Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 567/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_567/2009

Arrêt du 23 mars 2010
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Participants à la procédure
M.________,
représentée par Me Pierre Bauer, avocat,
recourante,

contre

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2300 La Chaux-de-Fonds,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du
28 mai 2009.

Faits:

A.
Par décision du 9 octobre 2003, M.________ a été mise au bénéfice d'une
demi-rente de l'assurance-invalidité à partir du 1er avril 2002. A l'époque,
les médecins consultés avaient notamment diagnostiqué une fibromyalgie et le
docteur G.________, médecin traitant, avait attesté d'une incapacité de travail
de 50 % dans l'activité d'aide-infirmière que l'assurée continuait à exercer à
temps partiel.

Le 19 août 2008, se fondant sur les renseignements médicaux recueillis dans le
cadre d'une procédure de révision ouverte d'office, en particulier, le rapport
du Centre d'observation médicale de l'assurance-invalidité (COMAI) du 13
décembre 2007, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel a
supprimé le droit de M.________ à une demi-rente dès le 1er jour du deuxième
mois suivant la notification de la décision.

B.
Statuant le 28 mai 2009 sur le recours formé par l'assurée contre cette
décision, le Tribunal administratif, Cour des assurances sociales, de la
République et canton de Neuchâtel l'a rejeté.

C.
M.________ interjette un recours en matière de droit public contre le jugement
cantonal, dont elle demande l'annulation en concluant, sous suite de frais et
dépens, au maintien de son droit à une demi-rente.

L'Office neuchâtelois de l'assurance-invalidité conclut au rejet du recours,
tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La juridiction cantonale a examiné le litige, qui porte sur la suppression du
droit de la recourante à une demi-rente d'invalidité, sous l'angle de la seule
reconsidération. Elle a retenu, du moins implicitement, que les conditions
d'une révision au sens de l'art. 17 LPGA n'étaient pas réalisées, ce que les
parties ne contestent à juste titre pas. Dans ce cadre, le jugement entrepris
expose correctement la règle légale (art. 53 al. 2 LPGA) et la jurisprudence
sur les conditions de la reconsidération, ainsi que les principes
jurisprudentiels rendus en matière de troubles somatoformes douloureux (ATF 130
V 352), applicables également à la fibromyalgie (ATF 132 V 65). Il suffit d'y
renvoyer.

2.
2.1 Constatant que l'office AI avait pris en considération avant tout le
diagnostic de fibromyalgie, mais également des aspects psychiques pour évaluer
le droit aux prestations en octobre 2003, la juridiction cantonale a retenu que
l'administration n'avait pas mis en oeuvre une expertise psychiatrique, alors
que la jurisprudence reconnaissait une pleine valeur probante à un tel rapport
médical pour connaître les conséquences d'une fibromyalgie sur la capacité de
travail de l'assuré qui en souffrait. De ce fait, et compte tenu des
conclusions du COMAI, selon lesquelles la recourante disposait d'une capacité
de travail entière dans sa profession, la décision initiale du 9 octobre 2003
procédait, selon les premiers juges, d'une instruction très insuffisante du cas
et d'une appréciation erronée sur le plan juridique au regard des principes
jurisprudentiels valables à l'époque. Aussi, la reconsidération de cette
décision apparaissait-elle conforme au droit.

2.2 Invoquant une violation de l'art. 53 al. 2 LPGA, la recourante soutient en
revanche que la décision initiale n'était pas manifestement erronée à la
lumière des principes jurisprudentiels valables à l'époque de son prononcé,
soit avant que soient posés les critères dégagés par le Tribunal fédéral dans
un ATF 130 V 352 pour évaluer le caractère invalidant de troubles somatoformes
douloureux.

3.
3.1 Selon la jurisprudence récente rappelée par les premiers juges, les
principes jurisprudentiels exposés à l'ATF 130 V 352 ne constituent ni un motif
de reconsidération de la décision de rente au sens de l'art. 53 al. 2 LPGA (SVR
2008 IV n° 5 p. 12 [I 138/07]), ni un motif suffisant pour révoquer, au titre
d'une adaptation à un changement des fondements juridiques, une rente
d'invalidité en cours (ATF 135 V 201 consid. 7 p. 211 ss, 215 consid. 4.2 p.
219 et 6 p. 225 ss).

