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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.839/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_839/2009

Arrêt du 13 janvier 2010
IIe Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
Escher et Herrmann.
Greffière: Mme Aguet.

Parties
A.________ SA,
représentée par Me Soli Pardo, avocat,
recourante,

contre

B.________ Ltd,
représentée par Me Patrick Vogel, avocat,
intimée,

Registre foncier du canton de Genève,
participant à la procédure.

Objet
Inscription d'un séquestre au registre foncier,

recours contre la décision de l'Autorité de
surveillance du registre foncier du canton de
Genève du 9 novembre 2009.

Faits:

A.
A.a Les époux X.________, étaient copropriétaires chacun pour moitié de
l'immeuble n° 1172 de la commune de Y.________.

Le 19 juin 2008, les époux X.________ ont grevé leur parcelle d'une cédule
hypothécaire au porteur de 5'040'000 fr. Le 14 octobre 2008, cette cédule a été
remise à titre de sûreté à la Banque C.________ afin de garantir un prêt.
A.b Le 29 janvier 2009, les époux X.________ ont octroyé un droit d'emption sur
leur immeuble à D.________ SA, dont l'échéance était fixée au 15 mars 2009. Ce
droit a été cédé à A.________ SA, par contrat du 18 février 2009, et l'échéance
a été repoussée au 30 avril 2009. La nouvelle inscription a été opérée au
Registre foncier le 3 mars 2009.

B.
B.a Le 14 avril 2009, la société B.________ Limited a obtenu du Tribunal de
première instance de Genève une ordonnance de séquestre contre X.________
portant sur l'immeuble précité.
B.b L'office des poursuites de Genève a immédiatement exécuté cette ordonnance
en expédiant un avis de séquestre au Registre foncier le 15 avril 2009, lequel
a porté sans délai cette réquisition au journal.

Par avis du 20 avril 2009, le conservateur du Registre foncier a rejeté
provisoirement la réquisition d'inscription de séquestre, pour le motif que la
mesure visait l'entier de l'immeuble alors que X.________ n'était propriétaire
que de la moitié de ce bien-fonds, l'autre moitié appartenant à son épouse.

C.
C.a Le 22 avril 2009, A.________ SA a exercé son droit d'emption sur l'immeuble
en cause au prix de 6'900'000 fr. Son inscription en tant que propriétaire du
bien a été portée au journal le jour même. Dans le cadre de l'exercice de ce
droit d'emption, A.________ SA s'est vu céder gratuitement la cédule
hypothécaire au porteur, après son remboursement à la Banque C.________. Selon
A.________ SA, ce paiement était de 6'555'000 fr.
C.b Par nouvel avis du 11 mai 2009, annulant et remplaçant celui du 20 avril
2009, le Registre foncier du canton de Genève a rejeté la réquisition
d'inscription du séquestre en application des art. 965 CC, 272 al. 1 ch. 3 et
101 LP ainsi que 10 de l'Ordonnance du Tribunal fédéral du 23 avril 1920 sur la
réalisation forcée des immeubles (RS 281.42; ORFI). Il a retenu à nouveau que
le séquestre portait sur l'entier de l'immeuble alors que celui-ci appartenait
aux époux X.________ chacun pour moitié; l'avis de rejet indique également que
l'immeuble a été transféré au bénéficiaire du droit d'emption le 22 avril 2009.
C.c Statuant sur recours de B.________ Limited, par décision du 9 novembre
2009, l'Autorité de surveillance du registre foncier du canton de Genève a
préalablement admis l'intervention de A.________ SA; au fond, elle a annulé la
décision attaquée et retourné le dossier au conservateur du Registre foncier
pour qu'il exécute l'ordonnance de séquestre du 14 avril 2009. En substance,
elle a considéré que le conservateur n'avait pas à vérifier si le titulaire du
droit immatriculé au Registre foncier était le poursuivi ou un tiers, car il
appartient aux autorités de poursuite de décider si un immeuble inscrit au nom
d'un autre que le poursuivi peut être séquestré et d'introduire la procédure de
revendication et, dans le cadre de cette procédure, au juge de décider si le
droit séquestré est ou non soustrait à l'exécution forcée; le conservateur
n'était ainsi pas compétent pour refuser d'annoter le séquestre de l'entier du
bien immobilier litigieux pour le motif que les conditions matérielles du droit
à l'inscription n'étaient pas remplies, étant précisé que l'ordonnance de
séquestre indiquait clairement qu'il portait sur l'ensemble de l'immeuble
litigieux.

D.
A.________ SA interjette le 14 décembre 2009 un recours en matière civile au
Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à sa réforme en ce sens qu'il soit
dit et constaté que le recours formé par B.________ Limited est dénué d'objet,
subsidiairement, que cette société n'avait aucun intérêt à recourir, "plus
subsidiairement", à ce que B.________ Limited soit déboutée de toutes ses
conclusions; "plus subsidiairement encore", la recourante conclut au renvoi de
la cause à l'Autorité cantonale de surveillance pour qu'elle détermine le
montant à consigner sur lequel portera le séquestre. Elle se plaint d'une
violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire et de l'art. 24 al. 4
de l'Ordonnance du 22 février 1910 sur le registre foncier (RS 211.432.1; ORF),
de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) et de l'art. 96 al. 2 LP, de
l'art. 965 al. 3 CC et du principe de la légalité de l'activité administrative,
ainsi que d'une violation du droit d'être entendu et d'un déni de justice (art.
29 al. 1 et 2 Cst.).
L'intimée n'a pas été invitée à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 134 III 115 consid. 1 p. 117 et les arrêts cités).

1.1 Le recours est dirigé contre une décision de l'Autorité de surveillance du
registre foncier du canton de Genève, compétente en vertu de l'art. 103 ORF
pour statuer sur un recours en cas de rejet d'une inscription (art. 24 ORF). Il
s'agit d'une décision prise dans une matière connexe au droit civil, à savoir
sur la tenue du registre foncier (art. 72 al. 2 let. b ch. 2 LTF). Partant, la
voie du recours en matière civile est en principe ouverte.
1.2
1.2.1 Alors que sous l'empire de l'aOJ, la recevabilité du recours de droit
administratif - qui constituait la voie de droit contre la décision prise par
l'autorité de surveillance en application de l'art. 103 ORF - était subordonnée
à l'existence d'un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée
soit annulée ou modifiée, l'art. 76 al. 1 let. b LTF subordonne la recevabilité
du recours en matière civile, désormais ouvert, à l'existence d'un intérêt
juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à
fonder sa qualité pour recourir lorsqu'ils ne ressortent pas à l'évidence de la
décision attaquée ou du dossier de la cause (ATF 133 II 353 consid. 1 p. 356,
249 consid. 1.1 p. 251 et 400 consid. 2 p. 404), de telle sorte que le Tribunal
fédéral puisse déterminer en quoi la décision attaquée porte une atteinte à ses
intérêts juridiques (cf. à propos de l'art. 88 OJ: ATF 120 Ia 227 consid. 1 p.
229; 115 Ib 505 consid. 2 in fine p. 508).
1.2.2 La recourante affirme que, en sa qualité de propriétaire de l'immeuble
sur lequel l'autorité cantonale a ordonné l'inscription du séquestre requis par
l'intimée, elle a un "intérêt juridique certain à ce que la décision de
l'autorité cantonale soit annulée".
1.2.3 En principe, a qualité pour recourir contre la décision de rejet du
conservateur du Registre foncier le propriétaire de l'immeuble dont la
réquisition est rejetée. Lorsque le juge ou, comme en l'espèce, l'office des
poursuites chargé de l'exécution du séquestre (art. 275 LP) communique
l'ordonnance de séquestre au Registre foncier en vue de l'annotation du
séquestre (art. 960 al. 1 ch. 2 CC, applicable au séquestre; cf. art. 101 al. 1
et 275 LP), la personne ayant qualité pour recourir contre le rejet du
conservateur est le bénéficiaire de l'ordonnance de séquestre (DESCHENAUX, Le
registre foncier, TDPS vol. V, tome II, 2, 1983, p. 468). Le titulaire du droit
d'emption annoté, qui, ayant exercé son droit, est inscrit au registre foncier
en qualité de propriétaire postérieurement à l'annotation d'un séquestre, n'a
pas qualité pour recourir dès lors que le litige relatif au séquestre (art. 278
