Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 104/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_104/2009

Arrêt du 31 décembre 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Berthoud.

Parties
Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, Rue Bel-Air 3, 2350
Saignelégier,
recourant,

contre

W.________, représentée par Me Franziska Lüthi, Procap, Association Suisse des
invalides,
intimée.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton du
Jura, Chambre des assurances, du 19 décembre 2008.

Faits:

A.
W.________, née en 1949, a travaillé en qualité d'employée de commerce auprès
d'une compagnie d'assurance jusqu'en 1987. Dès le 1er mai 1988, elle a
bénéficié d'une demi-rente d'invalidité fondée sur un degré d'incapacité de
gain de 50 % (prononcé du 8 novembre 1989). Le droit à cette prestation a été
confirmé à plusieurs reprises lors de procédures de révision (en 1991, 1993,
1995 et 2000). Du 1er juillet 1990 au 14 octobre 2004, l'assurée a été occupée
à mi-temps en qualité d'employée d'accueil de la clientèle au service d'une
banque. Depuis lors, elle a cessé le travail en raison de douleurs dorsales.

Dans le cadre d'une nouvelle procédure de révision du droit à la rente, initiée
d'office en septembre 2005, l'Office de l'assurance-invalidité du canton du
Jura (l'office AI) a recueilli l'avis de la doctoresse B.________, spécialiste
en psychiatrie et psychothérapie, médecin traitant (rapport du 27 octobre
2005). L'administration a confié un mandat d'expertise à la Clinique
X.________, fonctionnant en tant que COMAI. Dans leur rapport d'expertise
interdisciplinaire du 15 novembre 2006, les doctoresses D.________, spécialiste
en médecine physique et rééducation ainsi qu'en rhumatologie, et U.________,
spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, ont attesté une capacité de
travail exigible de 70 % dans l'ancienne profession. Par décision du 3
septembre 2007, l'office AI a fixé le taux d'invalidité de l'assurée à 30 % et
a mis fin au droit à la rente.

B.
W.________ a déféré cette décision à la Chambre des assurances du Tribunal
cantonal de la République et canton du Jura, en concluant principalement au
maintien de la demi-rente.

Par jugement du 19 décembre 2008, la juridiction cantonale a admis le recours
et annulé la décision du 3 décembre 2007.

C.
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont il demande l'annulation, en concluant principalement à la confirmation de
sa décision, subsidiairement au renvoi de la cause pour nouvelle instruction.

L'intimée conclut au rejet du recours, avec suite de frais et dépens. L'Office
fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit selon les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le
droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4
p. 140).

2.
Le litige porte sur la révision du droit à la demi-rente d'invalidité dont
bénéficiait l'intimée.

Selon l'art. 17 al. 1 LPGA, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente
subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée
pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore
supprimée.

3.
3.1 Les premiers juges ont constaté que la doctoresse U.________ ne s'était pas
exprimée sur la diminution de l'intensité de l'atteinte psychique. De ce
silence, ils ont déduit que l'état de santé psychique de l'intimée ne s'était
pas modifié entre le 8 novembre 1989 (date de la décision initiale de rente),
respectivement le 30 août 2000 (jour où la dernière décision confirmant le
droit à la rente avait été rendue dans une procédure de révision), et le 3
septembre 2007 (date de la décision portant suppression de la rente). Quant au
degré de l'incapacité de travail, le tribunal a estimé qu'il résultait d'une
appréciation différente de l'experte mandatée par l'office AI. Dès lors que de
tels éléments ne justifiaient pas une révision de la rente, selon la
jurisprudence, et que les conditions d'une reconsidération au sens de l'art. 53
LPGA n'étaient pas non plus réalisées, le tribunal a annulé la décision
administrative et rétabli le droit de l'intimée à la demi-rente.

3.2 L'office recourant reproche au tribunal cantonal d'avoir constaté les faits
pertinents de façon erronée, violant ainsi le droit fédéral (art. 95 let. a
LTF). En particulier, l'office AI estime que le tribunal a fait complètement
abstraction du rapport de la doctoresse B.________ du 27 octobre 2005, où la
psychiatre traitante de l'intimée attestait clairement une amélioration de
l'état de santé psychique, bien que le diagnostic restât inchangé. Notamment,
ce médecin relevait que la patiente ne présentait plus de dépression et de
crises d'angoisse, qu'elle participait à la rénovation de sa maison et qu'elle
ne consommait plus de benzodiazépine.

Par ailleurs, le recourant fait grief à la juridiction cantonale de n'avoir pas
pris en considération les conclusions du COMAI quant à la capacité résiduelle
de travail (rapport du docteur A.________ du 21 janvier 2008, ch. 6). Dès lors
que le rapport de la clinique X.________ avait valeur probante, au sens de la
jurisprudence, le recourant soutient qu'il faut s'y référer pour actualiser le
degré de l'invalidité.