La juridiction cantonale a cependant admis la reconsidération de la décision du
9 octobre 2003, en retenant qu'une expertise psychiatrique (ou du moins un
examen psychiatrique) de la recourante s'imposait à l'époque, puisqu'une telle
expertise avait déjà pleine valeur probante pour apprécier les effets de la
fibromyalgie selon les arrêts I 410/03 du 2 septembre 2003 et I 533/02 du 10
octobre 2003. Dans la mesure où les premiers juges entendent tirer des arrêts
cités l'existence d'une règle jurisprudentielle selon laquelle une expertise
psychiatrique était alors nécessaire pour évaluer les conséquences d'une
fibromyalgie, leurs considérations ne peuvent être suivies. Ce n'est que dans
l'ATF 132 V 65 (I 336/04 du 8 février 2006) que le Tribunal fédéral a jugé
d'une part qu'il se justifie, sous l'angle juridique, d'appliquer par analogie
les principes développés par la jurisprudence en matière de troubles
somatoformes douloureux lorsqu'il s'agit d'apprécier le caractère invalidant
d'une fibromyalgie et, d'autre part, qu'une expertise interdisciplinaire tenant
compte à la fois des aspects rhumatologiques et psychiques de cette atteinte
apparaît la mesure d'instruction adéquate pour établir de manière objective si
l'assuré présente un état douloureux d'une gravité telle que la mise en valeur
de sa capacité de travail sur le marché du travail ne peut plus du tout ou
seulement partiellement être exigible de sa part (consid. 4.3 [p. 72] de l'ATF
132 V 65). Par conséquent, on ne saurait reprocher à l'intimé, comme l'a fait à
tort la juridiction cantonale, une "appréciation erronée sur le plan juridique,
même au regard des principes jurisprudentiels valables à l'époque", pour le
seul motif qu'il n'avait pas demandé l'avis d'un psychiatre avant de se
prononcer en octobre 2003.

3.2 Au regard des pièces recueillies par l'office AI à l'époque déterminante,
il n'y a pas lieu de retenir non plus, contrairement à ce qu'a admis la
juridiction cantonale, que l'intimé a rendu sa décision en se fondant sur un
dossier incomplet en raison d'une instruction insuffisante. Il est vrai que
selon le docteur V.________, qui niait toute incapacité de travail du point de
vue ostéo-articulaire, seul un psychiatre pouvait juger si les douleurs
chroniques dont souffrait la recourante entraînaient une limitation de sa
capacité de travail. Toutefois, à la question posée ensuite par le
collaborateur de l'office AI au docteur F.________, médecin conseil de
l'assurance-invalidité, de savoir s'il était opportun d'organiser une expertise
pluridisciplinaire (rhumatologie et psychiatrie), celui-ci a répondu qu'une
incapacité de travail partielle comme personne active apparaissait admissible
et proposé de procéder à une enquête ménagère, sans autre mesure d'instruction
(avis du docteur F.________ du 26 septembre 2002). Compte tenu de
l'appréciation du propre médecin conseil de l'intimé, qui rejoignait celle des
docteurs S.________ (rapport du 24 mai 2002) et G.________ (rapport du 30 avril
2002) qui attestaient d'une incapacité de travail de 50 %, l'office AI n'a pas
effectué une appréciation des preuves contraire au principe inquisitoire. Il
s'est fondé sur un état de fait qui n'apparaissait pas d'emblée incomplet et
s'est prononcé dans les limites de la libre appréciation des preuves, laquelle
est assortie d'une large marge de manoeuvre (arrêt 9C_575/2007 du 18 octobre
2007 consid. 3.3). On rappellera à cet égard qu'une inexactitude manifeste ne
saurait être admise lorsque l'octroi de la prestation dépend de conditions
matérielles dont l'examen suppose un pouvoir d'appréciation, quant à certains
de leurs aspects ou de leurs éléments, et que la décision initiale paraît
admissible compte tenu de la situation de fait et de droit. S'il subsiste,
comme en l'espèce, des doutes raisonnables sur le caractère erroné de la
décision initiale, les conditions de la reconsidération ne sont pas réalisées
(arrêts U 5/07 du 9 janvier 2008, consid. 5.3.1, 9C_575/2007 du 18 octobre 2007
et I 907/06 du 7 mai 2007 consid. 3.2).

Enfin, quoi qu'en dise l'intimé, le fait qu'il se soit limité à reprendre le
taux d'incapacité fonctionnelle retenu par le corps médical pour déterminer le
taux d'invalidité de la recourante - ce qui n'est en principe pas admissible
(ATF 114 V 310 consid. 3c p. 314) - ne permet pas encore de qualifier la
décision initiale de rente de manifestement erronée (arrêt 9C_575/2007 du 18
octobre 2007, consid. 3.3 in fine et les références). Son argument tiré d'une
violation du principe dit de la priorité de la réadaptation sur la rente n'est
pas davantage pertinent. L'examen de l'exigibilité et du bien-fondé
d'éventuelles mesures d'ordre professionnel s'impose lorsqu'il existe
suffisamment d'indices au dossier que des mesures de réadaptation apparaissent
indiquées tant objectivement que subjectivement. L'intimé ne prétend pas que de
tels indices existaient à l'époque de sa décision initiale chez une assurée qui
continuait à exercer (certes à un taux réduit) son activité habituelle.

3.3 Il résulte de ce qui précède que la juridiction cantonale a conclu à tort
au caractère manifestement erroné de la décision du 9 octobre 2003, de sorte
que le jugement entrepris et la décision litigieuse doivent être annulés. Le
recours est, partant, bien fondé.

4.
Vu l'issue du litige, les frais de justice doivent être supportés par l'intimé
qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celui-ci versera également à la recourante
une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel du 28 mai 2009 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité
du canton de Neuchâtel du 19 août 2008 sont annulés.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la
dernière instance.

4.
Le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Cour des assurances sociales,
statuera sur les frais et dépens au regard de l'issue du procès en dernière
instance.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 23 mars 2010
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless