Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.422/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_422/2009

Arrêt du 28 août 2009
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes les Juges Hohl, Présidente, Escher et
Jacquemoud-Rossari.
Greffière: Mme de Poret.

Parties
A.________,
représenté par Me Pierre Siegrist, avocat,
recourant,

contre

Dame A.________,
représentée par Me Antoine Kohler, avocat,
intimée.

Objet
divorce,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 15 mai 2009.

Faits:

A.
A.________ et Dame A.________ se sont mariés le 14 janvier 2002 à Z.________.
Le couple n'a pas d'enfants.

Les époux A.________ vivent aujourd'hui séparés. Selon A.________, cette
séparation daterait du 1er décembre 2004, tandis qu'aux dires de son épouse,
elle serait intervenue le 15 septembre 2004 déjà.

B.
B.a Le 13 novembre 2006, Dame A.________ a déposé, devant le Tribunal de
première instance du canton de Genève, une première demande unilatérale en
divorce fondée sur l'art. 115 CC. Cette procédure est actuellement pendante
devant la 18ème chambre de ce tribunal.
B.b En audience de comparution personnelle, A.________ a soulevé l'exception
d'incompétence ratione loci, invoquant avoir lui-même déposé une demande en
divorce, le 4 décembre 2006, devant le Tribunal de Y.________ (VS). Cette
exception a été rejetée par jugement du Tribunal de première instance du canton
de Genève le 22 février 2007, décision confirmée le 14 septembre 2007 par la
Cour de justice. Il a en effet été jugé que A.________ n'avait pas démontré
s'être constitué un domicile légal en Valais lorsque son épouse avait introduit
sa demande en divorce, le 13 novembre 2006.

Dans l'intervalle, le 12 mars 2007, A.________ a retiré sa demande; le 14 mars
2007, il en a déposé une nouvelle, fondée sur l'art. 114 CC, également devant
le tribunal valaisan. Cette dernière juridiction a refusé d'entrer en matière,
suite aux décisions précitées du Tribunal de première instance et de la Cour de
justice du canton de Genève.
B.c Le 4 février 2008, Dame A.________ a introduit, toujours devant le Tribunal
de première instance de Genève, une seconde demande unilatérale en divorce,
fondée cette fois sur l'art. 114 CC. Elle y a préalablement conclu à la
jonction de cette cause avec la procédure ouverte le 13 novembre 2006.

Dans ses écritures sur incident de jonction, A.________ a soulevé l'exception
de litispendance, concluant à l'irrecevabilité de la seconde demande en divorce
déposée par son épouse. Celle-ci a déclaré s'en rapporter à justice sur la
jonction et la suspension de la cause jusqu'à droit jugé sur sa première
demande en divorce.
Par jugement du 25 septembre 2008, le Tribunal de première instance a rejeté
l'exception de litispendance, estimant que la première requête, subsidiaire à
la seconde, était devenue sans objet. Il a par ailleurs rejeté les conclusions
de l'épouse tendant à la jonction des deux procédures, l'intérêt de procéder en
application des art. 114 et 115 CC n'ayant pas été démontré.

Statuant sur appel de A.________ le 15 mai 2009, la Cour de justice l'a rejeté,
confirmant la décision du premier juge.

A.
Le 19 juin 2009, A.________ interjette devant le Tribunal fédéral un recours en
matière civile contre l'arrêt rendu par la cour cantonale, demandant son
annulation. Se plaignant de la violation des art. 2, 114 et 115 CC, le
recourant conclut principalement à ce que soit prononcée l'incompétence des
instances cantonales saisies par son épouse pour connaître de la demande en
divorce fondée sur l'art. 114 CC et conclut à l'irrecevabilité de celle-ci,
voire à son rejet. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause aux
instances cantonales.

L'intimée n'a pas été invitée à répondre.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 133 II 462 consid. 2, 629 consid. 2 et la jurisprudence citée).

1.1 Toute décision qui ne peut être qualifiée de finale ou de partielle au sens
de l'art. 90, respectivement 91 LTF, doit en principe être considérée comme une
décision préjudicielle ou incidente au sens des art. 92 et 93 LTF. Une décision
est préjudicielle ou incidente lorsqu'elle est rendue en cours de procès et ne
constitue qu'une étape vers la décision finale; elle peut avoir pour objet une
question formelle ou matérielle, tranchée préalablement à la décision finale
(ATF 133 III 629 consid. 2.2).
Confirmant le rejet de l'exception de litispendance soulevée par le recourant
devant le Tribunal de première instance, l'arrêt entrepris revêt un caractère
incident. En tant qu'elle statue sur une exception de litispendance, la
décision attaquée doit par ailleurs être considérée comme une décision sur la
compétence au sens de l'art. 92 al. 1 LTF (BERNARD CORBOZ, Commentaire de la
LTF, 2009, n. 12 ad art. 92 LTF; cf. pour l'ancien droit: ATF 123 III 414
consid. 4b). Notifiée séparément, elle peut faire l'objet d'un recours immédiat
au Tribunal fédéral (art. 92 al. 1 LTF).

