Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 298/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_298/2009

Arrêt du 3 février 2010
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Seiler.
Greffier: M. Wagner.

Parties
Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, Rue de Lyon 97, 1203
Genève,
recourant,

contre

L.________, représentée par Me Mauro Poggia, avocat,
intimée.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 24 février 2009.

Faits:

A.
A.a L.________ a travaillé à partir de janvier 2001 en qualité
d'administratrice chargée de la gestion et direction de la société X.________
SA. Le 7 mars 2001, elle a été victime d'un accident de la circulation, le
véhicule dans lequel elle avait pris place comme passagère ayant été heurté à
l'arrière par une autre voiture. Elle a subi plusieurs hospitalisations,
notamment à l'Hôpital Y.________ (du 2 au 20 avril 2001), à la Clinique
Z.________ (du 3 au 23 mai 2001) et à la Clinique W.________ (du 28 février au
22 mars 2002).
La Bâloise, Compagnie d'assurances, a confié des expertises aux docteurs
R.________, spécialiste en neurologie (rapport du 19 juillet 2002), U.________,
spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport du 10 janvier 2004), et
E.________, spécialiste en neurologie (rapport du 6 mai 2005 et rapport
complémentaire du 25 août 2005). Elle a alloué des indemnités journalières pour
une incapacité de travail entière du 10 mars 2001 au 22 mars 2002, et une
incapacité de travail de 25 % du 23 mars au 31 décembre 2002, date à partir de
laquelle elle a interrompu le versement. Par décision du 17 juillet 2006,
confirmée sur opposition le 2 novembre 2006, elle a maintenu la suppression du
droit aux prestations à partir du 1er janvier 2003, motif pris de l'absence
d'un lien de causalité adéquate entre l'accident survenu le 7 mars 2001 et les
troubles persistant au-delà du 31 décembre 2002. Par jugement du 2 octobre
2007, le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton
de Genève a rejeté le recours formé par L.________ contre la décision sur
opposition. Par arrêt du 3 juillet 2008, le Tribunal fédéral a rejeté le
recours qu'elle a interjeté contre ce jugement. Sur le vu des conclusions des
experts R.________, U.________ et E.________, il a relevé que la problématique
d'ordre psychique présentée par l'assurée ne pouvait pas être considérée comme
une partie du tableau clinique typique d'un traumatisme du type «coup du lapin»
mais comme une atteinte à la santé psychique propre, distincte du tableau
clinique en question, et nié que les critères objectifs déterminants en cas de
troubles psychiques consécutifs à un accident soient réalisés dans le cas
particulier.
A.b Le 16 mars 2004, L.________ a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité.
Dans un rapport du 1er juin 2004, le docteur A.________, spécialiste FMH en
médecine interne et maladies rhumatismales, a posé le diagnostic ayant des
répercussions sur la capacité de travail de status après whiplash, en indiquant
que la patiente présentait une incapacité de travail de 100 % depuis mars 2001.
Le 31 janvier 2006, le docteur U.________ a avisé l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) qu'il
n'avait pas revu l'assurée depuis les examens effectués en novembre et décembre
2003. Dans un rapport du 9 février 2006, le docteur E.________ a posé les
diagnostics ayant des répercussions sur la capacité de travail de whiplash
associated disorders, de réaction à un facteur de stress sévère, de
fibromyalgie, d'état anxio-dépressif et de migraines sans aura. Il attestait
une incapacité de travail de 100 % à partir du 7 mars 2001 en tant que
directrice.
L'office AI a confié la réalisation d'une expertise pluridisciplinaire à la
Clinique V.________, laquelle a été effectuée par les docteurs M.________,
spécialiste FMH en chirurgie orthopédique (anamnèse et examen clinique),
S.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie (examen
psychiatrique du 2 mai 2006), D.________, spécialiste FMH en neurologie
(consilium neurologique du 1er mai 2006), la psychologue O.________ (examen
psychologique) et les neuropsychologues I.________ et N.________ (examen
neuropsychologique du 3 mai 2006). Dans un rapport d'expertise du 7 juin 2006,
le docteur M.________, expert principal, a posé les diagnostics avec
répercussion sur la capacité de travail de troubles dissociatifs multiples
([CIM-10] F44) chez une personnalité limite inférieure à traits caractériels
(F60.8) et dépendants (F60.7) et de «Late whiplash syndrome» avec «Whiplash
associated disorders», essentiellement cervicalgies, céphalées, troubles
mnésiques, cognitifs et conatifs (S13.4). Sur le plan professionnel et toutes
pathologies confondues, il concluait, essentiellement sur la base des examens
psychiatrique, neuropsychologique et psychologique, à une incapacité de travail
de 70 % au moins, quelle que soit l'activité envisagée.
Dans un avis médical du 14 août 2006, les médecins du SMR ont relevé qu'en ce
qui concerne l'aspect psychiatrique, les différents psychiatres et experts
consultés avaient tous évoqué des diagnostics différents, interprétant les
plaintes de l'assurée soit comme un trouble somatoforme, un état de stress
post-traumatique, un trouble dissociatif, un trouble de l'adaptation mixte ou
un état anxiodépressif. D'un point de vue objectif, il était dès lors
impossible de déterminer quelles conclusions de psychiatre il fallait retenir,
attendu qu'aucun n'expliquait pourquoi les diagnostics de leurs confrères ne
pouvaient être retenus. Aussi proposaient-ils qu'une expertise soit confiée au
docteur P.________.
Par lettre du 15 août 2006, l'office AI a communiqué à L.________ une copie de
l'avis médical SMR du 14 août 2006, en l'informant qu'il était nécessaire de
procéder à une expertise médicale, qui serait effectuée par le docteur
P.________. Le 22 août 2006, celle-ci a répondu qu'elle refusait de se
soumettre à une nouvelle expertise confiée à un médecin qui n'était pas un
spécialiste en psychotraumatologie et dont les conclusions étaient connues par
avance, refus qu'elle a confirmé le 4 septembre 2006 après avoir été mise en
demeure le 30 août 2006 de collaborer à l'instruction.
Par décision du 31 octobre 2006, l'office AI, se prononçant en l'état du
dossier, a rejeté la demande.