3.3 L'intimée conteste les griefs du recourant. Elle soutient notamment que le
tribunal cantonal n'a pas apprécié les preuves de façon arbitraire en
constatant que le rapport d'expertise psychiatrique de la doctoresse U.________
ne faisait pas mention d'une modification ou d'une amélioration de l'état de
santé. Elle ajoute que ce document ne constitue qu'une appréciation différente
de faits restés identiques, ce qui ne suffit pas à justifier une révision du
droit à la rente.

4.
4.1 Les parties ne remettent pas en cause les constatations de fait du jugement
attaqué, dans la mesure où celui-ci retient que le diagnostic psychatrique n'a
pas évolué depuis la décision initiale d'octroi de la rente. Leurs avis
divergent en revanche sur la modification de l'état de santé psychique et de la
capacité de travail.

Ces deux derniers points constituent des questions de fait qui lient en
principe le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins que les faits en
cause aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du
droit au sens de l'art. 95 (art. 105 al. 2 LTF).

4.2 Dans le rapport qu'elle avait rédigé le 7 avril 1989, la doctoresse
B.________ avait fixé le degré de l'incapacité de travail de sa patiente dans
son activité d'employée de commerce à 50 % depuis le 1er octobre 1988, en
raison d'affections psychiques. Le 27 octobre 2005, elle a attesté que l'état
de santé psychique s'était amélioré, bien que le diagnostic psychiatrique fût
resté identique; la doctoresse B.________ ne s'est toutefois pas déterminée sur
l'étendue de la capacité résiduelle de travail, mais elle a recommandé à l'AI
de mettre en oeuvre une expertise médicale.

Cet examen a été confié à la clinique X.________. D'après la doctoresse
D.________, l'intimée est apte à exercer son activité de secrétaire de
réception à 100 %, d'un point de vue rhumatologique (consilium de rhumatologie
du 8 juin 2006). Quant à la doctoresse U.________, elle a confirmé le
diagnostic psychiatrique posé par sa consoeur B.________ (épisode dépressif
moyen; agoraphobie et troubles paniques anxieux) et attesté une capacité de
travail de 70 % dans l'ancienne profession, en raison des affections
psychiques; d'un point de vue médico-théorique, un rendement de 100 % serait
toutefois possible six mois après la mise en oeuvre de mesures thérapeutiques
(consilium de psychiatrie du 8 juin 2006). L'exigibilité d'une capacité de
travail de 70 % dans son activité de secrétaire de réception ou tout autre
emploi adapté a finalement été retenue de manière consensuelle par les experts
dans leur rapport d'expertise interdisciplinaire du 15 novembre 2006, puis
confirmée ce à compter de l'automne 2004 (rapport du docteur A.________ du 21
janvier 2008).

4.3 La juridiction cantonale a procédé à une lecture sélective du rapport
d'expertise interdisciplinaire du COMAI du 15 novembre 2006, en mettant en
exergue le fait que la doctoresse U.________ ne s'était pas exprimée sur la
question de l'évolution de l'état de santé psychique de l'intimée. Par
ailleurs, les premiers juges ont fait abstraction du rapport de la doctoresse
B.________ du 27 octobre 2005 qui avait clairement pris position sur la
question de la modification de l'état de santé psychique de sa patiente. Enfin,
la manière dont les constatations de fait du tribunal cantonal ont été établies
prête le flanc à la critique, sous l'angle de l'art. 61 let. c LPGA, car l'avis
médical du COMAI (qui - sauf exception non remplie en l'espèce - a force
probante : ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352, 123 V 175) était justement destiné
à compléter celui de la psychiatre B.________, singulièrement sur la question
de l'étendue de la capacité de travail résiduelle, que la prénommée n'avait pas
abordée.

A l'examen des griefs du recourant, des rapports de la doctoresse B.________
des 7 avril 1989 et 27 octobre 2005, ainsi que du rapport d'expertise
interdisciplinaire du COMAI du 15 novembre 2006 (ch. 2.2 p. 11), qui a donné
lieu à une précision du docteur A.________, le 21 janvier 2008, on doit
admettre que l'office recourant avait admis à juste titre que l'état de santé
psychique de l'intimée s'est amélioré et que sa capacité de travail s'élevait
désormais à 70 % dans l'ancienne profession de réceptionniste auprès d'une
banque. En le niant, les premiers juges ont procédé à une constatation
manifestement inexacte des faits pertinents, si bien que le Tribunal fédéral
rectifiera ces constats (art. 105 al. 2 LTF).

5.
5.1 En l'espèce, l'office recourant a admis que la diminution de rendement de
l'intimée dans l'ancienne activité de secrétaire réceptionniste correspondait
au degré de l'invalidité, soit 30 %. Pour ce faire, le recourant est parti du
principe que l'intimée pourrait augmenter ses revenus dans un emploi de
réceptionniste auprès d'une banque, dans une mesure correspondant à
l'amélioration de sa capacité de travail dans cette activité. De leur côté, les
premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation de l'invalidité, car ils ont
considéré que le taux de l'incapacité de travail résultait d'une appréciation
médicale différente (sous-entendu : de celle qui avait été rendue lors de
l'octroi initial de la rente) qui ne pouvait ainsi être suivie.

