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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.709/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_709/2009

Arrêt du 23 décembre 2009
IIe Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
Marazzi et Herrmann.
Greffière: Mme Aguet.

Parties
X.________ SA,
représentée par Me Patrice Riondel, avocat,
recourante,

contre

Fondation Y.________,
représentée par Me Pierre Gabus, avocat,
intimée,

Office des faillites,
personne concernée.

Objet
prononcé de faillite,

recours contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour de justice du canton de
Genève du 24 septembre 2009.

Faits:

A.
A.a La Fondation Y.________ a acquis de la Fondation Z.________, le 21 décembre
2006, un immeuble sis ... à A.________.

Avant cette vente, dès le 1er mai 2004, la Fondation Z.________ avait mis à la
disposition de la Fondation Y.________ vingt-neuf studios, nombre porté à
trente dès le 1er novembre 2004, que la Fondation Y.________ a gérés
directement. La gérance des autres locaux, mis en location, a été confiée à
X.________ SA. Depuis le 1er juin 2007, la Fondation Y.________ gère
directement trente-deux studios.
A.b Le 10 avril 2008, la Fondation Y.________ a résilié, avec effet au 31 mai
2008, le mandat de gestion de cet immeuble confié à X.________ SA, en raison de
l'impossibilité du mandataire d'établir des décomptes dans des délais
raisonnables.

Le 29 octobre 2008, la Fondation Y.________ a réclamé à X.________ SA le
décompte de gestion de l'immeuble pour les périodes du 1er janvier au 31
décembre 2007 et du 1er janvier au 31 mai 2008, le décompte de chauffage et
d'eau chaude 2007-2008 et les relevés des facturations d'eau aux locataires des
surfaces commerciales. Elle l'a invitée à lui payer le solde du compte de
gestion pour l'exercice 2007, de 62'781 fr. 88, et celui qu'elle avait estimé
pour 2008 à 36'880 fr., à savoir un total de 99'661 fr. 88.

Le 2 décembre 2008, la Fondation Y.________ a requis, par voie de poursuite,
X.________ SA de lui payer ce montant, avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2008.
La débitrice a fait opposition au commandement de payer qui lui a été notifié.
A.c Le 4 décembre 2008, X.________ SA a adressé à la Fondation Y.________ le
décompte de gestion de l'immeuble arrêté au 31 décembre 2008 et le relevé du
compte UBS n° xxxx, rubrique "...", compte sur lequel les loyers et les
acomptes de chauffage étaient versés par les locataires, et par le débit duquel
la gérance payait les frais d'entretien, l'achat du combustible et les autres
dépenses liées au chauffage.
Régulièrement, X.________ SA transférait le disponible en compte bancaire au
propriétaire de l'immeuble. Ainsi, en 2006, la gérance a versé à la Fondation
Z.________ 35'000 fr. le 21 février, 5'000 fr. le 22 mars, 30'000 fr. le 24
avril, 20'000 fr. le 21 juin, 20'000 fr. le 21 juillet, 20'000 fr. le 24 août,
18'000 fr. le 21 septembre, 20'000 fr. le 20 octobre, 18'000 fr. le 16 novembre
et 12'000 fr. le 15 décembre. En 2007, elle a versé 15'000 fr. le 16 janvier à
la Fondation Z.________ et 130'000 fr. le 21 décembre à la Fondation
Y.________. En 2008, elle a versé 45'000 fr. le 4 avril et 15'000 fr. le 21 mai
à la Fondation Y.________, ainsi que 17'316 fr. 72 le 22 avril à la Fondation
Z.________, au titre du décompte acheteur-vendeur.

B.
B.a Le 5 mai 2009, la Fondation Y.________ a requis la faillite sans poursuite
préalable de X.________ SA. Cette requête a été rejetée le 9 juillet 2009 par
le Tribunal de première instance de Genève. Celui-ci, laissant indécise la
qualité de créancière de la Fondation Y.________, a considéré que X.________ SA
ne se trouvait pas en situation de suspension de paiements.
B.b Statuant sur appel de la Fondation Y.________, la Cour de justice du canton
de Genève a, par arrêt du 24 septembre 2009, annulé ce jugement et prononcé la
faillite de X.________ SA avec effet au 24 septembre 2009 à 8 heures 30.

