Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Sozialrechtliche Abteilung, Subsidiäre Verfassungsbeschwerde 8D.6/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8D_6/2009

Arrêt du 3 août 2010
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Frésard et Niquille.
Greffier: M. Métral.

Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Philippe Ehrenström, avocat,
recourant,

contre

Département Y.________ du canton de Genève,
intimé.

Objet
Autres problèmes relatifs au rapport de service,

recours constitutionnel contre le jugement du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève du 16 juin 2009.

Faits:

A.
A.a A.________ a travaillé pour l'Etat de Genève en qualité de commis
administratif, sous contrat d'auxiliaire, du 1er novembre 2002 au 31 décembre
2003. Il était affecté à la structure S.________. Le 27 janvier 2004, son
employeur l'a réengagé pour une durée de six mois, toujours sous contrat
d'auxiliaire. Il était affecté à la division Z.________ pour un taux d'activité
de 50 %. Par la suite, les rapports de travail ont été régulièrement
renouvelés, sans interruption jusqu'à la conclusion d'un contrat de durée
indéterminée, le 6 février 2006, pour un taux d'activité de 50 %.
Parallèlement, A.________ a conclu avec son employeur des contrats
complémentaires, également sous le statut d'auxiliaire, de manière à augmenter
son temps de travail total à plus de 50 %. Ces contrats étaient financés par
des budgets octroyés à court terme pour des projets ponctuels. Il a ainsi
travaillé à 80 % au total du 1er juin 2004 au 31 décembre 2005, puis à 100 %
dès le 1er janvier 2006.
A.b B.________, épouse de A.________, travaillait pour l'Etat de Genève. Le 16
novembre 2006, elle a reçu un blâme pour avoir manqué de respect à sa
hiérarchie et à des collaborateurs. Elle a recouru devant le chef du
Département Y.________ du canton de Genève (ci-après : Département Y.________).
A.c Le 31 janvier 2007, le Conseil d'Etat du canton de Genève a pris l'arrêté
suivant :
« [...] Monsieur A.________ est nommé fonctionnaire, dès le 1er février 2007, à
la fonction de commis administratif [...] à 100 % [...]. Dès le 1er juillet
2007, vous retrouverez un taux d'activité de 50 %. [...] ».
Il est apparu par la suite que la date du 1er juillet 2007 résultait d'une
erreur du Conseil d'Etat, les parties étant d'accord sur le fait qu'il
s'agissait en réalité du 1er août 2007.
A.d Le 22 février 2007, l'employeur des époux A.________ et B.________ a
remplacé le blâme prononcé contre B.________ par un avertissement. L'intéressée
a recouru contre cette décision devant le chef du Département Y.________.
A.e Entre la fin du mois de mars et le début du mois d'avril 2007, le supérieur
direct de A.________, C.________, a eu plusieurs échanges avec ce dernier à
propos de la poursuite d'une activité à 100 %, pour la période postérieure au
mois de juillet 2007. Il a également été question de réorienter ses activités
dans le domaine du contrôle de gestion, mesure à laquelle A.________ s'est
opposé. Lors d'un entretien, le 12 avril 2007, C.________ l'a informé du fait
que son taux d'activité serait réduit à 50 % dès le 1er août 2007, le poste
accordé à 50 % « sous statut auxiliaire » ne pouvant pas être renouvelé après
cette date, pour des raisons budgétaires. Pour le 50 % restant, l'activité de
A.________ serait recentrée sur le contrôle de gestion, pour répondre à des
missions jugées prioritaires par la division et le rectorat.
Ces informations ont fortement ébranlé A.________, qui est tombé malade le
lendemain de l'entretien. Dans une lettre du 12 juin 2007 à R.________, il a
contesté sa réaffectation, dans laquelle il voyait une modification unilatérale
et illégale de son cahier des charges. Il s'est également opposé à la réduction
de son taux d'activité à 50 %, au motif que son contrat d'auxiliaire avait été
renouvelé sans interruption pendant trois ans. Le Conseil d'Etat l'avait nommé
à 100 %, pour un premier temps, par arrêté du 31 janvier 2007, et la réduction
ultérieure de son poste à 50 %, prévue dans ce même arrêté était contraire au
droit.
Un échange de correspondances et plusieurs entrevues entre les parties n'ont
pas permis de liquider le litige par un accord amiable. Le 29 avril 2008,
A.________ a adressé à la direction de l'office du personnel de l'Etat de
Genève une plainte pour harcèlement psychologique. Le recentrage de ses
activités sur des tâches relatives au contrôle de gestion, pour lesquelles il
n'était que peu formé, constituait une atteinte à sa personnalité. En outre, il
avait appris la non-reconduction de son contrat d'auxiliaire à 50 % lors d'une
entrevue avec son supérieur direct, par la remise d'une lettre donnée de la
main à la main. Ce procédé était choquant et ne respectait pas les égards dus à
un travailleur dans le cadre d'une cessation partielle d'activité. En
renouvelant sans cesse « son activité complémentaire » et en lui faisant
miroiter la possibilité d'un poste stabilisé un jour à 100 %, on s'était joué
de lui; on l'avait incité à déployer ses compétences et son enthousiasme tout
en sachant que ledit poste ne serait jamais confirmé. Il avait ouvertement
soutenu son épouse dans la procédure disciplinaire la concernant, en rédigeant
ses actes de recours contre le blâme et l'avertissement dont elle avait fait
l'objet. Il payait désormais le prix de cette franchise et sa hiérarchie avait
décidé de l'écarter consécutivement aux recours déposés dans la procédure
disciplinaire, au moyen d'atteintes à sa personnalité.
La plainte a été transmise à la Secrétaire générale du Département Y.________.
Par décision du 24 septembre 2008, cette dernière a refusé d'ouvrir une enquête
interne et a classé la plainte.

