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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.649/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_649/2009

Arrêt du 23 février 2010
IIe Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
von Werdt et Herrmann.
Greffière: Mme de Poret.

Parties
A.________, (époux),
représenté par Me Laurence Casays, avocate,
recourant,

contre

dame A.________, (épouse),
représentée par Me Jean-Pierre Bloch, avocat,
intimée.

Objet
mesures protectrices de l'union conjugale,

recours contre le jugement du Tribunal d'arrondissement de Lausanne du 27 août
2009.

Faits:

A.
A.________, né le 27 mai 1970, et dame A.________, née le 21 mai 1972, se sont
mariés le 15 mai 2007.

Le couple n'a pas d'enfants communs, mais les époux ont chacun une fille, issue
d'une précédente union.

Les époux se sont séparés en mai 2009.

A.________ perçoit un salaire net de 8'150 fr. par mois, tandis que son épouse
a entrepris une formation de couturière en août 2008, dont le cursus est prévu
sur trois ans.

B.
Le 20 mai 2009, A.________ a déposé une requête de mesures protectrices de
l'union conjugale. Par prononcé du 25 juin 2009, le Président du Tribunal
d'arrondissement de Lausanne l'a astreint au paiement d'une pension mensuelle
de 3'700 fr., allocations familiales pour la fille de son épouse en sus, ce dès
et y compris le 1er juin 2009.

A.________ a appelé de cette décision, offrant le paiement d'une contribution
d'entretien en faveur de son épouse d'un montant de 750 fr. par mois, du 1er
juillet au 30 novembre 2009 au plus tard. Son appel a été rejeté par le
Tribunal d'arrondissement de Lausanne (ci-après le Tribunal d'arrondissement)
par arrêt du 27 août 2009.

C.
Par acte du 28 septembre 2009, A.________ exerce un recours en matière civile
devant le Tribunal fédéral, concluant à ce qu'il soit condamné à verser une
contribution d'entretien en faveur de son épouse d'un montant de 715 fr. par
mois, du 1er juillet au 30 novembre 2009 et, subsidiairement, au renvoi de la
cause à l'autorité cantonale. Le recourant invoque l'application arbitraire des
art. 163 et 125 al. 1 et 2 ch. 7 CC ainsi que la violation de son droit d'être
entendu.

L'intimée conclut au rejet du recours et demande le bénéfice de l'assistance
judiciaire; le Tribunal d'arrondissement a renoncé à déposer une réponse.

Considérant en droit:

1.
1.1 La décision de mesures protectrices de l'union conjugale (art. 172 ss CC)
est une décision en matière civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF (ATF 133 III
393 consid. 2 p. 395). Elle est finale selon l'art. 90 LTF car elle tranche
définitivement, dans une procédure séparée, des questions qui ne pourront plus
être revues avec l'éventuelle décision sur le divorce et les effets accessoires
(ATF 133 III 393 consid. 4 p. 395). Le recours a en outre pour objet une
décision rendue dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint
30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 LTF, art. 74 al. 1 let. b LTF), et il
a été interjeté dans le délai prévu par la loi (art. 100 al. 1 LTF), de sorte
qu'il est recevable au regard de ces dispositions.

1.2 Selon l'art. 75 al. 1 LTF, le recours en matière civile n'est recevable
qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale, ce qui
signifie que les griefs soulevés devant le Tribunal fédéral ne doivent plus
pouvoir faire l'objet d'un recours ordinaire ou extraordinaire de droit
cantonal (ATF 134 III 524 consid. 1.3 p. 527). Dans le canton de Vaud, le
jugement sur appel en matière de mesures protectrices de l'union conjugale ne
peut faire l'objet d'un recours en nullité que pour les motifs prévus par
l'art. 444 al. 1 et 2 du code de procédure civile vaudois (ci-après CPC/VD;
art. 369 al. 4 CPC/VD; arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal
vaudois du 15 janvier 1998, publié in JdT 1998 II 53), à savoir lorsque le
déclinatoire aurait dû être prononcé d'office (ch. 1) et pour absence
d'assignation régulière ou pour violation de l'art. 305 CPC/VD lorsque le
jugement a été rendu par défaut (ch. 2). Interjeté non pour ces motifs, mais
pour violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) et arbitraire (art.
9 Cst.), le recours est donc en principe recevable, le Tribunal
d'arrondissement s'étant prononcé en dernière instance cantonale.

