Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 248/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_248/2009

Arrêt du 27 novembre 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Pfiffner Rauber.
Greffier: M. Cretton.

Parties
1. A.________, représenté par Me Alain Veuillet, avocat,
2. B.________, représenté par Me Bernard Lachenal, avocat,
recourants,

contre

Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes
Genève, rue de St-Jean 98, 1201 Genève,
intimée.

Objet
Assurance-vieillesse et survivants (responsabilité de l'employeur),

recours contre le jugement du Tribunal cantonal genevois des assurances
sociales du 4 février 2009.

Faits:

A.
X.________ SA (ci-après: la société), dissoute par suite de faillite en mars
2004 puis radiée du Registre du commerce en juin 2009, était affiliée en
qualité d'employeur à la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des
Entreprises Romandes (ci-après: la caisse). A.________ en a été
l'administrateur délégué du 30 mai 1997 au 11 février 2004, ainsi que
l'administrateur délégué et le président par la suite, avec signature
individuelle. B.________ en a été l'un des administrateurs du 3 juillet 1998 au
11 février 2004, avec signature collective à deux.
Par deux décisions en réparation du dommage du 14 décembre 2005, la caisse a
réclamé le versement de 372'668 fr. 70 de A.________ et de 323'561 fr. 95 de
B.________, solidairement, correspondant à l'arriéré et à des compléments de
cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC, au régime des allocations familiales et
de l'assurance maternité ainsi qu'à un solde de frais pour diverses périodes
comprises entre novembre 2002 et février 2004.
Saisie d'oppositions, la caisse les a rejetées par deux décisions du 12
décembre 2007. Toutefois, le montant réclamé de A.________ a été diminué à
357'668 fr. 70, compte tenu des paiements effectués en cours de procédure.

B.
A.________ et B.________ ont déféré séparément ces décisions au Tribunal
cantonal genevois des assurances sociales, requérant leur annulation dès lors
qu'ils ne pouvaient être tenus pour responsables du dommage.
Après avoir joint les causes, par ordonnance du 4 avril 2008, la juridiction
cantonale a partiellement admis les recours, par jugement du 4 février 2009.
Reprochant à la caisse d'être en partie responsable de son dommage, elle a
réduit de moitié les prétentions de cette dernière puis condamné A.________ et
B.________ au paiement d'un montant respectif de 186'334 fr. 35 et 161'781 fr.,
solidairement, sous réserve de l'imputation des sommes versées en cours de
procédure.

C.
A.________ et B.________ déposent un recours en matière de droit public à
l'encontre de ce jugement, dont ils requièrent l'annulation, reprenant, sous
suite de frais et dépens, les mêmes conclusions qu'en première instance.
La caisse, qui nie toute responsabilité concomitante dans la survenance du
dommage, et l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit:

1.
La IIe Cour de droit social du Tribunal fédéral connaît des décisions en
réparation du dommage au sens de l'art. 52 LAVS (art. 82 let. a LTF et 35 let.
a RTF). Cela vaut également lorsque le litige a trait à la réparation du
dommage causé aux caisses d'allocations familiales et d'assurance-maternité
régies par le droit cantonal (loi genevoise du 1er mars 1996 sur les
allocations familiales [LAF; RSG J 5 10] et du 14 décembre 2000 sur
l'assurance-maternité [remplacée le 1er juillet 2005 par la loi du 21 avril
2005 instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption; LAMat; RSG J 5
07]). Bien que l'assurance sociale cantonale entre formellement dans la
compétence de la Ire Cour de droit social (art. 34 let. e RTF), des raisons
d'économie de procédure justifient toutefois que la IIe Cour de droit social
traite de ces questions (cf. ATF 134 I 179; voir aussi arrêt du Tribunal
fédéral 9C_69/2008 du 29 septembre 2008 consid. 1 et la référence).

2.
L'institution du recours joint n'étant pas admise devant le Tribunal fédéral
(Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation
judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 4000 ss, p. 4139 s.; ATF 134
III 332 consid. 2.5 p. 335 s.), les considérations de la caisse intimée
relatives à l'absence de faute concomitante ne sont pas recevables céans.

3.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'examine en principe que les griefs
invoqués (art. 42 al. 2 LTF) et fonde son raisonnement sur les faits retenus
par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été
établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF auquel cas il peut les rectifier ou les compléter d'office (art.
105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer la constatation de faits
importants pour le jugement de la cause que si ceux-ci ont été constatés en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de façon manifestement inexacte
(art. 97 al. 1 LTF).

