Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 387/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_387/2009

Arrêt du 5 octobre 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges Borella, Juge présidant,
Kernen et Boinay, Juge suppléant.
Greffière: Mme Fretz.

Parties
M.________, représentée par Me Joël Crettaz, avocat,
recourante,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan
8, 1800 Vevey,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 1er octobre 2008.

Faits:

A.
M.________ travaillait en qualité de femme de chambre depuis 1994. Le 22
septembre 2001, elle a été victime d'un accident de la route au cours duquel
elle a subi une fracture de la vertèbre L1. Depuis lors, elle n'a jamais repris
le travail. Le 25 mars 2003, elle a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité, sous la forme d'une rente.

M.________ a été examinée par différents médecins rhumatologue, orthopédiste et
psychiatre, qui ont tous posé le diagnostic de syndrome douloureux chronique,
respectivement de troubles somatoformes douloureux. La doctoresse R.________,
psychiatre traitant, a estimé que les atteintes psychiatriques dont souffrait
sa patiente entraînaient une incapacité totale de travail tant dans l'activité
de femme de chambre que dans une activité adaptée (rapport médical du 8 mai
2003). Pour le docteur O.________, psychiatre mandaté comme expert par
l'assureur-accidents, le trouble somatoforme douloureux dont souffrait
M.________ n'était pas invalidant et n'entraînait aucune incapacité de travail
dans l'activité habituelle (rapport d'expertise du 10 septembre 2003).

L'office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après : l'office
AI) a mandaté le docteur I.________, psychiatre, pour une expertise. Celui-ci,
dans son rapport du 6 décembre 2005, a diagnostiqué un trouble douloureux
associé à des facteurs psychologiques (F 45.4), un trouble de conversion avec
présentation mixte (F 44.7), un trouble dépressif majeur, épisode isolé, en
rémission partielle, d'intensité légère (F 32.4), un trouble panique avec
agoraphobie, en rémission partielle (F 40.01) voire une agoraphobie sans
antécédent de trouble panique (F 40.0), une dépendance aux benzodiazépines (F
13.2), un trouble de la personnalité non spécifié (F 60.9) avec des traits
dépendants, limite-abandonniques, obsessionnel-compulsifs et phobiques. Pour
l'expert, la présence de plusieurs comorbidités psychiatriques invalidantes
(trouble dépressif majeur d'intensité légère, trouble de conversion mixte et
agoraphobie) associées à un trouble douloureux, réduisait la capacité de
travail à néant, seule une activité occupationnelle restant possible.

Appelée à prendre position sur l'expertise, la doctoresse C.________,
psychiatre-conseil au Service médical régional de l'assurance-invalidité (SMR),
a considéré que les diagnostics des experts O.________ et I.________
différaient peu et que les critères retenus par la jurisprudence pour admettre
le caractère invalidant d'un trouble somatoforme douloureux n'étaient pas
donnés. Elle a donc admis que M.________ ne souffrait d'aucune atteinte à la
santé au sens de la LAI et que l'assurée disposait d'une capacité totale de
travail dans son activité habituelle ou toute activité adaptée, compte tenu des
limitations fonctionnelles suivantes : pas de port de charges et pas de station
debout ou assise prolongée (avis du 4 janvier 2006).

Sur la base de l'avis de la doctoresse C.________, l'office AI a refusé toute
prestation à M.________ par décision du 14 février 2006, confirmée sur
opposition le 28 novembre 2007.

B.
M.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton de
Vaud, qui l'a déboutée par jugement du 1er octobre 2008.

C.
L'assurée interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement,
dont elle demande la réformation. Elle conclut à l'octroi d'une rente entière
après les délais d'attente légaux.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit selon les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le
droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente
; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués
et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle
de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140).