LP et 17 ss LP), comme celui concernant l'annotation de celui-ci (art. 960 al.
1 ch. 2 CC et 103 ORF), opposent le créancier poursuivant et celui qui était
propriétaire au moment de l'annotation du séquestre au journal. D'une part,
l'existence d'un droit d'emption annoté n'empêche pas le séquestre (ou la
saisie) de l'immeuble du propriétaire (ATF 128 III 124 consid. 2a p. 127).
D'autre part, l'annotation du séquestre n'a que l'effet d'une restriction du
droit d'aliéner et ne fait pas obstacle au transfert de propriété consécutif à
l'exercice du droit d'emption annoté (ATF 128 III 124 consid. 2b/aa p. 128; 114
III 18 consid. 3 p. 19; 102 III 20 consid. 1 p. 22). Quand ensuite de
l'exercice du droit d'emption annoté par le titulaire, l'immeuble échappe au
séquestre (art. 959 al. 2 CC), celui-ci ne peut plus porter que sur la créance
du propriétaire en paiement du prix de vente; le titulaire du droit d'emption
annoté, qui a connaissance du séquestre par la restriction du droit d'aliéner
annotée au registre foncier, est responsable de ce que le prix de vente
revienne au créancier, respectivement à l'office des poursuites, sous déduction
des dettes hypothécaires antérieures au séquestre (à propos de la saisie, cf.
ATF 102 II 20 consid. 2 p. 24). L'empteur peut obtenir la radiation de la
restriction du droit d'aliéner fondée sur le séquestre en versant à l'office
des poursuites la part du prix de vente qui n'a pas été éteinte par la reprise
des dettes hypothécaires existant avant le séquestre (ATF 128 III 124 consid. 3
p. 128).
Ainsi donc, si l'annotation du séquestre est antérieure à l'inscription du
transfert de propriété à l'empteur, celui-ci n'a pas qualité pour recourir. Tel
est le cas en l'espèce. La réquisition d'annotation du séquestre a été portée
au journal par le conservateur du Registre foncier le 15 avril 2009, à savoir
avant la réquisition d'inscription du transfert de propriété faisant suite à
l'exercice du droit d'emption datée du 22 avril 2009. C'est cette date du 15
avril 2009 qui est décisive pour la détermination des parties au litige relatif
à l'annotation du séquestre. Celle-ci prend la date de l'inscription au journal
(art. 972 al. 2 CC). Contrairement à ce que soutient la recourante, durant
toute la procédure de recours auprès de l'autorité de surveillance, le feuillet
de l'immeuble n'est pas libre: d'une part, l'inscription du séquestre au
journal subsiste, quel que soit le sort dévolu à la réquisition, c'est-à-dire
qu'elle soit admise ou rejetée (DESCHENAUX, op. cit., p. 434); d'autre part, la
décision de rejet du conservateur ne devient définitive que lorsque le délai de
recours à l'autorité de surveillance s'est écoulé sans avoir été utilisé (art.
24 al. 3 ORF) et, s'il y a recours, que lorsque la procédure de recours est
définitivement close, une mention au feuillet de l'immeuble étant inscrite pour
la durée de la procédure (art. 24 al. 4 ORF).

Par conséquent, le recours doit être déclaré irrecevable. Il n'y a dès lors pas
lieu d'examiner les griefs de fond soulevés par la recourante, ni de renvoyer
la cause à l'autorité de surveillance pour fixation du montant à consigner sur
lequel portera le séquestre, cet objet ne relevant pas de la compétence de
l'Autorité de surveillance du registre foncier.

2.
Vu ce qui précède, le recours est irrecevable. La recourante, qui succombe,
supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu
d'allouer des dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Autorité de surveillance du
registre foncier du canton de Genève, à l'Office des poursuites et des
faillites du canton de Genève et à l'Office fédéral de la justice.

Lausanne, le 13 janvier 2010
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Hohl Aguet