B.
Le 1er décembre 2006, L.________ a formé recours contre cette décision devant
le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de
Genève, en concluant, sous suite de dépens, à l'annulation de celle-ci, la
juridiction de première instance étant invitée à reconnaître son droit à une
rente entière d'invalidité dès mars 2002. A titre préalable, elle requérait
l'audition des docteurs U.________, E.________, M.________, S.________ et
D.________.
Dans une ordonnance du 4 décembre 2007, le Tribunal cantonal des assurances
sociales, relevant que la décision de l'office AI de soumettre l'assurée à une
nouvelle expertise psychiatrique était fondée attendu que malgré le nombre
d'expertises au dossier la cause n'était pas en état d'être jugée en ce qui
concerne l'évaluation de son invalidité, a ordonné une surexpertise
psychiatrique, qu'il a confiée au docteur C.________, spécialiste FMH en
psychiatrie-psychothérapie et médecin adjoint au service de psychiatrie adulte,
Département de psychiatrie de l'Hôpital T.________, dont il a fixé la mission.
Dans ce cadre, des consultations ont eu lieu les 21 mai, 5 et 12 juin 2008. Les
psychologues F.________ et B.________ ont effectué un bilan neuropsychologique
les 13 et 16 juin 2008, qu'ils ont consigné dans un rapport du 23 juin 2008. Le
docteur C.________, dans un rapport d'expertise psychiatrique du 17 novembre
2008, a retenu le diagnostic principal d'autres modifications durables de la
personnalité ([CIM-10] F62.8), qui définissait un changement de la personnalité
n'étant imputable ni à «une expérience de catastrophe», ni à «une maladie
psychiatrique». Ce changement était survenu dans les suites de l'accident de
2001, ce qui n'impliquait pas que le whiplash syndrome en rende compte
totalement. Le trouble de modification de la personnalité était d'un degré
sévère et jouait un rôle majeur dans l'incapacité de travail de l'assurée. Les
manifestations cliniques les plus évidentes et les plus invalidantes en étaient
l'apathie, le désintérêt, l'apragmatisme, le détachement affectif, la labilité
émotionnelle, l'existence d'états de dépersonnalisation et/ou de déréalisation,
ainsi que les troubles cognitifs sévères, manifestes dans les entretiens et
clairement mis en évidence par l'examen neuropsychologique. L'assurée
présentait aussi une symptomatologie dépressive et anxieuse (fatigue et
asthénie, anhédonie, baisse de l'estime de soi, baisse de l'appétit et perte de
la libido, crises anxieuses aiguës, etc.), qui se superposait partiellement aux
manifestations cliniques relevant de modification de la personnalité, pour
donner un tableau clinique particulièrement complexe. Les graves perturbations
de son état psychique, ainsi que les altérations sévères de ses capacités
cognitives, l'empêchaient d'exercer une quelconque activité lucrative. C'est à
la suite de l'accident de mars 2001 qu'étaient progressivement apparus les
changements marqués de personnalité et les sévères altérations cognitives qui
étaient la cause principale de son incapacité de travail.
Dans ses observations du 15 janvier 2009, l'office AI, produisant un avis SMR
du 12 décembre 2008, a contesté que le rapport d'expertise psychiatrique du 17
novembre 2008 ait pleine valeur probante, attendu que l'expert ne s'était pas
prononcé sur les éléments soulevés par les médecins du SMR dans leur avis du 14
août 2006 et qu'il n'expliquait pas les raisons pour lesquelles il avait conclu
à une incapacité de travail totale. Dans ses déterminations du 16 janvier 2009,
L.________ a relevé que le docteur C.________ avait retenu la date de mars 2001
comme début de l'incapacité de travail totale et qu'elle avait donc droit à une
rente entière d'invalidité dès mars 2002.
Par jugement du 24 février 2009, le Tribunal cantonal des assurances sociales a
admis le recours (ch. 2 du dispositif), annulé la décision de l'office AI du 31
octobre 2006 (ch. 3 du dispositif), constaté que L.________ avait droit à une
rente entière d'invalidité dès le 1er mars 2002 pour une durée indéterminée
(ch. 4 du dispositif), condamné l'office AI à lui verser un montant de 2'500
fr. à titre de dépens (ch. 5 du dispositif) et mis à sa charge un émolument de
500 fr. (ch. 6 du dispositif).