On ne saurait partager le raisonnement du recourant, qui découle en quelque
sorte d'une évaluation médico-théorique de l'invalidité. Par ailleurs, le
revenu que l'intimée percevait jusqu'en 2004 se rapportait à un emploi qu'elle
avait pris postérieurement à l'évaluation initiale du degré de l'invalidité et
qui n'avait pas été pris en considération à cette occasion.

5.2 Pour procéder à la comparaison des revenus (art. 16 LPGA), il convient de
se placer au moment de la modification possible du droit à la rente (en
septembre 2007), les revenus avec et sans invalidité devant être déterminés par
rapport à un même moment (cf. ATF 128 V 174).

Le revenu sans invalidité doit être déterminé en partant du dernier revenu
obtenu avant la survenance de l'atteinte à la santé (arrêt I 225/99 du 11
février 2000, in VSI 2000 p. 310). Du questionnaire pour l'employeur du 19 mai
1989, il ressort que l'intimée a perçu un revenu total de 41'756 fr. en 1986
(dernière année complète), gratification comprise. Ce montant doit être adapté
suivant l'indice des salaires nominaux de la branche où travaillait l'intimée,
lequel est passé pour les femmes de 1'516 points en 1986 à 2'024 points en
1993, puis à 125,9 points (nouvelle base) en 2007 (Annuaire statistique de la
Suisse, 1994 T3.11b, 1995 T3.15, 2009 T3.4.2.2.1). Le revenu sans invalidité
s'élève ainsi à 70'186 fr. en 2007.

D'après la jurisprudence (ATF 124 V 321), le revenu avec invalidité doit, en
l'absence de salaire effectif, être arrêté à la lumière des statistiques
salariales ressortant de l'enquête suisse sur la structure des salaires publiée
par l'Office fédéral de la statistique. Dans le cas d'espèce, il sied de tenir
compte des valeurs ressortant de la table TA1 relatives à l'année 2006 (p. 25),
plus précisément du ch. 67 (Services aux activités financières et
d'assurances), niveau 4 (activités simples et répétitives) pour une femme, car
cela correspond le mieux à l'activité la plus adaptée décrite dans le rapport
du COMAI et qu'il s'agit du domaine où la recourante a travaillé en dernier
lieu durant de nombreuses années jusqu'en 2004. Il faut ainsi partir d'un gain
déterminant de 5'461 fr. par mois (valeur standardisée). Ce salaire mensuel
hypothétique de 5'461 fr. doit être adapté à l'évolution des salaires pour
l'année 2007 (+ 2,1 %; Annuaire statistique 2009, T3.4.2.2.1, pour les secteurs
65-74 des activités financières, assurances, services aux entreprises), soit
5'575 fr. Comme il se base sur une durée hebdomadaire de travail de 40 heures,
inférieure à la moyenne usuelle dans les secteurs 65-67 (activités financières
et assurances), il y a lieu de l'ajuster à 41,4 heures par semaine (Annuaire
statistique 2009, T3.2.4.19), soit un salaire mensuel de 5'770 fr., ou annuel
de 69'249 fr. En adaptant ce revenu à la capacité résiduelle de travail de
l'intimée, son gain hypothétique s'élève ainsi à 48'474 fr. (70 % de 69'249
fr.). Il convient ensuite d'appliquer un facteur de réduction au gain annuel
statistique de 48'474 fr., conformément à la jurisprudence (cf. ATF 126 V 75).
Compte tenu des circonstances personnelles et professionnelles du cas
particulier, un abattement de 15 % semble approprié, si bien que le gain
d'invalide se monte à 41'203 fr. La comparaison des revenus (41'203 / 70'186)
aboutit à un degré d'invalidité arrondi (cf. ATF 130 V 121) de 41 %, ce qui
ouvre encore droit au quart de rente dès le 1er novembre 2007 (art. 28 al. 2
LAI).

Le recours sera dès lors partiellement admis et le jugement attaqué ainsi que
la décision du 3 septembre 2007 réformés en ce sens.

6.
Compte tenu de l'issue du litige, il sied de répartir les frais de la procédure
entre les parties, par moitié chacune (art. 66 al. 1 LTF). Pour le même motif,
le recourant versera à l'intimée une indemnité réduite de dépens pour la
procédure fédérale (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis. Le jugement de la Chambre des assurances du
Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 19 décembre 2008 et la
décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura du 3 septembre
2007 sont réformés en ce sens que l'intimée a droit à un quart de rente
d'invalidité.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge des parties, par
250 fr. chacune.

3.
Le recourant versera à l'intimée la somme de 3'000 fr. (y compris la TVA) à
titre d'indemnité pour l'ensemble de la procédure de recours, cantonale et
fédérale.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, à l'Office fédéral des
assurances sociales et à la Caisse de compensation du canton du Jura.

Lucerne, le 31 décembre 2009

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Berthoud