec le fond du litige.

4.
Sur le fond, invoquant l'arbitraire dans la constatation des faits et
l'appréciation des preuves, le recourant reproche à la juridiction cantonale
d'avoir écarté les avis des doctoresses M.________ et S.________ et suivi
l'expertise du docteur E.________, alors que les conclusions de celui-ci
relatives à son état psychique n'étaient pas motivées et peu convaincantes.

4.1 La juridiction cantonale a considéré que l'appréciation du docteur
E.________ remplissait tous les réquisits jurisprudentiels pour lui reconnaître
pleine valeur probante et emportait sa conviction. Sur le plan somatique, le
médecin n'avait retenu aucune limitation résultant de l'affection (cancer du
côlon); en particulier, il avait expliqué que la très discrète neuropathie des
doigts, dont l'évolution était favorable, ne pouvait être tenue pour
responsable d'une limitation significative dans l'activité d'encadreur d'art.
Sur le plan psychique, le docteur E.________ avait fait état de troubles
anxieux et d'une tristesse sans claire répercussion sur la capacité de travail;
en raison des pensées récurrentes d'incapacité, de fatigue ou de faiblesses
présentées par l'intéressé, une diminution de rendement de 20 % au maximum
pouvait être possible. Selon les premiers juges, les conclusions du docteur
E.________ n'étaient remises en cause ni par l'opinion des médecins traitants,
ni par celle de la psycho-oncologue H.________ que le recourant avait consultée
la première fois le 10 janvier 2006. En substance, dès lors que les rapports de
ceux-là n'avaient fait état d'aucun élément clinique ou diagnostic dont le
docteur E.________ n'aurait tenu compte, la juridiction cantonale n'avait pas
de raison suffisante pour s'écarter de l'avis de l'expert. Aussi a-t-elle jugé
superflue la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise.

4.2 A la lecture du jugement entrepris, on constate que les premiers juges ont
procédé à une appréciation consciencieuse des preuves, qui n'apparaît nullement
arbitraire. Ils ont pris en considération les pièces médicales déterminantes au
dossier, les ont appréciées de manière circonstanciée et ont expliqué les
raisons qui les portaient à suivre l'avis du docteur E.________ plutôt que
celui des doctoresses M.________ et S.________, ou encore de la
psycho-oncologue H.________.
4.2.1 En particulier, loin de "discréditer" - comme le soutient le recourant -
les avis des médecins traitants, la juridiction cantonale a motivé de façon
convaincante les raisons pour lesquelles, en plus de la jurisprudence relative
à la divergence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise, leurs
conclusions quant à l'incapacité totale de travail au-delà de la fin du mois de
novembre 2004 n'emportaient pas la conviction. Ainsi, et à la suite des
premiers juges, on retiendra que ces conclusions sont insuffisamment motivées.
La doctoresse M.________ mentionne, pour toute motivation, qu'il est important
d'éviter le stress professionnel et d'assurer une vie sereine, sans faire état
d'éléments objectifs permettant d'expliquer en quoi la capacité de travail du
recourant serait diminuée. De son côté, tout en indiquant que son patient est
en rémission complète au dernier contrôle et qu'il n'y a pas de déficit de la
force en relation avec la neuropathie, la doctoresse S.________ atteste d'une
incapacité de travail de 100 % dans l'activité d'encadreur en raison de la
neuropathie, ce qui est contradictoire. A ce sujet, l'expert E.________ a
dûment examiné la problématique neurologique; il a fait état d'une discrète
atteinte neuropathique des doigts et des orteils et précisé qu'elle
n'entraînait pas de perte de force ni, comme l'avait reconnu le recourant, de
limitation fonctionnelle. On ajoutera que le pronostic réservé posé par la
doctoresse S.________ ne suffit pas en soi à justifier une incapacité de
travail, puisqu'il relève de projections statistiques et non pas de
constatations concrètes chez un patient qui se trouvait en rémission complète
au moment de l'examen.
4.2.2 Quant aux critiques du recourant à l'égard de l'appréciation du docteur
E.________ sur son état de santé psychique, elles sont également infondées.
C'est en vain qu'il tente de mettre en doute les compétences de l'expert, parce
que celui-ci, après avoir fait état de "troubles anxieux et d'une tristesse,
sans claire répercussion sur la capacité de travail", a mentionné qu'"une
appréciation précise dépasse le cadre de compétence du présent examen". Il
apparaît en effet, au regard de l'ensemble de l'analyse effectuée par le
docteur E.________ ("appréciation du cas et pronostic", p. 9 du rapport du 16
novembre 2005), que celui-ci a procédé à un examen convaincant de la situation
du recourant sur le plan psychique. En fonction de son entretien avec l'assuré,
les plaintes de celui-ci et un test (échelle de dépression de Hamilton),
l'expert a mis en évidence les différents éléments qui lui permettaient
d'exclure un état dépressif majeur, voire léger, tout en admettant qu'en raison
d'indices subdépressifs, un soutien par le médecin traitant lui semblait
nécessaire. L'expert s'est également prononcé sur la répercussion de la thymie
du recourant sur sa capacité de travail et admis qu'une diminution de rendement
de 20 % était possible en raison de pensées récurrentes d'incapacité, de
fatigue ou de faiblesse. Compte tenu de cette analyse détaillée et de l'absence
au dossier de pièces médicales susceptibles de semer le doute sur les
conclusions du docteur E.________, la juridiction cantonale n'avait pas de
motif de s'en écarter ni, partant, d'ordonner une expertise médicale.

5.
Le recourant soutient encore que le "taux de la diminution du revenu"
correspondrait à 84 %. Dès lors que ce résultat est fondé sur une incapacité de
travail entière (dans la vente et la confection de cadres), laquelle ne peut
être admise au vu des constatations de la juridiction cantonale dont le
Tribunal fédéral n'a pas, on l'a vu, à s'écarter, il n'y a pas lieu de se
pencher plus avant sur le calcul du recourant. Le recours se révèle donc
également mal fondé sur ce point.

6.
Le recourant, qui satisfait aux conditions de l'art. 64 al. 1 LTF, est dispensé
de l'obligation de payer les frais judiciaires. Quant aux conditions auxquelles
l'art. 64 al. 2 LTF subordonne la désignation d'un avocat d'office, elles sont
également réalisées. L'attention du recourant est toutefois attirée sur le fait
qu'il devra rembourser la caisse du Tribunal s'il devient en mesure de le faire
ultérieurement (art. 64 al. 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est accordée au recourant.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.
Ils sont toutefois provisoirement supportés par la caisse du Tribunal.

4.
Une indemnité de 2'800 fr., supportée par la caisse du Tribunal, est allouée à
Maître Marino Montini, à titre d'honoraires.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 9 décembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless