Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.441/2009
Zurück zum Index II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2009
Retour à l'indice II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2009


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_441/2009

Arrêt du 7 décembre 2009
IIe Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Escher, Juge présidant,
von Werdt et Herrmann.
Greffier: M. Braconi.

Parties
X.________,
représentée par Me Jean-Pierre Garbade, avocat,
recourante,

contre

Y.________,
représentée par Me Christophe Wilhelm, avocat,
intimée.

Objet
mainlevée d'opposition,

recours contre l'arrêt de la Cour des poursuites
et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 12 mars 2009.

Faits:

A.
Le 29 mai 2008, X.________ (poursuivante) a fait notifier à Y.________
(poursuivie) un commandement de payer les sommes de: (1) 142'847 fr. 95 plus
intérêts à 5% dès le 1er janvier 2002, (2) 5'000 fr. plus intérêts à 5% dès le
31 janvier 1997 et (3) 7'000 fr. plus intérêts à 5% dès le 10 avril 2008; elle
a invoqué les causes de l'obligation suivantes: «1-3) Contrat de travail et
déclaration de garantie du 26.11.1996 : arriérés de salaire au 31.11.06 (net)
après déduction des salaires, cotisations sociales et primes d'assurances
payées. Tort moral pour usure. Frais de recouvrement par avocat». Cet acte a
été frappé d'opposition totale.

B.
Par prononcé du 3 novembre 2008, le Juge de paix du district de Nyon a rejeté
la requête de mainlevée provisoire de l'opposition. Statuant le 12 mars 2009,
la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud a
confirmé cette décision.

C.
La poursuivante forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
cet arrêt; sur le fond, elle conclut au prononcé de la mainlevée provisoire à
concurrence de 70'973 fr. 45 plus intérêts à 5% dès le 1er janvier 2002,
subsidiairement de 87'713 fr. 85 plus intérêts à 5% dès le 1er janvier 2002,
«sous réserve des cotisations sociales et primes de l'assurance accident
non-professionnelles». Elle demande le bénéfice de l'assistance judiciaire pour
la procédure fédérale.

La poursuivie propose le rejet du recours; l'autorité cantonale se réfère à son
arrêt.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le présent recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) à
l'encontre d'une décision qui confirme, en dernière instance cantonale et sur
recours (art. 75 LTF), le refus de la mainlevée provisoire (art. 72 al. 2 let.
a et art. 90 LTF; ATF 134 III 115 consid. 1.1 p. 117). La valeur litigieuse de
30'000 fr. est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF; ATF 134 III 267 consid. 1.1
p. 269). Enfin, la poursuivante, qui a succombé devant l'autorité précédente, a
qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).

1.2 Les compléments que la recourante apporte à l'état de fait de la décision
attaquée sont irrecevables (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elle ne démontre,
conformément aux exigences légales (art. 106 al. 2 LTF), que les faits sur
lesquels se sont fondés les magistrats cantonaux sont arbitrairement
lacunaires.

2.
En l'espèce, la cour cantonale a retenu que la poursuivie ne contestait pas que
la poursuivante avait travaillé à son service pendant la période en question
(i.e. du 6 janvier 1997 au 31 octobre 2006), en sorte que le contrat valait, en
principe, titre à la mainlevée provisoire.

L'autorité précédente a ensuite analysé la «déclaration de garantie» en vertu
de laquelle la poursuivie s'est engagée à «traiter son employé[e] aux
conditions de rémunération et de travail en usage dans la localité et la
profession concernées». A cet égard, il n'est pas certain que la Convention
collective de l'hôtellerie et de la restauration soit applicable en
l'occurrence. Quant à la «déclaration de garantie», elle ne se passe pas
d'interprétation; elle ne permet en tout cas pas d'admettre que le contrat-type
genevois pour les travailleurs de l'économie domestique serait applicable dans
la région de Nyon. Quoi qu'il en soit, ces points échappent à la cognition du
juge de mainlevée, lequel peut limiter son instruction à l'examen des pièces
produites; partant, il ne lui appartient pas de déterminer quel type de contrat
de travail s'applique. Le contrat prévoit néanmoins un salaire mensuel de 1'527
fr., d'où une rétribution totale de 180'186 fr.; en tenant compte des montants
que la poursuivie a versés (93'761 fr. 05), il resterait un solde de 86'424 fr.
95. Toutefois, il est difficile de préciser pour quel montant la poursuivante
bénéficie d'un titre à la mainlevée: tout d'abord, il y aurait lieu de déduire
«des montants reçus nets d'un montant dû brut»; en outre - et surtout -, le
montant des «cotisations de l'assurance-maladie» que la poursuivie a payées -
et dont la poursuivante admet qu'elles doivent être prises en compte - est
inconnu. Devant «l'impossibilité de déterminer le montant de la créance
susceptible de justifier la mainlevée», c'est à juste titre que le premier juge
a refusé la mainlevée.

2.1 Selon la jurisprudence, constitue une reconnaissance de dette, au sens de
l'art. 82 al. 1 LP, l'acte authentique ou sous seing privé signé de la main du
poursuivi - ou de son représentant -, d'où découle sa volonté de payer au
poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou
aisément déterminable, et échue (ATF 130 III 87 consid. 3.1 p. 88); elle peut
résulter du rapprochement de plusieurs pièces, autant que les éléments
nécessaires en résultent (ATF 132 III 480 consid. 4.1 p. 481). Le contrat de
travail (art. 319 ss CO) vaut, en principe, reconnaissance de dette dans la
poursuite en recouvrement du salaire s'il est constant que le travail a été
fourni (arrêt 5A_367/2007 du 15 octobre 2007 consid. 3.1 et les références;
PANCHAUD/CAPREZ, La mainlevée d'opposition, 2e éd., 1980, § 86; MEYER, Die
Rechtsöffnung auf Grund synallagmatischer Schuldverträge, 1979, p. 167 ss).

2.2 Le motif principal de la décision entreprise repose sur l'ignorance du
montant des cotisations d'assurance-maladie. Or, ce motif apparaît
manifestement erroné. Comme le relève avec raison la recourante, le montant
acquitté de ce chef ressort des pièces produites en première instance par
l'intimée; celle-ci a explicitement admis qu'une somme de 310 fr. par mois
était versée à ce titre, ledit «montant ayant en réalité augmenté de CHF 200.-
à CHF 310.- au fil du temps» (p. 4 ch. 31, avec renvoi à diverses pièces). La
recourante n'a, d'ailleurs, pas manqué de le signaler dans son recours cantonal
(p. 6 ch. 9). Vu ce qui précède, il appartiendra à l'autorité cantonale de
compléter ses constatations sur ce point et de statuer à nouveau.

2.3 La question de savoir si, à l'instar des juridictions de prud'hommes (arrêt
4C.319/1995 du 8 avril 1997 consid. 2b/aa; BERSIER, Salaire brut ou salaire
net?, in: RSJ 78/1982 p. 299 ss), le juge de mainlevée peut lever l'opposition
pour un montant brut, sous déduction des cotisations sociales, n'est pas
résolue clairement (par exemple: arrêt 5P.364/2002 du 16 décembre 2002 consid.
2.1.2).

Il ressort (implicitement) d'un arrêt tessinois que le juge de mainlevée doit
prononcer la mainlevée (ici provisoire) à concurrence d'un montant net, à
savoir une fois opérées les déductions légales (Rep. 1987 p. 242, spéc. 243;
dans ce sens: STAEHELIN, in: Basler Kommentar, vol. I, 1998, n° 126 ad art. 82
LP; VOCK, in: Kurzkommentar, SchKG, 2009, n° 26 ad art. 82 LP). Selon un arrêt
neuchâtelois, lorsqu'un jugement condamne au paiement d'un montant brut, il
incombe à l'employeur poursuivi de prouver qu'il s'est effectivement acquitté
des cotisations sociales, faute de quoi la mainlevée (définitive) doit être
octroyée pour ce montant brut (RJN 1995 p. 71).

Vu la solution qu'elle a adoptée, la cour cantonale n'a pas examiné ce point,
qu'il lui appartiendra de trancher dans son nouvel arrêt.

3.
En conclusion, le présent recours doit être admis dans la mesure de sa
recevabilité, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la juridiction
précédente pour qu'elle statue à nouveau (art. 107 al. 2 LTF). Les frais et
dépens incombent à l'intimée (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF), en
sorte que la requête d'assistance judiciaire de la recourante devient sans
objet (ATF 133 I 234 consid. 3 in fine p. 248).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable, l'arrêt attaqué est
annulé et l'affaire est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision
dans le sens des considérants.

2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est sans objet.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

4.
Une indemnité de 3'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise
à la charge de l'intimée.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour des poursuites et
faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 7 décembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant: Le Greffier:

Escher Braconi