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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.495/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_495/2009

Arrêt du 24 septembre 2009
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes les Juges Hohl, Présidente,
Escher et Jacquemoud-Rossari.
Greffière: Mme Aguet.

Parties
X.________,
représenté par Me Hubert Theurillat, avocat,
recourant,

contre

Masse en liquidation du concordat par abandon d'actif X.________, p.a.
Z.________, Office des poursuites et faillites, case postale 97, 2900
Porrentruy,
intimée.

Objet
mesures provisoires (possession), évacuation,

recours contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura
du 8 juillet 2009.

Faits:

A.
A.a X.________ est propriétaire des immeubles feuillets n° 522, 825, 836, 851,
853, 863, 869, 874, 886, 1050 et 1773 du ban de Y.________.
A.b Par jugement du 9 février 2007, le concordat par abandon d'actif proposé
par la Masse en faillite de X.________ a été homologué. Le 25 juin 2008, la
Commission des créanciers a accepté la proposition de vendre de gré à gré à
A.________ l'ensemble des immeubles appartenant au débiteur pour le prix global
de 1'430'000 fr. Le contrat de vente a été signé le 24 juillet 2008. A la suite
d'un arrêt rendu le 9 février 2009 par le Tribunal fédéral, statuant sur
recours du débiteur, cette vente est définitive.

B.
B.a A la requête de Z.________, agissant en qualité de liquidateur dans la
procédure concordataire, le Tribunal de première instance du canton du Jura a,
par jugement du 6 avril 2009, prononcé l'expulsion de X.________ pour le 30
avril 2009 à 15 heures des locaux et/ou emplacements qu'il occupe sur
l'immeuble feuillet n° 825 du ban de Y.________, sous réserve du droit
d'habitation en faveur de sa mère sur l'appartement du bâtiment n° 98, ainsi
que des autres immeubles dont il est propriétaire à Y.________, lui a fait
interdiction, dès l'échéance précitée, d'exploiter les immeubles et lui a
ordonné, dans le même délai, de libérer ses immeubles des objets et/ou animaux
pouvant s'y trouver.
B.b Par arrêt du 8 juillet 2009, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton
du Jura a rejeté l'appel déposé par X.________ et ordonné son expulsion pour le
31 août 2009.

C.
X.________ interjette le 28 juillet 2009 un recours en matière civile au
Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant principalement au rejet de la
requête d'expulsion; subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt et
au renvoi de l'affaire à la cour cantonale "pour nouveau jugement à rendre au
sens des considérants, éventuellement afin de suspension de la procédure
d'expulsion du recourant jusqu'à droit connu sur la procédure administrative
xxxx partant (sic) devant Mme la Juge administrative du Tribunal de Première
Instance".
Par ordonnance du 25 août 2009, la Présidente de la IIe Cour de droit civil a
admis la requête d'effet suspensif présentée par le recourant.

L'intimée n'a pas été invitée à se déterminer sur le fond.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 134 III 115 consid. 1 p. 117).

1.1 Le recours est dirigé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une
décision rendue en matière civile (art. 72 LTF), dans une affaire pécuniaire
dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b), par une
autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF). Que l'on qualifie
la décision, comme l'a fait la cour cantonale, de décision sur mesures
provisionnelles ou, comme le soutient la doctrine (JUNOD MOSER/GAILLARD, in
Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 10 ad art. 229 LP), de
décision d'exécution forcée, elle est finale. En effet, également dans le
premier cas de figure, la jurisprudence considère que la décision provisoire
prise indépendamment d'une procédure principale, notamment en matière de
protection de la possession, est finale (Message, in FF 2001 4000 ss, p. 4129;
arrêt 5A_181/2007 du 26 juin 2007 consid. 1.2). Le recourant, qui a pris part à
la procédure devant l'autorité précédente, a un intérêt juridique à sa
modification (art. 76 al. 1 LTF). Partant, le recours en matière civile est en
principe recevable.

1.2 Les griefs qui peuvent être invoqués devant le Tribunal fédéral diffèrent
selon qu'on est en présence d'une décision de mesures provisionnelles (cf. art.
98 LTF) ou non (cf. art. 95 et 96 LTF). En l'espèce, la question peut demeurer
indécise, vu l'issue du recours.