B.
A.________ a recouru devant le Conseil d'Etat du canton de Genève contre cette
décision. Le 25 mars 2009, le Conseil d'Etat a transmis le recours au Tribunal
administratif du canton de Genève, comme objet de sa compétence (cause
D.________).
Parallèlement à la procédure de plainte pour harcèlement psychologique,
A.________ a ouvert contre l'Etat de Genève une action en paiement de 29'342
fr. 65. Ce montant correspondait à la différence entre les indemnités pour
perte de gain à 50 % qu'il avait perçues dès le 1er août 2007 et celles qu'il
aurait reçues si des rapports de travail à 100 % avaient été maintenus après
cette date (cause E.________).
Le 1er mai 2009, A.________ a demandé que le dossier de la procédure E.________
relative à l'action pécuniaire ouverte contre l'Etat de Genève soit versé au
dossier de la procédure D.________ concernant la plainte pour harcèlement
psychologique. Il a également requis l'audition de plusieurs témoins, en
particulier de son médecin traitant, le docteur F.________, de G.________ et de
W.________, ancienne cheffe du personnel.
Par jugement du 16 juin 2009, le Tribunal administratif cantonal a rejeté ces
demandes d'instruction complémentaire et, sur le fond, a rejeté le recours
formé contre le classement de la plainte pour harcèlement psychologique.

C.
A.________ interjette un recours constitutionnel subsidiaire contre ce
jugement. En substance, il en demande l'annulation et conclut à la constatation
d'un harcèlement psychologique dont il a été victime sur son lieu de travail,
sous suite de dépens; subsidiairement, il demande l'annulation du jugement
entrepris et le renvoi de la cause à l'instance précédente, pour nouveau
jugement. Il a en outre déposé une requête d'assistance judiciaire, que le
Tribunal fédéral a rejetée par ordonnance du 13 octobre 2009.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur une décision en matière de rapports de travail de droit
public qui concerne une contestation non pécuniaire. La voie du recours en
matière de droit public n'est pas ouverte (art. 83 let. g LTF); en revanche, le
recourant peut contester le jugement entrepris par un recours constitutionnel
subsidiaire (art. 113 LTF).

2.
A.________ a produit à l'appui de son recours le procès-verbal du 22 avril
2009, relatif à l'audition de divers témoins dans la cause E.________. Il
s'agit d'un moyen de preuve nouveau qui ne résulte pas du jugement entrepris,
de sorte qu'il est irrecevable (art. 99 al. 1, en relation avec l'art. 117
LTF).

3.
3.1 Le recourant considère que le refus de maintenir son taux d'activité à 100
% pour la période postérieure au 31 juillet 2007, ainsi que la réorientation de
son activité sur le contrôle de gestion, sont des mesures prises en vue de le
harceler psychologiquement. Il en est victime parce qu'il a apporté un soutien
à son épouse dans la procédure disciplinaire ouverte contre elle, ce que ses
supérieurs hiérarchiques n'ont pas apprécié.