1.2 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art.105 al. 1 LTF). Il peut cependant rectifier ou compléter
d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été
établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

1.3 En ce qui concerne l'évaluation de l'invalidité, les principes relatifs au
pouvoir d'examen développés dans l'ATF 132 V 393 (en relation avec l'art. 132
OJ dans sa version en vigueur du 1er juillet au 31 décembre 2006) continuent à
s'appliquer pour distinguer les constatations de fait de l'autorité précédente
(qui lient en principe le Tribunal fédéral) de l'application qu'elle fait du
droit (question qui peut être examinée librement en instance fédérale).
Conformément à ces principes, les constatations de l'autorité cantonale de
recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de l'assuré et
l'exigibilité relèvent d'une question de fait et ne peuvent être contrôlées que
sous un angle restreint (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p. 398).

2.
L'existence d'un trouble somatoforme douloureux chez la recourante n'étant pas
remis en question, est seul litigieux le point de savoir si celui-ci a un
caractère invalidant au sens de la LAI.

3.
3.1 Le jugement entrepris expose correctement le droit applicable ratione
temporis, les règles légales et la jurisprudence sur la notion d'invalidité et
son évaluation, ainsi que la valeur probante des rapports médicaux. Il suffit
donc d'y renvoyer.

3.2 Selon la jurisprudence, les troubles somatoformes douloureux n'entraînent
pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de
travail pouvant conduire à une invalidité (ATF 130 V 352 consid. 2.2.3 p. 354).
Il existe une présomption que les troubles somatoformes douloureux ou leurs
effets peuvent être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible
(ATF 131 V 49 consid. 1.2 p. 50).

Le Tribunal fédéral des assurances a toutefois reconnu qu'il existe des
facteurs déterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendent la
personne incapable de fournir cet effort de volonté, et a établi des critères
permettant d'apprécier le caractère invalidant de troubles somatoformes
douloureux (cf. ATF 130 V 352 consid. 2.2.3 p. 354 s. et 131 V 49 consid. 1.2
p. 50 s.). A cet égard, on retiendra, au premier plan, la présence d'une
comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée.
Peut constituer une telle comorbidité un état dépressif majeur (ATF 132 V 65
consid. 4.2.2 p. 71). Parmi les autres critères déterminants, doivent être
considérés comme pertinents, un processus maladif s'étendant sur plusieurs
années sans rémission durable (symptomatologie inchangée ou progressive), des
affections corporelles chroniques, une perte d'intégration sociale dans toutes
les manifestations de la vie et l'échec de traitements ambulatoires ou
stationnaires conformes aux règles de l'art (même avec différents types de
traitement), cela en dépit de l'attitude coopérative de la personne assurée. En
présence d'une comorbidité psychiatrique, il sera également tenu compte de
l'existence d'un état psychique cristallisé résultant d'un processus défectueux
de résolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vue
psychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie).

4.
4.1 Les premiers juges ont constaté qu'aucune atteinte physique fondant une
incapacité de travail n'avait été mise en évidence. En l'absence de substrat
organique, ils ont admis, avec les experts O.________ et I.________, qu'il y
avait lieu de retenir le diagnostic de troubles somatoformes douloureux. Au
plan psychique, la juridiction cantonale a considéré que l'assurée ne
présentait pas de comorbidité psychiatrique grave et que les troubles ne se
manifestaient pas avec une sévérité telle que, d'un point de vue objectif, ils
excluaient toute mise en valeur de la capacité de travail.

4.2 La recourante se plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves, en ce
sens que l'autorité cantonale a substitué son opinion à celle de l'expert
I.________. Elle reproche en particulier aux premiers juges d'avoir exclu
l'existence d'une comorbidité psychiatrique admise tant par l'expert I.________
que par la doctoresse R.________, psychiatre traitante. L'expertise du docteur
I.________ étant en tous points conforme aux exigences posées par la
jurisprudence, les juges cantonaux ne pouvaient pas s'en écarter sur la base de
l'expertise du docteur O.________, du fait que celle-ci est incomplète et que
l'état de santé de la recourante s'est aggravé depuis l'établissement de
l'expertise.