C.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève interjette un recours en
matière de droit public contre ce jugement, en concluant à son annulation. Il
relève que selon l'expert C.________ l'incapacité totale de travail remonte à
mars 2001, que le délai de carence échoit en mars 2002 et que la rente ne
saurait dès lors être allouée que pour les douze mois précédant le dépôt de la
demande, soit dès mars 2003. L'ordonnance du 28 mai 2009 admettant sa requête
d'effet suspensif a été maintenue par ordonnance de la IIe Cour de droit social
du 16 octobre 2009.
La juridiction cantonale s'en remet à justice en ce qui concerne l'allocation
de la rente pour une période antérieure aux douze mois précédant le dépôt de la
demande. Dans sa réponse du 18 mai 2009, L.________ déclare qu'elle ne s'oppose
pas à l'allocation de la rente dès le 1er mars 2003. L'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:

1.
Le recours peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95
let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF),
n'étant ainsi limité ni par les arguments du recourant, ni par la motivation de
l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p.140). Le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de
l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF et ne peut aller au-delà
des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur
les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF).
Il examine sur la base des griefs soulevés dans le recours si le jugement
entrepris viole (notamment) le droit fédéral dans l'application des règles
pertinentes du droit matériel et de preuve (art. 95 let. a LTF) y compris une
éventuelle constatation des faits manifestement inexacte ou en violation du
droit (art. 97 al. 1, art. 105 al. 2 LTF).

