Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.658/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_658/2009

Arrêt du 19 janvier 2010
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
Escher et von Werdt.
Greffière: Mme de Poret.

Parties
A.________,
représentée par Me Raphaël Tatti, avocat,
recourante,

contre

1. B.________,
2. C.________,
tous les deux représentés par Me Lars Rindlisbacher, avocat,
intimés.

Objet
mesures provisoires (possession/propriété),

recours contre le jugement de la Cour suprême du canton de Berne, Cour d'appel,
2ème Chambre civile,
du 26 août 2009.

Faits:

A.
A.a Le 4 mai 2009, A._________ a déposé devant le Président du Tribunal civil
d'arrondissement de Courtelary-Moutier-La Neuveville (ci-après le Tribunal
d'arrondissement) une requête de mesures provisoires à l'encontre de B.________
et du fils de cette dernière, C.________. La requérante concluait à être
autorisée à se rendre immédiatement au domicile des requis, en compagnie d'un
agent de la force publique, afin de localiser et de permettre la mise sous
mains de justice d'un étui à bijoux en cuir vert ainsi que de différents bijoux
lui appartenant et dont elle donne une description précise dans sa requête;
ordre devait être parallèlement donné aux requis, sous la menace de l'art. 292
CP, de remettre immédiatement lesdits objets aux personnes autorisées afin d'en
permettre la mise sous mains de justice.

Par jugement du 16 juin 2009, le Président 3 du Tribunal d'arrondissement
(ci-après le Président) a admis la requête déposée par A.________ en
application de l'art. 326 du code de procédure civile bernois (ci-après CPC/BE)
et a condamné B.________ et C.________ à restituer les objets réclamés à la
requérante, jusqu'au 26 juin 2009 à 12h00. Aucun délai n'a été imparti à la
requérante pour introduire une action au fond, le Président jugeant que la
procédure prenait fin par la remise des objets réclamés.
A.b Les requis ont fait appel de ce jugement, se prévalant d'un droit de
rétention (art. 895 ss CC) pour non-restitution, par la requérante, de
différents objets leur appartenant. Statuant sur cet appel le 26 août 2009, la
2ème Chambre civile de la Cour suprême du canton de Berne l'a admis et a rejeté
la requête de mesures provisoires déposée par A.________, considérant son
action comme étant périmée au sens de l'art. 929 al. 2 CC lors de
l'introduction de sa requête.

B.
Le 30 septembre 2009, A.________ exerce un recours en matière civile ainsi
qu'un recours constitutionnel subsidiaire devant le Tribunal fédéral. La
recourante conclut à l'admission de son recours et, principalement, à la
réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que le jugement de mesures provisoires du
16 juin 2009 est confirmé; subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause
aux autorités cantonales pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
A l'appui de ses conclusions, la recourante invoque l'application arbitraire de
l'art. 326 CPC/BE en relation avec l'action de l'art. 641 al. 2 CC.

Les intimés proposent l'irrecevabilité du recours en matière civile et le rejet
du recours constitutionnel subsidiaire. Ils demandent également à être mis au
bénéfice de l'assistance judiciaire. La cour cantonale ne s'est pas déterminée.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement sa compétence, respectivement
la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 134 III 115 consid. 1, 235
consid. 1, 379 consid. 1; 133 I 185 consid. 2 et les arrêts cités).

1.1 La décision entreprise soulève une question de nature civile au sens de
l'art. 72 al. 1 LTF, le caractère pétitoire ou possessoire de la présente
procédure étant litigieux.

Les décisions sur mesures provisionnelles sont finales si elles sont rendues
dans une procédure indépendante, qui met fin à l'instance sous l'angle
procédural (ATF 134 I 83 consid. 3.1 p. 86 sv.). Par l'arrêt attaqué, la cour
cantonale a jugé que la requête de mesures provisoires déposée par la
recourante devait être considérée comme tardive et l'a rejetée, l'action
possessoire au fond étant elle-même périmée au sens de l'art. 929 al. 2 CC.
L'arrêt attaqué constitue donc une décision finale au sens de l'art. 90 LTF.

1.2 Le recours en matière civile n'est ouvert que si la valeur litigieuse
minimale fixée par la loi, en l'espèce 30'000 fr., est atteinte (art. 74 al. 1
let. b LTF). Selon l'arrêt rendu sur appel, la valeur litigieuse est inférieure
à 30'000 fr., ce que la recourante ne conteste pas. Celle-ci prétend toutefois
que la contestation porterait sur une question juridique de principe (art. 74
al. 2 let. a LTF), ce qui lui ouvrirait la voie du recours en matière civile.