4.3 S'agissant de l'existence d'une comorbidité psychiatrique importante par sa
gravité, son acuité et sa durée, le jugement indique clairement les faits sur
lesquels il se fonde et précise les raisons pour lesquelles il s'écarte de
l'avis de l'expert.
4.3.1 La première comorbidité psychiatrique retenue par l'expertise est un
trouble de conversion avec présentation mixte (F 44.7) qui se présente sous
forme d'atteintes motrices et sensorielles, sans substrat organique. A ce
sujet, les premiers juges relèvent que cette atteinte est diagnostiquée sur la
base des plaintes subjectives de la recourante, sans être documentée
objectivement. Elle n'est par ailleurs pas mentionnée par d'autres médecins. En
présence de ces éléments, l'autorité cantonale a écarté cette comorbidité faute
de gravité suffisante. La recourante n'invoque aucun élément objectif allant à
l'encontre de l'appréciation de l'autorité cantonale.
4.3.2 L'expert voit également dans le trouble dépressif majeur, épisode isolé,
en rémission partielle, d'intensité légère (F 32.4) qu'il a diagnostiqué chez
la recourante, une comorbidité psychiatrique supplémentaire. Les premiers
juges, se référant à la doctrine médicale et juridique en la matière ainsi qu'à
la jurisprudence, ont retenu que l'état dépressif était une manifestation
réactive face au trouble somatoforme et qu'en conséquence il ne devait pas
faire l'objet d'un diagnostic séparé. De plus, ils ont considéré, sur la base
du rapport de la doctoresse R.________ du 15 mars 2006, que l'état dépressif
était fluctuant avec des périodes d'amélioration suivies de rechutes. Ils ont
déduit de ces éléments que, même si l'on devait admettre l'existence du trouble
dépressif, celui-ci n'aurait pas l'intensité voulue pour justifier une
comorbidité grave et durable. La recourante ne dit pas en quoi cette
appréciation serait contestable.
4.3.3 L'expert a retenu comme autre comorbidité psychiatrique un trouble
panique avec agoraphobie, en rémission partielle (F 40.01). En l'absence d'un
réel trouble panique attesté par la recourante, l'expert a envisagé un
diagnostic d'agoraphobie sans antécédent de trouble panique (F 40.00).

Les premiers juges ont considéré que cette comorbidité n'avait pas le degré de
gravité voulue pour rendre le trouble somatoforme invalidant. La recourante ne
précise pas en quoi l'agoraphobie aurait un caractère invalidant dans son cas.
De plus, le fait que l'expert I.________ est le seul à avoir posé ce diagnostic
et que la doctoresse R.________ n'a rien constaté à ce sujet, tend à démontrer
que cette atteinte ne revêt pas un caractère de gravité suffisant.
4.3.4 L'expert a enfin retenu qu'un trouble de la personnalité non spécifié (F
60.9) constituait une comorbidité psychiatrique. Il relève que ce trouble est
composé de traits dépendants, limite-abandonniques, obsessionnel-compulsifs et
phobiques, qui rend très difficile à la recourante le fait de prendre seule la
responsabilité d'un emploi, loin de son mari. L'autorité cantonale a constaté
d'une part que la doctoresse R.________ n'a jamais diagnostiqué un tel trouble
et d'autre part que celui-ci ne paraît pas avoir la gravité et l'acuité voulue
pour constituer une comorbidité invalidante. La recourante ne dit pas en quoi
cette appréciation est erronée et aucun élément au dossier ne va à l'encontre
des faits retenus par le jugement cantonal.

Il résulte de ce qui précède que les premiers juges pouvaient sans arbitraire
nier l'existence d'une comorbidité invalidante chez la recourante.