2.
Le litige porte sur le point de savoir si, comme l'ont admis les premiers
juges, l'intimée a droit à une rente d'invalidité, singulièrement a trait aux
incidences sur sa capacité de travail et de gain des atteintes à la santé
qu'elle présente sur le plan psychiatrique et à la date à partir de laquelle la
rente doit lui être allouée.

2.1 Les principes relatifs au pouvoir d'examen développés dans l'ATF 132 V 393
consid. 3 p. 397 s. (en relation avec l'art. 132 OJ dans sa version en vigueur
du 1er juillet au 31 décembre 2006) continuent à s'appliquer pour distinguer
les constatations de fait de l'autorité précédente (qui lient en principe le
Tribunal fédéral) de l'application qu'elle fait du droit (question qui peut
être examinée librement en instance fédérale). Conformément à ces principes,
les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé
(diagnostic, etc.), la capacité de travail de l'assuré et l'exigibilité
relèvent d'une question de fait et ne peuvent être contrôlées que sous un angle
restreint (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p. 398).

2.2 En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions
d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de
mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de
l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la
jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise
judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une
surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière
convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions
contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de
l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des
conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction
complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 352
consid. 3b/aa et les références). En ce qui concerne, par ailleurs, la valeur
probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant c'est que les points
litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se
fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les
plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine
connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et
l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les
conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément
déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa
désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF
125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références).

3.
Les premiers juges ont retenu que l'intimée présentait une incapacité totale de
travail depuis mars 2001 pour des raisons psychiques et qu'elle avait droit à
une rente entière d'invalidité dès mars 2002.

3.1 Ils ont reconnu une pleine valeur probante à l'expertise du docteur
C.________ du 17 novembre 2008. Ecartant les griefs de l'office AI lui
reprochant de ne s'être pas prononcé sur les éléments soulevés par les médecins
du SMR dans leur avis du 14 août 2006, ils ont relevé que dans son rapport,
l'expert y exposait sa position, de manière claire et circonstanciée,
expliquant pourquoi il retenait tel diagnostic par rapport à ses confrères
plutôt que tel autre, pourquoi il s'écartait de la position d'un autre expert
ou pourquoi il la rejoignait. Le rapport du 17 novembre 2008 comportait des
anamnèses détaillées, tenait compte des plaintes de l'assurée, posait des
diagnostics clairs ainsi que des conclusions dûment motivées, lesquelles
emportaient conviction. Aucun autre médecin spécialiste ne les mettait
sérieusement en doute ou soulevait des arguments faisant douter de la valeur
probante de ce rapport. Cela n'est pas remis en cause devant la Cour de céans.