3.2 Les premiers juges ont constaté que le recourant avait été régulièrement
informé de la précarité de son statut. Lors de l'évaluation du 29 novembre
2006, notamment, cette question avait été clairement abordée, de même que le
besoin de l'employeur de le former dans des activités liées au contrôle de
gestion. Les relations de travail étaient qualifiées d'excellentes et
l'employeur se déclarait pleinement satisfait. Pour des raisons budgétaires,
toutefois, le poste à 50 % sous contrat d'auxiliaire ne pouvait être stabilisé
et était périodiquement prolongé. Cela mis à part, la poursuite de la
collaboration était envisagée sans réserve. Plus tard, le 16 janvier 2007,
alors même que les tensions entre l'épouse du recourant et sa hiérarchie
étaient au plus haut, la qualité des relations entre l'employeur et A.________
avait été soulignée par l'employeur pour justifier sa nomination comme
fonctionnaire.
Compte tenu de ces constatations, les premiers juges ont considéré qu'il n'y
avait pas d'indice suffisant d'un harcèlement psychologique du recourant, qui
n'aurait pu avoir lieu, le cas échéant, qu'entre le mois de janvier 2007, lors
duquel il avait été nommé fonctionnaire, et le 12 avril suivant, date à
laquelle il avait quitté ses fonctions pour cause de maladie. Il n'y avait pas
de raison de penser que la réduction de son taux d'activité et la réaffectation
à des tâches de contrôle de gestion constituaient une mesure de rétorsion, dès
lors que ces changements étaient déjà envisagés en novembre 2006, à une époque
où le recourant ne soutient pas qu'il aurait été victime de harcèlement. La
dégradation des rapports entre les parties était en réalité survenue après que
le recourant avait vu sa réaffectation confirmée et ses espoirs de maintien de
son taux d'activité à 100 % déçus, le 12 avril 2007. L'attitude de l'employeur,
qui avait simplement défendu ses positions, ne pouvait être qualifiée
d'atteinte à la personnalité.

4.
Le recourant soulève les griefs de violation du droit d'être entendu et
d'arbitraire, au motif que les premiers juges ont refusé d'entendre plusieurs
témoins dont il demandait l'audition, ainsi que de verser au dossier les pièces
figurant dans celui de la cause E.________.