4.4 S'agissant de la présence des autres critères consacrés par la
jurisprudence, dont l'existence permettrait d'admettre le caractère non
exigible de la reprise du travail (ATF 131 V 49 consid. 1.2 p. 50 s., 130 V 352
consid. 2.2.3 p. 354 s.), les premiers juges ont constaté l'absence
d'affections corporelles chroniques, la fracture de la vertèbre L1 étant guérie
sans séquelle physique. L'intégration sociale est conservée, car la recourante
vit une relation conjugale satisfaisante, bénéficie d'un soutien de l'entourage
familial et entretient des contacts réguliers avec sa fille et deux amies. Ils
ont nié que tous les traitements conformes aux règles de l'art aient échoué, en
se fondant sur le fait que les séances d'acupuncture apportent une diminution
des douleurs et que le suivi psychiatrique auprès de la doctoresse R.________,
jugé utile par la recourante, a été progressivement réduit, passant d'une
consultation hebdomadaire à un rendez-vous mensuel. De plus, l'expert
I.________ a fait une proposition en vue d'un nouveau traitement médicamenteux
et d'un suivi thérapeutique en vue d'amender les douleurs. La recourante n'a
contesté aucun des faits retenus par l'autorité cantonale.

Au vu de ces éléments, celle-ci pouvait sans arbitraire nier l'existence
d'autres critères donnant au trouble somatoforme douloureux un caractère
invalidant.

4.5 Dans la motivation de son recours, M.________ reproche aux premiers juges
d'avoir fondé leur décision sur l'expertise O.________ dont elle prétend
qu'elle est incomplète et qu'elle ne tient pas compte de la péjoration de son
état de santé.

Cet argument ne saurait être retenu. En effet, même si l'autorité cantonale a
mentionné que l'expert O.________ excluait toute comorbidité psychiatrique
grave associée au trouble somatoforme douloureux, elle a écarté l'existence
d'une comorbidité psychiatrique en se référant principalement aux critères
déterminés par la jurisprudence et, dans une appréciation globale, elle a
constaté que l'expertise du docteur O.________, qui remplit tous les critères
requis par la jurisprudence pour avoir pleine valeur probante, arrivait à la
même conclusion. L'argument de la recourante tendant à dire que son état de
santé s'est péjoré entre l'expertise du docteur O.________ et celle du docteur
I.________, est contredit par la doctoresse R.________ qui constate
expressément le contraire dans son rapport du 15 mars 2006, à savoir que l'état
psychique de la recourante est resté sensiblement stationnaire depuis le
rapport envoyé à l'intimé en mai 2003. En ce qui concerne le caractère
incomplet de l'expertise du docteur O.________, il faut retenir que si elle ne
se prononce pas directement sur les autres critères consacrés par la
jurisprudence pour exclure l'exigibilité d'une reprise du travail, elle
contient en revanche une anamnèse complète, une description des plaintes
subjectives, un examen de la patiente et un diagnostic principal de trouble
somatoforme douloureux identique à celui de l'expert I.________. La divergence
entre les deux expertises tient à l'existence ou non d'une comorbidité
psychiatrique. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de retenir que le
jugement cantonal est fondé sur des éléments de l'expertise du docteur
O.________, infirmés par d'autres faits du dossier.

Au vu de ce qui précède, les juges cantonaux pouvaient, sans arbitraire et sans
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, admettre que la recourante était
en mesure, moyennant un effort raisonnablement exigible, de surmonter son
trouble somatoforme douloureux en vue d'exercer un emploi de femme de chambre
ou une autre activité adaptée.

5.
Le recours doit donc être rejeté.

6.
La procédure est onéreuse (art. 65 al. 4 let. a LTF). Au vu de l'issue du
litige, les frais judiciaires doivent être mis à la charge de la recourante
(art. 66 al.1 LTF), qui ne peut prétendre à des dépens (art. 68 al.1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires arrêtés à 500 fr. sont mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales
du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 5 octobre 2009

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant: La Greffière:

Borella Fretz