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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.826/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_826/2009

Arrêt du 22 mars 2010
IIe Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Escher, Juge présidant,
L. Meyer et Herrmann.
Greffière: Mme Mairot.

Participants à la procédure
A.________
représenté par Me Robert Assaël,
avocat,
recourant,

contre

Autorité de surveillance des tutelles du canton de Genève,
intimée,

Service de protection des mineurs,

Objet
droit de visite (protection de l'enfant),

recours contre la décision de l'Autorité de surveillance des tutelles du canton
de Genève du 3 novembre 2009.

Faits:

A.
A.a B.________ est née le 16 mars 2005 de la relation hors mariage entre
C.________, née le 18 janvier 1976, et A.________, né le 8 septembre 1965.
Celui-ci a reconnu sa paternité par acte d'état civil du 12 mai 2005. L'enfant,
née très prématurément en raison de la toxicomanie de sa mère, a dû rester
hospitalisée pendant plusieurs semaines pour les besoins de son sevrage.

Par convention du 13 avril 2006, les parents ont décidé d'exercer en commun
l'autorité parentale sur leur fille, la garde étant assumée par le père et la
mère bénéficiant d'un droit de visite s'exerçant, sans les nuits, soit en
présence du père, soit en présence d'un tiers. Aucune contribution d'entretien
n'a été prévue à la charge de la mère. Par ordonnance du 27 avril 2006, le
Tribunal tutélaire du canton de Genève a ratifié cette convention, sans
toutefois prévoir expressément lequel des parents était titulaire de la garde
de l'enfant.
A.b Le 3 juillet 2009, le Service de protection des mineurs (SPMi) a prononcé,
en application de l'art. 12 al. 3 de la loi sur l'Office de la jeunesse, une
«clause péril» en faveur de la fillette, valant retrait de la garde et
placement de celle-ci dans un foyer, l'enfant ayant fait état d'attouchements
sexuels de la part de son père.

Le 4 juillet 2009, ce dernier a été inculpé par le juge d'instruction d'actes
d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP) et de contraintes sexuelles (art.
189 CP) tant sur sa fille que sur l'enfant d'une tierce personne.

Selon un rapport du SPMi du 14 juillet 2009, la fillette a été entendue par la
police judiciaire, tandis que le père a été arrêté et mis en garde à vue.
Compte tenu de la situation instable de la mère, hospitalisée en dernier lieu
du 15 juin au 1er juillet 2009 pour une cure de désintoxication, il convenait
de ratifier la clause péril; de retirer la garde de l'enfant à son père et de
placer la fillette en foyer; d'instaurer une curatelle d'organisation, de
surveillance et de financement du placement ainsi qu'une curatelle d'assistance
éducative; de fixer un droit de visite en faveur de la mère, dans le foyer, à
raison de deux heures par semaine, sous la surveillance d'un éducateur; enfin,
de maintenir les relations personnelles entre l'enfant et son père à raison
d'un entretien téléphonique par semaine, sous écoute.
Lors d'une audience devant le Tribunal tutélaire le 4 août 2009, le SPMi a
confirmé les conclusions de son rapport du 14 juillet précédent et s'est opposé
à ce que la fillette soit confiée à sa mère, qui cohabitait avec le père et
dont le problème de toxicomanie n'était pas résolu. Selon le SPMi, tant que
l'instruction pénale n'était pas terminée, il convenait de maintenir une
protection maximale à l'égard de l'enfant.

Une expertise de crédibilité des dires de l'enfant B.________ a été mise en
oeuvre, le rapport devant être déposé d'ici à fin novembre 2009.

B.
Par ordonnance du 7 août 2009, le Tribunal tutélaire a ratifié la clause péril
prise par le SPMi, retiré la garde de l'enfant à son père, confirmé le
placement de la fillette en foyer, ordonné les curatelles sollicitées par le
SPMi, fixé le droit de visite de la mère à deux heures par semaine, en foyer,
sous la surveillance d'un éducateur, limité les relations personnelles entre le
père et sa fille à un entretien téléphonique par semaine, sous écoute, et nommé
une collaboratrice du SPMi en qualité de curatrice. Cette ordonnance a été
déclarée exécutoire nonobstant recours.