1.1 La décision entreprise déboute le recourant de son exception de
litispendance, soulevée dans le cadre de la procédure de divorce qui l'oppose à
l'intimée - seconde procédure fondée sur l'art. 114 CC. Il s'agit donc d'une
décision prise en matière civile (art. 72 al. 1 LTF), par un tribunal supérieur
de dernière instance cantonale (art. 75 LTF), dans une affaire non pécuniaire.
Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), le recours en matière civile est,
dès lors, en principe recevable.

2.
Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est lié ni par les motifs invoqués par les
parties ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale (cf.
ATF 130 III 297 consid. 3.1); iI peut donc admettre un recours pour un autre
motif que ceux qui ont été invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter
en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf.
ATF 130 III 136 consid. 1.4 in fine, 297 consid. 3.1).

3.
Seule demeure litigieuse l'exception de litispendance soulevée par le
recourant.

3.1 Celui-ci affirme en effet que, faute pour l'intimée d'avoir retiré sa
première demande en divorce (fondée sur l'art. 115 CC), celle-ci serait
toujours pendante, et que la seconde (fondée sur l'art. 114 CC) devrait en
conséquence être déclarée irrecevable. Il soutient également que l'intimée
aurait fait un usage abusif de la procédure: en liant l'instance au for
genevois par sa première demande, puis en déposant la seconde après avoir
attendu l'écoulement de la durée légale de séparation instaurée par l'art. 114
CC, l'intimée aurait ainsi lié le Tribunal sans interruption et empêché le
recourant de lui-même saisir le tribunal valaisan de son domicile d'une demande
fondée sur l'art. 114 CC.

3.2 Après avoir souligné qu'aucune des parties ne contestait leur séparation
effective et ininterrompue depuis au moins deux ans lors du dépôt, par
l'épouse, de la seconde demande unilatérale de divorce fondée sur l'art. 114
CC, la Cour de justice a jugé que l'intimée n'avait pas commis d'abus de droit
en introduisant cette seconde demande. L'épouse avait non pas invoqué la
nouvelle cause de divorce dans le cadre de la procédure déjà pendante, mais
introduit une nouvelle demande, à l'issue du délai de deux ans. La demande
fondée sur l'art. 115 CC, devenue subsidiaire à celle fondée sur l'art. 114 CC,
avait ainsi perdu tout objet et devrait être retirée, le divorce des parties
devant être prononcé au vu de la seule réalisation du critère objectif de la
durée de séparation des époux. La cour cantonale a ainsi confirmé que le risque
de jugements contradictoires était écarté, si bien que l'exception de
litispendance soulevée par le recourant devait être rejetée. Celui-ci ne
pouvait d'ailleurs s'opposer au principe du divorce fondé sur ce critère
objectif dans la mesure où il avait lui-même déposé, devant le tribunal de son
domicile allégué en Valais, une demande unilatérale en divorce fondée sur
l'art. 114 CC et sur laquelle cette dernière juridiction n'était pas entrée en
matière, après que la Cour de justice du canton de Genève avait rejeté
l'exception d'incompétence ratione loci invoquée par le recourant.

4.
Il y a lieu avant tout d'examiner le bien-fondé de l'exception de
"litispendance" soulevée par le recourant en relation avec l'action de l'art.
115 et celle de l'art. 114 CC, toutes deux ouvertes par son épouse.

4.1 Le divorce sur demande unilatérale est régi par les art. 114 et 115 CC. Un
époux peut demander unilatéralement le divorce lorsque, au début de la
litispendance de la demande ou au jour du remplacement de la requête commune
par une demande unilatérale, les conjoints ont vécu séparés pendant deux ans au
moins (art. 114 CC). Avant l'expiration de ce délai, chaque époux peut
toutefois demander le divorce en invoquant que des motifs sérieux, qui ne lui
sont pas imputables, rendent la continuation du mariage insupportable (art. 115
CC).