1.3 Dès lors que le jugement entrepris porte sur des mesures provisionnelles
(ATF 133 III 393 consid. 5.1 in fine p. 397), seule peut être dénoncée la
violation des droits constitutionnels (art. 98 LTF).

2.
Le Tribunal d'arrondissement a avant tout observé que, si chaque époux devait,
le plus rapidement possible, accéder à l'indépendance financière, il ne fallait
pas occulter la subsistance, jusqu'au divorce, du principe de solidarité entre
époux. Ce principe, prévu à l'art. 163 CC, l'emportait d'ailleurs sur un
éventuel droit à l'aide sociale de l'Etat lorsque l'un des conjoints ne
parvenait pas à subvenir à son entretien. En tant que le mariage des parties
était de courte durée, l'intimée ne pourrait vraisemblablement compter que sur
un entretien limité après le divorce, de sorte qu'il était important de
décider, comme elle l'avait fait, d'entreprendre une formation professionnelle,
condition de son indépendance financière. Peu importait en l'espèce que la
décision prise par l'intimée de commencer un apprentissage durant la vie
commune fût unilatérale ou prise d'entente par le couple; de même, la question
de connaître le rôle joué par chacun des époux durant la vie commune était sans
incidence: en tant que le mari avait librement consenti au mariage et en
connaissait les conséquences juridiques, il n'appartenait pas à l'Etat de se
substituer aujourd'hui à sa responsabilité.

3.
3.1 Contestant implicitement l'application de l'art. 163 CC et le maintien de
l'obligation d'assistance qu'implique cette disposition, le recourant soutient
que la brièveté de son mariage, de même que l'absence complète de chances de
réconciliation entre les parties, plaideraient en faveur de l'application du
principe du clean break dès la séparation. La garantie d'une indemnité
équitable selon l'art. 125 CC n'entrerait en ligne de compte qu'en tant que le
conjoint qui y prétend ne pourrait pourvoir lui-même à son entretien
convenable. Cette disposition viserait en effet à pallier l'absence
d'indépendance financière du conjoint bénéficiaire, mais non à lui assurer une
formation professionnelle, comme l'aurait arbitrairement jugé le Tribunal
d'arrondissement.

L'intimée soutient en substance que le recourant ne démontrerait pas en quoi il
serait arbitraire d'estimer utile qu'elle termine sa formation, dans la mesure
où le revenu de son ex-mari lui permettrait d'assurer le versement de la
contribution alimentaire octroyée.
3.2
3.2.1 Le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art.
176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des
besoins respectifs des époux, sans anticiper sur la liquidation du régime
matrimonial (ATF 121 I 97 consid. 3b; 118 II 376 consid. 20b; 115 II 424
consid. 3; 114 II 26 consid. 8). L'art. 163 al. 1 CC constitue la cause de
l'obligation d'entretien; les deux époux doivent ainsi participer, chacun selon
ses facultés, aux frais supplémentaires engendrés par l'existence parallèle de
deux ménages.

Toutefois, quand on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie
commune, les critères applicables à l'entretien après le divorce doivent être
pris en considération pour évaluer l'entretien. Cela signifie d'une part que,
outre les critères posés précédemment par la jurisprudence, le juge retiendra
les éléments indiqués de façon non exhaustive par l'art. 125 al. 2 CC et,
d'autre part, qu'il y a lieu d'apprécier la situation à la lumière du principe
de l'indépendance économique des époux. L'époux demandeur pourra, selon les
circonstances, être ainsi contraint d'exercer une activité lucrative ou
d'augmenter son taux de travail (ATF 130 III 537 consid. 3.2; 128 III 65
consid. 4a et les réf. citées).
3.2.2 En application des critères établis par l'art. 125 CC, une contribution
d'entretien n'est due que si le mariage a concrètement influencé la situation
financière de l'époux créancier ("lebensprägend"). S'il faut présumer qu'un
mariage, dont la durée a été inférieure à cinq ans, n'a pas eu d'impact décisif
sur les conjoints (ATF 135 III 59 consid. 4.1 p. 61), la jurisprudence retient
toutefois qu'il y a une influence concrète lorsque, indépendamment de la durée
du mariage, le couple a eu des enfants communs (ATF 135 III 59 consid. 4.1 p.
61) ou encore en cas de déracinement culturel (arrêts 5C.49/2005 du 23 juin
2005, consid. 2.1 publié in FamPra.ch 2005 p. 919; 5A_384/2008 du 21 octobre
2008, consid. 3.1; 5A_275/2009 du 25 novembre 2009, consid. 2.1). Dans ces cas,
on admet que la confiance dans la continuation du mariage et dans le maintien
de la répartition des rôles convenue librement par les parties mérite
objectivement d'être protégée (arrêts 5A_384/2008 du 21 octobre 2008, consid.
3.1; 5C.169/2006 du 13 septembre 2006, consid. 2.4 publié in Fampra.ch 2007 p.
147).

Si la confiance dans le maintien de la situation créée par le mariage ne mérite
pas protection au sens de la jurisprudence précitée, le juge doit examiner dans
quelle mesure l'époux concerné peut exercer une activité lucrative, compte tenu
de son âge, de son état de santé et de sa formation. Lorsqu'on exige d'un époux
qu'il reprenne une activité lucrative, il faut ainsi lui accorder un délai
d'adaptation approprié: il doit en effet avoir suffisamment de temps pour
s'adapter à la nouvelle situation, notamment lorsqu'il doit trouver un emploi.
Ce délai doit par ailleurs être fixé en fonction des circonstances concrètes du
cas particulier (cf. ATF 114 II 12 consid. 5; 129 III 417 consid. 2.2).
3.2.3 En l'espèce, la juridiction inférieure n'a pas appliqué les principes
jurisprudentiels sus-exposés. En l'absence de perspective de réconciliation,
elle se devait en effet d'appliquer par analogie les critères développés par la
jurisprudence en application de l'art. 125 CC, ce qu'elle n'a pas fait. Sa
décision est dès lors arbitraire.

L'intimée, de nationalité brésilienne, ne prétend toutefois pas avoir quitté
son environnement culturel en vue du mariage contracté avec le recourant. Elle
ne peut donc se prévaloir d'un éventuel déracinement culturel pour prétendre
que le mariage aurait eu une influence concrète sur sa situation financière. Le
tribunal n'a cependant pas recherché si le recourant se serait, ou non, engagé
à garantir financièrement la formation professionnelle entreprise par son
épouse. Dans l'affirmative, la confiance dans le maintien de la situation créée
par le mariage devra être protégée et la présomption de l'absence d'impact
décisif du mariage, liée à la brièveté de l'union, sera ainsi renversée. Dans
la négative, le Tribunal d'arrondissement devra en revanche se référer à la
situation qui était celle de l'intimée avant la conclusion du mariage pour
déterminer si elle peut, ou non, prétendre à une éventuelle contribution
d'entretien.

4.
Le recourant reproche également au Tribunal d'arrondissement de ne pas
expliquer, en violation de son droit d'être entendu, pourquoi l'épouse aurait
besoin d'une formation professionnelle complémentaire pour acquérir une
indépendance financière.

Ce grief n'a toutefois pas à être examiné, le sort du recours étant scellé par
le considérant précédent.

5.
En tant que l'intimée ne démontre pas être dans le besoin, ni n'établit qu'une
provisio ad litem ne pourrait lui être allouée pour sa participation à la
procédure fédérale de recours (ATF 91 II 253 consid. 1 p. 255; Jean-François
Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, n. 4
ad art. 152 OJ), sa requête d'assistance judiciaire doit être rejetée. Le fait
que l'intimée ait plaidé devant les juridictions cantonales au bénéfice de
l'assistance judiciaire n'est au demeurant pas déterminant, puisque l'octroi de
celle-ci devant le Tribunal fédéral, qui relève exclusivement de l'art. 64 LTF,
est totalement indépendant de la décision prise dans une phase antérieure de la
procédure (ATF 122 III 392 consid. 3a p. 393).

6.
En conclusion, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et l'affaire
renvoyée à la juridiction cantonale pour instruction et nouvelle décision au
sens des considérants. La requête d'assistance judiciaire de l'intimée est
rejetée. L'issue du litige demeurant incertaine, il se justifie enfin de faire
supporter les frais judiciaires à raison de 1'250 fr. par l'épouse et 1'250 fr.
par le recourant (art. 66 al. 1 LTF) et de compenser les dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le
sens des considérants.

2.
La requête d'assistance judiciaire de l'intimée est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis pour moitié à la charge du
recourant et pour moitié à la charge de l'intimée.

4.
Les dépens sont compensés.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal d'arrondissement de
Lausanne.

Lausanne, le 23 février 2010
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Hohl de Poret