C.
X.________ SA interjette le 22 octobre 2009 un recours en matière civile au
Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à son annulation. Elle se plaint
d'une violation de l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP.
Par ordonnance présidentielle du 9 novembre 2009, l'effet suspensif a été
accordé au recours en ce sens qu'aucun acte d'exécution de la décision attaquée
ne doit être entrepris.
L'intimée n'a pas été invitée à se déterminer sur le fond.

Considérant en droit:

1.
1.1 La décision par laquelle le juge prononce la faillite est une décision
finale (art. 90 LTF) qui peut faire l'objet d'un recours en matière civile
(art. 72 al. 2 let. a LTF; ATF 133 III 687 consid. 1.2 p. 689), quelle que soit
la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. d LTF). Interjeté en temps utile (art.
100 al. 1 LTF), contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art.
75 al. 1 LTF), par une partie ayant été déboutée de ses conclusions prises
devant la juridiction précédente (art. 76 al. 1 LTF), le présent recours est en
principe recevable.

1.2 Le mémoire de recours doit indiquer des conclusions (art. 42 al. 1 LTF). Si
le Tribunal fédéral admet le recours, il peut en principe statuer lui-même sur
le fond (art. 107 al. 2 LTF). La partie recourante ne peut dès lors se borner à
demander l'annulation de la décision attaquée, mais elle doit également, en
principe, prendre des conclusions sur le fond du litige. En l'espèce, la
recourante conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. On comprend néanmoins que
son recours tend à la réforme de la décision entreprise, en ce sens que la
requête de faillite soit rejetée. Partant, ses conclusions sont recevables.

1.3 Le recours en matière civile peut être formé notamment pour violation du
droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique en principe le
droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de
l'autorité précédente, ni par les moyens des parties; il peut donc admettre le
recours en se fondant sur d'autres arguments que ceux invoqués par le
recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF
133 III 545 consid. 2.2 p. 550). Compte tenu des exigences de motivation
posées, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), à l'art. 42
al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs soulevés;
il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une juridiction de première
instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser lorsqu'elles ne sont
plus discutées devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 104/105).

1.4 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible
d'influencer le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient
que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1
LTF), à savoir que les constatations de fait sont arbitraires au sens de l'art.
9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.2.2 p. 252), doit démontrer, par une
argumentation précise, en quoi consiste la violation. Le Tribunal fédéral
n'examine en effet la violation de l'interdiction de l'arbitraire que si ce
grief a été invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF),
c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et
détaillée (principe d'allégation; ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).

2.
La cour cantonale a admis que la Fondation Y.________ a rendu vraisemblable sa
qualité de créancière et que la débitrice est en situation de suspension de
paiements au sens de l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP; par conséquent, elle a prononcé
sa faillite sans poursuite préalable. La débitrice conteste que ces deux
conditions soient réalisées. Il convient de les examiner successivement (cf.
infra, consid. 3 et 4).

3.
3.1 S'agissant de la qualité de créancière de l'intimée, les juges précédents
ont retenu que le bilan explicatif établi par la recourante au 4 décembre 2008
mentionne un résultat de gestion de 94'800 fr. Si celle-ci soutient ne rien
devoir au titre de la gestion de l'immeuble pour avoir versé à l'intimée le
solde du compte bancaire relatif à l'immeuble, après prélèvement des honoraires
de gestion, elle justifie le solde en banque de 24'882 fr. 50 au 1er octobre
2008 en déduisant, du résultat de gestion, des honoraires de chauffage (sic) de
plus de 14'000 fr. et des frais de chauffage à la charge du propriétaire de
plus de 56'000 fr. pour les années 2002 à 2007, alors que l'intimée n'est
propriétaire de l'immeuble que depuis le mois de décembre 2006. Or, la
recourante n'allègue pas que les charges et honoraires de chauffage incombant
en principe au précédent propriétaire ont été transférés à l'acquéreur dans le
décompte acheteur-vendeur. Dans cette mesure, la cour cantonale a admis que
l'intimée rendait vraisemblable rester créancière de la recourante.

