Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 1035/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

9C_1035/2009 {T 0/2}

Arrêt du 22 juin 2010
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme M. Moser.

Participants à la procédure
M.________, représenté par Me Pierre Gabus, avocat,
recourant,

contre

Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, Rue de Lyon 97, 1203
Genève,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 27 octobre 2009.

Faits:

A.
M.________, né en 1954, exerçait l'activité de chauffeur de camion à titre
indépendant depuis 1984. Atteint d'une insuffisance rénale préterminale, il a
été mis en arrêt de travail à partir du 19 mai 2004. Le 20 septembre suivant,
il a présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité. L'Office
cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) a recueilli
divers renseignements médicaux et économiques. Après que l'assuré l'eut informé
avoir subi un accident de la circulation le 23 mai 2005 à la suite duquel son
incapacité de travail était totale, l'office AI a soumis l'intéressé à un
examen auprès de son Service médical régional (SMR). A l'issue de cet examen,
le docteur R.________ a, dans un rapport du 23 janvier 2008, diagnostiqué des
gonalgies (à gauche) mécaniques sur gonartrhose, des douleurs chroniques de
type mécanique du 1er rayon de la main droite sur status après fracture de la
base du 1er métacarpien traitée par ostéosynthèse et un status après
transplantation rénale pour insuffisance rénale terminale. Après avoir fait
état de diverses limitations fonctionnelles, le médecin a indiqué que la
profession habituelle de chauffeur indépendant n'était pas adaptée à celles-ci
et ne pouvait dès lors plus être exercée. En revanche, une activité dite
adaptée était théoriquement possible à 75 % (100 % avec une diminution de
rendement de 25 %). Du 9 juin au 4 juillet 2008, l'assuré a effectué un stage
d'observation professionnelle auprès des Etablissements publics pour
l'intégration (EPI) à Genève, où les responsables sont arrivés à la conclusion
qu'au vu des limitations présentées par M.________ dans leur globalité, il lui
était impossible de réintégrer le circuit économique ordinaire (rapport du 13
août 2008).

Le 5 janvier 2009, l'office AI a informé M.________ qu'il comptait lui allouer
une rente entière d'invalidité du 1er mai 2005 au 31 octobre 2008 (soit trois
mois après la fin du stage aux EPI). L'assuré ayant contesté ce projet de
décision, l'administration l'a mis, le 19 mai 2009, au bénéfice d'une rente
entière à partir du 1er mai 2005 et d'un quart de rente dès le 1er novembre
2008.

B.
Saisi d'un recours de M.________ contre cette décision, le Tribunal cantonal
des assurances sociales de la République et canton de G.________ l'a rejeté,
par jugement du 27 octobre 2009.

C.
M.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement,
dont il demande l'annulation avec celle de la décision administrative. Sous
suite de dépens, il conclut principalement à la reconnaissance de son droit à
une rente entière et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal
cantonal genevois des assurances sociales.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit selon l'art. 95 sv. LTF. Le Tribunal fédéral applique le
droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4
p. 140).

Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF) et peut rectifier ou compléter d'office les
constatations de celle-ci si les faits ont été établis de façon manifestement
inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2
LTF).

2.
Au vu des conclusions et des motifs du recours, le litige porte sur le droit du
recourant à une rente d'invalidité supérieure à un quart à partir du 1er
novembre 2008. Il doit être examiné au regard de l'art. 17 LPGA, selon lequel
si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification
notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir
augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. L'art. 17 LPGA sur la
révision s'applique également à la décision par laquelle l'organe de
l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et,
en même temps, prévoit la réduction ou l'augmentation de cette rente (ATF 125 V
413 consid. 2d p. 417 et les références). Pour le surplus, le jugement
entrepris expose correctement la jurisprudence sur le principe de la libre
appréciation des preuves et la valeur probante d'un rapport médical, de sorte
qu'il suffit d'y renvoyer.

3.
Faisant siennes les conclusions du docteur R.________, la juridiction cantonale
a constaté qu'en raison des atteintes à la santé diagnostiquées, les
limitations fonctionnelles suivantes devaient être prises en considération:
pas de port de charges de plus de 10kg de façon répétitive,
pas de travail nécessitant le port de charges avec respiration bloquée et
activité en force,
pas de position statique assise au-delà de 40 minutes sans possibilités de
varier les positions assise et debout,
diminution du périmètre de marche à environ 20 minutes,
pas de marche sur terrain instable, ni de montées ou descentes d'escaliers à
répétition,
pas de position en génuflexion ou accroupie,
pas d'activité requérant un rendement imposé au niveau des membres supérieurs
ou la pince pouce-index au niveau du membre supérieur droit contre résistance,
pas d'activité minutieuse au niveau du membre supérieur droit.

En fonction de ces limitations - et pour la période ici en cause -, l'autorité
cantonale de recours a retenu que l'assuré disposait depuis le mois de juin
2006 (date à partir de laquelle était survenue une amélioration de son état de
santé) d'une capacité de travail de 75 % dans une activité adaptée à ces
restrictions, alors qu'il n'était plus en mesure d'exercer sa profession
antérieure. Après avoir déterminé les revenus sans (61'755 fr. 90) et avec
invalidité (33'298 fr. 50, compte tenu d'un abattement de 25 %), les premiers
juges ont constaté que le taux d'invalidité présenté par le recourant était de
46 %, ce qui suffisait au maintien d'un quart de rente d'invalidité dès le 1er
novembre 2008.