4.
Les recourants reprochent fondamentalement à la juridiction cantonale d'avoir
retenu, à leur encontre, la violation d'obligations incombant aux
administrateurs et considéré cette violation comme étant suffisamment grave
pour engager leur responsabilité. Ils soutiennent avoir entrepris toutes les
démarches nécessaires, concrètes et réalistes, que leur rôle respectif au sein
de la société commandait, de sorte que les griefs formulés par les premiers
juges étaient infondés.

5.
5.1 Les recourants rappellent les faits allégués en première instance, à savoir
que l'un d'entre eux avait consenti des investissements importants dans la
société (augmentation de capital de 500'000 fr. intégralement financée par
A.________) et s'était porté co-débiteur solidaire pour les dettes de celle-ci,
que l'entreprise avait introduit des actions civiles et pénales contre les
anciens dirigeants (C.________ et D.________), auteurs de malversations, que
ces actions devaient rapporter à la société d'importantes sommes d'argent,
qu'ils disposaient d'expectatives pour plusieurs centaines de milliers de
francs dans une faillite en cours (feu E.________), qu'ils ont mené de longues
négociations avec des investisseurs potentiels (famille F.________), que la
dette de cotisations avait fait l'objet de paiements réguliers conformément aux
arrangements passés avec la caisse intimée et que la masse en faillite de la
société avait transigé sur les montants susceptibles d'être récupérés dans les
actions ou faillites citées. Ils estiment que ces faits ont été appréciés de
façon manifestement inexacte dès lors qu'ils étaient amplement suffisants pour
les disculper.
Dans la mesure où A.________ et B.________ se bornent à reprendre des faits
connus et à en faire une appréciation différente de celle des premiers juges,
leur argumentation est manifestement insuffisante au regard des exigences
légales de motivation (art. 42 al. 2 LTF).
5.1.1 Ainsi, la juridiction cantonale a estimé que les transactions passées par
la masse en faillite de la société ou le fait de ne pas avoir intenté d'actions
révocatoires envers certaines personnes ayant bénéficié de cessions de créance
peu de temps avant le prononcé de la faillite se justifiaient en raison de
l'incertitude quant à l'issue de telles procédures ou à la longueur prévisible
de celles-ci. Affirmer péremptoirement que cette appréciation est erronée ou
que la perspective de récupérer des sommes bien supérieures était réaliste ne
démontre nullement en quoi l'acte entrepris serait manifestement inexact. On
notera notamment à cet égard que les prétentions envers l'ancien administrateur
D.________ se sont transformées en un versement en sa faveur de 160'904 francs.
Un tel revirement ne saurait se produire sans raison et démontre bien
l'incertitude des procédures mentionnées.
5.1.2 Les premiers juges ont noté que les 450'000 fr. obtenus dans la faillite
de feu E.________ auraient permis de couvrir les arriérés de cotisations
paritaires, mais que cette créance a été cédée à la Banque Y.________. Les
recourants soutiennent n'avoir pas eu le choix d'agir autrement dans la mesure
où la banque avait menacé de dénoncer les crédits bancaires, ce qui aurait
privé la société des liquidités nécessaires à sa survie. Leur argumentation,
qui ne tend pas à contester l'établissement des faits, ne leur est ainsi
d'aucune utilité. Au contraire, elle met même en évidence un comportement
contraire au droit dès lors que l'existence de la créance invoquée semble être
à l'origine du deuxième sursis accordé par la caisse intimée. De surcroît, elle
démontre que A.________ et B.________ avaient tort d'envisager la situation
financière de l'entreprise avec optimisme puisque qu'ils affirment que la
cession de créance était la seule solution pour que la banque ne dénonce pas
les crédits.
5.1.3 Pour la juridiction cantonale, le fait de ne pas avoir employé les
500'000 fr. provenant de l'augmentation du capital social pour s'acquitter de
l'arriéré de cotisations mais de les avoir utilisés pour rembourser une partie
des dettes bancaires démontrait que les recourants faisaient supporter le
risque inhérent au financement de la société en difficulté à l'assurance
sociale. A.________ et B.________ ne contestent pas cette assertion. Ils
considèrent que cet apport d'argent, cumulé avec le fait que l'administrateur
délégué se soit porté co-débiteur solidaire des dettes de l'entreprise et que
des négociations pour trouver des investisseurs potentiels se soient
poursuivies, prouvaient à satisfaction que la mauvaise situation financière de
la société ne pouvait alors être regardée que comme passagère. Cet argument ne
remet pas en question le jugement cantonal. Au contraire, on remarquera qu'en
plus du montant mentionné, l'entreprise a affecté la créance de 450'000 fr.
qu'elle détenait dans la faillite de feu E.________ au remboursement partiel de
crédits bancaires, ce qui une fois encore tend à prouver que la situation
financière de la société était alarmante, d'autant plus que la dette envers la
caisse intimée ne cessait de s'accroître dans le même temps.
5.1.4 Outre les démarches mentionnées, les recourants signalent également avoir
adopté un comportement pro-actif vis-à-vis de la caisse intimée puisqu'ils ont
négocié et obtenu des sursis au paiement des cotisations paritaires. Si la
jurisprudence correctement citée par les premiers juges condamne effectivement
l'immobilisme, le fait d'entreprendre différentes démarches ne saurait en soi
justifier l'exclusion de toute responsabilité. La négociation et l'obtention
d'un sursis au paiement doit effectivement reposer sur des motifs sérieux et
objectifs et non sur une intime conviction. Or, vu ce qui précède, tel n'était
pas le cas, d'autant moins que la dette de cotisation augmentait de manière
vertigineuse, que rien d'objectif ne laissait supposer que la dette pourrait
être acquittée dans un délai raisonnable et que rien n'a été concrètement
entrepris pour la diminuer (baisse de la masse salariale ou du salaire des
administrateurs). Que la caisse intimée doive supporter une part de
responsabilité a été admis par la juridiction cantonale et n'est pas
valablement contesté céans (cf. consid. 2).