Par ailleurs, le Tribunal tutélaire a, par ordonnance du 13 août 2009, nommé un
avocat en qualité de curateur dans la procédure pénale dirigée contre le père,
l'autorisant à se constituer partie civile, à plaider et à délier d'éventuels
médecins de leur secret médical.
Statuant le 3 novembre 2009 sur le recours déposé en commun par les deux
parents contre l'ordonnance du 7 août 2009, l'Autorité de surveillance des
tutelles du canton de Genève l'a confirmée.

C.
Par acte du 7 décembre 2009, A.________ exerce un recours en matière civile au
Tribunal fédéral contre l'arrêt du 3 novembre 2009. Il conclut, principalement,
à ce que les relations personnelles entre sa fille et lui soient fixées à
raison de trois fois deux heures par semaine dans un Point de rencontre.
Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à l'Autorité de surveillance
des tutelles pour nouvelle décision au sens des considérants.

Des observations n'ont pas été requises.

Considérant en droit:

1.
1.1 Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue par la loi
(art. 42 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF) en matière de
protection de l'enfant (art. 72 al. 2 let. b ch. 7 LTF) rendue sur recours par
la dernière juridiction cantonale (art. 75 LTF), le recours en matière civile
est en principe recevable.

1.2 La présente procédure a été déclenchée par la clause péril prise le 3
juillet 2009 par le SPMi. Le prononcé, rendu dans ce cadre par le Tribunal
tutélaire puis, sur recours, par l'Autorité de surveillance, se fondait sur la
nécessité de prendre à temps les mesures immédiatement nécessaires à la
protection de l'enfant. Il doit dès lors être considéré comme une décision
portant sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (arrêt 5A_242/
2009 du 9 septembre 2009, consid. 3; sur la notion de mesures provisionnelles,
notamment: ATF 133 III 393 consid. 5 p. 396).

Dans un tel cas, seule peut être dénoncée la violation de droits
constitutionnels (art. 98 LTF). Le Tribunal fédéral ne connaît de la violation
de ces droits que si un tel moyen est invoqué et motivé par le recourant (art.
106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de
manière claire et détaillée.

1.3 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis, comme en
l'espèce, à l'art. 98 LTF, le recourant ne peut obtenir la rectification ou le
complètement des constatations de fait de l'arrêt attaqué que s'il démontre la
violation de droits constitutionnels par l'autorité cantonale. Les art. 95 et
97, ainsi que l'art. 105 al. 2 LTF ne s'appliquent donc pas directement
puisqu'ils ne sont pas des droits constitutionnels (ATF 133 III 393 consid. 7.1
p. 398; 133 III 585 consid. 4.1 p. 588). Toutefois, l'application de l'art. 9
Cst. aboutit pratiquement au même résultat: le Tribunal fédéral ne corrige les
constatations de fait que si elles sont arbitraires et ont une influence sur le
résultat de la décision. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être
présenté, à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99
LTF).

Dans la mesure où le recourant s'écarte, dans la partie en fait de son mémoire,
des constatations de l'arrêt attaqué, les complète ou les modifie sans se
prévaloir ni démontrer d'arbitraire à ce sujet, ses allégations ne peuvent être
prises en considération. Il en va ainsi, notamment, des faits et déclarations
rapportés sous lettres B («La procédure pénale») et C («Le service de
protection des mineurs») du recours tendant à attester du bon comportement du
père envers sa fille, qui ne ressortent pas de l'arrêt cantonal et dont le
recourant ne démontre pas qu'ils auraient été arbitrairement ignorés. Il ne
sera pas non plus tenu compte des affirmations relatives au déroulement de
l'expertise de crédibilité, en particulier de l'allégation selon laquelle les
auditions de l'enfant seraient terminées. Doivent également être écartés les
passages reproduisant l'avis du pédiatre de l'enfant quant aux mesures de
protection mises en place.

2.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé les art. 273 al. 1
et 274 al. 2 CC en limitant les relations personnelles entre lui et sa fille de
manière excessive.