4.
Le recourant reproche tout d'abord aux premiers juges de n'avoir pas tenu
compte de l'ensemble des "séquelles physiques" dont il souffre depuis son
accident de mai 2005, lesquelles avaient une incidence décisive sur sa capacité
résiduelle de travail. Celle-ci aurait dès lors été fixée à un taux
"manifestement déraisonnablement élevé", eu égard notamment aux conclusions du
rapport des EPI.

4.1 Les organes d'observation professionnelle ont pour fonction de compléter
les données médicales en examinant concrètement dans quelle mesure l'assuré est
à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du
travail (cf. KARL ABEGG, Coup d'oeil sur l'activité des centres d'observation
professionnelle de l'AI [COPAI], in RCC 1985, p. 246 ss). Dans les cas où ces
appréciations (d'observation professionnelle et médicale) divergent
sensiblement, il incombe à l'administration, respectivement au juge -
conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter
les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction
(arrêt I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer
2004/3 p. 64).
4.2
4.2.1 Pour déterminer l'étendue de la capacité résiduelle de travail du
recourant, la juridiction cantonale a, en plus des avis médicaux, pris
également en considération les conclusions du rapport d'observation
professionnelle du 13 août 2008. Elle s'en est cependant écartée en faveur de
l'évaluation strictement médicale du docteur R.________. Elle a considéré que
si les responsables de la réadaptation avaient fait état des mêmes limitations
fonctionnelles que celles retenues par les médecins, ils avaient également tenu
compte du fait que l'assuré présentait un rythme de travail faible, une
capacité d'apprentissage et d'adaptation réduite, une polyvalence limitée, une
mauvaise image de lui-même, un manque de motivation ou encore une faible
autonomie et qu'il ne se voyait pas dans une autre activité que celle de
chauffeur indépendant. Dès lors que ces constatations (hormis celles relatives
aux limitations fonctionnelles) étaient essentiellement subjectives, selon les
premiers juges, elles ne pouvaient l'emporter sur celles des médecins. Aussi,
ont-ils retenu que le recourant pouvait exercer une activité adaptée à ses
limitations fonctionnelles à un taux de 75 %.
4.2.2 A la suite de l'examen au SMR, la Division de réadaptation de l'office AI
a considéré en l'occurrence qu'un stage d'observation-orientation était
indispensable. Le mandat avait pour objet d'"examiner attentivement la capacité
de travail résiduelle de l'assuré et déterminer concrètement quelles activités
correspond[ai]ent à ses limitations ainsi que les rendements attendus" (rapport
de réadaptation du 7 mai 2008). A l'issue du stage d'observation
professionnelle, les responsables sont arrivés à la conclusion que l'assuré ne
pouvait être réadapté dans l'économie libre en raison des difficultés à
maintenir durablement des positions de travail imposées (alternances et
mobilité nécessaires), des déplacements limités (pas de pente, d'escaliers ou
d'échelle), du travail limité avec le membre supérieur droit (force faible,
pince limitée, rendements réduits), du tonus et rythme de travail généralement
faibles, de la faible capacité d'apprentissage et d'adaptation, ainsi que de
l'employabilité et de la polyvalence très limitées. Ils ont encore précisé que
bien qu'il existât une capacité de travail résiduelle médico-théorique, il
était impossible pour le recourant de réintégrer le circuit économique
ordinaire: en raison du cumul des limitations, il n'existait pas d'activité
rémunératrice adaptée. Selon eux, le manque de polyvalence, la mauvaise image
de soi et la faible autonomie de l'intéressé ne lui permettaient pas de
retrouver un poste de travail; tous les éléments concernant la capacité de
l'assuré (physiques, adaptation et acquisition de connaissances théoriques)
étaient, isolément, difficilement exploitables; pris globalement, ils
démontraient une inaptitude au reclassement.
4.2.3 Au regard de ces observations, on constate tout d'abord que le rapport
des EPI et celui du docteur R.________ concordent entièrement en ce qui
concerne la nature et l'étendue des limitations fonctionnelles présentées par
le recourant. Les responsables de l'observation professionnelle ont toutefois
nié toute possibilité pour l'assuré de mettre concrètement en oeuvre la
capacité de travail médico-théorique retenue par le médecin du SMR. Pour ce
faire, ils ont certes mentionné des facteurs d'incapacité de travail qui
n'étaient pas directement liés aux capacités physiques de l'assuré -
"essentiellement subjecti[f]s" selon la juridiction cantonale -, à savoir la
capacité d'apprentissage et d'adaptation réduite, la polyvalence limitée et la
mauvaise image de soi. Ils ont toutefois précisé que chacun des éléments pris
isolément était difficilement exploitable. On ne saurait dès lors considérer
que les facteurs personnels constituaient des éléments prédominants par rapport
aux autres causes directement liées aux capacités physiques de l'intéressé et
que ces dernières causes étaient négligeables en soi.

