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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.691/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_691/2009

Arrêt du 5 mars 2010
IIe Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
Marazzi et Herrmann.
Greffier: M. Braconi.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Marie-Séverine Courvoisier,
avocate,
recourant,

contre

dame X.________,
représentée par Me Reynald P. Bruttin, avocat,
intimée.

Objet
effets accessoires du divorce (partage des avoirs de prévoyance, etc.),

recours contre l'arrêt de la Chambre civile
de la Cour de justice du canton de Genève
du 3 septembre 2009.

Faits:

A.
Les époux X.________, tous deux nés en 1963 et de nationalité russe, se sont
mariés le 22 février 1986 à Moscou. Ils ont eu un enfant: Y.________, né le 15
juin 1987. Domiciliés en Suisse depuis 1987, les époux se sont séparés en 1998.

B.
Le 14 juillet 2004, l'épouse a introduit une action en divorce devant le
Tribunal de première instance de Genève. Invoquant l'art. 122 CC, elle a
notamment conclu au transfert sur son compte de libre passage de la moitié de
la différence entre les prestations de sortie acquises par les parties pendant
le mariage. Dans une écriture subséquente, elle a conclu, pour le cas où ce
transfert ne serait pas possible, à ce que son mari soit condamné à lui verser,
à titre de contribution d'entretien au sens de l'art. 125 CC, une somme
correspondant à la moitié du capital de libre passage qu'il a accumulé durant
le mariage.

Statuant le 23 mars 2006, le Tribunal de première instance a prononcé le
divorce et, en particulier, donné acte aux parties de ce qu'elles ne
réclamaient aucune contribution à leur entretien et ordonné le partage par
moitié des avoirs de la prévoyance professionnelle acquis par les époux durant
le mariage. Le mari a appelé de ce jugement.

Par arrêt du 30 novembre 2006, la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève a renvoyé l'affaire au premier juge pour qu'il fixe le montant
et les modalités de l'indemnité au sens de l'art. 124 CC due par le mari.

C.
Par nouveau jugement du 18 septembre 2008, le Tribunal de première instance a
astreint le mari à payer à l'épouse, en vertu de l'art. 124 CC, une indemnité
de 140'000 fr., à raison de 2'000 fr. par mois.

Saisie notamment d'un appel du mari, la Cour de justice a confirmé ce jugement
le 3 septembre 2009.

D.
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, le mari
conclut, en substance, à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il le
condamne à verser une indemnité équitable fondée sur l'art. 124 CC et au
déboutement de l'intimée de ses conclusions sur ce point. A titre subsidiaire,
il demande à ce qu'il soit ordonné à l'intimée de produire tous les documents
nécessaires à "avérer l'intégralité de ses avoirs de libre passage accumulés à
titre de prévoyance professionnelle durant le mariage [...]", ainsi que tous
les documents "démontrant la totalité des revenus qu'elle réalise et de la
fortune dont elle dispose"; après la production des pièces en question et la
"comparution personnelle des parties", il sollicite l'octroi d'un délai "pour
se déterminer en fonction des éléments apportés pa[r] lesdites pièces et les
déclarations faites par les parties, quant à l'éventualité d'une indemnité
équitable, et cas échéant, sur la quotité et les modalités de celle-ci".

Des observations sur le fond n'ont pas été requises.

E.
Par ordonnance du 9 novembre 2009, la Présidente de la IIe Cour de droit civil
a attribué l'effet suspensif au recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF); il peut rectifier ou compléter d'office les
constatations de l'autorité précédente si ces faits ont été établis d'une
manière manifestement inexacte - à savoir arbitraire - ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est
susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 in fine LTF). Les
nombreux compléments de l'état de fait présentés par le recourant sont dès lors
irrecevables, sauf à dûment démontrer que la décision attaquée repose sur des
constatations lacunaires (ATF 135 II 313 consid. 5.2.2 p. 322 et les arrêts
cités).

Le chef de conclusions subsidiaire tendant à ce que la Cour de céans ordonne
des mesures d'instruction est irrecevable. Si les constatations de fait
devaient s'avérer insuffisantes ou établies au mépris du droit, la cause
devrait alors être renvoyée à la cour cantonale pour complément de l'état de
fait et nouvelle décision (cf. art. 107 al. 2 LTF; ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2
p. 295 s.; CORBOZ, in: Commentaire de la LTF, 2009, n° 17 ss ad art. 107 LTF).