2.1 Selon l'art. 310 al. 1 CC, l'autorité tutélaire prend les mesures
nécessaires pour protéger l'enfant si son développement est menacé et que les
père et mère n'y remédient pas d'eux-mêmes ou soient hors d'état de le faire.
Aux termes de l'art. 273 al. 1 CC, le père ou la mère qui ne détient pas
l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement
le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les
circonstances. Cependant, si de telles relations compromettent le développement
de l'enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs
obligations, s'ils ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou s'il
existe d'autres justes motifs, le droit d'entretenir ces relations peut leur
être retiré ou refusé (art. 274 al. 2 CC). L'établissement d'un droit de visite
surveillé nécessite, comme le retrait ou le refus du droit aux relations
personnelles selon l'art. 274 al. 2 CC, des indices concrets de mise en danger
du bien de l'enfant; il ne suffit pas que ce dernier risque abstraitement de
subir une mauvaise influence (ATF 122 III 404 consid. 3c p. 408; arrêt 5C.20/
2006 du 4 avril 2006; 5P.131/2006 du 25 août 2006 consid. 3, publié in FamPra
2007 p. 167). Conformément au principe de la proportionnalité, il importe en
outre que ce danger ne puisse être écarté par d'autres mesures appropriées (ATF
122 II 404 consid. 3b p. 407 et la jurisprudence citée; arrêt 5P.369/2004 du 24
novembre 2004 consid. 4, publié in FamPra.ch 2005 p. 393).

Pour fixer le droit aux relations personnelles, le juge fait usage de son
pouvoir d'appréciation (art. 4 CC). Le Tribunal fédéral s'impose dès lors une
certaine retenue en la matière; il n'intervient que si la décision a été prise
sur la base de circonstances qui ne jouent aucun rôle selon l'esprit de la loi,
ou si des aspects essentiels ont été ignorés (ATF 120 II 229 consid. 4a p. 235
et l'arrêt cité).

2.2 Selon le recourant, il résulterait du dossier de la procédure pénale
dirigée contre lui qu'il n'a commis aucun abus sexuel sur sa fille ou sur tout
autre enfant. Se disant conscient que la justice doit, d'une part, rechercher
la vérité et, d'autre part, protéger la fillette, il soutient toutefois qu'en
restreignant les relations personnelles à un téléphone par semaine sous
surveillance, les autorités cantonales se sont montrées beaucoup trop
restrictives et qu'elles ont ainsi violé les principes régissant
l'établissement du droit de visite, notamment celui de la proportionnalité; ce
d'autant que, selon la jurisprudence (ATF 120 II 229), un droit de visite sous
surveillance est possible quand bien même un père est suspecté d'abus sexuels.
A l'appui de son grief, il expose qu'ainsi que le relève le SPMi dans son
rapport du 13 avril 2006, il s'est toujours beaucoup occupé de sa fille au
point d'arrêter momentanément toute activité professionnelle, compte tenu
notamment des problèmes de toxicomanie rencontrés par la mère. Restreindre les
relations personnelles à un seul contact téléphonique par semaine
représenterait ainsi dans la vie de l'enfant un bouleversement préjudiciable à
son équilibre, d'autant qu'elle est placée dans un foyer. Dans une attestation
du 21 août 2009, le pédiatre de la fillette serait également d'avis que la
restriction du droit de visite imposée aux parents est excessive et
préjudiciable à l'enfant.

Il reproche en outre à l'autorité cantonale de n'avoir pas expliqué en quoi des
rencontres entre lui et sa fille dans un Point de rencontre, sous surveillance,
seraient néfastes à l'équilibre de celle-ci. Selon lui, le seul motif avancé
par l'Autorité de surveillance est que l'enfant doit être mis à l'abri de toute
pression de son père afin que l'expert en charge de l'expertise de crédibilité
puisse parvenir à une conclusion certaine. Or, cette argumentation ne pourrait
être suivie, pour deux motifs: d'une part, comme le droit de visite se
déroulerait sous surveillance, ses propos seraient contrôlés et il ne pourrait
en aucun cas tenter d'influencer sa fille en la mettant sous pression; d'autre
part, l'expertise serait sur le point d'être transmise au juge, de sorte que la
fillette aurait déjà été entendue: le risque de pression et/ou d'influence sur
l'enfant serait donc inexistant. Dès lors qu'aucun indice concret de mise en
danger du bien de l'enfant ne serait établi, l'autorité cantonale aurait violé
les art. 273 al. 1 et 274 al. 2 CC et un droit de visite dans un Point de
rencontre devrait être mis en place.