3.2 Ainsi, faisant siennes les conclusions de l'expert judiciaire, la
juridiction cantonale a retenu le diagnostic d'autres modifications durables de
la personnalité posé par le docteur C.________. Les manifestations cliniques de
cet état les plus évidentes et les plus invalidantes en étaient l'apathie, le
désintérêt, l'apragmatisme, le détachement affectif, la labilité émotionnelle,
l'existence d'états de dépersonnalisation et/ou de déréalisation, ainsi que des
troubles cognitifs sévères, manifestes dans les entretiens et clairement mis en
évidence par l'examen neuropsychologique. L'intimée présentait également une
symptomatologie dépressive et anxieuse (fatigue et asthénie, anhédonie, baisse
de l'estime de soi, baisse de l'appétit et perte de la libido, crise anxieuse
aiguë, etc.), qui se superposait partiellement aux manifestations cliniques
relevant de la modification de la personnalité, pour donner un tableau
particulièrement complexe. Toutefois, le diagnostic d'épisode dépressif ne
saurait rendre compte de l'ensemble du tableau clinique et des particularités
évolutives de la psychopathologie. Le trouble de modification de la
personnalité était d'un degré sévère. Il jouait un rôle majeur dans
l'incapacité de travail de l'assurée et avait valeur de maladie. Le symptôme
douloureux qui avait longtemps été en premier plan des manifestations cliniques
et des plaintes de l'intimée était "actuellement" au deuxième plan. C'étaient
en effet les perturbations des fonctions cognitives (attention, concentration,
mémoire, fonctions exécutives, calcul et écriture) et les modifications
profondes de la personnalité (apathie, désintérêt, détachement émotionnel,
labilité affective, tendance à l'irritabilité et à l'agressivité, états
transitoires de dépersonnalisation et de déréalisation) qui étaient cause de
l'incapacité de travail. Celle-ci était totale depuis mars 2001, date de
l'accident à la suite duquel étaient progressivement apparus les changements
marqués de personnalité et les sévères altérations cognitives qui étaient la
cause principale de l'incapacité totale de travail de l'assurée, étant relevé
que l'ensemble des experts qui s'étaient prononcés était d'accord sur le degré
d'incapacité de travail, évalué entre 70 % au moins et 100 %.
Les griefs soulevés par le recourant en instance fédérale contre le jugement
cantonal ne permettent pas de retenir que les constatations de fait ci-dessus
des premiers juges soient manifestement inexactes ou aient été établies de
manière contraire au droit, ni que les conclusions juridiques qu'ils en ont
tirées soient contraires au droit fédéral. En effet, ainsi qu'ils l'ont
expliqué de manière convaincante, l'expert judiciaire a parfaitement exécuté la
mission qui était la sienne selon l'ordonnance d'expertise du 4 décembre 2007,
en donnant les raisons pour lesquelles il avait posé le diagnostic principal
d'autres modifications durables de la personnalité et conclu à une incapacité
de travail totale, dont il ressort que les changements marqués de personnalité
et les sévères altérations cognitives apparues progressivement à la suite de
l'accident de mars 2001 en étaient la cause principale. Le recourant, qui fonde
l'essentiel de son argumentation devant la Cour de céans sur la notion
économique de l'invalidité, entend tirer argument de l'exigibilité d'une
activité adaptée sur le marché du travail et du taux d'invalidité à prendre en
compte. Pour autant, il ne démontre pas que des éléments objectivement
vérifiables et suffisamment pertinents auraient été ignorés dans le cadre de
l'expertise judiciaire. A la question de savoir si l'assurée pourrait exercer
une activité lucrative d'un point de vue psychique, notamment si les activités
de directrice d'une PME ou de secrétaire étaient encore exigibles, le docteur
C.________ a répondu par la négative, en expliquant que "les graves
perturbations de l'état psychique de (l'intimée), ainsi que les altérations
sévères de ses capacités cognitives, l'empêch(ai)ent d'exercer une quelconque
activité lucrative" (cf. page 16 du rapport du 17 novembre 2008). La
réadaptation a la priorité sur la rente dont l'octroi n'entre en ligne de
compte que si une réadaptation suffisante est impossible (art. 7 al. 1 LPGA;
ATF 121 V 190 consid. 4a et c p. 191 s.; arrêt 9C_186/2009 du 29 juin 2009
consid. 3.2). Ainsi, selon l'art. 28 al. 1 let. a LAI (teneur en vigueur depuis
le 1er janvier 2008), l'assuré a droit à une rente à condition que sa capacité
de gain ne puisse pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de
réadaptation raisonnablement exigibles. Les premiers juges ont constaté sur la
base de l'expertise du docteur U.________ du 10 janvier 2004 qu'il n'était pas
réaliste d'attendre d'un traitement psychiatrique une amélioration de la
capacité de travail de l'intimée. Au regard de cette constatation de fait qui
n'est pas manifestement inexacte, le jugement attaqué n'est pas non plus
critiquable sous cet angle. Il est bien clair qu'il s'agit de la situation de
l'assurée à ce moment-là. Libre est l'office AI d'examiner à nouveau à l'avenir
si sa capacité de travail et de gain peut être améliorée par un traitement
psychiatrique et, cas échéant, de procéder selon l'art. 21 al. 4 LPGA.
Le jugement attaqué, qui retient une incapacité totale de travail (et de gain)
pour des raisons psychiques et donc une invalidité de 100 % sur le plan
psychiatrique, est dès lors conforme au droit fédéral (comparaison en
pour-cent; ATF 114 V 310 consid. 3a p. 313, 104 V 135 consid. 2b p. 136 s.). Le
recours est mal fondé de ce chef.