1.2 Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité apparaissent
remplies: le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) à
l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art.
72 al. 1 LTF) par une juridiction cantonale de dernière instance statuant sur
recours (art. 75 LTF); le recourant, qui a succombé devant l'autorité
précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).

2.
La Cour de justice a rappelé qu'il existe une impossibilité de partage, au sens
de l'art. 124 CC, lorsque l'un des époux est affilié auprès d'une institution
de prévoyance non soumise à la LPP, ce qui est le cas des fonctionnaires
internationaux; aussi cette disposition est applicable à la compensation de la
prévoyance professionnelle quand l'un des époux est affilié à la Caisse commune
des pensions du personnel des Nations Unies (CCPPNU).

L'autorité précédente a ensuite établi l'avoir de prévoyance acquis par le
recourant durant le mariage. A cette fin, elle a capitalisé sa pension de
retraite annuelle: vu la durée du mariage (26 février 1986 au 25 avril 2006) et
l'âge de l'intéressé lors de l'entrée en force du prononcé du divorce (42 ans),
cette pension de 45'024 USD - qui correspond, selon un certificat de la CCPPNU,
à la pension annuelle qu'il aurait perçue à l'âge ordinaire de la retraite (60
ans) si les rapports de service avaient pris fin le 27 avril 2006 - est une
rente différée de 18 ans; capitalisée au jour de l'entrée en force du jugement
de divorce, sa valeur s'élève à 348'936 USD; converti en francs suisses au taux
en vigueur à cette date (27 avril 2006 [sic]), ce montant représente ainsi
442'904 fr.

L'intégralité de ce montant ne saurait toutefois être retenue au titre des
expectatives de prévoyance professionnelle. Les art. 122 à 124 CC ne
concernent, en effet, que la prévoyance professionnelle, c'est-à-dire le
deuxième pilier, et non les premier et troisième piliers; or, la CCPPNU sert
des prestations couvrant la prévoyance visée par les deux piliers des
assurances sociales suisses (i.c. AVS et LPP). Pour fixer la part du capital
assimilable au deuxième pilier, il faut établir le rapport entre le montant de
la pension annuelle de retraite que le recourant obtiendrait si les rapports de
travail se poursuivaient jusqu'à l'âge de la retraite et une rente annuelle
AVS, calculée d'après un revenu et des années de cotisations identiques. Selon
les estimations de la CCPPNU, la pension de retraite de l'intéressé serait de
94'032 USD, à savoir 119'355 fr.; s'il était assuré à l'AVS avec un nombre
d'années de cotisations identique (= 36 ans), il aurait perçu une rente
correspondant à 84,1% de la rente maximale (2'280 fr.), donc 22'982 fr. par an,
ce qui représente environ 20% de la pension de retraite du recourant. Dans ces
circonstances, l'autorité cantonale a arrêté à 354'323 fr. (80% de 442'904 fr.)
l'avoir de prévoyance accumulé par celui-ci pendant le mariage.
Les prestations de sortie accumulées par l'intimée du 1er janvier 1999 au 26
avril 2006 totalisent 16'964 fr. 25. En suivant le principe posé à l'art. 122
CC, le partage des avoirs de prévoyance professionnelle des époux procurerait
un montant de 168'679 fr. (354'323 - 16'964.25 : 2) à l'intéressée; le fait que
la vie commune n'a duré que 12 ans ne justifie pas une réduction de ce montant,
non plus - vu son âge (45 ans) - que ses perspectives de gain et de
constitution d'une prévoyance jusqu'à sa retraite. Partant, sous réserve
d'autres avoirs de prévoyance acquis par l'intimée durant le mariage,
l'indemnité qui lui est due sur la base de l'art. 124 CC doit être fixée à
168'679 fr., mais limitée à 140'000 fr. en vertu de l'interdiction de la
reformatio in pejus.