3.2 La recourante, qui conteste cette appréciation, soutient avoir démontré, à
satisfaction de droit, que l'ensemble des mouvements financiers concernant la
gestion de l'immeuble en cause qui lui avait été confiée par le précédent
propriétaire et, par la suite, par l'intimée ont transité par le compte ouvert
auprès de l'UBS intitulé "...", de sorte que celui-ci reflétait la situation
économique de l'immeuble. Dès lors, elle n'aurait gardé par devers elle aucune
somme qui devait revenir soit à la Fondation Z.________, soit à la Fondation
Y.________. Elle affirme à cet égard que les arrangements passés entre la
Fondation Y.________ et la Fondation Z.________ ne lui auraient jamais été
communiqués, et qu'elle ignorait l'accord conclu entre les parties pour la
répartition de l'eau chaude et du chauffage des studios qui étaient gérés
directement par l'intimée; il lui était donc impossible de déterminer qui de la
Fondation Z.________ ou de la Fondation Y.________ devait assumer lesdites
charges de chauffage.

3.3 Par cette critique, la recourante ne s'en prend pas aux motifs de l'arrêt
attaqué. En alléguant qu'elle n'aurait gardé aucune somme par devers elle et
qu'elle aurait versé l'ensemble des montants résultant de la gestion de
l'immeuble soit à la Fondation Y.________ soit à la Fondation Z.________, elle
ne démontre pas qu'elle aurait allégué que les charges et "honoraires de
chauffage" auraient été transférés à l'acquéreur. En outre, lorsqu'elle affirme
que les arrangements entre vendeur et acquéreur ne lui auraient pas été
communiqués, elle se fonde sur des faits que l'arrêt attaqué ne constate pas.
Il en va de même lorsqu'elle explique que les studios gérés directement par
l'intimée ont été traités dans les décomptes de chauffage comme vacants, les
charges liées à ces studios étant considérées comme dues par le propriétaire.
Or, la recourante ne soutient pas que les faits auraient été établis de manière
manifestement inexacte ou que ces éléments auraient été omis alors qu'ils
étaient prouvés. Partant, sa critique est irrecevable sur ce point (cf. supra,
consid. 1.4).

4.
4.1 Pour ce qui concerne la situation de suspension de paiements, la cour
cantonale a considéré que la recourante fait l'objet de quatre poursuites pour
des dettes de droit public, dont les créanciers ne peuvent pas requérir la
faillite par voie ordinaire (art. 43 ch. 1 LP). La recourante prétend certes ne
pas être débitrice de l'intimée et justifie, indépendamment des honoraires
qu'elle a encore perçus, le montant en compte en prenant en considération des
postes qui concernent, à tout le moins pour partie, le précédent propriétaire,
sans expliquer pour autant ce mode de procéder; or, on ne discerne pas les
raisons pour lesquelles, à comprendre le fonctionnement du compte bancaire, ces
postes n'auraient pas déjà été payés, en particulier la part de chauffage à
charge du propriétaire pour les locaux qui n'étaient pas en location. En effet,
la recourante achetait le combustible par le débit du compte bancaire pour
l'ensemble de l'immeuble et ne transférait au propriétaire que la différence
entre les revenus locatifs et l'ensemble des frais d'entretien et
d'exploitation du bien immobilier. Les juges précédents ont ainsi retenu que
les difficultés financières de la recourante sont durables et dépassent la gêne
passagère.