Le divorce sur demande unilatérale après suspension de la vie commune pendant
deux ans au moins (art. 114 CC) constitue une cause absolue de divorce, en ce
sens que la rupture du lien conjugal est présumée, de manière irréfragable,
après l'écoulement d'un délai de deux ans (ATF 126 III 404 consid. 4a;
notamment: ROLAND FRANKHAUSER, in INGEBORG SCHWENZER (éd.), Praxiskommentar
Scheidungsrecht, 2005, n. 1 sv. ad art. 114 CC; Jean-François Perrin, Les
causes du divorce selon le nouveau droit, in Renate Pfister-Liechti (éd.), De
l'ancien au nouveau droit du divorce, 1999, p. 25). La cause de divorce
instaurée par l'art. 115 CC est ainsi subsidiaire par rapport à celle de l'art.
114 CC (ATF 126 III 404 consid. 4b et les nombreuses références doctrinales
citées). Dès lors, lorsque le demandeur invoque les deux motifs de séparation -
ce qui est admissible - le tribunal saisi doit avant tout examiner si les
conditions de l'art. 114 CC sont remplies. Dans l'affirmative, l'intérêt
juridique à l'examen de la demande sous l'angle de l'art. 115 CC disparaît
(THOMAS SUTTER/DIETER FREIBURGHAUS, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, 1999,
n. 7 ad art. 115 CC). Lorsqu'en revanche le demandeur fonde sa demande
exclusivement sur l'art. 115 CC et que le délai de deux ans expire en cours de
procédure, une transformation de la demande n'est pas envisageable et le
tribunal ne pourra dès lors prononcer le divorce en se référant à l'art. 114
CC. Il appartiendra au demandeur d'introduire une nouvelle action sur la base
de cette dernière disposition, après avoir formellement retiré la première
(RUTH REUSSER, Die Scheidungsgründe und die Ehetrennung, in Heinz Hauser (éd.),
Vom alten zum neuen Scheidungsrecht, 1999, n. 1.67; Daniel Steck, in Basler
Kommentar, 3e éd., 2007, n. 20 ad art. 114 CC; PERRIN, op. cit., p. 30). Il
pourra en faire de même si la demande fondée sur l'art. 115 CC est rejetée,
sans que le principe de l'autorité de la chose jugée puisse lui être opposé
(arrêt 5C.221/2001 du 20 février 2002 consid. 4b publié in SJ 2002 I p. 276 et
les références; arrêt 5C.18/2002 du 14 mai 2002 consid. 4.3). Il n'est
cependant pas exclu que le conjoint demandeur conserve un intérêt juridique à
faire examiner la cause de divorce fondée sur l'art. 115 CC, ne serait-ce, par
exemple, que pour des questions liées à la dissolution du régime matrimonial -
qui rétroagit au jour du dépôt de la requête (art. 204 al. 2 CC) - ou pour
maintenir le prononcé d'éventuelles mesures provisoires qu'il aurait obtenues
et qu'il devrait en conséquence demander à nouveau dans le cadre de la nouvelle
procédure.

4.2 L'exception de litispendance vise à éviter la coexistence de plusieurs
procès, et le risque de jugements contradictoires que celle-ci entraîne,
lorsque des actions, portant sur le même objet et opposant les mêmes parties,
sont introduites devant différents tribunaux, à plusieurs endroits (cf. art. 35
LFors; ATF 128 III 284 consid. 3b/bb p. 288).

Tel n'est pas le cas en l'occurrence puisqu'il s'agit de deux actions, portant
certes sur le même objet (le divorce), mais dont le fondement juridique est
différent (art. 114 et 115 CC), et qui sont formées devant le même juge. La
question de savoir si le juge saisi de la demande fondée sur l'art. 114 CC
pouvait déclarer sans objet celle fondée sur l'art. 115 CC, sans avoir
préalablement et formellement ordonné la jonction des deux procédures, peut
rester indécise dans la mesure où l'épouse n'a pas recouru contre cette
décision et que le recourant ne s'en plaint pas.

5.
Autre est toutefois la question de savoir si, en l'espèce, le juge genevois
pouvait décider d'entrer en matière sur la demande de l'épouse, fondée sur
l'art. 114 CC, alors que l'époux avait, de son côté, ouvert antérieurement une
action fondée sur l'art. 114 CC en Valais. Cette question peut néanmoins rester
ouverte, faute pour le recourant de disposer d'un intérêt juridique à la voir
tranchée.

L'art. 76 al. 1 let. b LTF subordonne en effet la recevabilité du recours en
matière civile à l'existence d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la
modification de la décision attaquée. Contrairement à ce que soutient le
recourant, rien ne l'empêchait, ni ne l'a d'ailleurs empêché, de déposer en
Valais une demande en divorce fondée sur l'art. 114 CC. Après avoir en effet
introduit en Valais une première demande en divorce, finalement retirée, le
recourant en a déposé une seconde, fondée sur l'art. 114 CC. Cette dernière
action, introduite en Valais le 14 mars 2007, à savoir antérieurement à celle
qu'a déposée l'intimée à Genève, a été déclarée irrecevable par le juge
valaisan. La cause a été radiée du rôle et le recourant n'a pas interjeté
recours contre cette décision de non-entrée en matière. Dans ces conditions, il
ne dispose d'aucun intérêt juridique à l'admission d'une exception de
litispendance, faute de procédure pendante en Valais.

6.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa
recevabilité. Les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui
succombe (art. 66 al. 1 LTF). Aucune indemnité de dépens n'est accordée à
l'intimée qui n'a pas été invitée à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 28 août 2009

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Hohl de Poret