2.
La cour cantonale a retenu que, à teneur de l'art. 319 al. 1 LP, lorsque
l'homologation du concordat par abandon d'actif est devenue définitive, le
débiteur n'a plus le droit de disposer de ses biens; les liquidateurs
accomplissent tous les actes nécessaires à la conservation et à la réalisation
de la masse ou, s'il y a lieu, au transfert de propriété (al. 3). Le
liquidateur doit prendre possession des biens du débiteur soumis au concordat
par abandon d'actif au nom de la masse et veiller à ce qu'ils ne diminuent pas
durant le sursis. Le débiteur est tenu de mettre les actifs à disposition des
liquidateurs (art. 222 LP par analogie). Ceux-ci sont légitimés à agir en
expulsion contre le débiteur qui occupe sans droit un immeuble appartenant à la
masse; ils peuvent fixer les conditions auxquelles le débiteur peut rester dans
son logement et la durée de ce séjour, par analogie avec l'art. 229 al. 3 LP.
En l'espèce, l'homologation du concordat par abandon d'actif du recourant est
définitive, de sorte que le liquidateur est légitimé, conformément à l'art. 319
LP, à requérir son expulsion; le recourant occupe sans droit les immeubles
concernés, indépendamment du fait qu'il soit toujours inscrit au registre
foncier comme propriétaire.

Les immeubles ont été vendus le 24 juillet 2008 à A.________; cette vente est
définitive, le recours dirigé contre celle-ci par le recourant auprès du
Tribunal fédéral ayant été rejeté par arrêt du 9 février 2009 (arrêt 5A_611/
2008). Selon la cour cantonale, le fait que l'intéressé soit toujours inscrit
au registre foncier en tant que propriétaire, comme il le fait valoir, est sans
incidence sur la légitimation du liquidateur à requérir son expulsion, vu
l'art. 319 LP. En outre, le recourant ne peut tirer argument, pour s'opposer à
son expulsion, du fait que l'acheteur ne disposerait pas encore de toutes les
autorisations requises par la Loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit
foncier rural (RS 211.412.11; LDFR) - et ne pourrait les obtenir en raison du
fait qu'il n'exploiterait pas personnellement le domaine mais achèterait pour
le compte d'autres personnes -, respectivement que l'acheteur n'aurait pas
respecté le délai de 10 jours pour requérir l'autorisation d'acquérir au sens
de l'art. 67 LDFR, si bien que l'office devrait révoquer la vente en faveur de
A.________. A cet égard, les juges précédents ont considéré, d'une part, que le
recourant, en qualité de débiteur, n'a pas qualité pour intervenir dans la
procédure LDFR consécutive à une vente forcée de son immeuble et, d'autre part,
que dès l'entrée en force du concordat, le débiteur doit mettre à disposition
du liquidateur les biens compris dans le concordat et cela même si les biens
n'ont pas encore été réalisés; le fait que l'acheteur pourrait se voir refuser
les autorisations administratives nécessaires à l'acquisition des immeubles du
recourant n'est donc pas de nature à faire obstacle à son expulsion. Enfin, la
cour cantonale a confirmé l'urgence de la mesure d'expulsion.

3.
Le recourant soutient que son expulsion a été requise afin de permettre
l'exécution de la vente du 24 juillet 2008, ce qui postule que cette vente
puisse être inscrite au registre foncier. Or, selon lui, l'acquéreur n'aurait
pas respecté l'art. 67 LDFR; dans ces circonstances, de nouvelles enchères
devraient être ordonnées. De même, pour les parcelles vendues qui ne sont pas
dans le périmètre du remaniement parcellaire de Y.________, une autorisation
LDFR devrait être demandée à la Commission foncière rurale du canton du Jura;
or, aucune demande de ce type n'aurait été déposée par l'acquéreur dans le
délai de l'art. 67 al. 1 LDFR. Le recourant fait grief à la cour cantonale de
n'avoir pas examiné ces questions dans le cadre de la procédure d'expulsion, ce
qui constituerait une violation de son droit d'être entendu; les juges
précédents auraient également interprété de manière arbitraire l'art. 67 al. 1
LDFR et admis tout aussi arbitrairement que l'acte de vente du 24 juillet 2008
était valable et pouvait justifier son expulsion, car il s'agirait d'une vente
fictive. En outre, ce serait à tort que la cour cantonale a considéré qu'il n'a
pas la qualité pour intervenir dans le cadre de la procédure LDFR; il affirme
avoir un intérêt digne de protection à l'annulation de la vente litigieuse,
dans la mesure où il a une proposition d'achat venant de tiers disposés à
acquérir une partie seulement de son domaine, ce qui lui permettrait de
poursuivre son activité d'agriculteur et d'éleveur de chevaux.

4.
Selon l'art. 319 al. 3 LP, les liquidateurs accomplissent tous les actes
nécessaires à la conservation et à la réalisation de la masse ou, s'il y a
lieu, au transfert des biens. Les tâches du liquidateur sont comparables à
celles des administrateurs d'une faillite (JUNOD MOSER/GAILLARD, op. cit., n°
32 ad art. 319 LP; GILLIÉRON, Commentaire de la loi sur la poursuite pour
dettes et la faillite, vol. 4, 2003, n° 6 ad art. 319 LP). Le liquidateur doit
prendre possession des biens du débiteur soumis au concordat par abandon
d'actif au nom de la masse et veiller à ce qu'ils ne diminuent pas déjà durant
le sursis. Le débiteur est tenu de mettre les actifs à disposition du
liquidateur (art. 222 LP par analogie). Celui-ci peut fixer les conditions
auxquelles le débiteur peut rester dans son logement et la durée de ce séjour
(art. 229 al. 3 LP par analogie; JUNOD Moser/Gaillard, op. cit., n° 33 ad art.
319 LP; WINKELMANN/LÉVY/JEANNERET/ MERKT/BIRCHLER, Kommentar zum Bundesgesetz
über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. 3, 1998, n° 27 ad art. 319 LP). Il
décide selon sa propre appréciation. La communication des conditions et de la
durée pendant laquelle le débiteur et sa famille peuvent demeurer dans le
logement, est une décision formelle, contre laquelle peut être déposée une
plainte (art. 17ss LP). Cette décision, entrée en force, permet au liquidateur
d'obtenir l'expulsion du débiteur, soit directement (avec l'intervention de la
force publique si nécessaire), soit en suivant les règles du droit procédural
cantonal (MOSER/GAILLARD, op. cit., n° 10 ad art. 229 LP; JAEGER/WALDER/ KULL/
KOTTMANN, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. 2, 4e éd. 1997/
1999, n° 9 ad art. 229 LP; BlSchK 1952 p. 180 et 1956 p. 180).

5.
En l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que, préalablement à la signature de
la vente, le recourant a été informé par courrier du liquidateur du 30 juin
2008 qu'il devait libérer l'ensemble des immeubles jusqu'au 30 septembre 2008,
à l'exception de l'appartement occupé par sa mère au bénéfice d'un droit
d'habitation. Le 20 octobre 2008, un délai de dix jours lui a été imparti pour
libérer les immeubles et les locaux vendus. Enfin, suite au jugement rendu par
le Tribunal fédéral le 9 février 2009, il a été prié de prendre position sur la
libération des lieux. Le recourant n'a pas porté plainte contre la décision du
liquidateur du 30 juin 2008, pas plus d'ailleurs que contre les mises en
demeure subséquentes. Cette décision est ainsi en force et l'intéressé ne peut
plus la remettre en question dans le cadre de l'exécution de l'expulsion. Il
n'y a donc pas lieu d'examiner dans la présente procédure les griefs que le
recourant tire du fait que la vente ne serait pas valable, dans la mesure où
cela reviendrait à mettre en cause la décision du liquidateur. Il s'ensuit que
le recours est irrecevable.

6.
Enfin, en tant que le recourant semble diriger son recours également contre une
ordonnance rendue le 2 juillet 2009 par la cour cantonale, aux termes de
laquelle elle a rejeté la requête de l'intéressé tendant à la suspension de la
procédure jusqu'à droit connu sur celle l'opposant au Service de l'économie
rurale, il est irrecevable pour les mêmes raisons.

7.
Vu ce qui précède, le recours est irrecevable. Dans la mesure où l'effet
suspensif a été accordé au recours, il convient d'ordonner à nouveau
l'expulsion du recourant. Celui-ci, qui succombe, supportera les frais
judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à
l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
L'expulsion du recourant est ordonnée pour le 30 novembre 2009 à 15 heures,
l'arrêt attaqué étant confirmé pour le surplus.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal
cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 24 septembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Hohl Aguet