5.2 A.________ et B.________ estiment finalement que le cumul des éléments
mentionnés excluent leur responsabilité dans la mesure où le non-paiement des
cotisations litigieuses était dû à des événements ultérieurs (cessions de
créances imposées par des tiers, transactions menées par la masse en faillite)
dont ils n'avaient pas la maîtrise. Une fois encore, on relèvera que ce
raisonnement consiste en une appréciation différente des mêmes éléments que
ceux pris en compte par les premiers juges. On ajoutera que si chaque élément
pris séparément ne démontre aucunement une constatation manifestement inexacte
des faits, il ne saurait en aller différemment de leur cumul.

6.
Inscrits au Registre du commerce en qualité d'administrateur délégué et de
président ou d'administrateur, avec signature individuelle ou collective à
deux, A.________ et B.________ n'exerçaient pas les mêmes fonctions dans
l'entreprise. Cela est du reste confirmé par l'agreement du 1er juillet 1998
entre la société et Z.________ SA, par lequel la seconde mettait B.________ à
disposition de la première seulement pour la réalisation de certaines tâches
spécifiques. B.________ ne peut cependant exciper de ce seul fait pour nier
toute responsabilité dans le dommage infligé à la caisse intimée dès lors que
la délégation des compétences de gestion à la direction, à des tiers ou à un
administrateur délégué - comme en l'occurrence - n'exempte pas les autres
administrateurs de veiller personnellement au paiement régulier des cotisations
paritaires (cf. Mélanie Fretz, La responsabilité selon l'art. 52 LAVS: une
comparaison avec les art. 78 LPGA et 52 LPP, in HAVE/REAS 2009, n° 3, p. 242;
cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 265/02 du 3 juillet 2003
consid. 3.2 et la référence). Affirmer s'être régulièrement informé ne prouve
rien et ne remet pas en question l'appréciation de la juridiction cantonale
selon laquelle B.________ aurait dû demander des rapports plus détaillés ou
proposer des solutions, d'autant plus que l'agreement mentionné montre qu'il
avait accès à la comptabilité de la société, ce qui implique qu'il ne pouvait
ignorer l'étendue des obligations de cette dernière envers ses créanciers. Le
recours est donc en tout point mal fondé.

7.
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants
(art. 66 al. 1 LTF) solidairement entre eux. Ils ne sauraient prétendre des
dépens pour l'instance fédérale (art. 68 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires arrêtés à 8'000 fr. sont mis à la charge des recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois des
assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 27 novembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Cretton