Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.819/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_819/2009

Arrêt du 28 juillet 2010
IIe Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
Marazzi et von Werdt.
Greffière: Mme de Poret Bortolaso.

Participants à la procédure
X.________ SA,
représentée par Me Florian Chaudet, avocat,
recourante,

contre

Y.________, représenté par Me Marc-Olivier Buffat, avocat,
intimé.

Objet
expertise hors procès, révocation de l'expert

recours contre la décision de la Justice de paix du district de Lavaux-Oron du
2 novembre 2009.

Faits:

A.
Par requête du 2 avril 2009, Y.________ a requis du juge de paix du district de
Lavaux-Oron la mise en oeuvre d'une expertise hors procès à l'encontre de
X.________ SA. Le requérant fondait sa demande sur divers dégâts et fissures
causés à son bâtiment, prétendant qu'ils proviendraient d'un chantier, ouvert
du 1er août 2005 au 31 décembre 2007 sur la parcelle voisine, propriété de
X.________ SA.

Dite requête a été admise le 3 juillet 2009 et A.________, ingénieur civil à
C.________, a été désigné en qualité d'expert.

Le 9 octobre 2009, A.________ a déposé son rapport d'expertise ainsi que sa
note d'honoraires.

Par courrier du 29 octobre 2009, X.________ SA a fait valoir que l'expert avait
exécuté son mandat de manière incomplète; elle a en conséquence requis du juge
de paix sa révocation et son remplacement par un autre expert.

Le 2 novembre 2009, le juge de paix a imparti à l'expert un délai au 15
décembre 2009 pour remédier aux griefs formulés par X.________ SA.

Par courrier du même jour, il a rejeté la demande de révocation déposée par
X.________ SA.

B.
B.a Contre cette dernière décision, X.________ SA (ci-après la recourante)
exerce un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire
devant le Tribunal fédéral. Les conclusions de la recourante, identiques dans
les deux recours, visent principalement la révocation de l'expert A.________,
subsidiairement sa récusation, et son remplacement par l'expert B.________;
très subsidiairement, elles tendent au renvoi de la cause à la justice de paix.
A l'appui de son recours en matière civile, la recourante invoque la violation
de l'art. 8 CC ainsi que celles de son droit d'être entendue, de l'interdiction
de l'arbitraire et de l'égalité de traitement. Les mêmes griefs sont soulevés
dans le recours constitutionnel subsidiaire, à l'exception de celui concernant
la violation de l'art. 8 CC.

B.b La procédure a été suspendue par ordonnance présidentielle du 14 décembre
2009, la recourante ayant parallèlement déposé un recours en nullité devant le
Tribunal cantonal vaudois contre la décision du juge de paix du 2 novembre
2009.

Par arrêt du 24 mars 2010, le Tribunal cantonal a rejeté le recours en nullité.

La recourante a recouru contre ce dernier arrêt devant le Tribunal de céans,
recours qui fait l'objet d'une décision séparée (procédure 5A_435/2010).

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 133 III 489 consid. 3, 462 consid. 2, p. 465).

1.1 La décision attaquée porte sur le refus du juge de paix de révoquer un
expert nommé dans le cadre d'une procédure d'expertise hors procès. Il s'agit
ainsi d'une décision incidente selon l'art. 93 LTF (FABIENNE HOHL, Procédure
civile, tome 1, 2002, n. 1226).

Hormis les décisions mentionnées à l'art. 92 al. 1 LTF, une décision
préjudicielle ou incidente peut être entreprise immédiatement, si elle peut
causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF), ou si l'admission
du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet
d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b
LTF). Seule la première hypothèse entre en ligne de compte en l'espèce.