4.2 La recourante fait grief à la cour cantonale de n'avoir pas exposé en quoi
ses difficultés étaient durables et dépassaient la gêne passagère et d'avoir,
ainsi, prononcé sa faillite en se basant uniquement sur le fait qu'elle serait
créancière de l'intimée. Elle affirme que des arrangements étaient en cours
avec les divers créanciers qui avaient engagé des poursuites à son encontre,
arrangements qui auraient abouti au retrait de certaines poursuites; un accord
aurait ainsi été trouvé avec l'AVS. Enfin, les trois poursuites qui resteraient
ouvertes et pour lesquelles aucun arrangement n'a été trouvé, concerneraient
exclusivement des créances qui sont contestées et à l'égard desquelles aucune
procédure n'aurait été intentée à ce jour.

4.3 La notion de suspension de paiements est une notion imprécise qui confère
au juge de la faillite un ample pouvoir d'appréciation (Cometta, in Commentaire
romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 10 ad art. 190 LP). La suspension de
paiements a été préférée par le législateur à l'insolvabilité parce qu'elle est
perceptible extérieurement et, dès lors, plus aisée à constater que
l'insolvabilité proprement dite; il s'agit ainsi de faciliter au requérant la
preuve de l'insolvabilité. Pour qu'il y ait suspension de paiements, il faut
que le débiteur ne paie pas des dettes incontestées et exigibles, laisse les
poursuites se multiplier contre lui, tout en faisant systématiquement
opposition, ou omette de s'acquitter même des dettes minimes. Par ce
comportement, le débiteur démontre qu'il ne dispose pas de liquidités
suffisantes pour honorer ses engagements. Il n'est toutefois pas nécessaire que
le débiteur interrompe tous ses paiements; il suffit que le refus de payer
porte sur une partie essentielle de ses activités commerciales. Même une dette
unique n'empêche pas, si elle est importante et que le refus de payer est
durable, d'admettre une suspension de paiements; tel peut être le cas lorsque
le débiteur refuse de désintéresser son principal créancier (arrêts 5A_367/2008
du 11 juillet 2008 consid. 4.1 et 5P.412/1999 du 17 décembre 1999 consid. 2b,
in SJ 2000 I p. 250 et les références).

4.4 Lorsque la recourante soutient que des arrangements étaient en cours avec
ses divers créanciers et que certains ont abouti au retrait des poursuites,
respectivement que les trois poursuites qui restent ouvertes concernent
exclusivement des créances contestées, elle se fonde sur des faits que l'arrêt
attaqué ne constate pas, sans qu'elle fasse toutefois grief à la cour cantonale
de les avoir omis alors qu'ils étaient manifestement établis; sa critique est
ainsi irrecevable (cf. supra, consid. 1.4). Pour le surplus, elle se réfère à
des pièces nouvelles, lesquelles sont irrecevables (art. 99 al. 1 LTF).

La cour cantonale s'est basée, à tort, uniquement sur l'existence des quatre
créances de droit public pour admettre que la recourante se trouvait en
situation de suspension de paiements. Ce constat peut néanmoins être confirmé,
par le biais d'une substitution de motifs (cf. supra, consid. 1.3). Il résulte,
en effet, de l'arrêt attaqué que, le 24 mars 2009, la recourante faisait
l'objet de sept poursuites pour des montants de 21'770 fr. 25, 13'951 fr. 65,
145 fr. 75, 1'041 fr. 15, 68'320 fr. 05, 888 fr. 95 et 103'842 fr. 50, ce
dernier montant représentant la créance de l'intimée. Compte tenu de ces
poursuites, la condition légale de suspension de paiements est réalisée en
l'espèce. Le grief de violation de l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP est donc infondé
dans la mesure où il est recevable.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa
recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires
(art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée, qui
s'est opposée à l'octroi de l'effet suspensif, alors que celui-ci a été
accordé, et qui n'a pas été invitée à se déterminer sur le fond.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la 1ère Section de la Cour de
justice du canton de Genève, au Registre du commerce de Genève et au Registre
foncier du canton de Genève.

Lausanne, le 23 décembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Hohl Aguet