3.3 Attendu que l'incapacité de travail est totale depuis mars 2001 (supra,
consid. 3.2), l'invalidité est réputée survenue en mars 2002 (art. 4 al. 2
LAI), mois au cours duquel le droit de l'intimée à une rente d'invalidité a
pris naissance (art. 29 al. 1 let. b LAI, teneur en vigueur jusqu'au 31
décembre 2002).
L'intimée a présenté sa demande de prestations le 16 mars 2004, soit plus de
douze mois après la naissance du droit à la rente. Au regard de l'art. 48 al. 2
LAI (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007), dont la première phrase prévoyait
que la rente n'est allouée que pour les douze mois précédant le dépôt de la
demande, le début du versement différé de la rente remonte au 1er mars 2003.
Les premiers juges ont alloué la rente à l'intimée dès le 1er mars 2002, soit
pour une période antérieure aux douze mois précédant le dépôt de la demande.
Aux termes de l'art. 48 al. 2 deuxième phrase LAI, (les prestations) sont
allouées pour une période antérieure si l'assuré ne pouvait pas connaître les
faits ouvrant droit à prestations et qu'il présente sa demande dans les douze
mois dès le moment où il en a eu connaissance. Selon la jurisprudence (ATF 110
V 114 consid. 2c p. 119), les faits ouvrant droit à prestations que l'assuré ne
pouvait pas connaître sont ceux qui n'étaient objectivement pas
reconnaissables, mais non ceux dont l'assuré ne pouvait subjectivement pas
saisir la portée. En l'espèce, où la connaissance du diagnostic concret n'est
pas déterminante pour le droit à la rente (comp. ATF 120 V 89 consid. 4b p.
94), il y a lieu de retenir que les symptômes que présentait l'intimée et
l'état dans lequel elle se trouvait à la suite de l'accident du 7 mars 2001
ayant entraîné une incapacité totale de travail étaient objectivement
reconnaissables et qu'elle n'est donc pas dans la situation où elle ne pouvait
connaître les faits ouvrant droit à prestations. L'allocation de la rente pour
une période antérieure aux douze mois précédant le dépôt de la demande n'entre
dès lors pas en considération. Ainsi, le jugement attaqué, dans la mesure où il
alloue à l'intimée une rente entière d'invalidité dès le 1er mars 2002 au lieu
du 1er mars 2003, est erroné. Sur ce point, le recours est bien fondé.

4.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires sont répartis entre les
parties pour trois quarts à la charge du recourant et un quart à la charge de
l'intimée (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée, représentée par un avocat, a droit à
une indemnité de dépens réduite à la charge de l'office recourant pour la
procédure fédérale (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis. Le chiffre 4 du dispositif du jugement du
Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève
du 24 février 2009 est réformé en ce sens que L.________ a droit à une rente
entière d'invalidité dès le 1er mars 2003. Le recours est rejeté pour le
surplus.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis pour 375 fr. à la charge du
recourant et pour 125 fr. à la charge de l'intimée.

3.
Le recourant versera à l'intimée la somme de 2'100 fr. (y compris la taxe sur
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour la dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 3 février 2010
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Wagner