2.3 Cette argumentation, qui consiste essentiellement pour le recourant à
opposer son opinion à celle de l'autorité cantonale, n'est pas de nature à
démontrer l'arbitraire de la décision attaquée. Dans la mesure où le recourant
se réfère aux déclarations de proches entendus dans la procédure pénale et au
rapport du SPMi du 13 avril 2006, il se fonde sur des faits qui n'ont pas été
constatés par l'Autorité de surveillance et qui sont, partant, irrecevables; il
en va de même lorsqu'il affirme que la situation de la famille était
précédemment suivie par un autre assistant social, de sorte que l'actuel
n'aurait pas assez pris conscience de son implication dans la vie de sa fille.
Quant à l'avis du pédiatre de l'enfant, l'Autorité de surveillance a estimé
qu'il ne pouvait être pris en considération, dès lors que ce médecin n'avait
pas accès au dossier pénal et n'était donc pas en mesure de se prononcer de
façon éclairée concernant la situation présente de la fillette; or le recourant
ne s'en prend pas à cette motivation (art. 106 al. 2 LTF).

Le recourant reproche de plus à tort à l'autorité cantonale de n'avoir pas
expliqué en quoi des rencontres entre lui et sa fille sous surveillance dans un
Point de rencontre seraient préjudiciables à l'enfant. La décision attaquée
mentionne en effet, d'une part, le besoin de protection maximal de la fillette
(relevé par le SPMi) et, d'autre part, la nécessité de permettre l'évaluation
des dires de l'enfant dans des conditions optimales, sans influence négative
extérieure. Le recourant s'en prend d'ailleurs à ce second motif, qu'il
critique pour deux raisons. Il estime d'abord que, dans la mesure où le droit
de visite serait exercé sous surveillance, il ne pourrait influencer sa fille
par ses propos: ce faisant, il méconnaît que le but de l'autorité cantonale est
de mettre la fillette à l'abri de toute pression; or il n'est pas insoutenable
de penser que la mise en présence directe du père et de sa fille soit en
elle-même de nature à exercer une pression sur celle-ci, indépendamment des
propos tenus, cette influence pouvant se produire de façon non verbale; la
limitation du droit de visite à des relations téléphoniques permet d'éviter ce
risque et n'apparaît pas insoutenable au regard des circonstances.

Au demeurant, il y a lieu de signaler que, dans le contexte de l'instruction
pénale en cours, le recourant a été relaxé à la condition que les contacts avec
sa fille s'effectuent conformément aux instructions du SPMi, ce service ayant
encore confirmé la nécessité de limiter ces contacts à un téléphone
hebdomadaire dans sa prise de position du 30 septembre 2009 à l'intention de
l'Autorité de surveillance: en accordant une importance plus grande à l'avis
exprimé par les institutions et les autorités, pleinement informées de la
situation, plutôt qu'à celui du pédiatre de l'enfant, partiellement renseigné,
l'autorité cantonale n'est donc pas tombée dans l'arbitraire. La jurisprudence
invoquée par le recourant ne lui est par ailleurs d'aucun secours, sur le vu
des circonstances particulières du cas. Enfin, lorsqu'il affirme que le risque
d'influencer l'enfant serait inexistant car l'expertise de crédibilité serait
sur le point d'être remise au juge, il s'écarte, de manière irrecevable, des
faits constatés par l'autorité cantonale, qui se réfère à l'expertise en cours
sans retenir que l'audition de l'enfant aurait déjà eu lieu. Le grief ne
saurait dès lors être examiné.

Il convient encore de préciser que les mesures de protection de l'enfant (art.
307 ss CC) peuvent être modifiées en tout temps en cas de changement des
circonstances (art. 313 al. 1 CC; ATF 120 II 384 consid. 4d p. 386).
L'évolution de la situation pourra dès lors, au besoin, conduire à une
adaptation des mesures qui ont été prises.

3.
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit par conséquent être
rejeté, en tant qu'il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera
ainsi les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer
des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Service de
protection des mineurs et à l'Autorité de surveillance des tutelles du canton
de Genève.

Lausanne, le 22 mars 2010

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant: La Greffière:

Escher Mairot