Pour autant qu'on la comprenne, la motivation de la recourante à cet égard
n'est pas pertinente. Selon la jurisprudence, il n'y a pas de question
juridique de principe si la même question peut être soulevée dans le cadre d'un
recours constitutionnel subsidiaire et être examinée par le Tribunal fédéral
avec une cognition identique à celle dont il aurait bénéficié s'il avait eu à
en connaître en statuant sur un recours en matière civile (ATF 134 I 184
consid. 1.3 p. 187 sv.; arrêts 4A_346/2008 du 6 novembre 2008 consid. 2.1;
5A_587/2008 du 29 septembre 2008 consid. 1.2; BERNARD CORBOZ, Commentaire de la
LTF, 2009, n. 36 ad art. 74 LTF). En tant que la décision attaquée refuse à la
recourante l'octroi de mesures provisionnelles et que les seuls moyens que
l'intéressée est susceptible d'invoquer dans le cadre de son recours en matière
civile sont limités à la violation des droits constitutionnels (art. 98 LTF),
la cognition du Tribunal de céans est dès lors identique à celle dont il
disposerait dans un recours constitutionnel subsidiaire (art. 116 LTF).
L'écriture de la recourante est en conséquence irrecevable en tant que recours
en matière civile.

1.3 S'agissant des autres conditions de recevabilité du recours constitutionnel
subsidiaire, la décision attaquée a été rendue par une autorité cantonale de
dernière instance (art. 75 LTF par renvoi de l'art. 114 LTF) et le recours a
été interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions devant
l'instance précédente (art. 115 LTF), dans le délai prévu par la loi (art. 100
al. 1 LTF par renvoi de 117 LTF). Le recours constitutionnel subsidiaire est
donc en principe recevable et seule la violation des droits constitutionnels
peut être invoquée (art. 116 LTF).

2.
Une décision est arbitraire (art. 9 Cst.) lorsqu'elle est manifestement
insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et
incontesté, ou heurte le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit
pas qu'une solution différente soit concevable, voire préférable; une telle
décision n'est de surcroît annulée que si elle se révèle arbitraire, non
seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209
consid. 2.1 p. 211).

Statuant sur recours contre une décision sur mesures provisionnelles, le
Tribunal fédéral montre une retenue d'autant plus grande que, compte tenu du
but assigné à cette procédure particulière, le juge n'examine la cause que de
manière sommaire et provisoire (ATF 120 II 393 consid. 4c p. 398).

3.
3.1 Se référant à l'art. 326 ch. 2 CPC/BE, la cour cantonale a relevé que, s'il
n'y avait pas de délai pour faire valoir le retour en possession d'une chose
indûment enlevée ou retenue, il convenait néanmoins de réserver l'art. 929 CC,
lequel prévoyait un délai de péremption d'un an dès le jour de l'usurpation ou
du trouble. Observant que les pièces produites par l'intéressée à l'appui de sa
requête de mesures provisoires démontraient que le trouble à la possession
invoqué existait depuis plusieurs années, les juges cantonaux en ont conclu que
l'action de la recourante était périmée au sens de l'art. 929 al. 2 CC lorsque,
le 4 mai 2009, elle avait introduit sa requête de mesures provisoires. Cette
dernière devait en conséquence être rejetée.

3.2 La recourante prétend être propriétaire des objets réclamés, statut qui
n'aurait fait l'objet d'aucune contestation de la part des intimés et n'aurait
pas été remis en cause par l'arrêt attaqué. Invoquant l'arbitraire, elle
soutient s'être prévalue de son droit de propriété et non de sa possession. Ce
n'est ainsi pas sur la base de mesures provisionnelles ordonnées dans le cadre
de l'art. 929 al. 2 CC que la juridiction cantonale aurait dû raisonner, mais
sur celle de mesures provisionnelles prononcées dans le cadre de l'action
fondée sur l'art. 641 al. 2 CC, cas également visé par l'art. 326 CPC/BE (ch. 1
et 3 let. a). En tant que l'art. 641 al. 2 CC ne prévoit pas de délai de
prescription, respectivement de péremption, la recourante ne pouvait se voir
reprocher d'avoir agi tardivement. Refuser au propriétaire le droit de requérir
des mesures provisionnelles reviendrait en effet à lui accorder une protection
moindre qu'au simple possesseur, ce qui ne serait pas admissible.

Les intimés soutiennent que la recourante ne peut fonder sa requête de mesures
provisionnelles sur l'art. 326 ch. 1 CPC/BE dans la mesure où elle n'a jamais
introduit de demande au fond, respectivement se trouve privée du droit de
l'introduire, et relèvent en outre que la condition de l'urgence n'est
nullement réalisée. Ils réaffirment par ailleurs être au bénéfice d'un droit de
rétention qui justifierait le maintien des bijoux en leur possession.