Un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable au sens de l'art. 93 al. 1
let. a LTF que s'il cause un inconvénient de nature juridique; tel est le cas
lorsqu'un jugement sur le fond, même favorable à la partie recourante ne le
ferait pas disparaître entièrement, en particulier lorsque la décision
incidente contestée ne peut plus être attaquée avec la décision finale, rendant
ainsi impossible le contrôle par le Tribunal fédéral; en revanche, un dommage
économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable de
ce point de vue (ATF 135 II 30 consid. 1.3.4 p. 36; 134 III 188 consid. 2.1 p.
190 et consid. 2.2).
La condition du préjudice irréparable s'apprécie eu égard à la décision de
première instance. Si la question qui a fait l'objet de la décision incidente
de première instance peut être soulevée à l'appui d'un recours contre la
décision finale, il n'y a pas de préjudice irréparable (arrêt 5D_72/2009 du 9
juillet 2009 consid. 1.1). Tel est en principe le cas des décisions sur
l'administration des preuves, puisqu'il est normalement possible, en recourant
contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à
tort ou d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier
(arrêt 4P.335/2006 du 27 février 2007, consid. 1.2.4 et les références).

1.2 La recourante motive ses conclusions en révocation en soulignant
essentiellement l'incompétence de l'expert mandaté, incompétence illustrée par
les conclusions lacunaires de l'expertise rendue par ce dernier. La recourante
soutient ainsi que le caractère irréparable du dommage consisterait en ce que
l'expert ne pourrait désormais que chercher à étayer les conclusions
contestées, de crainte de devoir se "déjuger"; elle poursuit en observant que
le code de procédure civile vaudois ne prévoirait pas la possibilité de
demander une seconde expertise hors procès permettant l'intervention d'un autre
expert et conclut en soulignant que le rapport d'expertise hors procès
revêtirait "une force accrue par comparaison avec la simple preuve par titre",
soit une autorité renforcée.

La décision incidente a en l'occurrence été rendue hors procès. A supposer
toutefois qu'une procédure au fond soit introduite ultérieurement,
l'incompétence de l'expert pourra parfaitement faire l'objet d'un recours
contre la décision finale. L'existence d'un préjudice irréparable n'est donc
nullement donnée.

Quant à la prétendue crainte de l'expert de devoir se "déjuger", il s'agit d'un
argument à l'appui des conclusions en récusation, traitées ci-dessous, plutôt
que d'une motivation propre à démontrer l'existence d'un préjudice irréparable
consécutive au refus de révoquer.

1.3 Par ses conclusions subsidiaires, la recourante demande la récusation de
l'expert. A supposer que cette question ait été tranchée par la décision
attaquée, celle-ci pourrait faire l'objet d'un recours immédiat devant le
tribunal de céans aux conditions de l'art. 92 al. 1 LTF.

Toutefois, le recours en matière civile et le recours constitutionnel
subsidiaire sont ouverts contre les décisions des autorités cantonales de
dernière instance (art. 75 al. 1 et 114 LTF). Cela signifie, notamment, que
seuls sont recevables devant le Tribunal fédéral les moyens qui, pouvant
l'être, ont été présentés à l'autorité cantonale de dernière instance (Message
concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28
février 2001, FF 2001 p. 4000 ss, p. 4109). Les conclusions de la recourante ne
répondent toutefois pas à cette exigence: c'est en effet devant le Tribunal de
céans qu'elle fait valoir pour la première fois des conclusions en récusation.
Il n'y a en conséquence pas lieu d'entrer en matière sur celles-ci (cf. ATF 133
III 638 consid. 2), qui seront toutefois examinées par la Cour de céans dans le
cadre du recours exercé par la recourante contre la décision de la Chambre des
recours du Tribunal cantonal vaudois (procédure 5A_435/2010).

2.
Vu ce qui précède, les recours sont irrecevables. Les frais sont mis à la
charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Aucune indemnité de
dépens n'est octroyée à l'intimé qui n'a pas été invité à se déterminer.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière civile et le recours constitutionnel subsidiaire sont
irrecevables.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Justice de paix du district
de Lavaux-Oron et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de
Vaud.

Lausanne, le 28 juillet 2010

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Hohl de Poret Bortolaso