4.1 Aux termes de l'art. 29 Cst., toute personne a droit, dans une procédure
judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et
jugée dans un délai raisonnable (al. 1). Les parties ont le droit d'être
entendues (al. 2). La jurisprudence a notamment déduit de cette disposition le
droit pour les parties de produire des preuves quant aux faits de nature à
influer la décision et d'obtenir qu'il soit donné suite aux offres de preuves
pertinentes (ATF 132 V 368 consid. 3.1 p. 370; 127 III 576 consid. 2c p. 578;
127 V 431 consid. 3a p. 436). En revanche, une partie n'a pas droit à
l'administration d'une preuve dépourvue de pertinence parce qu'elle porte sur
une circonstance sans rapport avec le litige, ou qu'une appréciation anticipée
des preuves déjà recueillies démontre qu'elle ne serait pas de nature à
emporter la conviction de la juridiction saisie (cf. ATF 130 II 425 consid. 2.1
p. 429; 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135). Comme le Tribunal fédéral est
en principe lié par les faits constatés par la juridiction cantonale (art. 118
LTF), il ne revoit l'appréciation anticipée des preuves que sous l'angle
restreint de l'arbitraire (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; cf. également arrêt
8C_15/2009 du 11 janvier 2010 consid. 3.2). En l'occurrence, le grief de
violation du droit d'être entendu se confond par conséquent avec celui
d'arbitraire.
4.2
4.2.1 Le recourant a demandé, en instance cantonale, la production du dossier
de la cause E.________, afin que le procès-verbal d'audition de P.________,
ancien chef de la division Z.________, soit pris en considération. Selon le
recourant, P.________ avait déclaré, à l'époque, que s'agissant du contrôle de
gestion, A.________ pouvait effectuer cette tâche sur la base d'instructions
précises, mais qu'il n'avait pas, en revanche, les compétences du métier de
contrôle de gestion proprement dit. Rien au dossier n'indique, toutefois, que
l'employeur ait eu l'intention de laisser le recourant assumer sans
instructions un rôle de contrôleur de gestion. Il a uniquement été question de
réaffecter le recourant à diverses tâches dans ce domaine, ce qui ne dit encore
rien du niveau de responsabilité qu'il aurait dû assumer. Enfin, comme l'ont
constaté les premiers juges, l'accomplissement de tâches de contrôle de gestion
par le recourant avait été déjà envisagé et évoqué avec lui avant qu'un litige
survienne entre l'employeur et son épouse. Par conséquent, à supposer que ces
tâches soient au-dessus du niveau de compétence du recourant, il n'y aurait pas
lieu d'en conclure à un harcèlement psychologique plutôt qu'à une simple erreur
d'appréciation de ses capacités. Les premiers juges pouvaient ainsi considérer,
sans arbitraire, que les déclarations de P.________, telles qu'alléguées par le
recourant, n'étaient pas de nature à démontrer un indice de harcèlement
psychologique. En refusant de produire le dossier de la cause E.________,
destiné à établir ces déclarations, voire en renonçant à entendre le prénommé
comme témoin dans la cause D.________, ils n'ont pas violé le droit d'être
entendu du recourant. Il n'en va pas différemment du témoignage, sur ce point,
de G.________, dont le recourant n'expose pas, au demeurant, en quoi il serait
qualifié pour évaluer ses compétences en matière de contrôle de gestion.
4.2.2 Le recourant a demandé l'audition de son médecin traitant, le docteur
F.________. Ce dernier aurait pu attester, toujours selon le recourant, que le
comportement de ses supérieurs hiérarchiques avait eu des conséquences
dramatiques sur sa santé. Les premiers juges n'ont toutefois pas mis en doute
que les atteintes à la santé dont souffrait le recourant découlaient d'un
conflit au travail. Ils ont constaté, en revanche, que ce conflit résultait de
décisions prises et communiquées au recourant le 12 avril 2007, décisions qui
n'étaient pas, comme telles, constitutives de harcèlement psychologique. Le
recourant n'indique pas quels autres comportements de ses supérieurs auraient
dû faire l'objet de constatations par les premiers juges, sur la base du
témoignage du docteur F.________. Quant au témoignage de G.________, dont le
recourant soutient qu'il fut la première personne à s'apercevoir de son état
dépressif, à la suite de la décision de l'employeur de « modifier son activité
», il n'apparaît pas de nature à infirmer les constatations des premiers juges
d'après lesquelles le recourant n'a pas accepté la décision qui lui a été
communiquée le 12 avril 2007, ni à établir un comportement de harcèlement
psychologique de la part de ses supérieurs.
4.2.3 Le recourant a demandé l'audition de W.________, en vue d'établir que les
allégations de l'intimé, relatives à son travail et à son comportement étaient
fausses. Il ne précise toutefois pas à quelles allégations ils se réfère et les
premiers juges n'ont pas constaté de comportement particulier de sa part, ni
justifié les mesures prises par l'employeur par des reproches concernant son
attitude ou son travail. Ils pouvaient donc considérer que l'audition de
W.________ était dépourvue de pertinence.

5.
Il ressort de ce qui précède que les premiers juges pouvaient statuer sur la
base du dossier dont ils disposaient. Que le recourant soit atteint dans sa
santé en raison de tensions sur le plan professionnel - liées à la procédure
disciplinaire ouverte contre son épouse ou à des changements relatifs à sa
propre situation, avec lesquels il n'était pas d'accord - ne permet pas de
conclure à l'existence d'un harcèlement psychologique. Les preuves dont le
recourant a demandé l'administration ne sont pas de nature à établir, même par
indices, un tel harcèlement par son employeur, sous la forme de propos ou
agissements hostiles répétés pendant une période relativement longue et de
nature à le marginaliser ou à l'exclure. Les premiers juges pouvaient donc nier
leur pertinence, au terme d'une appréciation anticipée des preuves, sans tomber
dans l'arbitraire ni violer le droit d'être entendu du recourant.

6.
Vu le sort de ses conclusions et le rejet de sa demande d'assistance
judiciaire, le recourant supportera les frais de justice ainsi que ses propres
dépens (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours constitutionnel est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif de la
République et canton de Genève.

Lucerne, le 3 août 2010
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Ursprung Métral