4.
Selon l'art. 326 ch. 2 CPC/BE, le juge peut ordonner une mesure provisoire, à
titre conservatoire, quand un intéressé l'en requiert et établit d'une façon
plausible qu'elle est nécessaire, notamment pour garantir une possession
menacée ainsi que pour rentrer en possession d'une chose indûment enlevée ou
retenue. Cette disposition vise non seulement la réalisation rapide d'une
prétention possessoire, à savoir la restitution des choses usurpées
illicitement à leur possesseur (art. 927 CC) ou la protection de ce dernier
face à un trouble de la possession (art. 928 CC), mais elle permet également de
garantir une prétention fondée sur la protection du droit de propriété
lui-même, à savoir une prétention pétitoire (GEORG LEUCH/OMAR MARBACH/FRANZ
KELLERHALS/MARTIN STERCHI, Die Zivilprozessordnung für den Kanton Bern, 5e éd.,
2000, n. 7a ad art. 326 CPC/BE; arrêt de la 2ème Chambre civile du canton de
Berne, Revue de la Société des Juristes bernois [RSJB] 61 p. 74 ss, p. 75).

La réintégrande, de même que l'action en raison du trouble de la possession,
doivent être introduites dans le délai de péremption (Paul-HENRI STEINAUER, Les
droits réels, tome I, 3e éd., 2007, n. 351; EMIL W. STARK/WOLFGANG ERNST,
Basler Kommentar, 3e éd., 2007, n. 4 ad art. 929) d'un an dès le jour de
l'usurpation ou du trouble (art. 929 al. 2 CC). Lorsque, selon cette dernière
disposition, les prétentions de nature possessoire sont périmées, l'art. 326
ch. 2 CPC/BE permet toutefois au requérant de prétendre au rétablissement d'un
état conforme au droit (pétitoire) par le biais des mesures provisoires
précédant l'action en revendication, elle-même imprescriptible (LEUCH/MARBACH/
KELLERHALS/STERCHI, n. 7c ad art. 326 CPC/BE). Seule l'action en revendication
peut d'ailleurs être introduite contre une personne qui détient sans droit la
possession d'un objet après l'avoir légitimement obtenue du requérant (Leuch/
Marbach/Kellerhals/Sterchi, n. 7c ad art. 326 CPC/BE et les références).

Il ressort du dossier cantonal que la recourante prétend être propriétaire des
bijoux dont elle demande la mise sous mains de justice, affirmant les avoir
confiés aux intimés. Cette prétention n'est pas contestée par ceux-ci, lesquels
affirment toutefois disposer d'un droit de rétention sur lesdits bijoux afin de
justifier leur possession. C'est en conséquence arbitrairement que les juges
cantonaux se sont limités à examiner le bien-fondé de l'action possessoire pour
conclure au rejet des mesures sollicitées, sans apprécier celui du
rétablissement provisoire de la requérante dans son statut de propriétaire. La
cause doit ainsi être renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle détermine si
les conditions d'octroi de mesures provisoires, avant (ou pendant) l'action en
revendication, sont réalisées, en particulier l'urgence des mesures
provisionnelles.

5.
Les intimés réclament le bénéfice de l'assistance judiciaire, se contentant à
cet égard de renvoyer aux pièces produites devant l'instance inférieure. Que le
requérant ait obtenu l'assistance judiciaire devant l'autorité précédente n'est
nullement décisif; l'octroi de l'assistance judiciaire devant le Tribunal
fédéral, qui relève exclusivement de l'art. 64 LTF, est totalement indépendant
de la décision prise dans une phase antérieure de la procédure (ATF 122 III 392
consid. 3a p. 393). Il ne suffit donc pas de se référer à la procédure
cantonale pour prétendre à l'octroi de l'assistance judiciaire, sans démontrer
que les conditions de l'art. 64 LTF sont remplies. La requête des intimés doit
donc être déclarée irrecevable.

6.
En conclusion, le recours en matière civile doit être déclaré irrecevable; le
recours constitutionnel subsidiaire doit être admis et la cause renvoyée à la
2ème Chambre civile du canton de Berne pour instruction et nouvelle décision au
sens des considérants. La requête d'assistance judiciaire des intimés est
irrecevable (art. 64 al. 1 LTF). Ceux-ci supporteront en conséquence les frais
judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et verseront une indemnité de dépens à la
recourante (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière civile est irrecevable.

2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est admis et la cause est renvoyée à la
Cour suprême du canton de Berne pour instruction et nouvelle décision au sens
des considérants.

3.
La requête d'assistance judiciaire des intimés est irrecevable.

4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis solidairement à la charge
des intimés.

5.
Une indemnité de 2'500 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise
solidairement à la charge des intimés.

6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de
Berne, Cour d'appel, 2ème Chambre civile.

Lausanne, le 19 janvier 2010
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Hohl de Poret