2.1 Le recourant ne remet pas en cause l'exclusion de l'art. 122 CC en raison
de son statut de fonctionnaire international affilié à la CCPPNU; on peut
renvoyer, sur ce point, aux motifs pertinents de la cour cantonale (cf. arrêt
5A_83/2008 du 28 avril 2008, publié in: FamPra.ch 2008 n° 89 [i.c. traducteur
auprès de l'OMC]). Il ne réfute pas davantage la méthode suivie par l'autorité
précédente pour calculer l'indemnité de l'art. 124 CC (art. 42 al. 2 LTF; sur
les exigences de motivation: ATF 134 II 244 et les arrêts cités). Quant aux
critiques relatives à l'application "détournée de l'article 125 CC" - dès lors
que l'intimée peut d'ores et déjà disposer de sa rente à la manière d'une
contribution d'entretien -, elles ont été examinées par la jurisprudence, à
laquelle il suffit de se référer (ATF 132 III 145 consid. 4 p. 152 ss et les
références citées; GEISER, Übersicht über die Rechtsprechung zum
Vorsorgeausgleich, in: FamPra.ch 2008 p. 309 ss, 326).

2.2 Le recourant prétend tout d'abord que l'indemnité de l'art. 124 CC a été
fixée sans que la situation financière de l'intimée - en particulier l'état de
sa prévoyance professionnelle - ait été établie d'une manière complète,
l'intéressée n'ayant pas produit les documents idoines; à cet égard, il dénonce
pêle-mêle un établissement inexact des faits (art. 97 al. 1 LTF), ainsi qu'une
violation des art. 9 et 29 Cst. (protection contre l'arbitraire et protection
de la bonne foi/droit d'être entendu).

Répondant aux critiques que le recourant avait déjà adressées au juge de
première instance, l'autorité précédente a considéré qu'il n'était pas
nécessaire de connaître l'intégralité du capital de prévoyance acquis par
l'intimée durant le mariage. En effet, une réduction de l'indemnité en deçà de
140'000 fr. supposerait que l'intéressée ait accumulé plus de 57'358 fr. à
titre d'avoirs de prévoyance professionnelle du 26 février 1986 au 31 décembre
1998 (168'679 - 140'000 x 2); elle aurait donc dû se constituer de ce chef au
moins 4'780 fr. par an en moyenne pendant cette période. Or, bien qu'étant tenu
de collaborer à l'établissement des faits, le recourant n'a pas allégué que sa
partie adverse aurait perçu une rémunération apte à lui procurer une prévoyance
professionnelle d'une telle ampleur; cela est au demeurant douteux, car, du 1er
janvier 1999 au 26 avril 2006, l'intéressée n'a accumulé qu'une prestation de
sortie annuelle de 2'680 fr. en moyenne, alors même qu'elle était en partie
libérée des tâches éducatives envers son fils Y.________. Dans ces conditions,
les magistrats cantonaux ont estimé que les prestations de sortie
éventuellement acquises par l'intimée entre le 26 février 1986 et le 31
décembre 1998 n'étaient pas susceptibles de modifier le calcul de l'indemnité
litigieuse.

L'autorité précédente n'a pas ordonné d'instruction complémentaire à la suite
d'une appréciation anticipée des preuves, procédé qui ne viole pas le droit
d'être entendu (ATF 115 Ia 97 consid. 5b p. 101), non plus que la maxime
inquisitoire (ATF 130 III 734 consid. 2.2.3 p. 735). Pour le surplus, le
recourant ne démontre pas en quoi l'opinion de l'autorité précédente serait
arbitraire; en particulier, il ne critique pas les motifs concernant les avoirs
accumulés durant la période de référence (1999 à 2006), ni l'argument déduit
des tâches éducatives dont l'intimée s'est acquittée envers l'enfant mineur (né
en 1987), situation qui ne lui a pas permis de réaliser les mêmes revenus
qu'après le divorce. Enfin, quant à l'insuffisance des documents relatifs à la
situation financière de son ex-femme, le recourant se limite à présenter sa
propre version des faits et à contredire ce que l'intéressée avait allégué en
instance cantonale (cf. son mémoire de réponse et appel incident du 6 février
2009, p. 4 in fine), ce qui ne suffit pas à démontrer l'arbitraire.

2.3 Le recourant soutient que la juridiction précédente a statué "ultra
petita", en allouant à l'intimée une prestation à laquelle elle n'avait pas
conclu.

La cour cantonale a considéré que ce moyen aurait dû être soulevé à l'appui
d'une requête de révision (cantonale) fondée sur l'art. 154 let. b et c LPC/GE
et, partant, ne pouvait plus être invoqué vu l'expiration du délai prévu par
l'art. 161 let. a LPC/GE. Elle a en outre relevé que, en instance d'appel,
l'intimée avait conclu à titre subsidiaire au versement d'une "contribution
d'entretien" correspondant à la moitié du capital de libre passage acquis par
le recourant durant le mariage; peu importe qu'elle se soit prévalue erronément
de l'art. 125 CC, puisque, en vertu du principe jura novit curia, le juge n'est
point lié par les moyens des parties et doit appliquer le droit d'office.

Le recourant ne critique aucun de ces motifs, de sorte que le grief est
entièrement irrecevable (ATF 133 IV 119 et les arrêts cités).

2.4 Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir retenu le taux de
change en vigueur "à l'entrée en force du divorce", et non - comme l'avait
décidé le Tribunal de première instance - au "jour du partage"; il se plaint de
la violation d'un "principe légal sous tendant l'ensemble des règles de
partage" prévues par le code civil (art. 589 et 617 CC) et le code des
obligations (art. 84, 236 et 240 CO).

Le recourant n'expose pas en quoi les règles relatives à la liquidation du
régime matrimonial ou au partage successoral seraient l'expression d'un
"principe général". Quoi qu'il en soit, l'avis de l'autorité cantonale apparaît
justifié sous l'angle de l'art. 122 CC (cf., par exemple, pour les intérêts:
Geiser, op. cit., p. 312; Baumann/Lauterburg, in: FamKommentar Scheidung, 2005,
n° 75 ad art. 122 CC); le recourant n'apporte aucun argument justifiant de
s'écarter de cette solution pour l'art. 124 CC.

Il est exact que la cour cantonale a opéré la conversion sur l'entier du
capital de prévoyance, dont elle n'a finalement retenu que les 80% au titre de
la prévoyance professionnelle acquise par le recourant durant le mariage.
Toutefois, que l'entier du capital de prévoyance soit converti avant d'être
réduit de 20% pour obtenir la prestation de sortie, ou que la conversion soit
effectuée sur le solde d'un montant réduit d'emblée de 20%, ne change rien au
résultat.

2.5 Le recourant affirme que son capital de prévoyance comprend de surcroît un
"troisième pilier de prévoyance liée".

Le point de savoir quelles sont les prestations couvertes par la caisse
concernée ressortit au fait (art. 105 al. 1 LTF); or, l'autorité précédente a
retenu que la prévoyance des fonctionnaires de l'ONU n'englobe pas "l'épargne
individuelle", constatation dont le recourant n'établit pas le caractère
arbitraire (art. 97 al. 1 LTF, en relation avec l'art. 9 Cst.).

2.6 Enfin, le recourant se plaint de ce que l'autorité précédente a fait
complètement abstraction de la contribution qu'il verse pour l'entretien de son
fils (i.e. 2'100 fr. par mois).

Le recourant n'expose pas à suffisance de droit quelles conséquences il entend
tirer de l'absence de prise en considération de cette obligation alimentaire
quant à l'indemnité allouée à l'intimée. De toute manière, il ressort de
l'arrêt attaqué que l'intéressé réalise un revenu mensuel net de 10'128 fr. et
que son minimum vital élargi est de 3'096 fr. par mois; il est ainsi en mesure
de s'acquitter des rentes mises à sa charge sans porter atteinte à son minimum
vital (cf. BAUMANN/LAUTERBURG, ibid., n° 12 et les arrêts cités). Cela étant,
il ne se justifie pas de revoir la "durée de l'échelonnement" et le "montant
des mensualités".

3.
En conclusion, le présent recours doit être rejeté dans la mesure de sa
recevabilité, aux frais du recourant (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu
d'allouer des dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre sur le
fond et s'est opposée à tort à l'octroi de l'effet suspensif.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens à l'intimée.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 5 mars 2010
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Hohl Braconi