De surcroît, contrairement à ce qu'a retenu la juridiction cantonale, rien ne
permet de constater que le rythme de travail faible du recourant serait de
nature "essentiellement subjective" et non pas à attribuer aux restrictions
d'ordre physique. Ainsi, le rapport de réadaptation indique que l'assuré a des
limitations physiques et ne peut atteindre un rendement acceptable même dans
des activités simples dans l'industrie, sans faire état d'un manque d'efforts
de la part de l'intéressé ou d'une auto-limitation. Cette restriction a du
reste été reconnue par le docteur R.________, puisque l'une des limitations
fonctionnelles énumérées a trait à une activité nécessitant un rendement imposé
au niveau des membres supérieurs. On ne voit pas, par ailleurs, sur quels
éléments la juridiction cantonale s'est fondée pour retenir le facteur tiré du
manque de motivation, dès lors que les responsables du stage d'observation
professionnelle ont indiqué que l'engagement au cours de celui-ci était
satisfaisant chez l'assuré (dont le profil était cependant celui d'un
exécutant).

Dans ces circonstances, l'appréciation des premiers juges qui les a conduits à
écarter les conclusions des responsables de l'observation professionnelle en
raison de leurs "constatations essentiellement subjectives" est insoutenable.
Les informations recueillies à l'occasion du stage complétaient utilement, en
l'espèce, les données médicales fournies par le médecin du SMR en montrant,
concrètement, que le recourant n'était plus à même de mettre en valeur de
manière significative la capacité de travail résiduelle retenue sur le plan
médico-théorique.
4.2.4 Dans ce contexte, on rappellera que lors de l'examen de la mise en valeur
de la capacité de travail résiduelle, on ne saurait se fonder sur des
possibilités de travail irréalistes. Ainsi, on ne peut parler d'une activité
exigible au sens de l'art. 16 LPGA (auquel renvoie l'art. 28 al. 2 LAI),
lorsqu'elle ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte
qu'elle n'existe pratiquement pas sur le marché général du travail ou que son
exercice suppose de la part de l'employeur des concessions irréalistes et que,
de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (cf. RCC 1991 p.
329 consid. 3b, 1989 p. 328 consid. 4a).

En l'occurrence, on constate au regard des pièces du dossier que l'intimé n'a
donné aucun exemple concret d'activité qu'il estimait adaptée à la situation du
recourant tout au long de la procédure administrative. En particulier, le
docteur R.________ a certes conclu à ce qu'une "activité strictement adaptée,
respectant les limitations fonctionnelles concernant le [membre supérieur
droit] et les [membres inférieurs] était théoriquement possible à un taux de
100 % avec une diminution de rendement de 25 %", il n'a toutefois pas indiqué
concrètement quel type de travail correspondait à une telle activité. De même,
la Division de réadaptation de l'intimé a repris cette évaluation de la
capacité de travail, sans jamais mentionner aucun exemple d'activité concrète
adaptée aux limitations fonctionnelles qu'elle avait elle-même qualifiée de
"très importantes" (rapport du 7 mai 2008). Ni le projet de décision de
l'intimé, ni la décision litigieuse ne comprennent non plus d'exemples d'une
activité adaptée. De même, la juridiction cantonale s'est limitée à constater
que des activités simples et répétitives "pouvaient effectivement être
exercées", sans en spécifier le type.

Compte tenu des limitations fonctionnelles retenues par les premiers juges, on
doit admettre que, même en prenant en considération le large éventail
d'activités simples et répétitives ne nécessitant pas de formation dans les
secteurs de la production et des services, les possibilités d'un emploi adapté
aux importantes limitations (en particulier au niveau des membres supérieurs)
du recourant n'apparaissent pas suffisantes pour qu'il puisse mettre en valeur
sa capacité de travail résiduelle sur le plan économique dans une mesure
significative. Il convient dès lors de s'écarter des constatations de la
juridiction cantonale sur ce point (art. 105 al. 2 LTF) et de retenir une
incapacité de travail de 100 %.

4.3 En fonction du taux d'incapacité de travail ainsi déterminé, le degré
d'invalidité présenté par le recourant doit être fixé à 100 % également, auquel
correspond le droit à une rente entière d'invalidité. Aussi, le recourant
a-t-il droit à cette prestation au-delà du 31 octobre 2008. La décision
litigieuse et le jugement entrepris doivent être modifiés dans ce sens. Le
recours est, partant, bien fondé.

5.
Vu l'issue du litige, les frais de justice seront supportés par l'intimé (art.
66 al. 1 LTF en relation avec l'art. 65 al. 4 let. a LTF). Le recourant, qui
obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens à la charge de
l'intimé (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales
de la République et canton de Genève du 26 octobre 2009 et la décision de
l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité du 19 mai 2009 sont
modifiés en ce sens que le recourant a droit à une rente entière d'invalidité
dès le 1er mai 2005 et au-delà du 31 octobre 2008.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la
dernière instance.

4.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales
pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 22 juin 2010

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser