Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.490/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_490/2009

Arrêt du 13 novembre 2009
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
Marazzi et Jacquemoud-Rossari.
Greffier: M. Braconi.

Parties
X.________ SA en sursis concordataire,
représentée par Me Marc Joory, avocat,
recourante,

contre

Y.________,
représentée par Me Matteo Pedrazzini, avocat,
intimée,
Office des poursuites de Genève,
intimé.

Objet
réquisition de continuer la poursuite en conversion du séquestre,

recours contre la décision de la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des
faillites du canton de Genève du 9 juillet 2009.

Faits:

A.
A.a Le 29 août 2007, Y.________ a introduit devant la Cour suprême de l'Etat de
New York une action en paiement contre X.________ SA, société de droit
brésilien ayant son siège à Sao Paulo.
A.b Le 19 octobre 2007, Y.________ a obtenu le séquestre, à concurrence de
20'090'891 fr. 21 plus intérêts à 2 % dès le 29 septembre 2006, des avoirs de
X.________ en mains de la succursale genevoise de la banque; dans sa
réquisition, la requérante indiquait qu'une action était déjà pendante devant
la Cour suprême de l'Etat de New York. Cette ordonnance (n° 0) a été exécutée
le même jour par l'Office des poursuites de Genève. Le 24 octobre 2007, la
banque a avisé l'Office que le séquestre avait porté, mais que tous les avoirs
dont X.________ était titulaire dans ses livres faisaient l'objet de séquestres
ordonnés le 19 juillet précédent (n° 1 et n° 2). Le procès-verbal a été
communiqué à Y.________ le 6 novembre 2007.
A.c Le 16 novembre 2007, l'Office a enregistré une réquisition de poursuite de
Y.________ contre X.________ en paiement de 20'090'891 fr. 20 plus intérêts à 5
% l'an dès le 29 septembre 2006. Sous la rubrique "Autres observations",
figurait la remarque suivante: "Validation du séquestre n° 3 du 19 octobre
2007. Action déposée devant la Cour suprême de l'Etat de New-York, index xxx".

Le commandement de payer (n° 4) a été notifié à X.________ le 4 décembre 2007
et frappé d'opposition totale. L'exemplaire destiné au créancier a été retourné
à Y.________ le 7 décembre 2007.

B.
B.a Le 6 octobre 2008, la Cour suprême de l'Etat de New York a rendu un premier
jugement ("Summary judgement") par lequel elle a admis la responsabilité de
X.________ à concurrence de 17'167'300 US$, la question des intérêts et frais
étant renvoyée à une autre procédure.

Le 25 novembre 2008, la Cour suprême de l'Etat de New York a rendu un second
jugement ("Index n° xxx") par lequel elle a ordonné que le jugement portant sur
la responsabilité de X.________ quant au capital de la condamnation (17'167'300
US$) soit séparé du jugement relatif aux intérêts, frais et honoraires, qu'un
jugement soit rendu en faveur de Y.________ à concurrence de ladite somme et
que le tribunal demeure compétent pour statuer sur la question des intérêts,
frais et honoraires que Y.________ est en droit de recevoir. Cette décision a
été communiquée aux parties le 1er décembre 2008.
B.b Le 9 décembre 2008, Y.________ a requis l'exequatur et la mainlevée
définitive de l'opposition dans la poursuite en validation.

Par jugement du 2 février 2009, communiqué aux parties le 5 février 2009, le
Tribunal de première instance de Genève a déclaré exécutoire le jugement Index
n° xxx et prononcé la mainlevée définitive à concurrence de 20'090891 fr. 20.
Ce prononcé est devenu définitif et exécutoire.

C.
C.a Le 11 février 2009, Y.________ a requis la continuation de la poursuite en
validation de séquestre.

Par lettre du 10 mars 2009, l'Office a informé la poursuivante qu'il ne pouvait
donner suite à sa réquisition, les délais fixés par l'art. 279 LP n'ayant pas
été observés, et qu'il devait donc constater la caducité du séquestre,
conformément à l'art. 280 LP. Il a maintenu expressément sa position le 17 mars
2009.
C.b Le 19 mars 2009, Y.________ a déposé plainte contre cette décision,
concluant à son annulation.

Statuant le 9 juillet 2009, la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des faillites du canton de Genève a accueilli la plainte, annulé
la décision du 10 mars 2009 et invité l'Office à donner suite à la réquisition
de continuer la poursuite.

D.
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral,
X.________ conclut à ce que cette décision soit annulée et à ce que l'intimée
soit déboutée de toutes ses conclusions, subsidiairement à ce que la cause soit
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

Des observations sur le fond n'ont pas été requises.

E.
E.a Par ordonnance du 3 septembre 2009, la Présidente de la Cour de céans a
attribué l'effet suspensif au recours.
E.b Par ordonnance du 22 septembre 2009, la Juge instructeur de la Cour de
céans a fixé au mandataire de la recourante - qui fait l'objet d'une procédure
dite de «restructuration judiciaire» conformément au droit brésilien - un délai
de 30 jours pour justifier de ses pouvoirs de représenter la débitrice
concordataire.

Les documents requis ont été fournis en temps utile.

Considérant en droit:

1.
1.1 Déposé en temps utile (art. 100 al. 2 let. a LTF) contre une décision
finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 350 consid. 1.2 p. 351) rendue par une
autorité de surveillance en matière de poursuite pour dettes statuant en
dernière (unique) instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF), le présent recours en
matière civile est recevable, indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74
al. 2 let. c LTF).

1.2 La décision à la base de la procédure de plainte (i.e. le rejet d'une
réquisition de continuer la poursuite en validation de séquestre) n'a pas pour
objet une mesure provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF, mais le refus de
l'office des poursuites de procéder à un acte matériel, en sorte que la
recourante n'est pas limitée à se plaindre d'une violation de ses droits
constitutionnels (arrêt 5A_197/2009 du 26 juin 2009, consid. 1.2, destiné à la
publication).

1.3 La formulation des conclusions (principales) du recours n'est pas très
heureuse; néanmoins, on comprend que la recourante entend voir le Tribunal
fédéral confirmer la décision de l'Office et, partant, constater la caducité du
séquestre. Il s'ensuit que le recours est recevable sous l'angle de l'art. 42
al. 1 LTF (BRACONI, in: JdT 2009 II 78 ss, spéc. 90 et les arrêts cités en note
120; en général: MERZ, in: Basler Kommentar, BGG, n° 18 ad art. 42 LTF, avec
d'autres citations).

2.
Comme l'a relevé l'autorité précédente, sous réserve d'une convention
internationale (art. 1er al. 2 LDIP; ATF 115 III 148 consid. 3 p. 153), une
mesure de concordat étrangère ne produit d'effets en Suisse que si elle y a été
reconnue (art. 166 al. 1 LDIP, applicable par renvoi de l'art. 175 LDIP;
DALLÈVES, in: FJS n° 987 p. 15 ch. V/A). Cette condition n'étant pas réalisée
ici, l'ordonnance du 13 mars 2009 - par laquelle le Tribunal de Sao Paulo a
ouvert à l'égard de la débitrice une procédure dite de "recuperação judicial" -
ne fait pas obstacle à la procédure en validation du séquestre, sans qu'il
faille décider à ce stade si un sursis concordataire étranger serait par
ailleurs susceptible de reconnaissance (cf. sur ce point: arrêt 5P.189/1996 du
19 septembre 1996 consid. 3b, in: SJ 1997 p. 102; KAUFMANN-KOHLER/SCHÖLL, in:
Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 9 ss ad art. 175 LDIP). De
même - quel que soit le sort du présent recours -, il est exclu que l'office
suisse des poursuites donne suite à la requête du Juge du Tribunal de Sao
Paulo, du 20 juillet 2009, tendant au déblocage ainsi qu'à la remise des fonds
séquestrés (cf. ATF 134 III 366 consid. 9.2.4 p. 377/378).

3.
La recourante reproche à la juridiction précédente de n'avoir "fait que copier
les considérants de l'ATF 5A_197/2009", mais sans analyser en détail cet arrêt,
ni le comparer et l'adapter à la présente espèce; elle y voit un défaut de
motivation qui suffirait, en lui-même, pour annuler la décision attaquée.

3.1 Bien que la recourante n'invoque explicitement aucune disposition
constitutionnelle, son moyen s'appuie sur l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 129 I 232
consid. 3.2 p. 236; 121 I 54 consid. 2c p. 57). Ce grief ayant trait à une
garantie de nature formelle (ATF 104 Ia 201 consid. 5g p. 214), il faut en
connaître d'abord (ATF 124 I 49 consid. 1 p. 50).

3.2 La question de savoir si la jurisprudence sur laquelle s'est fondée
l'autorité cantonale est ou non pertinente aux fins de la présente affaire
relève de la juste application du droit, et non du déni de justice formel; dès
lors que l'on discerne les motifs ayant guidé le juge, le droit à une décision
motivée est respecté, même si ces motifs sont erronés (arrêt 5A_831/2008 du 16
février 2009 consid. 2.3.1; cf. également: ATF 126 I 97 consid. 2c p. 103). Au
demeurant, il ressort de l'argumentation du mémoire que la recourante a saisi
la portée de la décision entreprise et a pu la déférer en toute connaissance de
cause (cf. ATF 114 Ia 233 consid. 2d p. 242).

4.
4.1 Dans son arrêt 5A_197/2009 du 26 juin 2009, la Cour de céans a jugé que,
lorsque le procès est pendant à l'étranger avant l'obtention du séquestre, le
séquestrant est en droit de requérir la poursuite sans attendre la notification
du jugement; si le débiteur a fait opposition, il doit requérir la mainlevée
définitive (art. 81 al. 3 LP) dans les 10 jours à compter de la communication
du jugement étranger, par application combinée des al. 2 et 4 de l'art. 279 LP
(consid. 2.3, à publier dans les ATF). En dépit de l'interprétation de l'art.
279 LP à laquelle se livre la recourante, il n'y a pas lieu de revenir sur ces
principes.

Comme l'a déclaré le Tribunal fédéral dans l'arrêt précité, la loi proscrit
uniquement l'introduction d'une poursuite après l'expiration d'un délai de 10
jours dès la notification du jugement étranger (ibidem). Partant, le fait que
la réquisition de poursuite ait été formée en l'occurrence dans les 10 jours de
la réception du procès-verbal de séquestre (cf. art. 279 al. 1 LP) ne saurait
entraîner aucun préjudice pour l'intimée, à laquelle l'on ne saurait reprocher
un manque de diligence. Pour le surplus, les autres conditions posées par la
jurisprudence apparaissent réalisées; en particulier, l'intimée a requis la
mainlevée dans les 10 jours à partir de la communication du jugement américain
(cf. infra, consid. 4.2).

4.2 La recourante soutient que le séquestre est de toute façon caduc pour un
autre motif. En effet, le jugement de la Cour suprême de l'Etat de New York a
été rendu le 6 octobre 2008 et, faute d'avoir fait l'objet d'un appel, est
devenu définitif le 6 novembre suivant. L'intimée devait donc requérir la
mainlevée dans les 10 jours à partir de cette dernière date, alors qu'elle n'a
déposé sa requête que le 9 décembre 2008.

Cette argumentation part d'une prémisse erronée. Selon l'arrêt précité, le
délai pour requérir la mainlevée ne court pas de l'entrée en force du jugement
étranger, mais de sa communication (ibidem). Il est vrai que la recourante se
réfère au jugement du 6 octobre 2008 (i.e. "Summary judgement"). Or, il résulte
des constatations souveraines de l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) que
le prononcé accordant l'exequatur et la mainlevée se rapporte au jugement
"Index n° 07-602920" rendu le 25 novembre 2008 et notifié aux parties le 1er
décembre 2008. En outre, comme l'a relevé l'intimée dans ses observations sur
la requête d'effet suspensif, la recourante avait elle-même affirmé dans ses
notes de plaidoirie que le jugement du 6 octobre 2008 n'était "aucunement
final, ni même exécutoire" (p. 5 ch. 13-15 et p. 6 ss let. a).

5.
En conclusion, le présent recours doit être rejeté, avec suite de frais à la
charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu
d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre sur le fond
et s'est opposée à tort à l'octroi de l'effet suspensif (arrêt 5P.291/2004 du
22 septembre 2004, consid. 6, in: ZZZ 2004 p. 428 et la jurisprudence citée).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Il n'est pas alloué de dépens à l'intimée.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Commission de surveillance
des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 13 novembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Hohl Braconi